Œuvres de Turgot – 216 – Les droits sur le suifs

Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 5

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1776

216. — LES DROITS SUR LES SUIFS[1]

I. Lettres Patentes modérant ces droits.

[D. P., VIII, 363. — D. D., II, 321.]

6 février.

Louis… Nous étant fait rendre compte, en notre Conseil, des différents règlements de police, jugements et arrêts intervenus sur le fait du commerce des suifs dans notre bonne ville de Paris ; comme aussi des droits de différente nature qui se perçoivent sur cette marchandise, et de la forme de leur perception, nous avons reconnu que les précautions imaginées depuis deux siècles, pour procurer l’abondance et le bon marché d’une matière si essentielle aux besoins du peuple, avaient dû nécessairement produire des effets absolument contraires à leur objet ; que, par d’anciens règlements de 1567 et 1577, maintenus par des jugements postérieurs, et notamment un arrêt du 19 août 1758, il n’était permis, ni aux bouchers qui rassemblent et fondent les suifs, d’en garder chez eux ou de les vendre librement ; ni aux chandeliers qui les emploient, de s’approvisionner de la quantité qu’ils jugent nécessaire à leur fabrication ; que les suifs devaient, à des jours fixes, être exposés en vente, et lotis entre les maîtres chandeliers qui ne pouvaient les payer qu’à un prix uniforme, à peine d’amende ; que ceux qu’il est nécessaire de tirer de l’étranger, pour suppléer à l’insuffisance de ceux du Royaume, étaient soumis aux mêmes règles, et pareillement lotis, en sorte qu’aucun particulier ne pouvait se permettre de spéculation sur cette branche utile de commerce ; que la communauté entière des chandeliers ne pouvait même s’y livrer, à cause des droits considérables dont cette matière était grevée à l’importation, jusqu’à ce qu’il ait plu au feu roi, notre très honoré seigneur et aïeul, de les modérer par l’arrêt de son Conseil du 28 novembre 1768. Nous n’avons pu reconnaître, dans cette police contraire à tous les principes du commerce, qu’une suite et un abus résultant de la constitution vicieuse des corps et communautés que nous nous déterminons à supprimer. Notre intention étant qu’à l’avenir les professions de boucher et de chandelier soient, ainsi que les autres, exercées librement, la méthode d’exposer en vente publique et de lotir ces matières ne peut plus subsister ; et, les droits auxquels elles sont sujettes ne pouvant continuer d’être perçus dans la forme ci-devant usitée, il est nécessaire d’y substituer une forme plus simple et plus avantageuse au peuple.

À quoi nous avons pourvu par l’arrêt cejourd’hui rendues en notre Conseil d’État, nous y étant, et nous avons ordonné que pour son exécution toutes lettres nécessaires seraient expédiées.

À ces causes… :

Art. Ier. Le commerce des suifs sera libre à l’avenir dans notre bonne ville de Paris, et l’obligation de les exposer en vente, pour être lolis entre les chandeliers, demeurera abrogée à compter de la publication de l’arrêt de ce jour et des présentes, nonobstant tous règlements, jugements de police ou arrêts confirmatifs d’iceux, que nous voulons être regardés comme nuls et non avenus ; en conséquence, il sera libre à tous bouchers de vendre, comme à tous chandeliers d’acheter lesdites matières, dans tels temps ou lieux, et en telle quantité que bon leur semblera.

II. Le droit du sol pour livre, établi sur la vente des suifs dans l’intérieur de Paris, sera supprimé, et cessera d’être perçu à compter du même jour.

III. Pour suppléer au montant dudit droit, il sera remplacé par un droit sur les bestiaux qui produisent du suif, proportionnément à la quantité moyenne qu’on en retire ; lequel droit, modéré pour sa quotité, ne sera perçu, aux entrées et barrières de Paris, qu’à raison de 2 livres 12 sols 2 deniers 2/5 par bœuf, une livre 9 sols 3 deniers 1/5 par vache, 5 sols 2 deniers 2/5 par mouton.

IV. Ne sera ledit droit d’entrée, établi par l’article précédent, sujet à aucuns droits additionnels en faveur de la ville de Paris, de l’Hôpital général, de nos fermes générales, attendu que ce droit n’est qu’un remplacement, et que le droit remplacé n’était point sujet aux droits additionnels.

V. Le droit principal de cent sols par quintal, à l’entrée des suifs étrangers dans Paris, sera réduit à une livre 18 sols 9 derniers 3/5, pour, avec les droits de domaine, barrage, poids-le-roi, et sol pour livre d’iceux, qui se montent à 11 sols 2 deniers 2/5, former une somme de 2 livres 10 sols par quintal, ou 6 deniers par livre de suif ou de chandelle.

VI. Tous les droits additionnels de premier et second vingtièmes, 4 sols pour livre du premier vingtième, gare, don gratuit, vingtième du don gratuit, et 8 sols pour livre d’iceux, établis à l’entrée du suif étranger, seront et demeureront supprimés, nous réservant de pourvoir, s’il échoit, à l’indemnité de qui il appartiendra.

VII. Les droits, réglés par l’article III et par l’article V ci-dessus, seront régis et perçus pour notre compte par l’adjudicataire de nos fermes générales : en conséquence, les régisseurs par nous chargés, sous le nom de l’ouache, de la perception des droits réunis, seront dispensés de compter, tant du produit des droits sur la vente du suif dans l’intérieur de Paris, que de celui des abonnements de la banlieue, et de celui du droit principal d’entrée sur le suif étranger ; et ce, du jour que l’adjudicataire de nosdites fermes aura commencé à régir les droits établis en remplacement.

VIII. Dérogeons à toutes ordonnances, arrêts, règlements contraires aux dispositions des articles précédents.

II. Arrêt du Conseil supprimant des droits réservés.

[D. P., VIII, 535.]

25 avril.

(Le préambule rappelle qu’en supprimant les droits sur les suifs qui se percevaient au profit du Roi, on avait réservé ceux aliénés à différents officiers ; puis, expose que l’expérience ayant montré que le produit d’une partie des dits droits perçus par ces officiers suffisait au paiement de leurs dettes, il n’y avait pas d’inconvénient à en supprimer quelques-uns des plus nuisibles au commerce, notamment ceux qu’ils devaient sur les suifs.)

… À quoi voulant pourvoir, le Roi ordonne :

Que les droits sur les suifs, ci devant attribués aux officiers planchéeurs et gardes-de nuit, vingtièmes de l’Hôpital, et sols pour livre d’icieux, demeureront éteints et supprimés, S. M. en faisant don et remise à ses sujets de sa bonne ville de Paris…

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[1] Voir aussi p. 148 et 161.

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