Intervention du 16 mai 1848 sur la nouvelle assemblée

Intervention du 16 mai 1848 sur la nouvelle assemblée

[Moniteur, 17 mai 1848.]

 

LE CITOYEN PRÉSIDENT. Le citoyen Gustave de Beaumont a la parole. 

LE CITOYEN GUSTAVE DE BEAUMONT. Citoyens, je ne veux qu’ajouter une seule observation pour combattre la proposition, à mon avis, beaucoup trop absolue, qui vous est présentée dans ce moment. 

Je crois qu’il importe à une assemblée aussi grande que celle-ci de ne rien faire que de sérieux, et de ne point vouloir se placer elle-même sous l’empire d’engagements que peut-être elle ne pourrait pas tenir avec la fermeté et la dignité qui lui appartiennent. (Oui ! oui ! — Non ! non !) 

Nul plus que moi ne déplore et n’a déploré les abus auxquels autrefois se sont livrés les hommes qui, membres des assemblées législatives, oubliaient la grandeur de leur mandat pour s’occuper de misérables détails d’intrigues et de petits intérêts ; mais prenez bien garde ! je vous signale cette différence : autrefois les membres des assemblées legislatives étaient nommés par deux ou trois cents électeurs sous le coup desquels ils étaient placés. 

Il semblait que chaque jour ils eussent à répondre de leur mandat et à préparer par les soins du présent les garanties de l’avenir. 

Aujourd’hui les représentants du pays sont nommés par l’universalité des citoyens. C’est 100 000, c’est 150 000 de nos concitoyens que nous représentons, et désormais nous pouvons nous livrer en toute sécurité, et en nous dégageant de ces misérables préoccupations, à la défense et à la discussion des grands intérêts qui nous sont confiés. 

Et non seulement nous sommes protégés désormais contre notre propre faiblesse par l’origine même de la souveraineté nationale qui tout entière nous a investis, mais permettez-moi d’ajouter que nous sommes encore protégés par la grandeur des circonstances. 

Oui, j’en suis convaincu, excepté dans le cas de nécessité urgente, et lorsqu’il s’agira véritablement de défendre des intérêts légitimes pour lesquels il ne peut pas nous être interdit d’une manière spéciale de faire entendre notre voix, alors que nous serons consultés sur des faits que nous seuls connaissons et sur lesquels seuls nous pouvons éclairer les membres du pouvoir exécutif ; excepté dans ce cas, et dans ce cas seulement, nous ne pourrons être distraits de la discussion des affaires, de la discussion de la constitution, de la discussion des intérêts politiques qui nous sont confiés, dont l’examen et la discussion nous absorbent tout entiers. (Très bien !) 

Un membre à gauche. Nous voulons avoir le droit de dire la vérité aux ministres partout, ici et dans leur cabinet. (Agitation.)

A propos de l'auteur

Gustave de Beaumont est resté célèbre par sa proximité avec Alexis de Tocqueville, avec qui il voyagea aux États-Unis. Son œuvre, sur l'Irlande, les Noirs-Américains, ainsi que ses nombreux travaux académiques et politiques, le placent comme un auteur libéral sincère et généreux.

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