L’école du Public Choice pour les Nuls : Yes (Prime) Minister. Par Jérôme Perrier

yes ministerJérôme Perrier, « L’école du Public Choice pour les Nuls : Yes (Prime) Minister, ou lorsqu’une série télévisée britannique des années 1980 mettait l’humour au service d’une vulgarisation talentueuse de la théorie des Choix publics. »

Une bonne série télévisée peut être l’occasion de s’instruire plus agréablement – et parfois plus substantiellement – sur certaines réalités politiques et sociales que bien des traités théoriques, trop souvent rébarbatifs, sans saveur et sans chair. C’est ainsi que la série West Wing est certainement l’un des meilleurs moyens de s’initier aux subtilités de la vie politique américaine (si différente de notre monarchie républicaine, où tout ou presque se décide à l’Elysée), ou que la série The Good Wife offre un aperçu tout à fait saisissant du monde judiciaire américain, encore plus éloigné de notre univers hexagonal que ne le sont les couloirs du Capitole et de la Maison Blanche. Mais il serait erroné de croire qu’en la matière les Américains ont le monopole des séries de qualité. Il suffit pour cela de penser à l’excellente série danoise Borgen, sur la vie politique dans une démocratie parlementaire de l’Europe du Nord (une expérience tout aussi dépaysante pour des Français élevés au sein de ce que feu Jean-François Revel appelait si justement L’absolutisme inefficace), ou à la non moins excellente série israélienne Hatufim, qui montre on ne peut mieux l’emprise effrayante que peuvent avoir les militaires et le monde du renseignement au sein d’une démocratie qui vit dans un état de guerre larvée permanente.

Dans un registre plus léger mais non moins instructif, rien n’illustre mieux les vertus pédagogiques d’une bonne série télévisée que la sitcom britannique Yes Minister, diffusée par la BBC entre 1980 et 1984 (et dont une suite, intitulée Yes, Prime minister, est apparue sur les écrans outre-Manche deux ans plus tard, entre 1986 et 1988). Cette série humoristique aux accents libéraux revendiqués était notoirement appréciée de Margaret Thatcher, qui écrivit même en 1984, avec l’aide de Bernard Ingham, le script d’un épisode de quatre minutes, où elle jouait le rôle du locataire du 10 Downing Street – poste qu’elle occupait alors, comme chacun sait.

Le thème de cette série – dont le succès populaire fut considérable au Royaume-Uni, et fut d’ailleurs accompagné d’un large succès d’estime auprès d’une critique pourtant peu suspecte de tropisme thatchérophile – est assez facile à résumer. Elle met en scène les conflits quotidiens d’un ministre (devenu Premier ministre dans les 4ème et 5ème saisons) en proie à une haute administration qui s’avère, dès son entrée en fonction, toute-puissante et déterminée à défendre le statu quo et à empêcher coûte que coûte l’impétrant de mettre en œuvre la politique qu’il s’était pourtant engagé à appliquer auprès de ses électeurs, en échange de leur vote. Il est assez facile de comprendre ce que Margaret Thatcher pouvait apprécier dans une fiction qui faisait écho aux combats incessants et virulents contre Whitehall[1] qui furent les siens durant une bonne partie de sa carrière. Et tout particulièrement au moment où la série a été écrite, alors qu’elle venait tout juste d’entrer au 10 Downing Street, et qu’elle paraissait bien déterminée à imposer ses réformes à un Establishment réticent à l’égard d’une fille d’épicier qui ne cachait pas son mépris pour les hauts fonctionnaires du Civil Service (un mépris qui était en réalité réciproque)[2].

La série Yes (Prime) minister s’articule essentiellement autour de trois personnages. Jim Hacker d’abord, qui est un politicien devenu « ministre des affaires administratives » (tout un programme…), après la victoire de son parti aux élections générales. Un parti que les scénaristes se sont bien gardés d’identifier, et qui pourrait tout aussi bien être le parti conservateur que le parti travailliste (dans une version toutefois moins radicale quelle celle prônée actuellement par le nouveau leader du Labour, Jeremy Corbyn). Homme un peu candide et somme toute assez fruste, Hacker se heurte dès son entrée en fonction à la tâche herculéenne consistant à vouloir faire appliquer ses « décisions » (mot qu’il aime à jeter à la figure de ses collaborateurs, comme pour mieux exorciser son impuissance) par une administration quasi souveraine, ancrée dans ses certitudes et ses habitudes ancestrales. Ce Civil Service retors et obstiné s’incarne d’abord et avant tout dans le personnage haut en couleurs de Sir Humphrey Appleby, le « Permanent Secretary » du Ministery of Administrative Affairs (sorte de secrétaire général qui, en tant que membre le plus haut gradé du ministère, dirige de facto celui-ci, au grand dam de son éphémère ministre qui n’en peut mais). Pur produit d’Oxbridge et de l’Establishment britannique dans ce qu’il peut avoir de plus caricatural (mais aussi de savoureux… pour le plus grand plaisir du spectateur amateur de British sense of humour), Appleby incarne à merveille la haute fonction publique de Sa Gracieuse Majesté, d’autant plus sûre d’elle-même qu’elle peut se prévaloir d’une tradition d’indépendance à l’égard du pouvoir politique bien plus grande que son homologue française. En effet, au Sud de la Manche, les cabinets ministériels sont parvenus de longue date à imposer leur autorité à des directeurs d’administration qui, au fil du XXème siècle, ont été souvent réduits à devenir de simples agents d’exécution, à la différence de leurs voisins britanniques, qui ne subissent pas une férule aussi étroite, et jouissent donc d’une autonomie plus grande[3].

Il serait dès lors erroné de vouloir transposer chez nous, terme à terme, les relations entre la classe politique et la haute fonction publique, telles qu’elles apparaissent dans Yes (Prime) minister. En effet, si le troisième personnage le plus important de la série, Bernard Woolley, exerce auprès de Jim Hacker des fonctions qui se rapprochent de celles d’un directeur de cabinet en France, il faut bien voir que les cabinets ministériels, tout-puissants chez nous, n’ont pas vraiment d’équivalent chez nos voisins britanniques. Pris entre le marteau et l’enclume (autrement dit entre son ministre et le « Permanent Secretary », homme-clé de la bureaucratie britannique, bien plus puissant qu’un directeur d’administration français), le pauvre Woolley n’a rien de l’homme puissant qu’est, en France, le directeur de cabinet. Reste que, malgré ces différences, cette série britannique conserve – outre l’humour irrésistible qu’elle dégage – un intérêt indéniable pour un public français. Et l’on ne peut que regretter que cette série n’ait jamais été diffusée en France, et qu’il n’existe même pas de version sous-titrée en français. Once again…

Bien que relevant du genre humoristique qu’est d’abord et avant tout une sitcom, Yes (Prime) Minister est néanmoins parvenue, par sa qualité, à attirer l’attention de nombreux chercheurs (y compris français), qui y vont vu un puissant vecteur de diffusion des idées libérales, et tout particulièrement des théories de l’école du Public Choice[4]. Fondée par James Buchanan (prix Nobel d’économie 1986) et Gordon Tullock dans les années 1960, cette dernière entend expliquer le comportement des électeurs et des « hommes de l’État » (qu’ils soient hommes politiques ou hauts fonctionnaires), en s’interrogeant sur les motivations – rarement désintéressées – qui sont les leurs. Les travaux qui se réclament de cette approche visent en effet à démontrer que si l’homo oeconomicus peut à bon droit être soupçonné de chercher rationnellement à maximiser son profit (matériel et symbolique), l’homo politicus[5] peut tout aussi légitimement être soupçonné de vouloir accroître le sien (c’est-à-dire, d’abord et avant tout, vouloir se faire élire et réélire).

De la même façon, l’homo bureaucraticus (si l’on ose employer ce barbarisme) cherchera lui aussi son intérêt, qu’il trouvera le plus souvent dans l’accroissement de son pouvoir, de ses privilèges symboliques et, plus encore, du budget affecté à ses services. Appliquant ainsi au « marché » politique un raisonnement de type micro-économique (le « self-interest postulate »), les théoriciens du Public Choice entendent rompre avec la vision manichéenne qui oppose un marché (économique) vicié, où règneraient l’égoïsme et la cupidité, à une sphère publique, plus noble, dans la mesure où elle aurait l’apanage du désintéressement et le monopole de la défense de l’intérêt général. Sans tomber dans une caricature inverse[6], les auteurs se réclamant de l’école du Public Choice considèrent que l’homme est un, et qu’il n’y a donc aucune raison pour qu’il se conduise de façon radicalement différente, selon qu’on l’observe dans le champ économique (autrement dit dans sa vie quotidienne) ou dans le champ politique.

La série télévisée Yes (Prime) minister véhicule le même message que les travaux effectués dans le sillage de Buchanan et de Tullock, de façon tout à fait assumée, puisque l’un des deux réalisateurs, Antony Jay, a déclaré un jour, au cours d’une émission de la BBC : « L’illusion à laquelle le Public Choice s’est attaqué est que le gouvernement ne travaille que pour améliorer la situation des citoyens. Nous l’avons reflété en montrant dans chaque épisode que presque toutes les décisions que le gouvernement doit prendre sont en fait un conflit entre deux intérêts particuliers : celui des hommes politiques et celui des fonctionnaires, cherchant à progresser dans leur carrière et à améliorer leur propre situation. C’est pourquoi l’économie du Choix Public, qui explique pourquoi cela se passe ainsi, est au fondement de presque tous les épisodes de Yes Minister et de Yes, Prime Minister »[7].

La grande force de cette série (que l’on pourrait dire « à thèse », si l’expression n’avait pas une connotation d’ennui que même les pires de ses contempteurs n’oseraient lui attribuer) consiste effet à illustrer cette idée générale à travers des scènes assez cocasses et des personnages qui le sont tout autant. A commencer par le savoureux Sir Humphrey Appleby, qui est si imbu de ses prérogatives qu’à côté de lui nos inspecteurs des Finances ou nos X-Mines feraient volontiers figure de parangons de modestie. Si les traits sont volontiers outrés et les situations exagérées, comme le veut le genre de la comédie, c’est pour mieux mettre en valeur les phénomènes pointés – comme par un effet de loupe, générateur d’effets comiques évidents, mais aussi d’éclaircissements parfois fulgurants. C’est ainsi qu’après avoir vu la série, il est difficile d’évoquer les bureaucrates de Whitehall sans penser immédiatement à Sir Humphrey, qui semble en incarner à jamais la quintessence, jusque dans sa façon se parler et de se mouvoir. Assez antipathique mais toujours désopilant, on le voit au fil des épisodes, acharné à poursuivre ses propres buts (ou, pour être plus juste, ceux des bureaucrates qu’il dirige) plutôt que d’appliquer fidèlement les politiques définies par son ministre de tutelle, comme le voudrait la théorie orthodoxe du régime représentatif[8]. Non pas que Sir Humphrey Appleby soit dépeint sous les traits d’un être assoiffé de pouvoir et dénué de tout scrupule. Il apparaît plus subtilement – à l’image de nombre de ses homologues étrangers, et notamment français[9] – comme un homme convaincu d’être le dépositaire de l’intérêt général (ou national), ainsi que du temps long, là où son ministre, comme tous les politiciens, n’aurait en tête que de sordides calculs électoralistes et des préoccupations de court terme.

Pour illustrer notre propos et donner envie au lecteur de se précipiter sur internet (où tous les épisodes de la série sont disponibles), plutôt que d’accumuler des propos abstraits, nous jugeons plus efficace de proposer un court mais suggestif extrait de dialogue, que nous empruntons au troisième épisode de la première saison de Yes Minister[10]. Mieux qu’un long discours, cet exemple montrera l’intérêt que peut représenter la série pour ceux qui s’intéressent à la critique libérale des rapports (ambigus, voire malsains) qui se sont noués dans nos démocraties modernes entre la haute fonction publique et les élus – qui constituent, ensemble, ce que l’on pourrait appeler les « hommes de l’Etat », à défaut d’être toujours des hommes d’Etat.   

Situons d’abord brièvement l’intrigue de l’épisode concerné. Accusé, en tant que ministre  des affaires administratives, de laisser la bride sur le cou du Civil Service, toujours prodigue avec l’argent public, Jim Hacker réclame à ses services des propositions d’économies, mais il se voit aussitôt répondre par Sir Humphrey qu’il est impossible de « dégraisser le mammouth » (comme aurait dit l’autre) administratif, du fait du flot continu de nouveaux textes législatifs que déverse chaque année le Parlement de Sa Gracieuse Majesté. Bien décidé malgré tout à imposer sa « décision » visant à tailler dans le vif des dépenses publiques, Jim Hacker demande alors à son conseiller politique, Frank Weisel, de chercher tous les exemples qu’il pourra trouver de gaspillage avéré de l’argent public. Dès lors, Sir Humphrey va utiliser toutes ses ressources (et elles sont grandes !) pour monter une opération destinée à freiner l’ardeur de son ministre – une opération dont celui-ci va d’ailleurs très vite faire les frais. En effet, de façon fort habile, Sir Humphrey propose de tailler d’abord dans les dépenses de fonctionnement du ministère, en commençant par le chauffeur et la voiture de fonction du ministre lui-même… Après avoir un peu hésité, ce dernier réalise le profit politique qu’il pourrait tirer d’une mesure aussi médiatique, et il se rallie donc à la suggestion de son « Permanent Secretary ». Au risque de voir sa vie quotidienne devenir cauchemardesque…

yes prime ministerC’est dans ce contexte qu’intervient d’abord cette discussion entre le ministre James Hacker, et son « Permanent Secretary », Sir Humphrey Appleby :

  • Hacker : Combien de personnes avons-nous dans ce ministère ?
  • Sir Humphrey : Hummmm… Eh bien, nous sommes tout petit…
  • Hacker : Deux, peut-être trois mille ?
  • Sir Humphrey : Environ 23 000 pour être précis.
  • Hacker : VINGT-TROIS MILLE ! Dans le ministère des Affaires administratives, vingt-trois mille administrateurs, juste pour administrer les autres administrateurs ! Nous devons faire un état des lieux, voir de qui nous pouvons nous débarrasser.
  • Sir Humphrey : Eh bien, nous en avons fait un l’an dernier.
  • Hacker : Et quels ont été les résultats ?
  • Sir Humphrey : Il est apparu que nous avions encore besoin de cinq cent personnes supplémentaires.

Sir Humphrey discute ensuite avec Bernard Wolley, « Principal Private Secretary » (disons le directeur de  cabinet) de Hacker, des mesures d’économies envisagées par ce dernier :

  • Humphrey : Il (le ministre) vous a dit 32 millions £ ?
  • Bernard : Oui, Sir Humphrey.
  • H : Je suis atterré.
  • B : Moi aussi. Je veux dire que c’est incroyable que nous n’ayons pas été au courant.
  • H : Oh, je le savais.
  • B : Alors pourquoi êtes-vous atterré ?
  • H : Je suis consterné que cela se soit su. Cela veut dire que le Budget nous allouera moins d’argent l’an prochain. Oh, mon Dieu, il est cinq heures et demi passé. Un Sherry ?
  • B : Oui, merci.
  • H : Vous avez l’air encore préoccupé Bernard ?
  • B : Eh bien, oui. Certainement, nous voulons faire des économies ?
  • H : Bernard, vous savez parfaitement qu’il faut bien un moyen pour mesurer le succès dans la fonction publique. Les gens de British Leyland mesurent leur succès par le montant de leurs profits. Ou, pour être plus précis, ils mesurent leur échec par l’importance de leurs pertes. Mais nous n’avons pas de pertes et de profits. Nous devons mesurer nos succès par l’importance de nos effectifs et de notre budget. Par définition, un grand ministère réussit davantage qu’un petit.
  • B : Voulez-vous dire que le Contrôleur Régional du Nord-Ouest a gaffé en économisant autant d’argent ?
  • H : Bien sûr. Personne ne le lui a demandé. Imaginez que tout le monde ait fait la même chose. Imaginez que tout le monde ait cherché partout à économiser de l’argent de manière aussi irresponsable.

(…)

  • H : Vous voyez Bernard, c’est notre devoir d’assister le ministre dans son combat pour le budget du ministère, malgré sa première réaction de panique.
  • B : Vous voulez dire, l’aider à surmonter sa panique ?
  • H : Non, non, non. Nous devons le laisser paniquer. Les politiciens aiment paniquer, il ont besoin d’activité. Cela remplace la réussite.

 On pourrait continuer ainsi, et constituer un véritable florilège de dialogues, tous plus drôles et suggestifs les uns que les autres. En effet, au fil d’une quarantaine d’épisodes (de trente minutes chacun), la série multiplie les échanges savoureux et les situations cocasses, mettant à nu les rapports complexes entre la classe politique et la haute fonction publique. Des rapports qui sont disséqués avec drôlerie, mais aussi avec une plus grande finesse que ne le suggère le genre humoristique auquel cette sitcom se rattache. Encore une fois, si l’on y frôle parfois la caricature, il n’en reste pas moins que l’on y trouve une vision corrosive des élites politico-administratives – une vision dont on peinerait à trouver un équivalent en France, où les fictions mettant en scène le milieu politique sont souvent d’une niaiserie affligeante.

Une vision britannique corrosive donc, et… hilarante ! Alors, pourquoi bouder son plaisir ? A vos claviers !

Jérôme Perrier
Ancien élève de l’ENS de Fontenay-St-Cloud
Agrégé d’histoire et docteur en histoire de l’IEP de Paris
Chargé de conférences à Sciences Po Paris

Notes :

[1] Whitehall est la métonymie que l’on utilise outre-Manche pour désigner la haute fonction publique d’Etat. Le nom vient d’une rue du quartier de Westminster, au centre de Londres, où se trouvent plusieurs ministères.

[2] Parmi les nombreuses biographies de Margaret Thatcher, l’une des meilleures est certainement celle, parue en deux volumes, de John Campbell, Margaret Thatcher, The Grocer’s Daughter, vol. 1, The Iron Lady, vol. 2 (London, J. Cape, 2000). Sur les rapports entre Mme Thatcher et la haute administration, bien analysés par l’auteur, voir le tome 2, ainsi que le chapitre du tome 1 consacré à son passage au ministère de l’éducation, entre 1970 et 1974, dans le gouvernement d’Edward Heath.

[3] Pour une approche comparée et synthétique, voir le livre de Françoise Dreyfus, L’invention de la Bureaucratie : servir l’Etat en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, XVIIIe – XXe siècle, Paris, Editions de la Découverte, 2000.

[4] Voir par exemple John Considine, « Yes Minister : invaluable material for teaching the Public Choice of Bureaucracy », Economic Affairs, Journal of The Institute of Economic Affairs, vol. 26, n°3, september 2006, p. 55-61. Voir aussi Martin Masse, « Le pouvoir des fonctionnaires selon Yes Minister », Le Québécois libre, 15/8/2008. On signalera également la vision, plus critique, d’un mémoire de science politique soutenu en 2013 à l’université de Paris I : Anne-Claire Wannufel, L’idéologie dans « Yes Minister » et « The Thick of It ». La politique britannique revue et corrigée par la middle class.

[5] Ainsi que l’électeur, aux yeux des théoriciens du Public Choice.

[6] Comme on peut le voir par exemple chez quelqu’un comme Ayn Rand, notamment dans son célèbre roman Atlas Shrugged (traduit récemment en français sous le titre La Grève). Pour un lecteur français, la lecture de ce roman – aux qualités proprement littéraires que l’on pourra juger discutables – s’avère être une expérience tout à fait singulière, dans la mesure où l’auteur y développe un manichéisme sans nuance, mais situé à l’opposé exact de celui que l’on trouve trop souvent chez nous : chez Ayn Rand, tout ce qui relève du marché et de l’entreprise privée est valorisé (les entrepreneurs et les capitalistes sont les héros des temps modernes), tandis que tout ce qui relève de la sphère étatique est vu sous un angle terriblement négatif (les représentants de l’Etat, qu’ils soient politiciens ou bureaucrates, y sont présentés comme des parasites malfaisants). Le trait a beau être passablement caricatural (c’est un euphémisme), il n’en demeure pas moins que pour un public français, la lecture de ce livre est intéressante dans la mesure où il nous renseigne sur un aspect de la culture américaine que l’on a du mal à simplement concevoir de ce côté-ci de l’Atlantique (il convient de rappeler qu’Atlas Shrugged est le livre le plus lu aux Etats-Unis après la Bible, et que quelqu’un comme Hillary Clinton a pu déclarer un jour qu’elle avait eu, comme tout un chacun dans son pays, son « moment randien »).  

[7] Adam Curtis. The Trap : What Happened To Our Dreams of Freedom. Cité dans « Connaissez-vous Yes minister ? », Contrepoints, 24/6/2011.

[8] Il est frappant de constater combien la réalité décrite par la série offre des similitudes avec la féroce critique de la bureaucratie faite en France au début du XXème siècle (à une époque donc où les cabinets ministériels n’avaient pas encore pris, comme aujourd’hui, le pas sur les directeurs d’administration) par quelqu’un comme Alain. Nous nous permettons ici de renvoyer à certains de nos travaux, notamment à : Jérôme Perrier, « Penser les rapports entre politique et haute administration à travers l’œuvre d’Alain et d’Henri Chardon. Le modèle républicain français du début du XXe siècle, entre hantise bureaucratique et quête d’une aristocratie technicienne », La Revue administrative, n°398, mars-avril 2014, p. 34-45, n°399, mai-juin 2014, p. 248-260.

[9] Il suffit pour s’en convaincre de lire l’entretien que Simon Nora (quintessence du « grand serviteur de l’Etat » d’après-guerre) avait accordé à Marcel Gauchet en 1986, sous le titre « Servir l’Etat ». Le Débat, n°40, 1986/3, p. 85-112.

[10] Nous traduisons librement cet extrait, dont une partie est analysée par John Considine dans l’article cité plus haut.

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