« La Politique de l’individu », de Fabienne Brugère

La Politique de l'individu - Fabienne Brugère

Une (timide) défense de gauche de la société civile contre l’étatisme jacobin

Par Stéphane Couvreur, le 24 novembre 2013

Résumé du livre

L’individualisme se traduit par des demandes très variées. Les droits sociaux doivent tenir compte des formes de vie individuelles et de leur pluralité. Comment construire une politique avec un tel nœud de différences ?

L’individu signifie ici qu’il existe une grande variété de talents, de valeurs et d’aspirations singulières qui doivent pouvoir s’exprimer. Il ne s’agit pas uniquement de l’individu des droits de l’homme ni de l’individu égoïste. C’est un mixte d’individu actif, d’individu moralement autonome et d’individu narcissique, qui se pose comme indépendant des liens sociaux qu’il peut avoir par ailleurs.

D’après Robert Castel, la propriété sociale jouant le rôle d’un appui pour tous est en crise. De plus, comme le constate Marcel Gauchet, l’État-providence a occulté les autres moyens d’assistance. En France, la dépendance à l’égard de l’État a pour conséquence une solitude plus grande des individus en difficulté. Enfin, selon Yann Algan et Pierre Cahuc, le déficit de confiance des Français provient d’un modèle social construit sur des fondements corporatistes et étatiques. L’une des conséquences est la mainmise de groupes partisans ou d’intérêts sur le pays.

Nous ne vivons pas une crise de l’individu, mais une incapacité de la politique à prendre en compte l’individualisation de la société et à soutenir l’individu. Déployer une politique de gauche, c’est redéfinir l’État social français. Ce livre plaide en faveur d’une politique de l’individu fondée sur le soutien :
– des droits réels permettant la réalisation de soi (Sen, Nussbaum) : éducation, santé, travail ou participation à la vie publique ;
– quand les individus sont confrontés à des accidents de la vie qui les font « décrocher », seules peuvent réussir des politiques personnalisées.

Ce retour au politique ne saurait être seulement un retour à l’État. Il tient tout autant dans une reconnaissance de la société civile et de ses actions publiques ou collectives. Les collectifs se sont privatisés. Il existe nombre incroyable d’associations en France : Samu social, ATD Quart Monde, Emmaüs, Restos du cœur, Cimade, SOS Amitié, mais aussi revenu minimum d’insertion (RMI) ou couverture maladie universelle (CMU). En fin de compte, l’État doit sortir de lui-même : aller vers les individus, les politiques locales, la société civile organisée, etc.

Commentaire

Face à un constat classique (inefficacité de l’Etat, effets pervers et capture de rentes), Fabienne Brugère propose de donner plus de place à la société civile et d’individualiser les politiques sociales. Mais ses préconisations restent vagues, trop timides et surtout très statocentriques. Le livre n’ose pas aborder de front la contradiction entre la diversité et la liberté des individus, et l’intervention de l’Etat qui est nécessairement homogénéisante et coercitive.

En complément, on pourra lire d’Yves Guyot « La démocratie individualiste » disponible sur le site.

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