Pour une lecture libérale d’Adolphe de B. Constant, par Benoît Malbranque (1/4)

Pour une lecture libérale d’Adolphe

(étude insérée en tête de la réédition d’Adolphe, Institut Coppet, 2016, p.5-69)

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Introduction. — I. Un roman biographique

II. Individualisme et subjectivisme

III. La société face à l’individu

IV. Un héros en quête de liberté Conclusion


Introduction

En émiettant ses talents, la postérité nous offre une image trouble de Benjamin Constant. Pour quelques-uns, il représente l’un des chaînons majeurs dans l’histoire de la pensée libérale française, qu’il a enrichi de ses réflexions et de quelques grandes idées à une époque troublée où Napoléon faisait peser sur les libertés des dangers très perceptibles. Ce n’est toutefois pas ainsi que l’entend la grande majorité de ceux qui connaissent Constant. Pour ces derniers, notre auteur est avant tout un romancier, l’auteur d’Adolphe, une nouvelle sur l’amour qui s’en va.

Cette majorité a pour elle l’évidence des faits. Si on n’étudie peu aujourd’hui les idées de ce penseur français d’origine vaudoise, Adolphe connaît en revanche un succès encore non démenti. On ne compte plus les éditions, en France et à l’étranger, les essais de mise en scène théâtrale ou cinématographique, au point que ce petit roman capte à lui seul plus d’attention que n’en reçoit tout le reste de l’œuvre de Constant.

Cependant, si beaucoup, connaissant Benjamin Constant romancier, découvrent sur le tard la profondeur de sa pensée politique et économique, nous ne pouvons voir en cela autre chose qu’un renversement. Car quand en décembre 1830 son cercueil est suivi d’un cortège imposant de plus de cent mille personnes, c’est l’homme politique, le publiciste, le philosophe que l’on pleure — son Adolphe, quoique promis à un bel avenir, ne s’étant encore attiré que l’indifférence. C’est le libéral que les foules acclament ou maudissent, celui qui, l’année précédente, avait exprimé son credo en ces termes :

« J’ai défendu quarante ans le même principe, liberté en tout, en religion, en philosophie, en littérature, en industrie, en politique : et par liberté, j’entends le triomphe de l’individualité, tant sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme, que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité. » [1]

De même en 1816, quand le roman paraît, Constant est déjà et avant tout célèbre par ses aventures politiques et intimes : ses convictions libérales, son ralliement surprise à Bonaparte d’un côté ; sa liaison avec Mme de Staël, sa légèreté amoureuse de l’autre. À l’époque, il a déjà composé plusieurs mémoires politiques de circonstances, dont De la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s’y rallier (1796), Des réactions politiques (1797), De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne (1815), ainsi que les Principes de politique (1815), ouvrage où il fait également œuvre de théoricien.

Les journalistes du temps ne s’y trompèrent pas, et ils considérèrent cette œuvre comme une excursion de plaisir dans le domaine de la littérature. Leurs avis, dictés par leurs propres convictions politiques ou par le goût honnête qu’ils avaient pris à la lecture du livre, ne fut cependant pas unanime quant aux suites à donner à cette expérience. « Que M. Benjamin Constant ne s’abaisse plus jusqu’aux romans, dit le Journal de Paris. Qu’il retourne dans les hauteurs de sa politique et de sa philosophie ». [2] À l’inverse, la Gazette de France note : « M. Benjamin de Constant écrit avec tant de succès sur l’amour, qu’il n’aurait jamais dû traiter d’autre sujet pour son bonheur et pour notre plaisir. » [3]

C’est bien le premier avis que suivra Constant. Adolphe est une expérience sans lendemain, une bouteille solitaire jetée à la mer ; c’est une expérience unique, et il n’en peut être autrement, car ce roman raconte l’existence même de l’auteur, et d’existence Constant n’en a qu’une.

De son vivant, le roman passa inaperçu. Ignoré par les uns, jeté au pilori par d’autres qui critiquent son style romantique encore peu à la mode, il devra attendre le début du XXe siècle pour trouver véritablement son public. Les goûts ayant changé, la route est ouverte pour Adolphe. Le roman saura, en moins d’un siècle, transformer un penseur libéral en romancier.

Pour des motifs divers et souvent imperceptibles, Benjamin Constant a participé de lui-même à la campagne de dévalorisation de son œuvre de romancier, qui a concouru à négliger cette partie de son œuvre, avant la redécouverte fracassante que nous avons rappelé. Dans la préface qu’il a fourni à la troisième édition d’Adolphe, il a rabaissé ouvertement son projet de roman, en notant :

« Ce n’est pas sans quelque hésitation que j’ai consenti à la réimpression de ce petit ouvrage, publié il y a dix ans. Sans la presque certitude qu’on voulait en faire une contrefaçon en Belgique, et que cette contrefaçon, comme la plupart de celles que répandent en Allemagne et qu’introduisent en France les contrefacteurs belges, serait grossie d’additions et d’interpolations auxquelles je n’aurais point eu de part, je ne me serais jamais occupé de cette anecdote, écrite dans l’unique pensée de convaincre deux ou trois amis, réunis à la campagne, de la possibilité de donner une sorte d’intérêt à un roman dont les personnages se réduisaient à deux, et dont la situation serait toujours la même. […] Tout ce qui concerne Adolphe m’est devenu fort indifférent ; je n’attache aucun prix à ce roman, et je répète que ma seule intention, en le laissant reparaître devant un public qui l’a probablement oublié, si tant est que jamais il l’ait connu, a été de déclarer que toute édition qui contiendrait autre chose que ce qui est renfermé dans celle-ci ne viendrait pas de moi, et que je n’en serais pas responsable. » [4]

En privé, Constant adoptait d’ailleurs la même attitude, comme en témoigne sa correspondance. À sa tante Rosalie, il indiqua un jour les raisons de cette publication : « … j’ai toujours mis bien peu d’importance à cet ouvrage, qui est fait depuis dix ans. Je ne l’ai publié que pour me dispenser de le lire en société, ce que j’avais fait cinquante fois en France. Comme quelques Anglais l’avaient entendu à Pairs, on me le demandait à Londres, et après en avoir fait quatre lectures en une semaine, j’ai trouvé qu’il valait mieux que les autres prissent la peine de le lire eux-mêmes. » [5] Quand on sait que les réseaux personnels jouaient un rôle majeur dans la diffusion des œuvres littéraires au XIXe siècle, on doit apprécier dans toute sa force ce dénigrement. Fort heureusement, son effet ne fut que temporaire.

Toutefois, nous l’avons dit, en reprenant goût pour ce roman, le public français n’a semble-t-il pas voulu en faire une lecture conforme aux idéaux libéraux de son auteur. Si Karl Marx avait fait un jour œuvre de romancier, le travail accompli serait certainement lu avec l’idée que les malheurs de la société capitaliste et la possibilité d’une société socialiste ou communiste d’égalité, de paix et de justice, devraient être les clés de compréhension du récit. De même, en prenant dans nos mains un roman composé par l’un des plus grands défenseurs de la liberté que la France napoléonienne ait comptés, nous devrions logiquement supposer qu’une lecture libérale puisse en être entreprise, et qu’elle puisse être extrêmement fructueuse.

Si personne ne s’est encore engagé dans cette voie, on doit sans doute l’attribuer à cette dichotomie opérée par la postérité : ainsi chez les commentateurs d’Adolphe, Benjamin Constant est avant tout un romancier. On en trouve également la raison dans le fait que, de manière claire, il existe un grand nombre de thèmes dans ce récit, dont certains sont éloignés, à première vue, des idées politiques de Constant.

Il semble bien, à la surface du texte, que l’on ait affaire au drame de deux jeunes gens qui ne savent pas s’aimer et que cette incapacité détruit. Le lecteur est d’autant plus obnubilé par ce thème, qu’il lui paraît plus nouveau. La plupart des romans qui parlent d’amour narrent en effet la période de la conquête, et ils s’en tiennent là, de peur que le spectacle du bonheur, en durant trop longtemps, ne lasse et n’exaspère. Constant innove en ceci qu’il refuse ce schéma et, après avoir brièvement raconté la conquête, il rompt avec le classique « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » : à la place, il racontera le drame de la désunion des amants, le délitement du lien amoureux, la tristesse des cœurs qui se déchirent — l’amour, en un mot, qui s’éloigne et qui meurt. « Pour la première fois le drame de l’amour n’est pas celui d’un sacrifice, il n’est même point celui d’une infidélité, il est celui d’une lassitude » dira avec raison Gérard Bauer. [6]

Le deuxième thème qui frappe d’emblée le lecteur, c’est l’impuissance du héros, son irrésolution face aux actions importantes. Car Adolphe veut avant tout éviter de faire du mal. L’erreur qu’il a commise en séduisant Ellénore, en se liant à elle, il se trouve incapable de la corriger. À chaque occasion de rompre, il se rétracte, il repousse à plus tard. Chaque fois il tremble devant le moment où il devra exécuter sa promesse ou entreprendre une explication. Cette irrésolution constitue clairement l’un des thèmes principaux du roman. En vérité, Constant l’a présentée dans un projet de préface comme le cœur du livre. « J’ai voulu peindre dans Adolphe, écrit-il, une des principales maladies morales de notre siècle, cette fatigue, cette incertitude, cette absence de force, cette analyse perpétuelle, qui place une arrière-pensée à côté de tous les sentiments, et qui par-là les corrompt dès leur naissance. » [7]

En se refusant à publier cette préface, et en ne clarifiant pas devant nous les objectifs et les conclusions de son roman — comme l’illustre l’ambivalence du jugement qu’il apporte dans la « Lettre à l’éditeur » et la « Réponse » — Benjamin Constant nous a laissé maître de débrouiller l’énigme d’Adolphe.

Dépassant le cadre d’analyse que les deux thèmes ci-dessus nous proposent, je voudrais éclairer ici le roman à la lumière de l’idée de liberté. Car il m’apparaît que par le subjectivisme et l’individualisme de son approche, par l’opposition qu’il dépeint entre l’individu et la société, par la quête de liberté qui guide les actions du héros, et enfin par les leçons qu’il apporte pour l’histoire de la tradition libérale française, ce roman peut faire l’objet d’une véritable lecture libérale.

Dans l’étude qui va suivre, j’entends dire mes raisons et proposer cette lecture. Dans une première partie, je montrerai en quoi Adolphe, par son caractère biographique fort quoiqu’à moitié assumé, a un intérêt historique pour ceux qu’intéressent les idées libérales. La structure et le mode d’écriture offrira ensuite l’occasion de se demander si le subjectivisme et l’individualisme de l’approche d’Adolphe ne prolongent pas les idées des défenseurs de la liberté. Nous verrons aussi la place qu’occupe le thème de l’opposition de l’individu face à la société, que Constant avait reconnu comme décisif dans ses Réflexions sur la tragédie, et que les commentateurs d’Adolphe ont toujours signalé, sans pour au-tant s’accorder sur son importance. J’essaierai enfin de déterminer quelle place la quête de la liberté prend dans la vie d’Adolphe et dans son destin.

C’est somme toute une relecture, une nouvelle lecture d’Adolphe, que je propose ici, conscient qu’on n’en finit jamais de lire et de relire les chefs-d’œuvre. J’espère qu’en Adolphe on verra désormais l’un des rares et assurément l’un des plus anciens essais d’application des idées libérales en littérature.

 I. Un roman biographique

La composante biographique est majeure pour la compréhension du roman Adolphe. On ne peut pas dire qu’elle ait été méconnue par les commentateurs, mais la critique s’est d’abord égarée sur la base de la publication approximative des Journaux intimes de Constant, insérée dans la Revue internationale en 1887, qui a retardé la compréhension vraie de son parcours et de son œuvre. « Même en extraits, diront Alfred Roulin et Charles Roth avec une sévérité méritée, il est peu de textes qui aient été aussi maltraités et à tel point défigurés par leur éditeur. Rarement tripatouillage a été plus innocent et plus désastreux. » [8] En 1952, on eut enfin une édition rigoureuse de ces Journaux et les constantiens ont découvert que Charlotte du Tertre était à la source d’Adolphe.

Revenons rapidement sur cette femme. Habitué aux liaisons passagères depuis sa prime jeunesse, Benjamin Constant s’était marié en 1789 et fréquentait Mme de Staël depuis 1794, à laquelle il était irrésistiblement attaché et qu’il surnommait « Minette ». Son attachement à elle fut parsemé d’aventures plus ou moins concluantes et poursuivies, notamment en 1800 avec la jeune Irlandaise Anna Lindsay. En 1804, au crépuscule de sa relation tumultueuse avec la dame de Coppet, Constant retrouve un amour de jeunesse, Charlotte de Hardenberg. Née à Londres en 1769, mariée assez jeune au baron de Marenholz, elle avait rencontré Constant en 1793 à Brunswick. Après un éloignement de quelques années et un remariage avec le vicomte du Tertre, des retrouvailles maussades eurent lieu en 1804, avant une passion amoureuse vers la fin de l’année 1805.

La trace principale laissée par la conception première d’Adolphe est une entrée du journal intime de Benjamin Constant, à la date du 30 octobre 1806. Il vient de passer quelques jours avec sa nouvelle maîtresse, et il note : « Écrit à Charlotte. Commencé un roman qui sera notre histoire. » Dans les jours qui suivent, il retravaille son projet, qui est toujours celui d’un roman biographique reprenant l’idylle entre lui et son amante. Ainsi : « Avancé beaucoup ce roman qui me retrace de doux souvenirs » (31 octobre 1806). « Travaillé toujours à ce roman. Je n’aurai pas de peine à y peindre un ange » (1er novembre). « Avancé beaucoup mon roman. L’idée de Charlotte me rend ce travail bien doux » (2 novembre). « Lu mon roman le soir. Il y a de la monotonie. Il faut en changer la forme » (4 novembre). « Continué le roman, qui me permet de m’occuper d’elle » (5 novembre). [9]

Ces précisions succinctes sont riches en enseignement. On s’aperçoit que Constant conçoit d’abord son roman comme le récit d’un souvenir heureux, d’une romance heureuse avec Charlotte du Tertre, qu’il veut présenter en « ange ». Seulement à la lecture — à lui-même ou à quelqu’un ?, et dans ce cas, à qui ?, c’est un mystère — le résultat ne le satisfait pas entièrement et il décide d’opérer un changement dans le récit ou dans la structure, mais sans transformer le fond du projet, car le 5 il dit encore « s’occuper » de Charlotte par ce roman.

Cette transformation occupera Constant pendant toute la fin de l’année 1806. Au gré des ajouts et des retranchements, le roman Adolphe prendra forme — une forme assez éloignée du projet initial. Confronté à la difficulté et surtout à la monotonie d’un roman heureux, l’auteur doit revoir son ambition première. Puisant dans son expérience quotidienne, Constant va alors chercher le schéma d’une histoire malheureuse, d’abord en présentant un héros aux prises avec deux femmes, entre lesquelles il se trouve incapable de choisir. À l’époque, Constant songe à épouser Charlotte et à rompre avec Mme de Staël, qui entretient avec lui une relation amoureuse fait d’orages et de brèves éclaircies. Parallèlement, Constant imagine le récit — il parle plus volontiers d’ « anecdote », terme qu’on retrouvera dans le sous-titre du roman final — d’un homme qui peine à rompre avec une femme qu’il n’aime plus, en droite ligne, toujours, de ses sentiments vis-à-vis de Germaine. Il s’imagine un moment réunir les deux morceaux, mais il s’aperçoit d’un défaut du point de vue littéraire : le héros ne recevrait pas de sympathie, car il joindrait au tort d’abandonner une première femme et d’être trop faible pour rompre, le tort de se lier d’amour avec une autre[10].

Ce qu’envisage alors Constant avec ce petit roman, c’est de retracer ses malheurs amoureux, mais la forme directe, celle d’un récit de ses aventures successives avec Anna Lindsay, Julie Talma, Germaine de Staël, avant sa découverte du bonheur avec Charlotte, ne parvient pas à le convaincre. C’est tout ce travail de remise en question de son projet qui va l’amener à se dégager progressivement de sa vie pour concevoir une histoire originale qui synthétise toutes ses expériences, et dont l’écriture occupera les deux derniers mois de l’année 1806. Il entend alors placer, en face du héros qui ne sera d’autre que lui-même, une femme qui sera la synthèse de toutes celles qu’il a aimé et qui lui ont fait du mal, en paralysant ses efforts et en restreignant sa liberté. Après avoir conquis cette femme, le héros sera confronté au défi de rompre une liaison malheureuse.

Le roman, finalement, aura beaucoup changé en peu de temps. Quand, début novembre, il s’agissait d’écrire l’histoire de la romance idyllique avec Charlotte, fin 1806, Benjamin Constant est tout centré sur l’amour malheureux d’Adolphe et d’Ellénore, dans un récit qui ressemble déjà au roman final. Le style sec et l’aspect général tragique de l’œuvre finale offrent un contraste saisissant avec cette histoire heureuse des premiers jours, qui réchauffait le cœur de Constant tandis qu’il le jetait sur le papier.

Cette modification s’illustre par les réactions successives de Mme de Staël. Le 15 novembre 1806, la dame de Coppet écrit dans une lettre les mots suivants : « Benjamin s’est mis à faire un roman, et il est le plus original et le plus touchant que j’ai lu. » [11] Ce serait un bien étrange commentaire, si, comme dans l’Adolphe final, on pouvait y trouver des traces de l’amertume éprouvée par l’auteur à son endroit. Il faut croire que le récit biographique était alors suffisamment voilé et que l’amour heureux y était peint avec chaleur, mais sans précision. Le 28 décembre, en revanche, Constant lit son roman à M. de Boufflers ; celui-ci en rend compte à Germaine de Staël, qui devient furieuse, lisant entre les lignes les projets d’émancipation que l’auteur pouvait avoir.

Si le fait était avéré, le roman Adolphe permettrait d’illustrer non seulement une facette de la vie de Constant, mais surtout sa liaison célèbre avec Mme de Staël, les deux formant le couple le plus célèbre dans l’histoire des idées libérales. Dans le roman, Constant aurait ainsi voulu peindre sa relation amoureuse très orageuse avec Mme de Staël et expliquer à la fois sa nécessité de rompre et son incapacité récurrente à le faire. C’est à cette conclusion que parvient aussi un historien de la littérature française, quand il présente les raisons qu’auraient eu Constant en écrivant Adolphe, et qu’il indique : « S’expliquer avec soi-même, crier sa souffrance, faite à la fois d’égoïsme et de pitié, et aussi se convaincre de la nécessité de rompre, et encore préparer sa sortie, la justifier aux yeux du monde dont l’opinion était loin de lui être indifférente, tel a été le but de Constant en composant Adolphe. » [12]

Pour cela, Constant présenterait Ellénore com-me une femme furieuse, tyrannique, capable de s’emporter vivement. Et en effet dans le roman elle nous est présentée comme « violente » et capable des scènes les plus haineuses. « Notre vie ne fut qu’un perpétuel orage, lit-on ; l’intimité perdit tous ses charmes, et l’amour toute sa douceur ; il n’y eut plus même entre nous ces retours passagers qui semblent guérir pour quelques instants d’incurables blessures. La vérité se fit jour de toutes parts, et j’empruntai, pour me faire entendre, les expressions les plus dures et les plus impitoyables. Je ne m’arrêtais que lorsque je voyais Ellénore dans les larmes, et ses larmes mêmes n’étaient qu’une lave brûlante qui, tombant goutte à goutte sur mon cœur, m’arrachait des cris, sans pouvoir m’arracher un désaveu. » [13] On lit encore : « Tout ce que la haine la plus implacable avait inventé contre nous, nous nous l’appliquions mutuellement, et ces deux êtres malheureux qui seuls se connaissaient sur la terre, qui seuls pouvaient se rendre justice, se comprendre et se consoler, semblaient deux ennemis irréconciliables, acharnés à se déchirer. » [14]

Ces scènes rappellent à s’y méprendre celles de Constant avec Mme de Staël, telles que leurs proches nous les ont racontées, et telles que l’auteur d’Adolphe lui-même les a commentées dans ses Journaux intimes. Prenons par exemple le 7 septembre 1804, lendemain d’une telle dispute violente : « Peu à peu, l’orage s’est élevé. Scène effroyable jusqu’à 3h du matin, sur ce que je n’ai pas de sensibilité, sur ce que je n’invite pas à la confiance, sur ce que mes sentiments ne répondent pas à mes actions, etc. » [15] Plus tard, sous la plume de l’auteur des Journaux, Germaine de Staël est devenue « cette furie, ce fléau que l’enfer a vomi pour me tourmenter ». Et Constant d’ajouter ce commentaire : « Quel monstre qu’une femme en fureur ». [16]

Le caractère violent, les emportements d’Ellénore, viennent en droite ligne de Mme de Staël et nous permettent de mieux la comprendre, ainsi que Constant et que le couple qu’ils ont formé ensemble. Comme la biographie a une influence majeure sur les œuvres de l’esprit, nous pensons que le fait n’est pas sans importance pour l’histoire du libéralisme français et qu’Adolphe, à sa manière, s’y rattache donc.

D’ailleurs, au-delà du caractère d’Ellénore, le cœur apparent du livre, la situation d’un homme qui est aimé et qui n’aime plus, provient également de Mme de Staël. Ce thème est exprimé sous forme presque axiomatique au milieu du roman : « C’est un affreux malheur de n’être pas aimé quand on aime ; mais c’en est un bien grand d’être aimé avec passion quand on n’aime plus. » [17] Or nous retrouvons dans les Journaux, trois ans avant l’écriture d’Adolphe, un commentaire extrêmement ressemblant, auquel Constant a pu repenser en cherchant un moyen de transformer son histoire heureuse en tragédie. Le 8 mars 1803, incapable de rompre avec Mme de Staël, que pourtant il n’aime plus, il écrit : « C’est une relation terrible que celle d’un homme qui n’aime plus et d’une femme qui ne veut pas cesser d’être aimée. » [18]

Cette faiblesse qu’il a lui-même ressenti au moment de rompre sa liaison, il entend la montrer à tous, l’expliquer, peut-être pour la comprendre lui-même. La problématique est posée clairement dans le roman :

« Il y a dans les liaisons qui se prolongent quelque chose de si profond ! Elles deviennent à notre insu une partie si intime de notre existence ! Nous formons de loin, avec calme, la résolution de les rompre ; nous croyons attendre avec impatience l’époque de l’exécuter : mais quand ce moment arrive, il nous remplit de terreur ; et telle est la bizarrerie de notre cœur misérable, que nous quittons avec un déchirement horrible ceux près de qui nous demeurions sans plaisir. » [19]

Pour expliquer la faiblesse d’Adolphe et le malheur qu’il y a à être aimé quand on aime plus, il fallait aussi que Constant présente sa propre histoire. Car cette faiblesse, elle a une origine ; ce désœuvrement, il a des raisons.

Nous verrons qu’autant le personnage d’Ellénore, synthèse de plusieurs femmes, est difficile à cerner, autant Adolphe a des formes connues, convenues et rassurantes. Habitué à détailler les différents points de vue des commentateurs, pour déduire une position rigoureuse, Paul Delbouille fait face, sur le cas du personnage d’Adolphe, à une unanimité non combattue. « S’il est une chose qui ne fait de doute aux yeux de personne, dit-il, c’est qu’Adolphe, par les traits principaux de son caractère, est comme un reflet de Benjamin Constant lui-même. » [20]

Cette clef du roman, que Benjamin=Adolphe, était facile à percevoir, à la fois pour les lecteurs et pour les spécialistes. Pour les lecteurs d’abord, car c’est un procédé courant chez les romanciers que de se mettre soi-même en scène. Les spécialistes ont encore l’avantage de pouvoir comparer ce qu’il est dit d’Adolphe avec ce qu’ils connaissent de Benjamin Constant, de sa vie, de son caractère et de ses idées. Or il apparaît que c’est en analysant son mal-être, c’est en couchant sur le papier les propres contradictions de sa vie, que Constant a dressé le portrait psychologique de son héros. Ainsi « ce caractère qu’on dit bizarre et sauvage, ce cœur étranger à tous les intérêts du monde, solitaire au milieu des hommes, et qui souffre pourtant de l’isolement auquel il est condamné » nous rappelle-t-il bien l’auteur lui-même, habitué à la solitude dès son enfance et lassé en permanence de la présence d’autrui sur le théâtre du monde.

La symétrie est parfaite entre Adolphe et Benjamin. Comme Benjamin, Adolphe aime les femmes d’une façon singulière, cherchant à la fois une amante et une seconde mère. [21] Comme Benjamin, Adolphe a la volonté de s’attacher à une femme de manière durable, mais, dans la pratique, il se trouve incapable de le faire et, pire, craint sans cesse de le faire. Enfin, comme Benjamin, Adolphe est faible de caractère dans ses relations personnelles, incapable de prendre une décision ferme et de s’y tenir.

Plusieurs aspects nous rendent encore la ressemblance plus perceptible et plus complète.

Dans le roman, Adolphe reste avec Ellénore et lui sacrifie toute carrière possible ; or, à l’été 1814, Constant tombe follement amoureux de Mme Récamier et met un temps de côté ses préoccupations littéraires et politiques. [22] Pour séduire Ellénore, Adolphe a recourt à une lettre, faute d’être capable d’exprimer ses sentiments par oral ; or Constant lui-même était un habitué de cette manière de procéder : ainsi pour séduire Mme Trevor, il raconte : « je lui écrivis une belle lettre pour lui déclarer que j’étais amoureux » [23] L’attitude assez désinvolte du jeune Adolphe est aussi à rapprocher de celle de Constant, qui note dans son Cahier rouge : « je disais tout ce qui me passait par la tête. […] je me moquais de tout le monde, […] je soutenais avec assez d’esprit les opinions les plus biscornues. » [24] Enfin, on sait que la pensée de mort a toujours accompagné Benjamin Constant — « l’idée de la mort est toujours autour de moi » [25] notait-il. Logiquement, son héroïne ne pouvait que mourir d’avoir mal aimé Adolphe, elle ne pouvait que répéter par deux fois son pressentiment de cette fin morbide, et Adolphe lui-même ne pouvait être que sensible à la mort, par une expérience vécue dans sa jeunesse. Remarquant cette ressemblance, André Monglong écrira : « La pensée de la mort ouvre et ferme le livre d’Adolphe. Elle domine la vie intérieure de Benjamin Constant. » [26]

C’est donc une conclusion aisée que celle que sont appelés à tirer les constantiens. Ce n’est nul autre que lui-même que Benjamin Constant a voulu présenter dans Adolphe ; c’est son histoire, son drame personnel, ses contradictions et ses faiblesses qu’il y a manifestés. Dans cette entreprise, il n’aura pêché que par un excès de cynisme et d’auto-critique : car si Constant s’est peint dans Adolphe, il n’a présenté de lui que le côté mauvais. Ainsi pour Charles Du Bos, Adolphe est « à la fois le plus ressemblant et le moins ressemblant des portraits de Constant, le plus ressemblant quant aux défauts, le moins ressemblant par le silence observé quant aux qualités. » [27]

Cette nuance faite, le roman Adolphe se rattache donc aux idées libérales par le portrait sans concession qu’il présente de l’un des héros du libéralisme, Benjamin Constant, un homme public reconnu, dont la vie privée était pleine d’effervescence et de contradictions.

***

À toutes les époques, les premiers juges d’une œuvre littéraire ou artistique sont à trouver dans le cercle, plus ou moins étendu, de la famille ou des amis. Avant de présenter quelques-unes des réactions journalistiques qu’a inspirées Adolphe, il n’est pas inutile de rappeler la teneur des jugements des proches de Benjamin Constant, car ces prises de position apportent une solide garantie à l’interprétation selon laquelle il y aurait une forte teneur biographique dans le roman.

Le premier témoin que j’aimerais présenter n’est autre qu’Albertine de Staël, la fille que Germaine de Staël aurait eue, semble-t-il, avec Benjamin Constant. En juillet 1816, elle écrit à Constant après qu’elle et son mari Victor aient eu l’occasion de lire Adolphe. Après avoir déclaré qu’elle ne s’était pas sentie, à la lecture, une grande sympathie avec le héros, elle ajoute : « Victor vous aime beaucoup et moi aussi, mais il faut pour cela que je croie qu’Adolphe n’est pas vous tout à fait, quoique malheureusement il y ait des traits semblables. » [28]

Dans le cercle familial immédiat de Benjamin Constant, deux personnages vont engager, après la lecture d’Adolphe, une correspondance étendue : Charles de Constant et sa sœur Rosalie. C’est le premier des deux qui lancera les débats, dans une lettre du 1er juillet 1816, où il écrit : « Adolphe t’aura fait du chagrin, chère Rose, encore plus qu’à moi dont il a excité l’indignation. Les portraits sont si bien faits qu’il n’y a personne qui ait connu les originaux qui ne les reconnaisse. » [29] Rosalie répond : « J’aime autant croire l’histoire qu’il fait de son inconnu que d’y chercher la sienne, quoique je sois bien sûr qu’elle y est » ; en d’autres termes, elle aimerait bien se convaincre que Constant ne s’est pas mis en scène lui-même.

Dans les jours suivant, la discussion continue. Charles de Constant cherche à approfondir les raisons qui ont pu conduire son cousin à publier une telle œuvre. Il écrit le 8 juillet :

« En lisant Adolphe, tu auras vu, chère Rose, que Benjamin explique sa conduite en médisant de son caractère, et comme disait quelqu’un, il a voulu qu’on sût qu’il se conduit dans sa vie privée par les mêmes principes qu’en politique. Il a fait mettre dans les papiers anglais que les personnages de ses romans ne sont point des portraits de gens connus, que ce n’est ni son père ni lui, mais ceux qui ont connu l’un et l’autre ne seront pas trompés par cette déclaration. Plusieurs personnes ici ont connu Ellénore. Elle s’appelait Lindsey. Elle était moitié française, moitié anglaise. C’était une fille de bonne compagnie que des aventures avaient jetée dans le concubinage. Elle avait de l’esprit sans instruction. Ses aventures avec Benjamin firent assez de bruit dans le temps. » [30]

Charles de Constant fait ici référence à la controverse qui s’engagea très tôt dans les journaux anglais, mais aussi français, autour de l’identité cachée d’Ellénore, dont nous évoquerons plus loin les grandes lignes. Dans le débat futur entre les « staëliens » et les « lindsayiens », il se prononce énergiquement pour faire d’Anna Lindsay, d’origine irlandaise, l’une des inspirations du personnage d’Ellénore. Aussi fermement exprimé soit-il, son sentiment ne convainc pas sa sœur, qui avait passé de longues années comme confidente de Benjamin Constant, à l’époque où il était malmené dans sa liaison orageuse avec Mme de Staël. Celle-ci réplique le 12 juillet 1816 :

« Tu avais raison, Adolphe m’a fait une vraie peine, il m’a fait ressentir quelque chose de ce que l’histoire m’a fait souffrir. La position est si bien peinte que j’ai cru être encore au temps où j’étais témoin d’un esclavage indigne et d’une faiblesse fondée sur un sentiment généreux qui méritait quelque intérêt. Ce n’est elle [Germaine de Staël] que sous le rapport de la tyrannie ; mais c’est bien lui, et je comprends qu’après avoir été si souvent en scène, si diversement jugé, si souvent en contradiction avec lui-même, il ait trouvé quelque satisfaction à s’expliquer, à se déduire et à signaler les causes de ses erreurs et de ses motifs dans une relation qui a si fort influé sur sa vie ; mais je voudrais bien qu’il ne l’eût pas publiée. La fiction est triste, et ne donne qu’un sentiment pénible du commencement à la fin. Ce qui est changé à la vérité réelle ôte à la vérité idéale, la fin surtout me fait de la peine ; les résultats sont décourageants. » [31]

Nous voyons comment l’explication qu’elle fournit au projet littéraire de son cousin rejoint celle des historiens. Constant aurait cherché, en composant puis en publiant son roman, à jeter de la lumière sur son caractère et sur sa vie privée, si agitée et si défavorablement jugée par ses contemporains.

À ce stade, la démonstration n’a plus besoin d’être appuyée. Une dernière autorité, celle de Sismondi, ami de longue date de Mme de Staël et de Benjamin Constant, mérite cependant d’être citée en longueur, de par la précision avec laquelle il a analysé cette teinte biographique qui fait l’un des intérêts du roman. Sismondi recense même quelques ressemblances supplémentaires, que les critiques d’Adolphe n’ont pas manqué de signaler. Après avoir lu le roman de son ami, cet habitué des réunions à Coppet s’exprimera ainsi :

« Je crois bien que je ressens encore plus de plaisir, parce que je reconnais l’auteur à chaque page, et que jamais confession n’offrit à mes yeux un portrait plus ressemblant. Il fait comprendre tous ses défauts, mais il ne les excuse pas, et il ne semble point avoir la pensée de les faire aimer. Il est très possible qu’autrefois il ait été plus réellement amoureux qu’il ne se peint dans son livre, mais, quand je l’ai connu, il était tel qu’Adolphe, et avec tout aussi peu d’amour, non moins orageux, non moins amer, non moins occupé de flatter ensuite et de tromper de nouveau par un sentiment de bonté, celle qu’il avait déchirée. Il a évidemment voulu éloigner le portrait d’Ellénore de toute ressemblance. Il a tout changé pour elle, patrie, condition, figure, esprit. Ni les circonstances de la vie, ni celles de la personne n’ont aucune identité ; il en résulte qu’à quelques égards elle se montre dans le cours du roman tout autre qu’il ne l’a annoncée. Mais à l’impétuosité et à l’exigence dans les relations d’amour, on ne peut la méconnaître. Cette apparente intimité, cette domination passionnée, pendant laquelle ils se déchiraient par tout ce que la colère et la haine peuvent dicter de plus injurieux, est leur histoire à l’un et à l’autre. Cette ressemblance seule est trop frappante pour ne pas rendre inutiles tous les autres déguisements.

L’auteur n’avait point les mêmes raisons pour dissimuler les personnages secondaires. Aussi peut-on leur mettre des noms en passant. Le père de Benjamin était exactement tel qu’il l’a dépeint. La femme âgée avec laquelle il a vécu dans sa jeunesse, qu’il a beaucoup aimée, et qu’il a vue mourir, est une madame de Charrière, auteur de quelques jolis romans. L’amie officieuse qui, prétendant le réconcilier avec Ellénore, les brouille davantage, est madame Récamier. Le comte de P*** est de pure invention, et, en effet, quoiqu’il semble d’abord un personnage important, l’auteur s’est dispensé de lui donner aucune physionomie, et ne lui fait non plus jouer aucun rôle. » [32]

Sur la question qui nous intéresse ici, celle de la similarité entre le personnage d’Adolphe et Benjamin Constant, nous sommes parvenus, semble-t-il, à la plus complète démonstration possible. La teinte biographique du roman ne s’arrêtant pas au seul Adolphe, notre enquête ne peut s’arrêter ici. Il reste à savoir si des éléments supplémentaires peuvent encore confirmer certains aspects biographiques du roman, notamment concernant le personnage d’Ellénore. Nous avons vu que même les proches de Constant ne s’accordaient pas sur le fait de savoir si Ellénore tenait surtout d’Anna Lindsay ou de Mme de Staël. La question méritera d’être posée. Nous verrons que dans Ellénore, Benjamin Constant a voulu offrir la synthèse de toutes les déceptions amoureuses de sa vie et qu’en rendant dans la fiction son effervescence maladive et ses déceptions récurrentes, Adolphe nous permet de mieux comprendre cet esprit perturbé qu’était Benjamin Constant.

***

Le caractère biographique d’Adolphe (qui ne s’arrête pas à son seul personnage principal) est aussi prouvé par le témoignage des quelques personnes qui ont écouté Benjamin Constant dans les lectures qu’il donna du roman, juste avant qu’il ne se décide à le faire publier. L’émotion intense qui se manifestait chez Constant lors de ces lectures, prouve bien que le drame était comme une partie de lui-même, et qu’il revivait les épisodes malheureux du roman en les racontant à ses auditeurs. Ainsi Prosper de Barante écrit dans ses Souvenirs :

« Il est impossible de lire cette autopsie si bien écrite et ce marivaudage d’une exaltation maladive sans en être profondément ému. Mais ce qu’il fallait voir, c’était M. Constant lisant son Adolphe avec une émotion déchirante, baigné de larmes et interrompu par ses sanglots, tant le souvenir et l’imagination avaient d’action sur sa mobile sensibilité. » [33]

Le duc de Broglie écrit dans la même veine :

« Nous étions douze ou quinze assistants. La lecture avait duré près de trois heures. L’auteur était fatigué ; à mesure qu’il approchait du dénouement, son émotion augmentait, et sa fatigue accroissait son émotion. À la fin, il ne put la contenir : il éclata en sanglots ; la contagion gagna la réunion toute entière, elle-même fort émue ; ce ne fut que pleurs et gémissements. » [34]

L’action étonnante que la lecture d’Adolphe produisait sur Benjamin Constant confirme l’intérêt d’une lecture biographique de l’œuvre. Elle abonde ainsi dans le sens de l’idée qui est notre fil rouge dans cette première partie : qu’Adolphe, en éclairant de manière puissante la vie de Benjamin Constant, fait partie intégrante de l’histoire du libéralisme.

Le personnage d’Ellénore nous fournit une autre occasion de confirmer notre thèse. Son identité cachée, présentée plus haut, sera détaillée par la suite. Nous voudrions ici indiquer qu’à la lecture d’Adolphe, on sent que dans le personnage d’Ellénore, Constant a fusionné ensemble des caractères issus de femmes qu’il a aimées, et que le mélange n’était pas idéal. Car il est étonnant de voir une femme réservée et douce, devenir tout à coup furieuse, capable des scènes les plus violentes. « C’est là l’une des faiblesses psychologiques du roman, dira F. Bérence ; car une femme aussi passive qu’Ellénore ne saurait se comporter avec une telle violence. » [35]

Les commentateurs ultérieurs ont bien remarqué ce manque de cohérence, et tous l’ont attribué à cette même cause : le mélange inadéquat de plusieurs caractères différents et incompatibles. Ainsi Émile Faguet écrit : « Ellénore est-elle un personnage bien net, bien éclairé, surtout bien profondément pénétré ? J’ai des doutes, à cet égard, des inquiétudes plutôt, et une certaine hésitation. Il me semble qu’elle est composée un peu artificiellement de parties qui ne sont pas tout à fait d’accord. » [36] Anatole France reprend cette critique et en fait le principal défaut du livre : « Si quelque reproche pouvait atteindre ce roman si parfait, il nous semble que c’est précisément sur ce point qu’il porterait. Ellénore, qui se montre douce, réservée, soucieuse de l’opinion, rejette bientôt tout ce qui faisait l’attrait modeste de son caractère. Un man-que d’unité se trahit entre la femme discrète qui figurait au début du livre et la victime bruyante dont le désespoir s’étale sans mesure pour finir dans la mort. »  [37]

Enfin, il faut noter que plusieurs passages du roman sont des reprises directes, à peine reformulées, de propos contenus dans les Journaux intimes de Constant et relatifs à l’une des femmes qu’il a aimées. Nous en avons déjà cité plusieurs concernant Germaine de Staël. Voyons deux exemples se rapportant l’un à Anna Lindsay, l’autre à Charlotte de Hardenberg.

À propos d’Anna Lindsay, le Journal parle des « préjugés qu’elle a adoptés, par un motif généreux, en sens inverse de son intérêt »[38] ; pareillement on lit dans Adolphe qu’Ellénore « avait beaucoup de préjugés ; mais tous ses préjugés étaient en sens inverse de son intérêt. » [39]

Voyons un autre exemple, concernant maintenant Charlotte de Hardenberg. En Décembre 1807, Charlotte est malade à Dôle. « J’ai voulu lui parler, raconte Constant dans les Journaux, elle a frémi à ma voix. Elle a dit : ‘Cette voix, cette voix, c’est la voix qui fait du mal. Cet homme m’a tuée.’ » [40] Cette expression se retrouve dans Adolphe, où Ellénore, souffrante, dit à Adolphe qui essaie de lui parler : « Quel est ce bruit, s’écria-t-elle ? C’est la voix qui m’a fait du mal. » [41]

***

En juin 1816, fort d’une double parution, à Paris et à Londres, le roman Adolphe entend conquérir la critique. Les premiers jours, semble-t-il, sont encourageants, et Constant s’enthousiasme dans son Journal : « Mon roman a beaucoup de succès », écrit-il. [42] Il ne tarde cependant pas à déchanter, observant une musique nouvelle dans les compte-rendus ou les notices de présentation de son livre. Le roman n’est pas sorti depuis deux semaines que déjà des journaux s’ingénient à trouver les clefs d’une lecture biographique de l’œuvre. Pour la plupart, Mme de Staël se cache derrière le personnage d’Ellénore et c’est leur aventure que Constant raconte.

« Que faire ? » se demande l’auteur dans son Journal, en date du 22 juin. Le lendemain, il se décide à faire paraître un désaveu. Sa plainte paraît dans le Morning Chronicle du 24 juin 1816 :

« Monsieur,

Différents journaux ont laissé entendre que le court roman d’Adolphe contient des péripéties s’appliquant à moi-même ou à des personnes existant réellement. Je crois qu’il est de mon devoir de démentir une interprétation aussi peu fondée. J’aurais jugé ridicule de me décrire moi-même et le jugement que je porte sur le héros de cette anecdote devrait m’avoir évité un soupçon de ce genre, car personne ne peut prendre plaisir à se représenter comme coupable de vanité, de faiblesse et d’ingratitude. Mais l’accusation d’avoir dépeint d’autres personnes, quelles qu’elles soient, est beaucoup plus grave. Ceci jetterait sur mon caractère un opprobre auquel je ne veux pas me soumettre. Ni Ellénore, ni le père d’Adolphe, ni le comte de P*** n’ont aucune ressemblance avec aucune personne de ma connaissance. Non seulement mes amis, mais mes relations me sont sacrées. » [43]

Apparemment cela n’a pas convaincu le journal, car à la suite de la lettre le Morning Chronicle fait remarquer : « Bien que cet ouvrage soit publié comme une anecdote trouvée dans les papiers d’un inconnu, il ne peut cependant y avoir de doute, comme nous l’avons dit précédemment, que l’auteur a fait le portrait de ses propres sentiments et émotions ; par conséquent, à partir du moment où l’on se souvient de l’intimité que l’auteur a connue avec la célèbre Mme de Staël, le caractère d’Ellénore inspire un intérêt et une curiosité redoublés. » [44]

C’était un coup d’épée dans l’eau. Mais Constant ne s’avoue pas vaincu. Décidé à récuser les rapprochements avec Mme de Staël (nous verrons plus loin ses raisons), il décide de rédiger une préface qu’il ajouterait en tête d’une seconde édition, et dans laquelle il indiquerait qu’il n’avait pas en vue des personnages existants. C’est ce qu’il fait dès le 25 juin. On lit dans cette préface :

« Si j’avais donné lieu réellement à des interprétations pareilles, s’il se rencontrait dans mon livre une seule phrase qui pût les autoriser, je me considérerais comme digne d’un blâme rigoureux. […] Cette fureur de reconnaître dans les ouvrages d’imagination les individus qu’on rencontre dans le monde, est pour ces ouvrages un véritable fléau. Elle les dégrade, leur imprime une direction fausse, détruit leur intérêt et anéantit leur utilité. Chercher des allusions dans un roman, c’est préférer la tracasserie à la nature, et substituer le commérage à l’observation du cœur. » [45]

Curieusement, tout en condamnant les interprétations qu’il juge abusives, Constant se permet des références troublantes à Mme de Staël. Ainsi, dans la même préface, il écrit :

« La femme la plus spirituelle de notre siècle, en même temps qu’elle est la meilleure, Mme de Staël a été soupçonnée, non seulement de s’être peinte dans Delphine et dans Corinne, mais d’avoir tracé de quelques-unes de ses connaissances des portraits sévères ; imputations bien peu méritées ; car, assurément, le génie qui créa Corinne n’avait pas besoin des ressources de la méchanceté, et toute perfidie sociale est incompatible avec le caractère de Mme de Staël, ce caractère si noble, si courageux dans la persécution, si fidèle dans l’amitié, si généreux dans le dévouement. » [46]

Seulement son éditeur ne l’entendait pas de la même oreille. Les dépenses qu’il avait engagées pour réaliser la première édition, il ne voulait pas les perdre à jamais en se lançant dans une seconde édition, trois semaines après la première et tandis que le livre ne s’écoulait que lentement. La solution choisie fut double : d’un côté, pour les exemplaires brochés, la préface fut tirée dans des feuilles supplémentaires et encartée avec le reste. Dans les exemplaires encore en feuilles, la préface remplaçait l’ « Avis de l’éditeur » qui ouvrait le roman. L’opération fut toutefois de courte durée, puisque dès le 17 juillet Constant reçoit un message amical de Mme de Staël, qui ne se montre pas du tout offensée par le livre. Il note dans son Journal : « Lettre de Mme de Staël. Mon roman ne nous a pas brouillés. » [47] Dès lors la préface n’a plus l’importance qu’elle avait, et Constant écrit à son éditeur : « Au fond la préface n’avait d’autre but que de démentir les applications qu’on avait faites, et les premiers moments passés, la chose est très indifférente. » [48] La préface n’est plus ajoutée aux exemplaires produits, qui restent conformes à la première édition.

Si nous cherchons maintenant à nous expliquer cette suite d’opérations assez rocambolesque, l’intention biographique d’Adolphe s’en trouvera encore renforcée. De toute évidence, Constant agit sous la pression des évènements, mais pas de n’importe quels évènements : dans le premier cas, il réagit aux imputations journalistiques, qui font une lecture biographique de son œuvre ; dans le second cas, il abandonne son projet de seconde édition, après avoir été rassuré par le message de Mme de Staël. La seconde édition n’a donc pas pour intention de corriger certains abus de langue, certains helvétismes notamment, décelés par les critiques ; elle ne vise pas non plus à adoucir l’image d’un roman de style romantique qui lui barrait l’accès au grand public ; non, ce sont des éléments liés strictement à cette lecture biographique d’Adolphe qui poussent Constant à agir.

En suivant certains constantiens, comme Henri Guillemin, on peut même pousser le raisonnement plus loin. Face aux allégations des journaux, Constant est-il bien victime ? Ses réactions sont-elles crédibles ? On peut voir dans l’attitude de l’auteur d’Adolphe une manière de se jouer d’une situation qu’il a lui-même créée, et très volontairement. D’après cette interprétation, Constant aurait voulu dès le départ présenter Mme de Staël dans Ellénore — sans en avoir l’air, mais tout en le faisant d’une manière claire. Guillemin explique : « Il faut que la clef : Ellénore=Germaine, soit assez visible pour qu’on la saisisse aisément, assez cachée pour que l’auteur puisse toujours, galant homme, affirmer qu’on s’abuse en donnant à l’ouvrage le sens même qui constitue sa raison d’être. Méconnaissable et irrécusable, telle doit être Mme de Staël dans son roman. » [49] Cette volonté cachée expliquerait aussi l’étonnante naïveté de Constant qui, dans sa préface à la seconde édition — dont l’objectif avoué était de faire taire les rumeurs — fait un éloge appuyé de Mme de Staël. Le piège tendu par l’auteur aurait donc parfaitement fonctionné, et il se serait donné le beau rôle en ayant l’air de condamner les allégations, tout en les confirmant avec une désinvolture presque innocente.

***

Après avoir montré que Constant s’était mis en scène lui-même dans son roman, qu’il y racontait son histoire, ou plutôt ses histoires, nous devons au lecteur de faire un point rapide sur l’identité d’Ellénore, après avoir plusieurs fois effleuré le problème. La question se pose en ces termes : Quelle femme Benjamin Constant a-t-il voulu dessiner dans Ellénore ?

Si la question se pose, c’est qu’aucune amante de Constant ne se signale de manière parfaitement évidente à la lecture de l’histoire d’Ellénore. La ressemblance avec Germaine de Staël, l’intérêt que Constant aurait eu à lui faire jouer ce rôle, tout cela est évident. Mais la ressemblance n’est pas complète, et quant aux intérêts, l’auteur en avait aussi de mettre en scène d’autres femmes.

Malgré tous les points communs que nous avons signalés, il est certain qu’entre Ellénore, modeste et discrète, et Germaine, talentueuse et exigeante, le parallèle ne saurait être complet.  C’est qu’il y a dans le personnage d’Ellénore un alliage, une fusion de plusieurs individualités. Sa condition, celle de concubine irrégulière d’un homme avec qui elle aura deux enfants, elle la doit à Anna Lindsay. Il en est de même de son dévouement sans faille auprès du comte de P***, hommage rendu par Constant à la douce Irlandaise, qui, à l’époque de la Terreur, avait soutenu avec courage Auguste de Lamoignon, auquel elle s’était liée. L’emprunt, peut-être, s’arrête là, d’autant plus qu’en 1806, Anna et Benjamin sont éloignés, com-me le prouvent les Journaux intimes. On aurait bien tendance à faire aussi une place à Charlotte, qui fut aux origines du projet littéraire de Constant, plus tard radicalement transformé. On sait que certains ajouts ultérieurs, entre 1806 et 1810, ont été dicté par des sentiments provenant directement de la jeune femme. Ainsi en est-il du passage déjà cité : « Quel est ce bruit, s’écria-t-elle ? C’est la voix qui m’a fait du mal. » Enfin, pour certains traits et pour certains faits, c’est vers Julie Talma, un autre amour de Constant, qu’il faut se tourner pour l’explication. C’est le cas pour la scène de la mort d’Ellénore, qui s’inspire de l’expérience vécue de Constant, quand Julie Talma était morte sous ses yeux, c’était au printemps 1805.

Après avoir agité les constantiens, le débat entre les « staëliens » et les « lindsayiens », notamment, s’est ainsi effacé au profit d’une lecture plus complète du personnage d’Ellénore. Celle-ci a tout à la fois la jalousie et la fureur de Mme de Staël et la droiture d’Anna Lindsay. Elle emprunte certains de ses caractères et doit certaines de ses péripéties à d’autres amantes de Constant.

Cet assemblage de différents passés, de différentes histoires, rend certaines questions, comme la signification de la mort d’Ellénore, particulièrement difficiles à résoudre. Dans l’absolu, on l’a dit, la mort de Julie Talma, sous les yeux de Constant, au printemps 1805, fournit la base matérielle du récit. Mais la signification profonde ou physiologique n’en reste pas moins douteuse. Deux interprétations, sur ce point, se font concurrence. Suivant la première, Constant pensait à Charlotte en faisant mourir Ellénore : c’est une forme de conjuration du destin, une manière de revivre, pour ne pas le revivre, le triste destin de Julie Talma. La seconde, soutenue notamment par Gustave Rudler, me paraît plus convaincante. Aux prises avec Germaine de Staël, de qui il peine à se détacher, Benjamin Constant aurait fait mourir Ellénore pour obtenir symboliquement cette rupture qui se dessinait et qu’il espérait. Il se délivrait d’elle par l’écriture, il résolvait ses problèmes personnels par l’intermédiaire de son héros.

***

La teinte biographique d’Adolphe autorise donc déjà une lecture libérale du roman. Nous retrouvons, mis en scène sous nos yeux, la psychologie intérieure complexe et le destin sentimental tragique de Benjamin Constant, l’un des héros de la pensée libérale française. En outre, le couple que le héros forme avec Ellénore illustre celui que Constant formait avec Germaine de Staël et, en éclairant leur existence partagée à travers la fiction, Adolphe nous permet de mieux comprendre leur vie et leur œuvre à tous les deux.

Si nous avons voulu établir cette thèse avec quelque longueur, ce n’est pas qu’elle était fondamentalement douteuse. La lecture biographique d’Adolphe est faite par tous les commentateurs de l’œuvre, et Constant lui-même l’a préconisée, en écrivant expressément dans son Journal : « On a très bien saisi le sens du roman. Il est vrai que ce n’est pas d’imagination que j’ai écrit. Non ignara mali [je connais moi-même le malheur]. » [50]

Toute la difficulté vient de ce que nous avons affaire à une œuvre de fiction. Toute imprégnée soit elle de souvenirs personnels et d’expériences vécues, l’histoire d’Adolphe et d’Ellénore s’écarte en bien des points des circonstances de vie de l’auteur. C’est pour cela que l’on peut faire, et que beaucoup ont fait une lecture purement littéraire de l’œuvre : c’est-à-dire qu’on considère le roman comme une pièce d’art, où Constant répondait à des impératifs stylistiques et littéraires, et où il a voulu faire œuvre de romancier. Contre cette interprétation, et quoique, très vraisemblablement, Constant ait souvent sacrifié la vérité biographique aux exigences du travail littéraire, nous avons voulu montrer avec foule de preuves, qu’avant d’être une œuvre d’art, Adolphe est un témoignage. Pour reprendre les mots de son plus grand spécialiste, Gustave Rudler, « Adolphe n’est pas un roman, c’est une histoire romancée, à peine romancée ». [51]

(à suivre : II. Individualisme et subjectivisme dans Adolphe)

_____________

[1] Mélanges de littérature et de politique, Paris, 1829, p.vi

[2] Journal de Paris, 19 juillet 1816 ; cité par J.-G. Prudhomme, Vingt chefs-d’œuvre jugés par leurs contemporains, Paris, Stock, 1930, p.182

[3] Gazette de France, 14 juillet 1816 ; Ibid.

[4] Infra, p.71 ; p.72-73

[5] Benjamin et Rosalie de Constant, Correspondance, 1786-1830, publiée avec une introduction et des notes par Alfred et Suzanne Roulin, Paris, Gallimard, 1955, p.214

[6] Adolphe, préfacé par Gérard Bauer, Collection du Grand Prix des meilleurs romans du XIXe siècle, Paris, Imprimerie nationale, 1953, p.14

[7] Œuvres de Benjamin Constant. Écrits littéraires (1800-1813), édition Max Niemeyer, 1995, p.196

[8] Journaux intimes, édités par Alfred Roulin et Charles Roth, Paris, Gallimard, 1952, p.18

[9] Œuvres de Benjamin Constant. Journaux intimes (1804-1807) suivis de Affaire de mon père (1811), Max Niemeyer, 2002

[10] « Je ne pouvais rien faire de cet ouvrage en y mêlant un autre épisode de femme. Ellénore cesserait d’intéresser, et si le héros contractait des devoirs envers une autre et ne les remplissait pas, sa faiblesse deviendrait odieuse. » (Œuvres de Benjamin Constant. Écrits littéraires (1800-1813), édition Max Niemeyer, 1995, p.84) On a trop peu vu, à mon sens, la condamnation que cette formule impliquait envers la propre conduite personnelle de l’auteur.

[11] Mme de Staël à Bonstetten, Rouen, 15 novembre 1806. Cité par Lady Blennerhassett, Madame de Staël et son temps (1766-1817), Slatkine, 2002, p.319

[12] André Le Breton, Le Roman français au dix-neuvième siècle, Paris, 1982, p.205

[13] Infra, p.156

[14] Infra, p.128

[15] Journaux intimes, 7 septembre 1804.

[16] Journaux intimes, 4 juillet 1807.

[17] Infra, p.124

[18] Journaux intimes, 8 mars 1803.

[19] Infra, p.125

[20] Paul Delbouille, Genèse, structure et destin d’Adolphe, Les Belles Lettres, 1971, p.111

[21] Ce point fait l’objet d’une attention particulière de la part d’Arnold de Kerchove, dans Benjamin Constant ou le libertin sentimental, Paris, 1941.

[22] Voir Journaux intimes, 31 août 1814.

[23] Œuvres de Benjamin Constant. Écrits littéraires (1800-1813), édition Max Niemeyer, 1995, p.316

[24] Ibid., p.308

[25] Journaux intimes, 14 avril 1806.

[26] André Monglond, Vies préromantiques, Paris, 1925, p.254

[27] Charles Du Bos, Grandeur et misère de Benjamin Constant,
Paris, 1946, p.28

[28] Lettres de Mme de Staël à Benjamin Constant, Paris, 1928, p.125

[29] Cité dans Adolphe, édition historique et critique par Gustave Rudler, Manchester University Press, 1919, p.147

[30] Ibid., p.148-149

[31] Ibid., p.149

[32] Lettres inédites de J. C. L. de Sismondi, etc., à madame la comtesse d’Albany, Paris, 1863, p.300-301

[33] Souvenirs du baron de Barante de l’Académie française, 1782-1866, volume 2, Paris, 1899, p.314

[34] Victor de Broglie, Souvenirs, 1785-1870, Paris, 1886, I, p.387

[35] F. Bérence, Grandeur spirituelle du dixneuvième siècle français, t. I. Les Aînés, Paris, éditions du Vieux Colombier, 1958, p.69

[36] Émile Faguet, Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle, I, Paris, 1899, p.205

[37] Anatole France, Le génie latin, Paris, 1917, p.334-335

[38] Journaux intimes, 28 juillet 1804.

[39] Infra, p.94

[40] Journaux intimes, 12 décembre 1807.

[41] Infra, p.167

[42] Journaux intimes, 19 juin 1816.

[43] Texte traduit par Jacques-Henry Bornecque dans son édition d’Adolphe, Paris, Garnier Frères, 1963, p.305

[44] Cité par Paul Delbouille, Genèse, structure et destin d’Adolphe, op. cit., p.397

[45] Infra, p.75 ; p.76

[46] Infra, p.76

[47] Journaux intimes, 17 juillet 1816.

[48] Cité par Paul Delbouille, Genèse, structure et destin d’Adolphe, op. cit., p.371

[49] Henri Guillemin, « Adolphe ou le parapluie de Benjamin Constant », Eclaircissements, Paris, Gallimard, 1961, p.95

[50] Journaux intimes, 28 décembre 1806.

[51] Gustave Rudler, « Adolphe » de Benjamin Constant, Paris, 1935, p.61

A propos de l'auteur

Benoît Malbranque est le directeur des éditions de l'Institut Coppet. Il est l'auteur de plusieurs livres, dont le dernier est intitulé : Les origines chinoises du libéralisme (2021).

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