Lettres inédites de Léon Aucoc à Arthur Mangin

Sont publiées ici deux lettres et une carte de visite avec mention manuscrite, envoyées par Léon Aucoc, membre de l’Institut, juriste de formation rallié à la doctrine du libéralisme, et Arthur Mangin, collaborateur de Paul Leroy-Beaulieu au journal l’Économiste français. Dans l’une de ces lettres, Léon Aucoc précise la nature de son libéralisme et de ses convictions sur les attributions de l’État : tandis que Mangin reste fidèle à la conception de l’État minimal, Aucoc considère que le libéralisme doit s’ouvrir à plusieurs revendications légitimes d’intervention de l’État.

Discours contre la colonisation de la France au Tonkin et à Madagascar

En décembre 1885, lors de la grande discussion à l’Assemblée sur les questions coloniales, et notamment sur l’intervention au Tonkin et en Annam (Viet Nam), Frédéric Passy choisit à nouveau de prendre la parole pour une exposition longue et détaillée des raisons pour lesquelles, contrairement à la plupart de ses collègues de tous bords, il rejette la politique coloniale de la France. C’est une protestation vibrante et rare d’un authentique libéral, fidèle aux idéaux de ses prédécesseurs, contre la politique de spoliation à l’extérieur qui s’appelle colonisation.

État de la question d’Afrique

En 1843, Gustave de Beaumont répond à une brochure du général Bugeaud et remet en cause la politique purement militaire que celui-ci mène et entend poursuivre en Algérie. Pour Gustave de Beaumont, la colonisation de l’Algérie est une œuvre de la plus haute importance pour la France et il la soutient pleinement. Mais après la phase de la conquête, il faut désormais que la colonisation agricole et de peuplement s’accentue, et cela ne peut se faire qu’à deux conditions : 1° qu’on donne à l’Algérie des institutions qui protègent la propriété et établissent un minimum de droits et libertés ; 2° qu’à la colonisation sous l’impulsion de l’État et par les fonds de l’État, on substitue une colonisation libre et issue de l’initiative privée.

Entre mère et fille

Sans cesse sur la brèche, Frédéric Passy a consacré son infatigable ardeur à la popularisation des nombreuses idées qui lui tenaient à cœur. Dans cette petite brochure d’éducation féminine, publiée en 1907, il présente en language accessible à l’enfance les mystères de la reproduction et offre des conseils aux jeunes gens, sur le mariage, la vie sentimentale, et les principes de la vie quotidienne. 

Anarchisme théorique et collectivisme pratique, par Alphonse Courtois (1885)

Pour lutter contre le développement des idées socialistes, qu’il présente comme l’exact opposé des vérités démontrées de l’économie politique, Alphonse Courtois étudie dans cette brochure leurs fondements et leurs modes de réalisation. L’étude des principaux auteurs de ce courant — Karl Marx, F. Engels, Schäffle — montre que derrière un anarchisme théorique (l’État disparaissant en théorie avec la fin de la société de classes), se trouve un collectivisme pratique, dont les moyens tyranniques laissent prévoir une immense déchéance à la nation qui aurait l’imprudence d’appliquer le socialisme à la mode de ces auteurs.

Des limites de l’intervention de l’État dans la question ouvrière

Lors de la discussion à l’Académie des sciences morales et politiques en 1886, sur les attributions légitimes de l’État, Léon Aucoc prend la parole après les partisans du laissez-faire, Paul Leroy-Beaulieu et J.-G. Courcelle-Seneuil, et après les réclamations faites par le philosophe Paul Janet, plus ouvert aux revendications du socialisme. Pour Léon Aucoc, s’opposer au socialisme est une évidence, et lui-même se place dans le camp du libéralisme, mais d’un libéralisme souple, prêt à quelques concessions. Car pour remporter la bataille des idées, soutient-il, il convient de ne pas s’accrocher à des principes théoriques absolus et relevant de l’utopie, au risque de rester sans poids dans les discussions politiques.

Correspondance entre M. Graslin et M. l’abbé Baudeau sur un des principes fondamentaux de la doctrine des soi-disants philosophes économistes

En 1777, l’économiste Graslin publie en brochure la discussion critique échangée dix ans auparavant entre lui-même et le physiocrate Baudeau. Il s’agissait alors du premier livre de controverse économique de l’histoire. Dans cette discussion (arrangée éditorialement par Graslin, qui prit quelques libertés) les deux économistes débattaient tout d’abord de la question de la productivité de l’industrie ; la discussion passait ensuite sur le thème du progrès technique et du sort des ouvriers remplacés par les inventions nouvelles.

Préface à L’arbitrage international par Ferdinand Dreyfus

Dans cette préface donnée en 1892 à un livre sur l’arbitrage, Frédéric Passy note le progrès des esprits, y compris dans les sphères de pouvoir, sur cette notion du recours à l’arbitrage international pour solutionner les conflits armés. Infatigable pacifiste, il croit voir un progrès dans le ralliement de certains, ou dans la fin des moqueries qui touchaient encore, quelques années auparavant, les disciples proclamés de l’abbé de Saint-Pierre.

De la politique extérieure de la france au 29 octobre 1840

En 1839, lorsque les affaires d’Orient agitent l’Europe, la Chambre des députés et la presse sont unanimes pour réclamer une intervention de la France, qui puisse jouer son rôle dans les discussions, faire connaître et respecter ses intérêts, et maintenir sa réputation de grande puissance qui compte dans les affaires du monde. Quand, l’année suivante, cette unanimité s’étiole, Gustave de Beaumont, chaleureux partisan, comme Tocqueville, d’une politique étrangère active, produit une petite brochure pour critiquer cette tendance et rappeler son attachement constant pour l’influence française sur le monde, par la diplomatie et par les armes.

Communauté et communisme

À la veille du déchaînement révolutionnaire de la Commune de Paris, Frédéric Passy attaque les idées désormais populaires du communisme. Cette théorie lui paraît tout à la fois réfutée par la pratique et la théorie. Elle n’aboutit, en fin d’analyse, qu’au dénuement commun et à l’arrêt du progrès, lequel n’est stimulé, l’espèce humaine étant ce qu’elle est, que par le mobile de l’intérêt personnel. En renversant la propriété et en niant la liberté, le communisme se montre ainsi l’ennemi de la communauté des hommes.

Rapport sur le mémoire de M. Macarel, touchant la constitution et l’état de la propriété dans l’Algérie à l’époque de la conquête des Français

Devant l’Académie des sciences morales et politiques, Gustave de Beaumont fait état de ses observations sur un récent mémoire de M. Macarel, consacré à la propriété en Algérie. Si les Français agiront en oppresseurs ou en conquérants sages et respectés, dépend avant tout des lois et mœurs qui dominent en Algérie à l’époque même où ils en ont renversé le gouvernement. De ce point de vue, il est certain que la notion de propriété privée existe dans le droit musulman, et c’est une réalité avec laquelle il faut nécessairement compter.

La question des jeux (1872)

« La loterie, quelque bien réglementée qu'on la suppose, a toujours été, elle sera toujours la glorification de la chance, c'est-à-dire la déconsidération du travail et de l’ordre. En détournant de l'application, de l'économie, de la vie régulière, elle accoutume à attendre la fortune, comme une manne, d'autre chose que des efforts qui la conquièrent et la conservent ; elle abaisse les hommes en les poussant à convoiter plus qu'à mériter. Elle les porte à l'oisiveté, à l'impatience, aux comparaisons injustes et envieuses ; à l'irritation quand la roue leur est contraire, à la dissipation quand elle leur est favorable, à l'imprévoyance et à l'irréflexion toujours. Elle engendre, en un mot, les habitudes les plus opposées à la prospérité publique comme à la prospérité particulière, les plus déplorables au point de vue du bonheur domestique et de la tranquillité sociale. »

Jean-Baptiste Say entrepreneur (1805-1812), d’après les travaux d’un historien local

Pendant sept années, Jean-Baptiste Say, écarté de ses fonctions officielles et empêché par Napoléon de publier comme il l’entend la deuxième édition de son Traité d’économie politique, a mené une deuxième vie d’entrepreneur dans une commune reculée du nord de la France, Auchy-lès-Hesdin. Un historien local, qui y est né, vient de consacrer un ouvrage complet à l’aventure de cette ville, anciennement terre d’abbaye, qui s’est transformée ensuite, sous l’impulsion de Say, en centre manufacturier. Son ouvrage, richement illustrée, fait l’état de recherches approfondies sur Say et son expérience entrepreneuriale ; il est d’une lecture intéressante et enrichissante.

L’amélioration des logements d’ouvriers dans ses rapports avec l’esprit de famille

Suite au concours organisé en 1889 par l’Académie des sciences morales et politiques sur la question des logements ouvriers, Henri Baudrillart présente dans son rapport les conclusions de la section de morale, appelée à distribuer le prix. Il les fait précéder d’une longue analyse de cette question, où il s’attache à délimiter les bornes réduites de l’action étatique et à rappeler la supériorité générale des procédés fondés sur l’initiative individuelle, la propriété et la liberté.

L’agitation communiste et révolutionnaire dans les réunions populaires

En 1869, Henri Baudrillart signale comme très dangereuse la fermentation communiste et révolutionnaire qui se développe librement dans les réunions populaires parisiennes, et qui devait aboutir à brève échéance à l’effusion de la Commune de Paris. Non, sans doute, pour réclamer à la loi de sévir, car ces exagérations et cet usage malfaisant de la liberté ne changent pas, dit-il, son adhésion totale au principe de la liberté. Mais du moins ces développements doivent servir d’avertissement, tant aux agitateurs qu’aux classes bourgeoises prises à parti.

Pierre Bayle : tolérance et liberté religieuse

À une époque agitée par des troubles religieux très graves, Pierre Bayle a porté la voix de la concorde et de la tolérance avec force et courage, jusqu'à s'attirer les critiques de son propre milieu protestant. C'est qu'à la différence des premiers défenseurs de la tolérance en Europe, il étend la liberté religieuse à tous. Aujourd'hui, un musée installé dans sa maison natale, à Carla-Bayle (Ariège), retrace cette vie au service de la paix des religions, et cette pensée riche qui a nourrie le siècle des Lumières.

Dans la bibliothèque de Benjamin Constant

Pour un penseur d’envergure, la bibliothèque est à l’image de l’homme. À ce titre, c’est une publication utile que la liste de celle de Benjamin Constant, qui vient d’être dressée pour la série documentaire qui accompagne la grande collection des Œuvres complètes publiées chez De Gruyter. Cette liste, reconstituée à partir de quatre catalogues dressés par Constant lui-même à différentes périodes de sa vie, est malheureusement partielle, comme des indications laissées dans sa correspondance, ou certains manques grossiers, le font apparaître. Elle n’en a pas moins une valeur documentaire très forte, qui légitime sa publication et en fera un outil de travail précieux.

Nicolas Baudeau, physiocrate, fondateur des Éphémérides du Citoyen

À Chancelade, où il a été formé et a vécu comme chanoine régulier, nous revenons sur l'abbé Nicolas Baudeau, physiocrate, défenseur de la propriété et des libertés, qu'il a étudié du point de vue philosophique et économique. Auteur de nombreux ouvrages et fondateur premier du périodique les Éphémérides du Citoyen, il a laissé une trace réelle dans l'histoire de la pensée libérale en France et à l'étranger.

Laissons Faire, n°45, mai 2022

Au programme de ce nouveau numéro : Documents relatifs à l’exil des physiocrates Baudeau et Roubaud suite au renvoi de Turgot (juillet-septembre 1776, 28 pièces.) — L’agitation communiste et révolutionnaire dans les réunions populaires, par Henri Baudrillart (1869). — L’immigration. La question des Chinois en Californie, des Juifs en Roumanie, etc. (Société d’économie politique, 1880). — Défense de la liberté du travail, par Nicolas Baudeau (1771). — Recension critique : Montaigne, penser en temps de guerres de Religion, sous la direction d’Emiliano Ferrari, Thierry Gontier et Nicola Panichi, Paris, Classiques Garnier, décembre 2021.

Honnêteté et tolérance chez Montaigne

Montaigne, penser en temps de guerres de Religion, sous la direction d’Emiliano Ferrari, Thierry Gontier et Nicola Panichi, Paris, Classiques Garnier, décembre 2021. — Fruit de deux colloques successifs, organisés en octobre 2016 (Lyon III) et novembre 2017 (Scuaola Normale Superiore di Pisa, Italia), cet ouvrage collectif apporte des éléments de conceptualisation pour mieux comprendre l’engagement de Montaigne, pratique et théorique, en faveur de la tolérance et de la concorde. Les contributions des meilleurs spécialistes de Montaigne tracent, par touches successives, les contours de l’honnêteté et de la tolérance de l’auteur des Essais.