Conférence au profit de l’Association des dames françaises

Fondée en 1879 avec pour objectifs « la préparation et l'organisation des moyens de secours qui, dans toute localité, peuvent être mis à la disposition des blessés ou malades de l'armée française », l’Association des dames françaises participait à une œuvre utile, que saluait Jules Simon dans cette conférence de 1887. Issue d’une scission avec la Société française de secours aux blessés militaires, elle donnait pour la première fois aux femmes un rôle, non d’assistantes, mais de directrices.

Chastellux, théoricien de la « félicité publique » au temps des physiocrates

Voici un personnage bien méconnu, et peut-être digne de l’être : penser l’économie politique en libéral, mais en dehors de l’école physiocratique ; publier son livre sur le sujet en 1776, au moment où paraissent la Richesse des Nations d’Adam Smith et Le commerce et le gouvernement de Condillac, c’est se condamner à la marginalité. Et pourtant les marges du bien-nommé ouvrage De la félicité publique ont été couvertes de notes souvent approbatives et parfois piquantes par un certain Voltaire, il a été traduit dans les principales langues européennes, et un demi-siècle plus tard Jean-Baptiste Say, pas tendre avec les errements théoriques de ses prédécesseurs, parlait de « l’un des livres les plus recommandables du siècle dernier ». 

Le droit de propriété et les propriétaires fonciers 

Dans cet article de 1892, Ernest Martineau, le « Bastiatiste convaincu et documenté » (dixit Jules Fleury à la Société d’économie politique, en juillet 1901) signale l’absurdité de la démarche des grands propriétaires fonciers, qui, en poussant à l’augmentation des tarifs protecteurs, sapent le principe même de la propriété et fournissent des armes au camp socialiste, dont par ailleurs ils sont épouvantés. Les grands propriétaires fonciers, dit-il, sont dupes des promesses des partisans du protectionnisme, et la fortune qu’ils croient se fabriquer sur le dos des consommateurs n’est en vérité qu’un mirage, un pis-aller, en comparaison de la prospérité véritable qu’amènerait pour tous le libre-échange intégral.

Les fêtes publiques

Pour Henri Baudrillart, les fêtes publiques ne sont pas des dépenses improductives si elles moralisent, enrichissent la pensée et développent les individus. Pour cela, elles doivent être en harmonie avec l’époque, et contenir une forte dose de liberté. Les fêtes orchestrées et préparées minutieusement à l’avance appartiennent au ridicule de la Révolution française et ajoutent à ses errements. En cette fin de XIXe siècle, l’action à mener est à la fois négative et positive : d’un côté, il faut extirper autant que possible les fêtes dyonisiaques telles que les kermesses du nord de la France, et se refuser aux égarements de violence aveugle comme les combats de taureaux. Positivement, à l’époque de l’industrie, du travail et des échanges, l’Exposition universelle représente l’exemple d’une fête utile.

L’Église et l’État en Amérique

Grand partisan des États-Unis, Édouard Laboulaye explique dans cet article de 1873 les succès qu’y a rencontré la séparation des Églises et de l’État. Tandis qu’en Europe des religieux conservateurs cherchent à refonder leur domination, aux États-Unis d’innombrables confessions vivent en harmonie sous une loi commune de liberté et de responsabilité, et se financent directement auprès de leurs fidèles.

Chronique (Journal des économistes, février 1898)

Chaque mois, entre 1881 et 1909, Gustave de Molinari a publié une chronique politique et économique dans le Journal des économistes, commentant l’actualité française et internationale sous un angle résolument libéral. Au programme notamment, dans cette livraison de février 1898, les suites de l’affaire Dreyfus, la fin d’une grève des mécaniciens en Angleterre, la répression de l’usure en Algérie, et les récents développements du protectionnisme en France et à l’étranger.

République et liberté. Lettre au rédacteur

En 1871, le jeune Ernest Martineau apparaît sur la scène journalistique avec des convictions solides, en droite ligne de celles de Frédéric Bastiat, qu’il reconnaîtra bientôt comme son maître. Au milieu des agitations politiques et des controverses, dit-il, la juste compréhension des notions cardinales de la modernité, que sont la liberté et la propriété, doit servir de guide aux républicains, qui veulent fonder le régime de la France à venir. Cet effort d’analyse permettra de rejeter l’héritage embarrassant de l’Antiquité et de ses émules comme Rousseau, et de fonder une société véritablement fondée sur la liberté et la justice.

L’abbé de Saint-Pierre, pour la paix et la liberté

Au début du XVIIIe siècle, inspiré par les exemples de Descartes, Vauban ou Boisguilbert, l'abbé de Saint-Pierre (1658-1743) a multiplié les écrits et les projets pour défendre le double idéal de la paix et de la liberté. Avec plusieurs siècles d'avance, il a proposé l'instauration d'institutions internationales pour garantir la paix et la liberté du commerce. Au sein de l'économie politique naissante, il a participé à rectifier les idées sur le commerce, la monnaie, l'impôt. À Saint-Pierre-Église, dans le château où il est né et où il a composé la plupart de ses grands projets, Benoît Malbranque raconte la vie et les idées de ce chaînon manquant entre le classicisme et les Lumières, qui a servi d'inspiration à plusieurs générations de penseurs épris de l'idée de liberté.

Les grands magasins universels et les petits détaillants (Partie 1)

Dans son journal L’Économiste français, Paul Leroy-Beaulieu étudie en décembre 1875 les plaintes des petits détaillants, qui souffrent de la concurrence croissante des grands magasins généralistes. Pour Leroy-Beaulieu, si les grands magasins prospèrent, c’est qu’ils rendent un meilleur service à leur clientèle, et le petit commerce doit répondre par le bon marché, par des produits plus personnels, par l’innovation, à leur invasion. Le régime fiscal entre les uns et les autres doit naturellement rester équilibré, et ne pas privilégier tels ou tels acteurs : mais à l’analyse, il ne semble pas que l’impôt soit démesurément porté par le petit commerce. Il reste aux petits détaillants les ressources de la liberté et de l’association pour résister à l’assaut de leurs ingénieux concurrents.

Chronique (Journal des économistes, mars 1898)

Chaque mois, entre  1881 et 1909, Gustave de Molinari a publié une chronique politique et économique dans le Journal des économistes, commentant l’actualité française et internationale sous un angle résolument libéral. Au programme notamment, dans cette livraison de mars 1898, les ravages de l’antisémitisme, le développement du protectionnisme en France et aux États-Unis, la reprise des chemins de fer par l’État en Suisse, et ce que coûte la paix armée.

Le luxe des nations antiques

Historien du luxe public et privé, Henri Baudrillart examine pour le Journal des économistes (1877) le cas de l’Égypte ancienne, à travers les siècles de sa longue histoire. La somptuosité des parures des femmes, signe d’une liberté rare en Orient, se mêle à l’extraordinaire majesté des édifices religieux, rappelant la puissance du pouvoir sacerdotal : le tout forme, par touches successives, un tableau vif en couleur et pleins d’enseignements, d’une civilisation ancienne qui avait comme la nôtre son faste bien ou mal entendu.

Observations sur les colonies éloignées

Dans la controverse sur l’utilité ou l’inutilité des colonies, l’abbé de Saint-Pierre défend dans la première moitié du XVIIIe siècle une position qui se retrouvera, avec des développements et des aménagements, chez les grands auteurs libéraux de la seconde moitié du siècle. Coûteuses à établir, coûteuses à maintenir, les colonies ne développent pas le commerce, quand elles l’enserrent dans des monopoles et des restrictions. Si elles peuvent servir à enrichir quelques familles d’un État, elles sont à charge pour la nation tout entière.  

Les lois prohibitives de la chasse

La discussion sur la liberté de la chasse donne lieu, en 1864, à une grande diversité d’opinion à la Société d’économie politique. Si pour les uns, le droit de propriété sur un bois ou une forêt emporte le droit de chasse sur les animaux qui s’y trouvent, d’autres critiquent cette idée comme peu satisfaisante au point de vue du droit, voire repoussent la chasse elle-même comme une pratique barbare.

Question politique sur le mariage

Interrogé sur le mariage, l’abbé de Saint-Pierre, qui avait eu par ailleurs l’audace de demander la liberté du mariage pour les prêtres, expose sa position générale. Pour lui, le mariage a vocation à être indissoluble, ne serait-ce que pour protéger les enfants qui sont des tiers et qui pourraient souffrir d’une séparation. Il suggère toutefois que la loi pourrait donner la liberté aux couples mariés sans enfants de se séparer dans certaines circonstances et avec certaines protections au conjoint qui n’en aurait pas fait la demande.

Mesures propres à favoriser les progrès de la colonisation en Algérie

En juillet 1856, la Société d’économie politique examine deux thèmes distincts. Tout d’abord, suite à l’émeute et aux incendies de Valladolid, Marie-Garcias Quijano, réfugié espagnol, membre de la Société d’économie politique depuis 1850, prend la parole pour évoquer la situation politique locale. Ensuite, Joseph Garnier, Alphonse Courtois et quelques autres examinent si le législateur a raison de chercher à encadrer la fondation et la vie des sociétés par actions, en fixant des modalités ou des responsabilités. Pour la plupart, les associations ne peuvent prospérer que dans la liberté.

Avantages que doit produire l’agrandissement continuel de la ville capitale d’un État

À l’époque où l’abbé de Saint-Pierre écrit ce texte, Paris est en proportion deux fois moins peuplée que Londres. Pour l’auteur, l’accroissement libre de la capitale ne serait que bénéfique : une capitale est un lieu d’émulation, de progrès, de concurrence plus vive, elle propose à ses habitants une existence plus douce et plus prospère. Il ne faut pas craindre cette immigration vers la capitale, mais s’attacher à mettre à niveau les institutions de police ou de justice, et les aménagements comme routes, ponts, écluses, etc.

De l’utilité et de l’inutilité des colonies (deuxième partie)

Malgré l’affirmation enthousiaste de Paul Leroy-Beaulieu, selon lequel la colonisation est une question jugée, et que tout le monde admet son utilité, le débat soulevé à la Société d’économie politique sur cette question fait apercevoir de vraies divisions. Face à Paul Leroy-Beaulieu, le plus affirmatif et résolu dans sa défense de la colonisation, Frédéric Passy et Émile Levasseur soutiennent que la conquête du monde par la race européenne ne mérite d’être faite que par le commerce et une colonisation non-violente, ou dans des territoires très rares où les conditions sont extrêmement propices. Yves Guyot rejette même tout idée de colonisation, et se lance dans un réquisitoire implacable, fondé sur les faits.

Projet pour rendre les troupes beaucoup meilleures et les soldats plus heureux

Pour diminuer le nombre croissant de déserteurs, l’abbé de Saint-Pierre étudie, à la suite de Vauban, si la faiblesse de leur rémunération ne serait pas en fait la raison principale de ce fléau. En comparant le montant des soldes et en prenant en compte la variation des monnaies, il démontre que la hausse des prix, suite des manipulations monétaires, a provoqué un appauvrissement pour les soldats. Par conséquent, pour maintenir des troupes fidèles, endurantes et habiles, qui ne cherchent pas la première occasion pour s’échapper ou revenir dans la vie civile, il faut rétablir la juste proportion, et augmenter leur solde.

Le régime douanier qui serait favorable à l’Algérie

En août 1858, lorsque la Société d’économie politique s’occupe une nouvelle fois de la question de l’Algérie, le malaise est perceptible, et le compte-rendu très bref de cette séance en donne la mesure. Même étudiée du point de vue de la liberté des échanges, la colonie algérienne ne peut manquer de faire naître des controverses. Il y a des opinions, soutiennent certains orateurs, qui n’ont peut-être pas leur place soit dans le Journal des économistes, soit à la Société d’économie politique. La discussion, de ce point de vue, n’était pas aisée, et l’opinion anti-coloniale française, à cette époque, devait subir des circonstances provisoirement contre elle.

Y a-t-il des impôts moralisateurs, et, dans le cas de l’affirmative, à quels caractères les reconnaît-on ?

En décembre 1888, Frédéric Passy, Léon Say, Henri Baudrillart et quelques autres examinent à la Société d’économie politique la question des impôts moralisateurs. Ce n’est pas à proprement un objectif légitime pour l’impôt, disent-ils généralement, que de moraliser : s’il est justement réparti, et instauré pour de bons motifs, il donne un bon exemple ; mais au-delà, l’objectif de dissuader par ce moyen la consommation d’alcool ou de tabac, par exemple, n’est pas légitime. Entre deux impôts, celui qui moralise vaut mieux que celui qui démoralise, mais ce n’est pas l’objectif premier de la fiscalité : celle-ci doit pouvoir aux dépenses collectives, et non régenter et régénérer l’humanité.