L’Algérie, par Amédée Desjobert (partie 2)

Amédée Desjobert, L’Algérie (suite). Journal des économistes, septembre 1847

 

L’ALGÉRIE.

COLONISATION.

(Suite du chapitre Ier [1].)

Dans notre premier article, nous avons développé cette suite d’idées.

§ Ier. Une population indigène existe en Algérie : — pour coloniser, c’est-à-dire pour faire cultiver l’Algérie par des Européens, il faut substituer des Européens aux indigènes. — Cette substitution ne peut avoir lieu que par l’extermination des indigènes : nous avons supposé cette extermination obtenue et nous avons examiné quelle serait la population appelée à remplacer les indigènes : ce serait une population française ; car ce ne serait pas pour des étrangers tels que les Maltais, les Mahonnais, les Espagnols et les Italiens, qui sont déjà plus nombreux que les Français en Algérie, que nous ferions les sacrifices en hommes et en argent que nous impose cette possession. Nous avons vu que le Français ne peut pas s’acclimater en Algérieà l’état de travailleur, et que son enfant ne peut pas s’y élever.

§ II. En supposant les terres vacantes par l’extermination des indigènes, — en supposant que le Français puisse s’acclimater en Algérie et sa race s’y propager, nous avons établi que les capitaux qu’il emploierait à la culture en Afrique seraient employés avec plus de fruit à l’agriculture en France, et qu’après bien des essais ruineux, il serait nécessairement ramené par les nécessités du sol et du climat à la culture nomade que suivent les indigènes et qu’il pratiquerait moins bien qu’eux.

§ III. Nous avons examiné l’état actuel de la colonisation, et les différents systèmes proposés par le maréchal Bugeaud, le général de Lamoricière, le général Bedeau et le gouvernement. Nous avons constaté que la colonisation actuelle était nulle, et que tous les projets de colonisation soit civile, soit militaire, ne pouvaient donner aucune espérance fondée.

Pendant que nous écrivions ces choses, les Chambres avaient joint leurs efforts à ceux du gouvernement et des généraux colonisateurs. À la Chambre des députés, une commission de dix-huit membres avait été nommée[2], les rapports de cette commission avaient été confiés à un homme de bien, de talent et d’intelligence, qui avait été récemment étudier la question sur les lieux[3]. À la Chambre des pairs, le rapport de la commission avait été fait par le membre de la Chambre qui paraît avoir voué son existence aux idées coloniales[4]. Une discussion s’est produite aux deux Chambres[5].

Qu’est-il résulté de tout ce travail ? Quel point a été éclairci ?

On a contesté ce qui avait été dit de la mortalité du Français en Algérie, de l’impossibilité pour lui de s’y acclimater à l’état de travailleur, et de l’impossibilité pour son enfant de s’y élever: les chiffres officiels sont venus à l’appui des autorités qui avaient été invoquées.

En 1845, la population civile européenne a été en moyenne de 85 370
La mortalité a été de 4 113
Ce qui donne une mortalité de 1 sur 20
Pendant cette même année 1845, la mortalité a été en France de 1 sur 45

C’est-à-dire que la mortalité des Européens a été de plus du double de la mortalité en France :la mortalité des Français en particulier a été plus considérable encore. Plus de la moitié des Européens est composée de Maltais, de Mahonnais, d’Espagnols, d’Italiens, qui, venus de climats analogues à celui d’Afrique, en supportent mieux les rigueurs.

La population française a été en moyenne, pendant 1845, de 42 020
Sa mortalité a été (p. 95 du tableau 1845), de 2 546
C’est-à-dire de 1 sur 16
En France la mortalité a été de 1 sur 45

La mortalité des Français en Afrique a donc été trois fois plus forte que la mortalité des Français en France. Cette proportion sera plus forte encore, si l’on considère que la mortalité de 1 sur 45 en France est celle qui frappe une population normale, où entrent dans leur proportion normale les vieillards et les enfants, tandis qu’en Algérie la population est principalement recrutée dans l’âge qui, par sa vigueur, offre le moins de chances de mortalité. Le docteur Trolier constate que la partie la plus nombreuse de la population appartient aux séries de 20 à 25 et de 25 à 30 ans[6].

En regard de ces 2 546 décès
Le tableau des établissements porte (p. 94) 1 538 naiss.
Ce qui ne promet pas une colonisation bien rapide.

Dans cette effrayante mortalité, les enfants sont entrés (même tableau, p. 95), pour

1 424

Le rapprochement de ces deux chiffres confirme les opinions que nous avons citées dans notre premier article, concernant la difficulté d’élever les enfants des Français en Algérie. Et que l’on ne dise pas que ce sont des enfants d’émigrés qui ont fourni à cette mortalité ; on sait que le gouvernement n’accorde pas le passage aux familles qui ont des enfants au-dessous de douze ans ; on sait aussi que les personnes qui le peuvent, envoient leurs femmes accoucher en France.

Il faut considérer encore que la plus grande partie de cette population européenne, surtout de la population française, est composée de personnes habitant les villes, faisant état d’administrateurs, boutiquiers, spéculateurs, et n’ayant pas à supporter les fatigues que donnent les travaux des champs. Que si cette population civile avait été agricole, la mortalité eût été beaucoup plus considérable. On peut en juger par la mortalité que subit l’armée en 1846, cette mortalité a été de 7 108 hommes morts de maladie[7], sur un effectif de 99 700 hommes, ce qui donne une mortalité de 1 sur 14, plus forte, comme on le voit, que celle de la population civile, bien que cette population civile soit composée de tous éléments, et en grande partie d’enfants qui, comme nous venons de le voir, périssent dans une proportion si considérable, et que la population militaire soit composée des hommes les plus vigoureux, choisis parmi ceux que leur âge garantit le plus des chances de mort[8]. On sait que le recrutement, pour obtenir 80 000 hommes, en rejette 70 000 comme impropres au service.

D’après Demonferrand, la mortalité sur les hommes non choisis de l’âge de 20 à 30 ans, âge que l’on peut considérer comme l’âge moyen de l’armée est de 10 sur 1 000
La mortalité sur les soldats de l’armée d’Afrique a été en 1846 (7 108 décès pour 99 700 hommes), de 71 sur 1 000
ou sept fois plus forte ; et elle serait, certes, dix à douze fois plus forte, si on prenait en considération la différence qui existe entre une population d’élite, telle que l’armée, et la population non choisie.
La mortalité sur les invalides, de l’Hôtel des Invalides, est de 68 sur 1 000

La mortalité en Afrique de la population jeune, vigoureuse, choisie sur toute la France par le recrutement, est donc plus considérable que celle de nos invalides accablés par l’âge et par des infirmités de toute espèce.

Tous ces faits viennent à l’appui de ce que nous avons établi dans notre premier article, concernant l’état sanitaire de l’Européen, et surtout du Français qui veut passer en Algérie à l’état de travailleur : et sans travail, pas de colonisation possible.

Relativement à la colonisation, tout a de nouveau constaté qu’elleétait nulle quant à présent. Le maréchal Bugeaud, dans une nouvelle publication, rappelle que « dans les villages créés autour d’Alger depuis trois ans, bon nombre de familles y sont encore incapables de se suffire à elles-mêmes ; il a fallu, cette année encore, fournir à presque toutes des semences. Beaucoup de ces familles demandent des vivres, et un grand nombre supplient encore qu’on leur donne des soldats pour défricher quelques nouvelles parties de leurs terres ; à Douéra même (à la porte d’Alger), le colonel du 36e, ému de pitié pour les familles rurales qui mouraient de faim, leur a créé une soupe économique avec les restes du pain des ordinaires et les légumes des jardins du régiment[9]. » Dans la province d’Oran, le village du Sig, sur lequel on avait fondé de si belles espérances, n’a pu se soutenir que par le travail du soldat qui a bâti les maisons, par des subventions en argent, et par des dons de bestiaux provenant des razzias. Le maréchal Bugeaud ajoute : « J’ai la conviction qu’il faudra encore secourir ce village. On vient de lui prêter des semences, et, sans nul doute, il faudra aider les semailles par des charrues arabes[10]. »

On voit que c’est toujours le soldat qui est sacrifié aux travaux de colonisation ; et ce n’est pas seulement au profit des colons français qu’il subit cette corvée de nouvelle espèce, c’est au profit des vagabonds étrangers que l’imprudence du gouvernement jette sur la côte d’Afrique. En juillet 1846, neuf cents Prussiens arrivent à Dunkerque pour s’embarquer pour le Brésil. Le préfet du Nord, pour s’en débarrasser, indique l’Algérie comme le pays sur lequel ils pourraient être dirigés. Le Conseil des ministres décide qu’ils seront envoyés dans la province d’Oran. Ils y arrivent dans un état déplorable. On met à leur disposition des bataillons entiers, qui construisent les maisons, défrichent et ensemencent les terres de ces étrangers. Le maréchal Bugeaud ajoute qu’ils devront être encore secourus pendant cinq ou six ans[11].

La discussion de la Chambre des députés nous confirme dans notre opinion, que « la question agricole c’est la complication dans la complication, c’est le doute dans le doute. » Elle ne nous rassure pas en ouvrant « une école qui admet l’agriculture comme un des instincts humains, et qui dit au cultivateur que pour améliorer sa terre il n’a pas besoin de plus d’argent qu’il n’en a dans sa bourse, ni de plus d’esprit que le bon Dieu ne lui en a donné[12]. » Nous pensons que ce n’est pas par l’instinct que les hommes doivent se conduire, mais bien par la raison ; nous laissons l’instinct aux animaux ; nous croyons que pour réussir en agriculture il faut non de l’esprit, mais beaucoup de raison, d’esprit de conduite et de connaissances agricoles, et que si l’on n’a rien dans sa bourse, en Algérie tout autant et plus qu’en France, on périra de misère.

D’autres, au contraire, ont cru faire une découverte en s’apercevant que l’on ne pouvait pas coloniser par les pauvres, et ils ont doctoralement proclamé comme neuve cette vérité vieille de quinze ans pour tous ceux qui avaient réfléchi.

Le système des camps agricoles, que nous avons combattu dans l’article précédent, a été rejeté par la commission et abandonné par le gouvernement.

La seule idée nouvelle qui ait surgi de cette discussion a été la colonisation au moyen de militaires libérés, non en les soumettant à la règle militaire, comme avait voulu le faire le maréchal Bugeaud à Fouka, mais en les laissant libres et mêlés aux autres colons. Cette idée, produite lors de la discussion des crédits extraordinaires et acceptée par la Chambre pour l’année 1847[13], a fort judicieusement été rejetée par elle, un mois après, pour l’année 1848[14]. Nous dirons quelques mots de cette nouvelle conception, parce qu’elle pourra se représenter. Deux motifs semblent lui avoir donné naissance : le premier de rémunération pour les soldats ; le second, d’utilité pour la colonie.

Y aurait-il rémunération pour l’armée ? — Si les colonistes ont tellement à cœur l’intérêt du soldat, qu’ils le consultent avant de l’envoyer en Afrique ; pas un, je pense, n’hésitera entre le foyer paternel et les dotations algériennes. Faut-il renouveler les déceptions — du milliard promis par la République aux défenseurs de la patrie, — des dix arpents de terre promis par le général Bonaparte aux soldats de l’expédition d’Égypte[15], — des camps de Juliers et d’Alexandrie qui, à peine ébauchés, ont chargé le budget de liquider leur pauvre conception ? — Cette prétendue rémunération ne serait qu’un appât trompeur jeté à l’ignorance du soldat ; la responsabilité du gouvernement serait fortement engagée par une semblable mesure. Quant à nous, nous répéterons aux soldats ces paroles d’un de leurs chefs qui fut toujours leur ami : « Les cimetières sont les seules colonies toujours croissantes de l’Algérie[16]. »

Y aurait-il utilité pour la colonie ? Quelques personnes pensent qu’un ancien soldat, parce qu’il aura passé ses premières années à la campagne, sera nécessairement bon cultivateur. Elles ne savent pas combien peu, parmi les gens qui vivent de la culture, sont capables de combiner les plus simples opérations agricoles ; le plus grand nombre sont des ouvriers exécutant les travaux combinés et dirigés par d’autres. — Ils auront de l’expérience, dit-on. Expérience de quoi ? Les sept années de service militaire leur auront-elles donné l’aptitude agricole qui leur manquait en entrant au service ? — Ils auront des habitudes d’ordre. Écoutez la réponse que fait le National: « La guerre de partisans, le système de rapines et de destruction organisé contre les Arabes, la vie aventureuse et nomade, l’usage immodéré des boissons alcooliques, donnent au soldat des habitudes diamétralement opposées à celles qui font les bons agriculteurs ; il n’y a pas de soldat moins apte à coloniser l’Afrique que celui qui a servi pendant quelques années dans cette même Algérie qu’on veut lui livrer[17]. » Auront-ils au moins de la santé ? Ils seront acclimatés, disent les colonistes. Nous avons vu dans le premier article que les symptômes de l’acclimatement étaient l’abaissement du physique, l’abaissement du moral et l’oubli de la patrie ; sont-ce là les nécessités de la colonisation algérienne ? Quelle est la véritable situation du soldat revenant d’Afrique ? M. Enfantin vous l’apprend. « Le soldat n’a d’autre avenir heureux que le retour au village sain et sauf ; mais avec quatre années d’Algérie, qui l’ont vieilli de dix ans et lui ont fait oublier son état[18] », le malheureux ne peut plus rien en Afrique, et malheureusement bien peu en France.

Espérons que cette nouvelle conception de la colonisation par les militaires libérés ne se représentera plus, et ira rejoindre les camps agricoles qu’elle devait remplacer.

Si la discussion sur la colonisation a été faible à la Chambre des députés, elle a été nulle à la Chambre des pairs.

Rien n’est venu infirmer ce que nous avons dit dans notre premier article ; et nous répétons ici : TOUTE COLONISATION EST IMPOSSIBLE.

CHAPITRE II.

DES PRODUITS AGRICOLES DE L’ALGÉRIE[19].

SOMMAIRE. § Ier. Produits alimentaires. — Leur nécessité. — Céréales.— Bestiaux. — Fourrages. — Légumes. —Vins.

§ II. Produits industriels. — Produits tropicaux. — Climat. — Cannes à sucre. — Cafier. — Indigo.— Coton.— Pavot somnifère.— Cochenille. — Autres produits. — Tabac. — Abeilles. —Oliviers. — Mûriers. — Produits industriels obtenus par la consommation sur place des produits alimentaires.

Régime économique des produits.

Trop de personnes pensent encore aujourd’hui qu’il y a production toutes les fois qu’un objet nouveau est sorti des mains de l’homme par l’agriculture ou toute autre industrie : elles semblent ignorer que, lorsque cet objet a coûté plus qu’il ne peut être vendu, c’est-à-dire lorsqu’il a fallu pour le produire consommer plus de valeurs qu’il n’a acquis de valeur, il y a destruction et non production. Ces personnes, lorsqu’elles ont ainsi détruit, en croyant ou en prétendant produire, sont loin de reconnaître leur erreur, ce qui accuserait chez elles un défaut de raisonnement ; alors, pour couvrir leur faute et assurer à leurs produits le prix exagéré qui résulte de leur mauvaise combinaison, elles veulent s’assurer des acheteurs forcés. C’est ainsi que s’est établi le régime protecteur, dont le régime colonial est l’application la plus exagérée et la plus funeste.

Examinons les produits agricoles que l’Algérie se croit appelée à créer, et essayons d’apprécier le prix de revient de ces produits.

Quels produits agricoles seront créés.

Ces produits seront de deux espèces.— Les premiers, que nous appellerons alimentaires, destinés à la nourriture de l’armée et de la population européenne de l’Algérie ; — les seconds, que nous appellerons industriels, destinés plus particulièrement au commerce d’exportation.

Cette distinction a été adoptée par la commission de colonisation instituée par le gouvernement. Cette commission met en première ligne les produits alimentaires, à cause de « la nécessité pour la France de créer sur le territoire d’Alger, par une population qui lui soit propre, les moyens de subsistance. En cas de guerre maritime, si les communications étaient coupées par un ennemi dont la marine obtînt la supériorité, on doit penser que les Arabes, soulevés par cet ennemi, nous priveraient de tout moyen de subsistance produit par leurs mains, en même temps qu’un blocus plus ou moins complet rendrait insignifiants les envois de vivres par mer[20]. »

Cette juste préoccupation de la commission du gouvernement est partagée par les partisans et les adversaires de l’Algérie ; tous reconnaissent qu’une guerre maritime, en interrompant les arrivages, réduirait à la famine nos cent mille soldats et les cent mille âmes de population civile qui sont actuellement en Algérie. — Le général de Bourjolly, qui a été employé pendant plusieurs années en Afrique, déclare qu’en cas de guerre « c’en est fait de l’Algérie. Communication interdite, petit nombre de forces, découragement, abandon, et peut-être encore poignard d’un fanatique sur le général en chef ; et la France sera contrainte de renoncer à une conquête arrosée du sang de tant de braves, témoin de tant de hauts faits, gouffre de tant d’hommes, de tant d’argent, de tant de sacrifices[21]. » — L’abbé Landmann, qui a voué sa vie à la colonisation de l’Algérie, dit : « Nous sommes aujourd’hui en Afrique 200 000 Européens civils et militaires ; et, au premier signal de guerre avec l’Angleterre, nous serions privés de toute subsistance, et forcés de nous rendre sans coup férir. Tout le blé nous vient de la mer Noire[22]. » Telle est la préoccupation constante et constamment exprimée de M. le maréchal Bugeaud[23]. Telle est aussi la préoccupation des Chambres. « Nous ne pouvons attendre, dit un rapporteur de la Chambre des députés, c’est pour racheter des années que nous offrons les terres des domaines[24]. » Un rapporteur de la Chambre des pairs répète : « La guerre et l’interruption des communications mettraient en péril notre conquête[25]. » — Nous avons vu que l’importation des farineux alimentaires augmente en raison de l’augmentation de la population européenne, et qu’elle avait coûté, en 1845, 16 333 000 francs. — Pour la viande, l’administration déclare qu’elle a les plus vives inquiétudes au sujet de l’approvisionnement de l’armée ; l’Algérie s’épuise en bestiaux, dit-elle ; les razzias et la consommation européenne ont à peu près tout détruit dans les deux provinces d’Alger et d’Oran. On avait espéré pendant quelque temps que la province de Constantine pourrait venir à leur secours ; cette province pourra tout au plus subvenir à ses propres besoins. L’administration est obligée de faire venir des bœufs d’Espagne, et de faire entrer le lard salé pour un quart dans la ration du soldat. — Pour le foin, la sécheresse et les sauterelles ayant détruit, en 1846, presque toutes les ressources locales, l’administration a été obligée d’en tirer d’Italie, d’Espagne, d’Angleterre et de Hollande[26]. — Il est vrai que le général Jussuf et le docteur Raymond ont découvert chez les Ouled-Naïl un lichen particulier dont les Tartares nourrissent les animaux et les pauvres ; ils nous assurent que des colonnes expéditionnaires dans le Sud trouveraient dans ce cryptogame une alimentation suffisante, dans le cas où elles manqueraient de vivres[27]. Cette ressource ne me paraît pas suffisante, et jusqu’à ce qu’elle ait été éprouvée par les honorables inventeurs du cryptogame sauveur, on pourra répéter ce que le général Bernard, ministre de la guerre, disait en 1838 : « L’Afrique est un rocher nu sur lequel il faut tout transporter, excepté l’air et l’eau. »

À cette époque le général Bernard espérait dans l’avenir ; aujourd’hui les colonistes espèrent encore et répètent toujours : « Colonisons, produisons ! » Voyons sur quoi sont fondées leurs éternelles espérances.

Produits alimentaires.

Céréales. Les appréciations des produits des céréales diffèrent beaucoup les unes des autres. — Un colon déclare à la commission de 1847 que l’on obtient quelquefois en Afrique 50 pour 1[28]. Cette production merveilleuse devait être encore enrichie par la richesse encore plus merveilleuse du grain lui-même. Un voyageur rapporte que 80 livres de blé de Constantine ont donné 84 livres de mouture : dont 70 livres de semoule, 4 de farine et 10 de son[29]. C’est presque la multiplication des pains.

Le général de Lamoricière affirme que l’hectare de blé, après prélèvement de 1 vingtième pour la semence, rend en moyenne 8 quintaux[30]. L’hectare rendrait donc 10 hectolitres 40, et le grain 20 pour 1. — Suivant le maréchal Bugeaud, pour obtenir en Algérie le rendement indiqué par le général de Lamoricière, « il faudrait supposer qu’il n’y aura ni semences tardives, ni sécheresse prolongée, ni brouillards, ni sauterelles, ni oiseaux destructeurs, ni beaucoup d’autres accidents. La production moyenne de France n’est guère que de 5 à 6 pour 1, et cependant le climat permet de donner aux terres des soins beaucoup plus perfectionnés qu’en Afrique[31].

On voit que les autorités agricoles de l’Algérie s’entendent assez peu sur le rendement des céréales. Telle n’est pas, du reste, la question ; il ne s’agit pas de savoir combien rendront soit l’hectare, soit la semence, mais à quel prix reviendra le grain récolté.

Nous répétons depuis douze ans aux colons qu’ils ne feront pas de blé, qu’ils ne peuvent soutenir ni la concurrence arabe, ni la concurrence européenne. Nous avons parlé, dans le premier chapitre, des difficultés économiques de la culture européenne, et nous avons cité l’autorité du maréchal Bugeaud. Le général Fabvier, qui a vu l’Afrique en agriculteur expérimenté, démontre que la culture nomade, n’employant presque aucun capital, n’ayant à supporter presque aucuns frais de main-d’œuvre, d’attelage, de fumure, de récolte, de transport, a tout avantage économique sur la culture européenne. Les Arabes sont lents, sobres, obéissent aux lois de la nature, lois que nous nous plaisons à braver[32].

Aujourd’hui les colonistes avouent leur impuissance ; ils disent : « Pourrait-on raisonnablement nous demander des produits en céréales, quand sur le marché nous serions inévitablement tués par la concurrence arabe, et même par la concurrence d’Europe[33]? Comment veut-on que la colonie qui vient de naître, où les capitaux et les bras sont rares, où la main-d’œuvre est deux fois plus coûteuse qu’en France ; comment veut-on que la colonie soit capable de soutenir la concurrence des blés étrangers ? » Et ils réclament un impôt niveleur[34]. Ils reconnaissent qu’ils ne peuvent supporter la concurrence du blé produit par les Arabes[35]. Mais, « refoulés par nos armes et notre émigration, les indigènes ne sauraient nous opposer longtemps une concurrence sérieuse[36]. » Pour faire prospérer la culture coloniale, il faudrait donc, d’une part, condamner notre armée à ne consommer que le blé produit par les colons, ce qui ferait peser une nouvelle charge sur notre budget ; et de l’autre, supprimer la culture arabe, ce qui ne se peut faire qu’en supprimant les Arabes eux-mêmes.

Cette opinion de l’impossibilité, pour la culture européenne, de produire en Afrique des céréales en concurrence avec la culture nomade et la culture étrangère, chaque jour se répand davantage. Un professeur d’agriculture, chargé par le gouvernement d’étudier l’état agricole de l’Algérie, pense que « les céréales ne pourront être que très secondaires pour les colons algériens : non seulement ils ne devront pas songer à en produire pour l’exportation, mais ils pourront laisser aux indigènes, et dans certains cas aux étrangers, le soin de fournir à une grande partie des villes algériennes[37]. » — M.Ferdinand Barrot s’exprimait ainsi à la Chambre : « On dit avec juste raison que, quant à présent, les Européens ne peuvent pas faire concurrence aux Arabes : cela est très vrai ; aussi, mon avis est qu’il faut laisser la culture des céréales aux indigènes[38]. » Les Trappistes me confirmaient dernièrement cette opinion, quant à leur entreprise de Staouëli. Les délégués des colons écrivaient également à la commission des crédits extraordinaires : « La concurrence des produits de l’Égypte et de la Russie a été et est encore un empêchement à la production[39]. » Enfin, le général Bedeau ajoute : « L’Arabe produit des céréales à bon marché… ; l’Européen ne peut pas essayer de faire concurrence à ce travail ; le prix de revient des céréales produites par lui serait toujours plus élevé que les mercuriales d’aucun des marchés actuels[40]. » Le général Bedeau parle de la province de Constantine, qui est incontestablement la plus fertile ; le général de Lamoricière a de meilleures espérances pour la province d’Oran : le maréchal Bugeaud lui fait cependant remarquer que le pays situé entre Oran, Mostaganem et Mascara, sur lequel est fondé le plan de colonisation du général, est une des plus mauvaises contrées de l’Algérie[41]. Nous verrons le résultat des espérances du général de Lamoricière.

Nous voyons donc, quant aux céréales, qu’il y a peu d’espoir d’en obtenir à des prix acceptables, de la colonisation européenne, et cependant c’est sur leur culture que repose la sécurité de notre établissement.

Bestiaux. Nous avons vu que le bétail diminue tous les jours en Algérie, et que l’administration est inquiète sur les moyens de procurer de la viande à nos troupes. Ce mal n’est pas nouveau : il deux ans déjà, deux journaux spéciaux avaient à ce sujet une discussion instructive. L’Afrique demandait ce que ses bestiaux étaient devenus. L’Algérie lui répond : « Ce qu’ils sont devenus ! c’est triste à dire, hélas ! mais les pauvres bêtes sont mortes. Elles ont servi d’aliment à toute une génération d’hommes intelligents, braves, morts aussi, et dont il serait beaucoup plus humain de s’enquérir[42]. » L’Afrique donne alors pour remède de faire venir du bétail d’Europe, en lui donnant le passage gratuit, et, attendu la rareté et le haut prix du fourrage, de le nourrir de betteraves, racine qui a l’avantage de porter la boisson avec la nourriture, chose précieuse dans un pays où l’eau de source est rare. La betterave seule paraît réunir toutes ces conditions ; sans elle l’élève des bestiaux est impossible, et l’élève des bestiaux est le salut de l’Afrique[43]. Nous verrons plus loin si nous devons compter sur la production des betteraves.

Il est vrai que certains colons voient le bétail d’Afrique d’un œil moins sombre. — L’un calcule que ses brebis lui donneront quatre agneaux par an, en deux portées, chacune de deux agneaux[44]. C’est quatre ou cinq fois plus qu’en France, où l’on compte généralement que 100 brebis donnent 80 à 90 agneaux vivants après le sevrage. — Un autre projette, à Medjez-Hammar, sur une concession de 4 000 hectares, un établissement agricole pour l’élève des bestiaux. Le haras, de 79 têtes chevalines dans le principe, en présentera 729 à la onzième année ; le troupeau, de 508 bêtes dans le principe, en présentera 1 956 à la cinquième année ; le parc de bêtes à cornes, de 102 animaux dans le principe, en présentera 546 à la huitième année ; enfin, la porcherie, de 105 bêtes dans le principe, à la troisième année fournira à la consommation 3 000 à 4 000 cochons. Le capital social, de 300 000 fr. dans le principe, s’élèvera à 1 400 000 fr. à la septième année, et donnera alors un bénéfice de 350 000 fr., soit 117%[45]. Malheureusement la culture ne se prête pas à ces formules merveilleuses ; nous souhaitons à leur auteur et aux actionnaires ses collaborateurs que ce premier travail reste en portefeuille.

Est-il bien étonnant, du reste, que des personnes qui n’ont aucune notion, aucune pratique de l’agriculture, subissent en Afrique un tel mirage, lorsque le gouvernement nous donne, dans ses statistiques officielles, des chiffres encore plus fabuleux ? Suivant lui, certaines tribus sont bien autrement peuplées et riches en bestiaux que nos communes en France : ainsi les six tribus de Chiebna, Beni-Amar, Ouled-Dieb, Sebâ, Beni-Ourdjin et Beni-Ourdjin-Bar, sur 3 650 hectares, dont 730 sont cultivés, ont une population de 6 321 âmes, c’est-à-dire 175 par kilomètre carré ; le département de Seine-et-Oise n’en compte que 84. Ces 3 650 hectares entretiennent 21 080 bœufs et vaches, 25 120 moutons et chèvres, 2 944 chevaux, juments et mulets[46]. Ce qui fait, en comptant 8 à 10 moutons pour 1 tête de gros bétail, 10 têtes de gros bétail par hectare. La culture la plus perfectionnée en France en est encore à ambitionner une tête par hectare; dans la commune que j’habite en Normandie, nous sommes encore bien éloignés d’avoir cette proportion ; nous n’en avons que 263 pour 351 hectares. Il est vrai que nos vaches sont plus que doubles de celles d’Afrique. Cependant nous ne cultivons pas trop mal ; nos blés nous donnent 25 hectolitres à l’hectare.

Pour remédier à la destruction du bétail et amener son amélioration, on a proposé les moyens les plus étranges ; presque tous indiquent chez leurs auteurs la plus profonde ignorance des choses agricoles. On est heureux de trouver au milieu de tant d’erreurs quelques paroles sensées. M. Flaubert, vétérinaire à Bone, fait remarquer[47]que « les bœufs de l’Algérie sont de petite taille, comme ceux des localités pauvres en fourrages ; que si la végétation, rapide pendant quelques mois, présente alors une nourriture abondante, les sécheresses qui suivent font disparaître presque toute végétation, jusque sur le versant des montagnes où les bestiaux se sont réfugiés, fuyant les plaines desséchées. Les animaux jeûnent une grande partie de l’année, et l’on sait que ceux qui souffrent de la faim, surtout dans le jeune âge, n’atteignent jamais bien leur hauteur normale, et ne s’engraissent jamais bien. » M. Flaubert pense que la vache ne doit recevoir le mâle qu’à deux ans, et tous les deux ans seulement. À quel prix reviendront des animaux qu’il faudra entretenir si longtemps sans qu’ils donnent de produit ! Il combat l’idée de l’importation des animaux de haute taille : ils dégénéreront rapidement sur le sol algérien, se rapetisseront, perdront leurs qualités lactifères, et par le manque d’aliments convenables, et par l’influence du climat. Il juge avec beaucoup de raison qu’il est bien préférable de chercher à améliorer la race par elle-même et par une meilleure alimentation ; mais, pour améliorer l’alimentation, il faut perfectionner les cultures, et c’est là la difficulté.

Ce n’est pas tout que de produire, il faut produire économiquement. Dans les pays agricoles anciennement constitués, l’expérience des temps et les nécessités commerciales ont introduit, pour l’éducation du bétail, la division du travail, qui a si puissamment secondé les industries manufacturières. C’est par une migration continuelle que les divers animaux, en profitant dans chaque contrée des qualités qui lui sont propres, parviennent à remplir leur destination au meilleur marché possible. Ainsi, le bœuf naît dans un pays, travaille dans un autre, et s’engraisse dans un troisième ; le mouton naît dans un pays, souvent grandit dans un autre, et s’engraisse dans un troisième ; le cheval, avant d’arriverà sa destination, parcourt souvent aussi des contrées différentes. Ces animaux passent d’un pays dans l’autre, souvent sans autre avantage pour le cultivateur chez lequel ils viennent accomplir leur destinée, que celui de consommer sans perte les fourrages des fermes ou les pâturages des pays où ils transmigrent. Malheur à l’imprudent qui veut élever là où il faut engraisser, ou engraisser là où il faut élever ! Ces migrations d’animaux ne peuvent se faire que dans un pays anciennement constitué. En Algérie, les migrations des troupeaux sont nécessitées par les besoins du pâturage, et ne sont pas le résultat de semblables combinaisons. En arriver là, en supposant la culture européenne possible, serait l’affaire de plusieurs siècles.

Fourrages. Dans la culture nomade de l’Algérie, les animaux pâturent au printemps, dans les plaines, les herbes de la première végétation. « Quand l’herbe est mangée, que les journées sont brûlantes, que le sirocco au souffle de feu se fait sentir, c’est à peine si l’on aperçoit çà et là quelques plantes, végétant comme à regret sur une terre crevassée, desséchée : tout est mort ! c’est le temps des privations, et les animaux sont conduits sur le versant des montagnes couvertes de broussailles sans force comme sans vigueur, broussailles qui ont conservé à la terre un reste d’humidité tendant à disparaître, et nourrissant encore quelques rares végétaux[48]. » Dans cette culture, qui est celle de tout l’Orient, la faux est inconnue, le fourrage n’est jamais récolté. Si l’on veut faire passer cette culture nomade à la culture européenne, pour laquelle il faut récolter le fourrage, c’est toute une révolution agricole à entreprendre. La chose n’est pas aussi facile que peuvent le penser quelques esprits superficiels.

En 1845, l’administration militaire ne voulait accorder aux colons que 7 fr. 50 c. des 100 kilog. de foin. La Société agricole présente au gouverneur un mémoire qui établit le prix de revient à 8 fr. 40 c., et demande que le fourrage soit payé 9 fr. à 9 fr. 50 c. les 100 kilog[49]. — En 1846, le prix moyen du fourrage acheté par l’administration militaire a été de 12 fr. 35[50]. La valeur moyenne du fourrage en France, d’après la statistique agricole, est de 4 fr. 40 c., et, à ce prix, nos produits agricoles, qui tous subissent l’influence du prix des fourrages, sont encore bien chers. Au prix qu’atteindra le fourrage récolté en Afrique, à quel prix reviendra le travail des bœufs, des chevaux ! À quel prix reviendra l’éducation des bestiaux, leur production en viande, laitages, lainages, etc. ! À quel prix reviendra le fumier, l’âme de toute culture !

L’armée peut bien payer le fourrage le double de ce que le paye l’industrie agricole ; l’armée est une nécessité en Afrique, il faut l’entretenir coûte que coûte ; aucune autre armée ne lui vient faire concurrence. Mais, pour les produits agricoles, la concurrence leur arrive de l’intérieur, de la part des Arabes, et de l’extérieur, de la part de tous les pays. La production agricole européenne pourra-t-elle supporter cette concurrence ?

Légumes-fourrages. Les betteraves, les pommes de terre et les carottes, dans la culture européenne, viennent avec succès en aide aux fourrages pour la nourriture du bétail. En sera-t-il de même en Algérie ? M. Moll nous donne à ce sujet peu d’espérance. — « L’Algérie, dit-il, est probablement sur la limite de la culture de la pomme de terre au midi. Quoique cette plante y réussisse encore, elle ne donne, en général, qu’un produit inférieur à ce que nous obtenons en France, et ce produit même n’est pas tout à fait d’aussi bonne qualité[51]. — Par suite de la durée de sa végétation, on éprouve, pour l’époque du semis de betterave, le même embarras que présentent les pommes de terre. Lorsque l’on manque d’arrosage, aucune saison ne remplit toutes les conditions désirables ; aussi l’Algérie peut-elle être considérée comme également placée sur la limite de la culture de la betterave[52]. »

Vignes. Il est probable que la vigne donnera de bons produits en Algérie. La difficulté sera commerciale et surgira en France. Aujourd’hui les pays viticoles trouvent très bon d’exporter en Algérie pour 9 à 10 millions de boissons (9 570 821 fr. en 1845) ; mais si l’Algérie, au lieu de consommer les produits viticoles français, envoyait, au contraire, en France les siens faire concurrence aux nôtres, l’inquiétude remplacerait la satisfaction, et la question viticole, aujourd’hui difficile, serait encore aggravée. On a déjà pensé aux moyens de remédier au mal. M. Genty de Bussy, ancien intendant civil d’Alger, propose de ne cultiver que les espèces d’Espagne, et encore mieux l’espèce du raisin de Corinthe, qui, séchée, serait un article d’exportation inoffensif pour nous[53]. Cette mesure ne semble pas suffisante au comice agricole de Marseille, qui demande simplement la prohibition de la culture de la vigne en Afrique[54].

Nous voyons que la production des principaux produits alimentaires est difficile à obtenir par la culture européenne ; passons aux produits industriels.

Produits industriels.

Cette distinction des produits est toujours un peu arbitraire ; nous l’acceptons telle que l’a faite la commission du gouvernement dont M. Ch. Dupin a été le rapporteur. Nous voyons dans ce rapport que l’agriculture européenne de l’Algérie peut entrer en concurrence avec celle des nations étrangères sur les marchés de la France pour des marchandises dont la valeur annuelle s’élève :

En produits du règne animal à 169 677 020
En produits du règne végétal à 273 271 868
Total 442 948 888

Le rapport n’est pas satisfait de cette brillante perspective, et, estimant que les autres peuples de l’Europe importent aussi chaque année pour un milliard des mêmes produits, il compte que l’Algérie fournira sa bonne part de ce milliard[55]. On ne sait pourquoi l’honorable rapporteur n’a pas fait entrer dans la nomenclature de ces produits les sucres, que nous importons chaque année pour une valeur de 60 millions, puisqu’il y fait entrer les huiles, les soies, etc. Il donne pour raison que le sucre fait la richesse de nos anciennes colonies : mais les huiles et les soies font la richesse de la France, et on ne peut comprendre la distinction que l’on voudrait établir entre ces produits, à moins qu’il ne soit entendu que toujours, et dans tous les cas, la France doit être sacrifiée aux colonies.

Examinons ces diverses cultures industrielles, et, d’abord, disons un mot des produits tropicaux, et des circonstances agricoles de l’Algérie à leur égard.

Climat. La latitude à laquelle est soumise l’Algérie est du 35eau 37edegré. On voit déjà la différence qui existe sous le rapport de la latitude entre l’Algérie et les Antilles qui sont situées entre le 10eet le 25edegré, la Nouvelle-Orléans sous le 30e, les possessions anglaises, hollandaises et espagnoles dans l’Inde entre l’équateur et le 26e, et le Brésil sous les tropiques mêmes.

Les mêmes latitudes sont loin de donner la même température ; la température est grandement modifiée par une multitude de causes générales pour des continents entiers, et locales pour des portions de continent. Ainsi le climat de la côte atlantique est plus froid en hiver et plus chaud en été que ses parallèles d’Europe. Sur toute la côte, depuis Potomac, les chaleurs, dès un mois avant le solstice d’été, sont si fortes, que le thermomètre de Réaumur s’élève à 22 et 24 degrés, et à Savanah à 32 et 33 degrés, tandis qu’en Égypte le terme moyen est de 25 degrés[56].

En outre, des causes naturelles rendent la température plus ou moins constante ou variable, de telle sorte que, sur des points donnés, une seule variation de température rend impossible la végétation utile de telle ou telle plante.

En Algérie, le voisinage des monts Atlas et du grand désert produit des variations vives et fréquentes dans l’atmosphère. L’influence du sirocco ou vent du désert se fait sentir jusqu’en Europe. Il ne faut pas oublier que peu après la chute des premières pluies, l’Atlas se couvre de neiges et qu’elles durent jusqu’au mois de mars. Cette circonstance et l’abondance des rosées y rendent les nuits très froides. Dès le mois d’octobre, la figue banane cesse d’y mûrir, et parfois, comme en 1830, n’y mûrit pas du tout. On a vu au mois de novembre les fèves et les pois frappés de mort par le froid de la nuit[57]. Shaw, pendant les douze ans qu’il a demeuré à Alger, a vu deux fois le thermomètre à la gelée, et toute la campagne couverte de neige[58]. Dans d’autres années, l’oranger a été atteint par la gelée, ce qui n’arrive qu’à 6 degrés au-dessous de 0 ; tandis qu’à la Martinique, Porto-Rico, et autres îles du Vent, le thermomètre ne descend pas à 10 degrés au-dessus de 0[59].

On se rappelle que dans la première expédition contre Constantine en 1836, dans l’expédition de Djimilah en 1838, dans l’expédition du Bou-Thaleb en décembre 1845, nos troupes retrouvèrent en Afrique le froid qui les avait vaincues en Russie, condamnées ainsi en Afrique, suivant la parole du Dante :

A sofferir tormenti caldi e geli[60].

Dans l’expédition du Bou-Thaleb, sur les 2 800 hommes partis de Constantine, 1 800 furent atteints de congélations partielles, 208 périrent de froid dans la marche, 55 furent amputés, et 22 moururent à l’hôpital par suite de congélations[61].

La température moyenne de l’Algérie paraît être de 16° dans le Tell, de 17° sur la côte, et de 20° dans le Sahara. Il ne peut pas être question de cultiver dans le Sahara, et, en prenant la température de la côte comme la plus élevée du pays cultivable, nous trouvons que, de 1838 à1841, la température des diverses saisons à été

Hiver 12° 40 Été 23° 56
Printemps 15° 47 Automne 19° 92

Température moyenne de l’année 17° 86[62].

La température moyenne à la Martinique a été, suivant M. Moreau de Jonnès, de 1803 à 1808, de 27° 24 ; suivant M. Godineau, médecin de la marine, elle a été de 1797 à 1800, à la Martinique, de 27° 44, et à la Guadeloupe, de 25° 44[63].

On apprécie déjà la différence de température moyenne ; et il ne faut pas penser toutefois que les diverses cultures soient réglées, sous le rapport de leurs limites géographiques, par les moyennes températures annuelles. Ainsi, comme le dit M. de Humboldt, « pour que la vigne produise du vin potable, il ne suffit pas que la température annuelle moyenne dépasse 9° et demi ; il faut encore qu’une température d’hiver supérieure à +0° 5 soit suivie d’une température moyenne de 18° au moins pendant l’été. » (Cosmos, t. I, p. 388.)

Les pluies exercent une influence considérable sur la végétation, et par leur quantité et par la répartition de cette quantité. Dans nos anciennes colonies, des pluies abondantes et bien réparties concourent avec la chaleur du climat à la riche végétation du sol. Voici un tableau que nous empruntons au très bon ouvrage du docteur Thévenot[64].

Martinique Guadeloupe Cayenne Bourbon
Nombre de jours pluvieux par an. 230 199 270 110
Quantité moyenne de centimètres de pluie 219 219 300 109

En regard, nous indiquons les résultats des observations faites à Alger, du 1erjanvier 1838 au 31 décembre 1846[65].

Nombre de jours pluvieux par an, 56.

Quantité moyenne de centimètres de pluie, 89.

On voit que le peu d’eau que reçoit l’Algérie, comparativement à nos anciennes colonies, tombe en peu de jours, au lieu d’être largement répartie. À des pluies torrentielles, succède une sécheresse dévorante :

Ce fait seul n’explique-t-il pas les difficultés de culture que l’on éprouve en Algérie, et ne devrait-il pas ouvrir les yeux de ceux qui rêvent encore aux produits tropicaux ?

La nature du sol est encore un autre élément de végétation aussi varié que la température : il faut, pour comparer la possibilité de culture d’une plante dans deux pays différents, une analogie de sol tout autant que de climat. De longues épreuves et l’expérience peuvent seules la constater. On s’est trompé trop souvent dans ces assimilations ; profitons des erreurs commises, et ne provoquons pas de désastreux mécomptes.

Après ces observations sur le climat, examinons les cultures que l’on se propose de lui confier.

Canne à sucre. Elle a été cultivée en Italie, en Corse, en Espagne, à Tunis et en Égypte, où la température est plus élevée qu’à Alger. Partout on a reconnu que la partie sucrée n’était pas assez abondante, et cette culture a été abandonnée. Il y en a encore quelques plants dans le midi de l’Espagne, aux environs des ports de mer ; ils sont destinés, non à la production du sucre, mais à masquer la contrebande. À Alger, il en a été planté trois pieds en 1833 au jardin d’acclimatement, le Tableau des établissements pour 1845 ne mentionne pas qu’il y en ait encore.

Cafier. La culture du cafier a été essayée en Égypte, et a complètement échoué ; au cap de Bonne-Espérance, qui est à peu près sous la même latitude qu’Alger, le cafier a réussi, mais n’a pas porté de fruits, ou bien, lâches et inertes, les fruits n’arrivent pas à maturité.

Indigo. L’indigo avait été cultivé dans le principe au jardin d’acclimatement d’Alger, sur une étendue de trois mètres. On paraît y avoir renoncé. L’indigo de l’Inde et de Java obtient aujourd’hui la préférence sur celui d’Amérique ; il est difficile que celui d’Alger puisse trouver sa place dans le commerce, et par sa qualité et par son prix.

Coton. C’était sur le coton que, dans le principe, l’Algérie avait fondé ses plus grandes espérances. On avait annoncé, comme exécutées, des plantations considérables ; puis ces plantations se sont réfugiées à la pépinière centrale : en 1842 elles produisirent 11 kilog., qui, soumis à des essais de filature, donnèrent des résultats satisfaisants. Il en fut de même des échantillons de la récolte de 1845. Le coton est celle des plantes tropicales que comporterait le mieux le climat de la régence, du moins dans les parties basses et fertiles des plaines qui pourraient être arrosées : mais la culture y serait moins avantageuse que dans l’Égypte et dans la Syrie, par rapport au prix de la main-d’œuvre, et moins profitable qu’aux Florides ou dans la Géorgie, dont aucune contrée ne peut égaler les belles qualités, et où les terres à bas prix présentent une fertilité bien supérieure à celle des meilleures parties de l’Algérie. Le coton d’Alger ne pourra jamais supporter sur nos marchés la concurrence des cotons d’Égypte et d’Amérique. Nous avons été étonnés de voir des industriels en coton appeler de leurs vœux le coton africain : souhaitons qu’il ne prenne pas assez de force pour se faire protéger, et que nous ne soyons pas condamnés au coton d’Alger, ainsi que nous avons été condamnés au sucre de nos colonies.

Pavot somnifère. La culture du pavot somnifère, pour l’extraction de l’opium, a été l’objet des soins du gouvernement. M. le directeur de la pépinière centrale d’Alger a fait des essais sur lesquels l’Académie des sciences a fait un rapport. Le résultat est celui-ci : M. le directeur de la pépinière d’Alger a cultivé en pavot somnifère 13 ares, qui ont coûté de culture et de récolte                                                126 fr.

Le produit à été de 124      88
D’où suit une perte de     1      12

 

M. le directeur pense que le temps a nui à la récolte : il suppose un temps favorable, il suppose par suite le rendement de l’opium plus fort d’un tiers, et convertit ainsi sa perte de 1,12 en un bénéfice de 22 fr. 29 c. pour 13 ares. Puis, appliquant ce calcul, fondé sur le beau temps, à 1 hectare, il établit le compte suivant :

FRAIS Labour à la houe 96 journées à 2 fr. 192
Semailles, hersage 44 2 88
Deux binages 59 2 118
Récolte de l’opium 229 2 458
Récolte de la graine 37 2 74
465 Total des frais 930
PRODUIT Opium, 23 k. 268 gr., à 30 fr. 698
Grains de pavot, 11 hect., à 30 fr. 630
690 bottes de tiges, à 10 c. 69
Total du produit 1 097
Bénéfice net pour un hectare 167

Sans parler ici du singulier élément de calcul (le beau temps futur) que M. le directeur de la pépinière fait entrer dans son compte, nous ferons observer que dans ce compte il n’est rien porté pour frais généraux, intérêt du capital d’exploitation mobilier et immobilier, engrais et loyer de la terre, frais qui s’élèveraient à environ 150 fr. par hectare. Nous ajouterons que lorsque l’on paye la journée de main-d’œuvre 2 fr., il ne paraît pas prudent d’entreprendre une culture où cette main-d’œuvre prend une aussi grande part, lorsque cette culture est depuis longtemps établie dans des pays tels que l’Inde et Java, où la main-d’œuvre ne vaut que quatre ou cinq sous : il est évident que sous ce rapport seul, et sans parler de la différence de fertilité de la terre, nous ne pouvons supporter la concurrence. Cette concurrence serait d’autant plus difficile à soutenir, que, quoi que fasse l’Angleterre, ses exportations d’opium en Chine, qui étaient naguère de 1 400 000 kil., diminueront, et l’opium refluera à bas prix vers l’Europe. Puis, quelle est la consommation d’opium faite en France ? On est en vérité étonné du sérieux avec lequel tant de personnes sérieuses ont traité la question de cette culture.

Cochenille. Le nopal ne peut recevoir la cochenille qu’à trois ans de plantation : on conçoit que les essais ont dû demander du temps. On semblait avoir renoncé à cette culture ; aujourd’hui le gouvernement annonce que la nopalerie, établie à la pépinière centrale dont nous venons de parler, est en plein rapport. Le Livre bleu fait pour la cochenille le même calcul qu’il a fait pour l’opium : la pépinière centrale a cultivé en nopal 181 mètres de superficie (un cinquante-cinquième d’hectare) ; il a été récolté 17 kilog. 490 gr. de cochenille ; donc un hectare produira 961 kilog. 956 gr., qui, à 20 fr. le kilogr., donneront 19 220 fr. Pour faire une récolte chaque année sur un hectare, il faut 3 hectares de nopal en culture, et une avance de fonds de 20 000 fr. ; donc une avance de fonds de 20 000 fr. donnera un bénéfice net de 9 475 fr. chaque année[66] (soit 47%). Le Livre bleu ajoute qu’il n’est pas permis de douter de la réussite de cette culture, et que le mémoire justificatif des résultats obtenus est soumis à l’Académie des sciences. Nous verrons le rapport de l’Académie ; jusque-là nous douterons, et peut-être après aussi.

Examinons actuellement les cultures industrielles de plantes non tropicales.

Tabac. Par mesure fiscale la culture du tabac est prohibée en France ; ce n’est que par exception qu’elle est concédée à quelques personnes dans six ou sept départements, sous la réserve qu’une partie de l’approvisionnement sera prise à l’étranger. Deux des départements tolérés ont dû renoncer à cette culture, tant était faible le prix accordé par l’administration. Les agents des contributions indirectes sur toute la France, et des agents spéciaux dans les cantons où se fait la culture, surveillent le pays entier, et poursuivraient comme délinquant le malheureux qui croirait pouvoir planter dans son jardin un pied de tabac pour sa consommation. Voilà la part de la France. — Voici la part de l’Algérie : non seulement elle est affranchie de l’impôt du tabac, mais encore des agents spéciaux du gouvernement sont chargés d’y propager cette culture ; les prix payés par la régie dépassent, pour le tabac algérien, ceux qu’elle paye pour les tabacs exotiques de nature analogue. Le Livre bleu établit le compte de la culture d’un hectare en tabac, d’après lequel la dépense serait de 587 fr., et le produit des feuilles de 2 200 fr., ce qui, en mettant encore pour l’imprévu une dépense de 600 fr., laisserait au colon un bénéfice de 1 000 fr. par hectare ; et l’administration, émerveillée de son œuvre, s’écrie : Quelle autre culture est susceptible de donner des résultats aussi satisfaisants[67]! Il fallait, en effet, concéder ces prix avantageux pour que le colon d’Alger pût cultiver le tabac et le fournir à la régie ; c’est le Trésor qui, à nos dépens, lui permet de faire concurrence au tabac d’Amérique, où la richesse du sol donne des produits énormes, et où le climat donne une qualité supérieure. Le résultat pour la France sera une diminution de recette dans l’impôt du tabac.

Abeilles. Nous ne dirons rien de l’éducation des abeilles ; nous voyons seulement dans le Livre bleu[68] qu’en 1843 on a concédé à M. Lavieille 20 hectares pour établir un rucher normal, et qu’en 1845 on lui a donné 1 000 fr. pour l’indemniser de ses dépenses (p. 238). M. Claude fait aussi avec persévérance l’éducation des abeilles ; il a constaté que les abeilles d’Afrique sont plus faciles à gouverner que celles de France, et d’un produit plus sûr et plus abondant (p. 239). Aussi M. Claude reçoit-il une indemnité de 500 fr. (p. 240).

Oliviers. La culture de l’olivier et du mûrier sont celles qui présentent le plus de chances de succès. Celles-là, au moins, sont en dehors des nécessités de la culture nomade. Les oliviers sont déjàcultivés dans les bons sols par les indigènes, et, avec des dépenses, l’Européen pourra aussi récolter l’olive. Pour l’huile comme pour le vin, la difficulté est économique et se produira en France. Nous en parlerons dans le chapitre suivant.

Mûriers. Le mûrier et l’éducation des vers à soie n’ont pas besoin d’une haute température pour réussir. La plus belle soie que nous ayons est celle des Cévennes. M. Beauvais, près de Paris, a de très beaux mûriers et file de très belle soie. Il est aujourd’hui reconnu que l’on peut, avec avantage, cultiver le mûrier dans les trois quarts de la France, et que l’éducation du ver à soie se conduit mieux dans les pays tempérés que dans les pays très chauds, où les vers à soie ont à craindre les touffes, qui les font périr en si grand nombre. La culture du mûrier et l’éducation du ver à soie réussiront aussi en Algérie, mais réussissent encore mieux en France.

Sauf pour ces deux derniers produits, nous croyons avoir établi que la culture européenne est impuissante pour la création en Algérie des produits soit alimentaires, soit industriels. Un écrivain ingénieux pense avoir résolu ces deux difficultés en les mettant aux prises. Il pose en principe que toute exploitation africaine doit spéculer sur la vente d’une denrée commerciale telle que le coton, et ne produire les vivres que pour le besoin du domaine ; il estime que le pain et la viande, produits pour l’habitation et consommés sur place, y reviendraient à très bas prix. « Une compagnie les livrerait à des prix proportionnés à la puissance des salaires ; le chiffre normal du salaire serait porté à 2 fr. 50 c. pour la journée du manouvrier. Que sur la fourniture faite chaque jour à l’ouvrier la compagnie ait un bénéfice net de 1 fr., ce salaire effectif sera réduit à 1 fr. 50 c., et il deviendra possible alors de produire la marchandise sur laquelle doit reposer l’espérance de la société, à un prix assez bas pour que le placement en soit assuré en Europe. Ainsi se trouverait réalisée la véritable condition du succès, le débouché doublement assuré à l’intérieur et sur les marchés étrangers[69]. » Tout ce système est basé sur des vues d’organisation du travail qui témoignent du bon vouloir de l’auteur ; mais nous ne pensons pas que ses combinaisons, bienveillantes pour le capital aussi bien que pour le travail, puissent amener de meilleurs résultats que ne l’ont fait les autres combinaisons réformatrices qui ont pris naissance dans ces derniers temps. Nous ne pensons pas que les combinaisons de l’auteur puissent, comme il le dit, rendre indifférent le taux normal des salaires.

La compagnie et l’ouvrier, il est vrai, pourront convenir que la compagnie donnera des salaires très élevés à l’ouvrier, à la condition qu’elle lui vendra ses denrées à un prix exorbitant, de manière que, comme le dit l’auteur, elle ait un bénéfice net de 1 fr. sur la fourniture faite chaque jour, ce qui lui procurerait nécessairement 80 ou 100%de bénéfice ; ou qu’elle ait un bénéfice de 50 c. sur un kilog. de viande vendu 1 fr., ce qui ferait encore 100% de bénéfice. Il faudrait un jour sortir de ces fictions, soit pour liquider avec l’ouvrier, et lui fournir en argent le bénéficeénorme que lui fait espérer l’auteur[70], soit pour vendre au dehors les produits industriels en concurrence avec leurs similaires produits dans des pays où la richesse du sol, un climat favorable, une main-d’œuvre à bon marché, auront facilité une production à bon marché. Alors, on serait ramené à la vérité, ainsi qu’on le fut à la fin du système de Law, et de toutes ces fictions il ne resterait que désastres pour ceux qui, une fois encore, auraient pensé que l’on peut faire quelque chose de rien.

Toutes les combinaisons possibles ne peuvent faire que le sol et le climat d’Afrique soient autre chose que ce qu’ils sont, et produisent plus, ou autre chose que ce qu’ils produisent ; toutes les combinaisons possibles ne peuvent faire qu’un sol nu comme celui d’Afrique, en supposant qu’il puisse être mis en culture européenne, n’exige pour cela des capitaux considérables pour bâtiments, plantations, défrichements, bestiaux, instruments aratoires, et nourriture en attendant le moment de la récolte, et que l’intérêt de ces capitaux ne doive être beaucoup plus onéreux que le loyer ou le partage des fruits moyennant lesquels on a toutes ces choses en Europe.

Nous maintenons donc que la culture européenne en Afrique ne peut soutenir la concurrence, ni de la culture nomade pour les bestiaux et les céréales, ni de la culture en Europe et aux États-Unis pour les produits alimentaires et industriels d’Europe, ni de la culture tropicale pour les produits industriels tropicaux.

Nous examinerons, dans un dernier chapitre, la questioncommerciale et celle de la navigation.

DESJOBERT,

Député de la Seine-Inférieure.

_________________

[1] Voir le tome XVII, p. 121 (numéro de mai 1847).

[2] Ordinairement la Chambre ne nomme que neuf membres pour ses commissions : elle en a nommé dix-huit dans cette circonstance, à cause de l’importance du sujet. J’ai eu l’honneur de faire partie de cette commission, et je dois avouer que tout ce que j’y ai entendu, que les débats entre tant de systèmes se détruisant l’un l’autre, m’ont laissé à la fin de cette commission plus convaincu qu’auparavant, s’il était possible, de l’impossibilité radicale de la colonisation européenne.

[3] M. de Tocqueville. Voir ses deux rapports des 21 mai et 2 juin 1847. Voir aussi le rapport de M. Bignon sur le budget de 1848, du 29 mai 1847.

[4] Voir le rapport du 31 juillet, de M. Ch. Dupin, président du Conseil des délégués des colonies.

[5] Voir, à la Chambre des députés, les séances des 7, 8, 9, 10, 11 juin, et 9 et 10 juillet. Et, à la Chambre des pairs, les séances des 3, 5 et 7 août.

[6] Statistique médicale, p. 124, par le docteur Trolier, médecin en chef de l’hôpital civil d’Alger.

[7] Nous ne comptons ici que les hommes morts dans les hôpitaux, et nous ne parlons pas de ceux qui, réformés, vont mourir dans leurs familles. Nous ne parlons pas non plus de ceux tués par le feu de l’ennemi : ils sont peu nombreux.

Nous perdons par an, en Afrique, environ              200 hommes.

Nous avons perdu en 1846.                         116

                              À la prise de Constantine  100

                              À la bataille d’Isly             27

                              À la Smalah             9

[8] « Tout homme faible qu’on envoie en Afrique est un homme perdu ». Maréchal Bugeaud, discours du 19 février 1838.

[9] Observations du maréchal Bugeaud sur le projet de colonisation du général de Lamoricière, 1847, p. 4.

[10] Observations du maréchal Bugeaud sur le projet de colonisation du général de Lamoricière, 1847, p. 5.

[11] Lettre du maréchal Bugeaud à M. Desjobert. Discours du 14 juin 1847.

[12] Discours de M. Ferdinand Barrot, du 7 juin 1847.

[13] Séance du 11 juin 1847.

[14] Séance du 9 juillet.

[15] Le soldat, qui est toujours admirable de bonté pour ceux qui l’exploitent le plus cruellement, et qui, dans son blâme, met toujours de l’esprit et de la finesse, disait, en voyant le sol égyptien dont le général Bonaparte avait promis dix arpents à chacun d’eux : « Le gaillard n’avait pas besoin de se gêner pour nous donner ses dix arpents, il pouvait nous en donner davantage. »

[16] Le général Duvivier. Solution de la question de l’Algérie.

[17] National du 24 février 1847.

[18] De la colonisation de l’Algérie, p. 156.

[19] Nous ne parlons pas ici des autres produits industriels. Il n’en existe aucun ; les produits minéraux ne sont connus que par les débats qu’ils ont soulevés entre les divers prétendants.

[20] Rapport de M. Ch. Dupin, ancien ministre de la marine, du 21 juin 1812, p. 24.

[21] Considérations sur l’Algérie, p. 4.

[22] Exposé sur la colonisation, p. 4

[23] De la colonisation de l’Algérie, 1847, p. 7 à 20.

[24] Rapport de M. Dufaure, du 29 avril 1846.

[25] Rapport du 25 juin 1846.

[26] Communication à la commission de la Chambre des députés pour les crédits1847.

[27] Moniteur du 22 juillet 1847.

[28] Déclaration de M. le baron de Laussat à la commission des crédits, le 7 avril 1847.

[29] Voyage politique, par M. Bavoux, t. II, p. 259.

[30] Projets de colonisation, p. 37. — 1847.

[31] Observations sur le projet de colonisation du général de Lamoricière, p. 7. Voir ce que le maréchal Bugeaud dit dans toutes ses publications. — Les très bonnes observations du docteur Trolier dans sa Statistique médicale. — Celles de M. Flaubert, dans un excellent mémoire inséré dans la Revue algérienne, t. II, p. 85.

[32] Discours du 30 juin 1846.

[33] Pétition de M. de la Villegontier, 1845, p. 7.

[34] Nécessité d’un impôt sur les grains étrangers, par M. Sabatault, colon propriétaire, 1845, p. 8.

[35] Nécessité d’un impôt sur les grains étrangers, par M. Sabatault, colon propriétaire, 1845, p. 6.

[36] Ibidem, p. 8.

[37] De la colonisation de l’Algérie, par M. Moll, t. II, p. 273.

[38] Discours du 7 juin 1847.

[39] Lettre à M. Dufaure, président, du 9 avril 1847.

[40] Projets de colonisation, 1847, p. 203.

[41] Observations du maréchal Bugeaud, p. 11.

[42] L’Algérie du 16 février 1845.

[43] L’Afrique du 12 février 1845.

[44] Déposition de M. le baron de Laussat à la commission des crédits, le 7 avril 1847.

[45] Imprimerie de Rignoux, à Paris, 1846.

[46] Tableau de nos établissements pour 1844, p. 402. — Ce gros livre est publié chaque année, et est couvert en papier bleu ; ce qui l’a fait appeler le livre bleu. En Algérie, on s’appelle le livre des contes bleus.

[47] Mémoire de M. Flaubert, vétérinaire à Bone. Revue algérienne, t. II, p. 85.

[48] Mémoire de M. Flaubert, Revue algérienne, t. II, p. 85.

[49] Courrier d’Afrique du 2 mai 1845.

[50] Communications à la commission des crédits de 1847.

[51] Colonisation de l’Algérie, t. II, 303.

[52] Ibidem, p. 310.

[53] Des établissements des Français dans la régence d’Alger.

[54] Séance du 14 février 1843.

[55] Rapport du 21 juin 1842, p. 42 et 43.

[56] Tableau du climat et du sol des États-Unis, par Volney, t. VII.

[57] Dix-huit mois à Alger, par le général Berthezène.

[58] Voyages de Shaw, t. II, p. 282.

[59] Tableau du climat des États-Unis, par Volney, t. VII.

[60] Div. Comedia. Purgatorio, canto III.

[61] Relation médico-chirurgicale de l’expédition du Bou-Thaleb, par M. Shrimpton, chirurgien en chef de l’ambulance.

[62] M. Boudin, Statistique de l’état sanitaire et de la mortalité des armées. Paris, 1846, p. 78.

[63] Thèse médicale, Montpellier, 1844.

[64] Maladies des pays chauds, p. 77.

[65] Moniteur algérien du 20 mars 1847.

[66] Tableau des établissements, 1845, p. 235-238.

[67] Tableau des établissements, 1845, p. 208-212.

[68] Tableau des établissements, 1845.

[69] Colonisation de l’Algérie, par M. Cochut. Revue des Deux-Mondes, t. XVIII, p. 248.

[70] L’auteur pense que la famille du simple manœuvre réaliserait en journées 1 500 fr., et aurait, à la fin de l’année, une gratification subventionnelle de 400 à 500 fr. Total, 2 000 fr. En France, une famille d’ouvriers de campagne gagne, par an, environ 500 fr. Nous avons fait beaucoup travailler, et nous voudrions que les combinaisons de l’auteur pussent avoir quelque application.

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