Œuvres de Turgot – 191 – La dette publique

Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 3

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1775

191. — LA DETTE PUBLIQUE

I. Déclaration accordant des délais pour les opérations de liquidation d’anciennes rentes.

[D.P., VII, 381.]

30 juillet.

… V. Les propriétaires de toutes les parties de rentes, intérêts et autres qui ont été enregistrées et numérotées dans les bureaux de liquidation, établis en exécution de l’Édit de décembre 1764, avant le 1er juillet 1771, qui n’ont pu jusqu’à présent obtenir de titres nouvels, soit faute de certificats d’emplois ou pour autres causes ; ensemble ceux qui se sont présentés depuis dans lesdits bureaux jusqu’à ce jour, dont les titres sont simplement registrés, et sur lesquels il a été donné des dates de présentation ; même ceux qui représenteront leurs titres de propriété jusqu’au dernier décembre prochain inclusivement, seront relevés de la perte de leurs capitaux prononcés par les Déclarations et Lettres patentes ; mais ils ne commenceront à toucher leurs arrérages et intérêts qu’à compter seulement du premier jour du semestre dans lequel leur créance aura été reconnue et constatée…

VI. Nous avons pareillement relevé et relevons de la perte des capitaux, prononcée par les Déclarations, Lettres Patentes et arrêts, les propriétaires de toutes les parties de rentes, intérêts et autres qui ont été liquidés en exécution de l’Édit de décembre 1764 et de la Déclaration du 19 juillet 1767, qui se sont présentées avant le 1er juillet 1772, dans les bureaux du Sr d’Ormesson, intendant de nos finances, et qui n’ont pu jusqu’à cette époque établir la propriété de leurs rentes… ; mais lesdits propriétaires ne commenceront à recevoir les arrérages ou intérêts desdites parties, qu’à compter seulement du premier jour du semestre dans lequel ils se seront mis en régie.

… XI. Toutes les parties de rentes et intérêts, augmentations de gages désunis d’offices, assignées sur nos aides et gabelles, tailles et autres revenus, de la somme de douze livres net et au-dessous, qui se trouvent employées dans nos états, seront remboursées aux propriétaires d’icelles qui voudront les recevoir dans le cours de l’année prochaine 1776 sur le produit du dixième d’amortissement, à raison et sur le pied du denier vingt en principal du net employé dans nos états. [1]

2. Arrêt du Conseil sur la liquidation d’anciennes rentes.

20 décembre.

(Cet arrêt était le complément de la déclaration ci-dessus.)

3. Taux des effets publics et diminution des frais de banque.

D’après du Pont, les actions de la Compagnie des Indes qui étaient le 1er septembre à 1 757 francs, se négocièrent à 2 007 francs. Les rescriptions qui perdaient 19 p. 100 se négocièrent à moins de 5.

Les billets des fermes revinrent au pair.

Le taux de l’intérêt s’abaissa à 4 p. 100, ce qui facilita une foule de remboursements et d’emprunts (Du Pont, Mém. 256). [2]

Journal de Véri. — Juillet 1775. — Dans le tableau des finances, dressé par l’abbé Terray pour 1775, les frais de banque pour anticipations, emprunts à termes, transports d’argent, etc… montaient à 8 millions par an. Ces frais ont été réduits à 2 millions.

Les anticipations, à la mort du Roi, montaient à près de 80 millions ; au mois de janvier prochain, elles seront réduites à 36, sans emprunt nouveau et sans avoir suspendu aucun paiement journalier.

Sur la Guerre, on a pu retrancher 4 ou 500 000 francs d’intérêts payés mal à propos aux trésoriers qui paraissaient faire des avances. Sur 800 000 francs de subsides payés aux Suisses, il en courait 45 000 pour le banquier dont les opérations obscures sous les noms d’argent fort et d’argent faible couvraient le profit. M. de Vaines, ayant éclairci cette obscurité, a trouvé un banquier qui fera passer le subside en Suisse pour 9 000 francs de frais de banque.

M. de Maurepas, à qui ces détails ne sont connus que par moi, est étonné du silence de Turgot qui ne s’en fait pas valoir dans le Conseil. Il a pensé que Turgot devait en faire un tableau pour le mettre sous les yeux du Roi. Lorsque j’ai rapporté cette pensée à Turgot avec un mot de reproche sur son silence : « Que voulez-vous, dit-il, il semble qu’on ne va dire ces choses-là que pour se faire valoir ; cette idée m’arrête. — Ce sont pourtant, dis-je, des détails sur les affaires du Roi que ce prince doit connaître. — C’est vrai, je les lui porterai avec la note des plans que nous projetons. »

Parmi ces plans, il y a celui d’un d’emprunt qui se négocie en Hollande, à 3,5 p. 100. Les incertitudes du Trésor Royal étaient un obstacle à la confiance des Hollandais. On le lève, en leur offrant d’assigner dans leur voisinage les états des provinces de Flandre et d’Artois pour paiement et hypothèques de leurs intérêts en transportant sur le Trésor Royal les charges de ces provinces. La consistance du ministère actuel par l’accession de Malesherbes, donnera de la force à cette confiance.

Ce qui en reviendra sera employé à rembourser les charges de finance onéreuses au Trésor royal et ensuite celles qui sont onéreuses aux provinces, au commerce, et à l’agriculture par leurs privilèges et par leur inutilité. Les trésoriers de tous genres sont dans le premier cas ; les maîtrises des eaux et forêts, dans les deux cas ; le trop grand nombre des receveurs de tailles, huissiers, commis, etc. dans le second.

4. Lettres patentes portant ratification de l’emprunt de 2 400 000 livres fait à Gênes, faisant partie de celui de 1 000 000 ordonné par Arrêt du Conseil du 27 septembre 1775, pour la régie des Messageries et diligences.

Louis, … Par arrêt rendu en notre Conseil d’État, le 27 septembre dernier, nous avons ordonné qu’il serait ouvert en la ville et République de Gênes pour notre compte, un emprunt de 4 millions de livres tournois, pour être ladite somme employée :

1° au paiement de celles auxquelles, suivant la liquidation qu’en auront faite nos commissaires nommés par arrêt de notre conseil du 7 août précédent, se trouveront montées les indemnités dues aux anciens possesseurs des droits des carrossesmessageries et diligences, réunis à notre domaine… et aux engagistes concessionnaires ou fermiers des voitures de la cour, de celles de Saint-Germain-en-Laye, et des messageries qui en dépendent…, pour lesdites indemnités, dédommager les uns de la perte résultant des engagements et concessions à eux faites et les autres des résiliations des baux ou des bénéfices qui auraient dû résulter de la continuation desdits baux ;

2° au paiement du prix des chevaux et ustensiles servant à l’exploitation lesdites voitures de la cour, de celles de Saint-Germain-en-Laye et messageries qui en dépendent, suivant l’estimation qui en aura été faite ;

3° enfin au paiement du prix des acquisitions nouvelles que l’administration pourra faire des bâtiments et autres objets tant mobiliers qu’immobiliers, nécessaires à ses opérations ; par l’arrêt du 27 septembre, nous avons réglé la forme et les conditions du dit emprunt…

Par autre arrêt rendu en notre conseil d’État, le même jour 27 septembre, nous avons commis le Sr de Boullongne, conseiller d’État ordinaire en notre conseil royal et intendant de nos finances et Amelot, conseiller d’État, intendant de nos susdites finances, pour passer en vertu dudit arrêt, devant notaires à Paris, une procuration à telle personne de ladite ville et république de Gênes qu’il appartiendrait à l’effet d’ouvrir ledit emprunt de 4 millions de livres en ladite ville et république de Gênes, de faire à ce sujet un contrat ou obligation au profit de ceux de ladite ville qui voudraient verser leurs fonds dans ledit emprunt jusqu’à concurrence de ladite somme, … d’affecter audit emprunt, tant en principal qu’intérêt, d’abord par privilège :

1° le fond de ladite régie et administration consistant dans les droits et privilèges des carrosses et messageries qui avaient été aliéné et concédés, et qui viennent d’être réunis à notre domaine ;

2° et les voitures, chevaux et ustensiles, bâtiments et autres objets quelconques appartenant à ladite administration et servant à l’exploitation desdites diligences et messageries et carrosses, et subsidiairement sans déroger audit privilège, par hypothèque spéciale et par préférence à la partie de notre trésor royal, les produits de notre ferme générale des postes, de promettre, en notre nom, qu’indépendamment de la délégation qui serait faite par Denis Bergault préposé à ladite régie et administration et ses cautions, des produits de ladite administration, tant pour le paiement du capital dudit emprunt aux échéances indiquées par ledit arrêt, que pour le paiement des intérêts, il serait fait par nosdits commissaires ci-dessus nommés sur les produits de notre ferme générale des postes une autre délégation subsidiaire qui aurait son effet au moment même où il se trouverait des retards dans l’exécution de la première relativement, soit au paiement des intérêts, soit au paiement des portions du capital aux échéances des remboursements desdites portions ;

Enfin, nous avons, par ledit arrêt, autorisé nosdits commissaires à donner pouvoir au porteur de ladite procuration de souscrire à toute les autres conditions qui pourraient être opposées à Gênes dans ledit contrat d’emprunt.

En exécution dudit arrêt, lesdits commissaires ont passé devant Lormeau, notaire à Paris, … le même jour 29 septembre dernier, deux procurations au marquis Jacques Philippe du Razzo, fils du marquis Marcel du Razzo, demeurant à Gênes, par l’une desquelles ils lui ont donné pouvoir d’emprunter 2 400 000 livres, et par l’autre 1 600 000 livres, faisant ces deux sommes ensemble, celle susdite de 4 millions de livres tournois aux clauses et conditions résultant desdits deux arrêts de notre Conseil du 27 dudit mois de septembre ; le Sr Jérôme Pérroni, citoyen de la ville de Gênes, substitué par ledit marquis Jacques-Philippe du Razzo, aux pouvoirs à lui donnés par nosdits commissaires, a ouvert dans ladite ville de Gênes en notre nom un emprunt de 2 400 000 livres tournois, monnaie de notre royaume, revenant à 2 940 000 livres argent de Gênes, hors frais de banque, sur le pied de 24 sols 1/2 pour chaque livre tournois ; ladite somme de 2 400 000 livres faisant partie des 4 000 000 dont nous avons ordonné l’emprunt, ainsi qu’il résulte d’un contrat passé devant Michel Dominique Pescetto, notaire public du collège de Gênes, en présence de témoins le 21 octobre dernier.

Nous avons, en outre, par ledit arrêt du 27 septembre dernier portant nomination de nosdits commissaires, validé dès lors tout ce qui aurait été par eux fait, en vertu dudit arrêt et déclaré que nous entendions tenir fermes et stables les actes qui émaneraient des pouvoirs, autorité, commissions et mandements que nous leur avons donnés et faire expédier sur le tout en cas de besoin toutes lettres de ratifications nécessaires.

À ces causes, approuvons, ratifions, confirmons et homologuons ledit contrat pour être exécuté en tout son contenu. Voulons, en conséquence, que ladite somme de 2 400 000 livres, lorsqu’elle aura été versée entre les mains du Sr Rouillé de Marigny, caissier général de l’administration des diligences et messageries, soit par lui employée conformément à l’art. 8 des conditions dudit contrat et en exécution des ordres qui lui seront donnés à ce sujet par l’administration, et que ladite somme soit passée en dépense dans ses états de comptes.

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[1] L’édit de décembre 1764 avait prescrit une liquidation générale des dettes de l’État, avec représentation au bureau de liquidation des titres et remise de titres nouvels, dans des délais passés lesquels les propriétaires étaient déchus. Les délais avaient été prorogés, mais les derniers avaient expiré en 1771.

En outre, une Déclaration du 12 juillet 1768 avait ordonné une représentation au bureau des États du Roi pour le paiement des arrérages des titres nouvels et des titres de propriété des rentes sur le Roi.

Plusieurs propriétaires avaient confondu les deux représentations ou s’étaient trompés de bureau ; d’autres n’avaient pas fourni toutes les pièces nécessaires. Un arrêt du Conseil du 11 août 1771 déclara fatals les délais expirés, sauf pour le cas d’erreur de bureau ; en ce cas, le délai fut prorogé jusqu’au 1er janvier 1772.

La Déclaration du 30 juillet 1775 réunit la Caisse des Amortissements à celle des arrérages, ce qui produisit une économie notable, et donna aux propriétaires déchus un nouveau délai de six mois (Du Pont, Mém., 253).

Il existait aussi sur les Aides, les Gabelles, les tailles, des petites rentes qui ne valaient pas pour les propriétaires en province les frais nécessaires pour en toucher les arrérages à Paris. Le capital des rentes de 12 livres et au-dessous s’élevait à 1 800 000 l. Turgot en ordonna le remboursement en 1776 (Du Pont, Mém., 255).

[2] Voir au tome V d’autres indications à ce sujet.

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