Œuvres de Turgot – 152 – Sacre du Roi

  1. — SACRE DU ROI

Mémoire au Roi sur les dépenses du Sacre.

(Utilité de faire le Sacre à Paris.)

[A. L., copie.]

11 septembre.

Il n’est pas possible de fixer actuellement avec précision le montant de toutes les dépenses du Sacre ; mais en évaluant par aperçu celles qui seront faites par le Grand Aumônier, la Chambre aux Deniers, la Grande Écurie, les Gentilshommes de la Chambre, le Garde-Meuble, les Maréchaux des Logis, les Intendants dans les généralités desquels passera S. M., l’établissement du camp, les fêtes, les gratifications qu’il faudra donner aux gardes de la Porte, à la prévôté de l’Hôtel, aux cent suisses, les suppléments de nourriture à la livrée, on peut croire que ce sera un objet de plus de sept millions, et il est essentiel de remarquer que l’on ne doit faire aucune comparaison avec ce qu’a coûté le sacre du feu Roi, parce que tout est infiniment plus cher qu’en 1722 et que, d’ailleurs, à cette époque, il n’y avait que la Maison du Roi et qu’il y a aujourd’hui celle des Princes.

Cette dépense extraordinaire ôtera toute faculté de se rapprocher en 1775 de la recette ; elle forcera même d’excéder les anticipations qui existent et les ressources qu’on pourrait parvenir, à force de soins, à se procurer par divers retranchements ne couvriront pas une dépense aussi considérable. Il n’est cependant pas possible de l’éviter, mais il le serait peut-être de la réduire si S. M., à l’exemple de quelques-uns de ses prédécesseurs, consentait à changer le lieu du Sacre. En le faisant à Paris, les dépenses du Camp, des Intendants, du transport, n’existeraient plus et presque toutes les autres, qui dépendent de la durée du temps et de la distance des lieux, éprouveraient une diminution sensible. La Capitale offrirait encore une ressource : comme cette cérémonie y retiendrait les habitants qui auraient été à Reims et y appellerait un grand nombre d’étrangers, la consommation serait beaucoup plus forte et conséquemment les droits des Fermes, ce qui autoriserait à demander aux Fermiers généraux un secours relatif au bénéfice qu’ils retireraient d’un évènement sur lequel ils n’ont pas dû compter ; mais ce serait le moindre des avantages qui résulteraient du changement proposé. Le public serait vivement frappé de son motif ; en voyant l’économie consultée dans une occasion aussi éclatante, que n’espérerait-on pas de l’avenir ? La confiance serait ranimée ; la partie même du peuple la plus infortunée se livrerait à la joie, parce qu’elle envisagerait un terme à ses maux, et le Roi acquerrerait de nouveaux droits à l’amour et à la reconnaissance de ses sujets.

Quelqu’instantes que soient les dispositions sur les dépenses du Sacre, le Contrôleur général n’a pas cru devoir les arrêter avant d’avoir soumis ces réflexions à la décision de S. M. et lui avoir demandé ses derniers ordres[1].

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[1] Les intérêts particuliers et le respect des traditions l’emportèrent sur les conseils de Turgot.

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