La Société d’économie politique (Anthologie) – Volume I

La Société d'économie politique a vu débattre en son sein toutes les questions économiques, sociales et politiques imaginables. Frédéric Bastiat, Gustave de Molinari, Yves Guyot, J.-G. Courcelle-Seneuil, Frédéric Passy, Joseph Garnier, et tant d'autres, y ont partagé leurs idées, leurs désaccords. Aujourd'hui, c'est une mine incroyable pour comprendre les fondements de la pensée libérale, et pour se confronter, sur chaque sujet donné, à l'opinion des plus notables figures de ce courant. — Le premier volume de cette anthologie propose un premier choix de dix-huit discussions.

La guerre a-t-elle encore une raison d’être ?

Si la guerre et l’esprit de la guerre se maintiennent dans les sociétés modernes, intéressées au plus haut point à leur abolition, c’est qu’il est une sorte de gens dont elle flatte la vanité et dont elle sert discrètement les intérêts. Pour ceux qui rêvent d’accroître les attributions du gouvernement, d’en centraliser l’exercice entre leurs mains, de préparer même les esprits à un règne d’arbitraire et de compression, la guerre est le plus sûr et le plus court moyen.

Le Journal des Économistes (Anthologie) – Volume I

Pendant près d'un siècle, le Journal des Économistes a servi de réceptacle pour la pensée libérale française. Tous les grands auteurs de la période, de Frédéric Bastiat à Yves Guyot, en passant par J.-G. Courcelle-Seneuil, Gustave de Molinari ou Frédéric Passy, y ont publié des articles. — Pour permettre à cette masse considérable d'être mieux mise en valeur et de mieux servir aux libéraux d'aujourd'hui, l'Institut Coppet publie le premier volume d'une anthologie des meilleurs articles. On a fait choix, délibérément, d'inclure des articles majeurs, sur des thèmes à forte résonance : la guerre, l'éducation, le racisme, l'intervention de l'État, l'immigration, etc., mais aussi des classiques sur l'idée de liberté elle-même, par Frédéric Bastiat, Ambroise Clément, ou Ernest Martineau.

Antisémitisme et libéralisme

Une sympathie pour la cause palestinienne peut s’entendre, dans l’optique du libéralisme. On peut être libéral et faire preuve de sympathie pour la cause d’un peuple persécuté qui lutte pour sa liberté avec des moyens répréhensibles : Gustave de Beaumont, au XIXe siècle, a passé sa vie dans cet équilibre. L’antisionisme même a des précédents : Yves Guyot, grand défenseur des juifs, grand acteur de la défense de Dreyfus, a écrit contre de le projet de formation d’un État juif en Palestine (Le Siècle du 4 juillet 1899). Mais l’antisémitisme proprement dit, dans l’histoire du libéralisme, ne se rencontre pas, et au contraire tous les auteurs se rejoignent pour le combattre.

Œuvres complètes de Gustave de Molinari (Volume 11)

En 1855, désormais durablement établi en Belgique, sa patrie natale, Gustave de Molinari poursuit tous azimuts son combat pour la liberté. Par l’enseignement d’abord, dans un cours d’économie politique qu’il continue de donner au Musée de l’industrie belge, et dont il fait imprimer la première partie. Par la presse ensuite, avec la fondation de l’Économiste Belge, dont 24 numéros paraissent en 1855, pour couvrir les questions brûlantes de la paix et de la guerre, de l’intervention de l’État, des dépenses publiques, des impôts. Enfin, en cette même année, Molinari fait paraître un nouveau livre de dialogues, après les Soirées de la rue Saint-Lazare (1849), consacré entièrement, cette fois-ci, à la liberté du commerce des céréales, sur fond de nouvelles émeutes et de nouvelles réglementations.

Gustave du Puynode – De l’esclavage et des colonies

Figure plus marginale au sein du libéralisme francophone, qui voyait Frédéric Bastiat, Gustave de Molinari et quelques autres acquérir davantage de célébrité, Gustave du Puynode (1817-1898) a toutefois été l’auteur de nombreuses publications très remarquées de son temps. Dans ce petit opuscule sur l’esclavage et les colonies, il illustre à sa manière la complexité des positions du libéralisme au XIXe siècle. Contre certains timides, c’est un adversaire intraitable de l’esclavage, et il se dit partisan d’une émancipation intégrale et immédiate. Mais quant au second sujet, ce n’est pas la décolonisation qu’il réclame ; et s’il blâme les monopoles, les règlements et les violences, il n’accepte pas moins le « rôle civilisateur de la colonisation ».

Le libéralisme est pluriel et doit accepter le débat d’idées

Le libéralisme en France est une citadelle assiégée, et c’est pitié de voir les assaillis se saisir les uns les autres par le col pour se bagarrer. Mais le libéralisme comme système de pensée a toujours été pluriel, tous les grands auteurs se sont combattus, ont été combattus par des libéraux tout aussi authentiques qu’eux-mêmes pouvaient l’être. Les divergences relèvent de l’essence du libéralisme ; l'union, utile et souhaitable, est une question de stratégie.

Gustave de Molinari – Grandeur et décadence de la guerre

Un quart de siècle avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, qu’il redoute et entrevoit, Gustave de Molinari renouvelle son plaidoyer argumenté pour la paix. Tout en reconnaissant l’existence d’une première époque dans l’histoire de l’humanité, pendant laquelle la guerre a servi les intérêts de l’espèce en constituant et en perfectionnant son arsenal de défense, il démontre que cette période de grandeur de la guerre est décidément close. Désormais, les classes qui vivent de travail, de commerce et d’industrie, sont intéressées au maintien de la paix. Leur devoir est de lutter contre les intérêts de la caste politique, qui tire profit, à divers égards, de l’état de guerre. Les peuples doivent aussi accompagner de leurs vœux les réalisations nouvelles pour maintenir la paix, comme la constitution d’une Ligue des Neutres, ou l’Union des nations. C’est tout un programme, toute une politique pacifiste, que contient ce livre.

François Quesnay – Despotisme de la Chine

Au milieu du XVIIIe siècle, après avoir servi dans l’arsenal des philosophes pour faire avancer la tolérance religieuse en Europe, le modèle de la Chine inspire désormais les économistes dans leur promotion d’une société libre et prospère, fondée sur les principes de la liberté du travail, de la propriété privée et de l’ordre social. Pour François Quesnay, chef de file des physiocrates, l’empire chinois peut servir de modèle, et inspirer des réformes dans la perception de l’impôt, la mission du gouvernement, ou encore la constitution de l’autorité, à une Europe qui s’éveille, mais manque d’exemples pour mieux se conduire.

Gustave de Molinari – Lettres sur la Russie

En 1860, appelé à faire un voyage de quatre mois en Russie pour y donner à travers le pays des conférences sur l’économie politique, Gustave de Molinari découvre un pays aux institutions encore rétrogrades, un pouvoir fort, des paysans prisonniers du servage. Mais la soif de liberté qui anime les classes supérieures, lui fait aussi augurer des réformes prochaines et audacieuses. Pour y aider, il publie régulièrement des articles dans la presse russe. Dans son récit de voyage, Molinari mêle aussi la description des conditions économiques, sociales et politique de la Russie des tsars, avec ses conceptions d’une société sans État, où les fonctions de police, les fleuves et les canaux, par exemple, relèvent d’entreprises privées.

Jean-Édouard Horn – Les idées économiques de Boisguilbert

On peut apprécier, en lisant cette étude, la valeur et la nouveauté d’idées destinées à devenir centrales dans les discussions économiques des XVIIIe et XIXe siècles, comme l’impôt, le commerce, la rente de la terre, le rôle de l’État. Ayant fait le choix de ne consacrer que quelques lignes ou quelques pages aux premiers travaux d’histoire de Boisguilbert, à ses activités rurales, ou à son expérience de lieutenant-général à Rouen, Horn est en mesure de faire ressortir le détail et la profondeur de la pensée de l'auteur sur des questions qui, s’étant posées à lui vers 1690, et pouvant servir à la réflexion de lointains lecteurs, au XIXe, et aujourd’hui au XXIe siècle, avaient en effet besoin d’être bien contextualisées. C’est à ce titre que son ouvrage mérite encore d’être lu, et de servir de manuel pour la connaissance de Boisguilbert, l’un des premiers fondateurs du libéralisme économique en France.

Le sionisme et l’antisémitisme

En 1899, Yves Guyot commente le projet sioniste, de constitution d’une nation juive en Palestine. Pour lui, très engagé pour défendre Dreyfus et les juifs contre la vague antisémite qui s’est répandue en Europe, le sionisme est un mirage dangereux, qui renforce maladroitement l’antisémitisme. Au lieu de faire société, dans les nations au sein desquelles ils vivent, les juifs demandent à s’isoler, ils affirment qu’ils sont des membres épars d’une grande nation qui doit encore être créée. Ils abandonnent ainsi la cause de la liberté et font ce que leurs ennemis veulent qu’ils fassent.

Comment construire la paix ? Les propositions de l’abbé de Saint-Pierre

Pour cesser l’ère de la guerre perpétuelle, il ne s’agit pas d’autre chose, explique l’abbé de Saint-Pierre, que de répliquer à l’échelle des nations ce progrès qui a eu lieu tour à tour entre les individus d’une même tribu primitive, puis entre diverses tribus ou villages. Car la paix perpétuelle, ce n’est pas autre chose que l’État de droit enfin étendu aux limites de l’humanité elle-même.

Gustave de Molinari – Les soirées de la rue Saint-Lazare

Pour défendre la doctrine de la liberté, battue en brèche par les socialistes et par les conservateurs, Gustave de Molinari publie en 1849, l’ère des révolutions à peine refermée, un grand ouvrage sous la forme de conversations. Après Frédéric Bastiat, il ose transporter dans la science économique cette forme classique de la philosophie, immortalisée par Platon, pour éclairer les questions les plus âprement débattues, comme la propriété privée, le capital, ou le rôle de l’État. Introduction brillante aux principes du libéralisme, ce livre pédagogique ouvre aussi de nouvelles perspectives, son auteur ayant mis en avant, dans sa discussion des fonctions de l’État, des idées novatrices, radicales et stimulantes.

Gustave de Molinari – La conquête de la Chine

Pour Gustave de Molinari, écrivant en 1856, c’est-à-dire au milieu des guerres de l’opium et peu avant le sac du Palais d’Été, la Chine doit être conquise, et sa civilisation rétrograde et décadente doit s’ouvrir aux idées et aux produits de l’Occident. Pour accomplir cette « expropriation pour cause de civilisation », il conçoit un plan et mobilise l’opinion publique. La compatibilité de ces recommandations avec les principes du libéralisme n’est pas évidente, et cette pièce d’histoire est ici republiée pour être jugée.

Pierre de Boisguilbert – Écrits économiques (2 volumes)

Personnage haut en couleur, Pierre de Boisguilbert (1646-1714) s’est opposé à la politique mercantiliste et réglementaire héritée de Colbert, et dans plusieurs ouvrages rendus publics malgré la censure, il en prit le contrepied en développant — le premier — une théorie du laissez-faire, où la puissance publique n’est plus agissante, mais laisse les hommes rechercher leur intérêt. Cette collection se présente en deux volumes. Le premier contient ses ouvrages imprimés, le Détail de la France (1695) et les divers mémoires contenus dans le Factum de la France (1707). Le second offre à lire sa correspondance, à laquelle on a joint quelques mémoires additionnels.

Yves Guyot – Lettres sur la politique coloniale

En 1885, la colonisation française s’accélère, avec la conquête du Tonkin et la constitution, bientôt, de l’Indochine française. Libéral aux convictions complètes, Yves Guyot ne reste pas silencieux face à ce mouvement, et il oppose une réfutation en règle aux sophismes coloniaux qui inondent alors la tribune et la presse. La « mission civilisatrice » des nations civilisées, l’« expansion de la race française », la « diffusion des idées françaises », le « débouché pour nos produits » : tous mots sonores qui ne tiennent pas face à l’examen impartial des faits. C’est un réquisitoire terrible, éloquent et chargé d’une saine émotion, qu’on lira dans ce livre pour la première fois réédité.

Charles Dunoyer – L’industrie et la morale considérées dans leurs rapports avec la liberté

Dans cet ouvrage — son premier exposé doctrinal, qui préfigure le Nouveau traité d’économie sociale (1830) et De la liberté du travail (1845), qui n’en sont que des continuations — Charles Dunoyer examine la question de la liberté humaine d’une manière essentiellement nouvelle. Les individus, soutient-il, sont d’autant plus libres qu’il font un usage sage et raisonné de leurs facultés, et qu’ils parviennent à vaincre, non tant leurs despotes, qu’eux-mêmes, leur ignorance et leurs vices. C’est en devenant instruits, industriels et moraux, qu’ils peuvent acquérir une plus grande liberté d’action. Aussi est-il vrai de dire que la source de leur liberté se trouve en eux-mêmes.