Oeuvres de Turgot – VIII – L’intendance de Limoges. L’impôt

TURGOT, SA VIE ET SES OEUVRES

TURGOT INTENDANT DE LIMOGES (1761-1774)

VIII. — L’INTENDANCE DE LIMOGES. — L’IMPÔT

Nomination de Turgot à Limoges. — Lettre à Voltaire et réponse de Voltaire. — Carrière administrative de Turgot.

La généralité de Limoges ; son organisation ; sa pauvreté.

La taille. — Diminution de la part de la Province. — La taille tarifée. — Opposition des élus et des Cours des Aides. — Déclaration de décembre 1761 ; concours de d’Ormesson et de Malesherbes. — Suppression des bureaux généraux de Limoges et d’Angoulême. — Emploi de percepteurs. — Projet de cadastre. — Suppression des doubles emplois dans le Limousin et l’Angoumois. — Projets de réforme de la taille. — Incidence de l’impôt : taxes sur l’industrie, le bétail, etc.

L’impôt unique. — Les vingtièmes. — Échec des Ministres contre les privilèges. — Bertin et Quesnay. — Assiette de l’impôt ; quotité ou répartition.

On a vu, dans le volume précédent, combien la vie de Turgot était remplie et combien était ardent son désir de connaître. En dehors de ses fonctions de Maître des requêtes, il cultivait, avec une égale passion, les sciences, la philosophie et les lettres. Il devait donc désirer de rester à Paris, qui a toujours été en France le seul centre intellectuel. Mais il devait se résoudre à prendre, pour quelque temps, un poste en province à moins de renoncer à toute vue d’ambition administrative.

À cet effet, il alla faire une sorte de stage chez l’Intendant de Lyon, La Michodière, administrateur intelligent et instruit, qui s’intéressait aux questions générales et poursuivait, en dehors de ses travaux professionnels, des recherches statistiques sur la population de la France. Turgot posa en même temps sa candidature à l’Intendance de Grenoble. Les postes de Prévôt des Marchands de Lyon et d’Intendant de Bretagne furent peu après vacants ; l’un ou l’autre lui aurait convenu, car il aurait eu à y solutionner des questions industrielles et commerciales intéressantes, en profitant des enseignements qu’il avait reçus de Vincent de Gournay. Choiseul le déclara trop jeune et l’envoya à Limoges, qui était un poste de début et qui était peu recherché en raison de son éloignement de Paris et des difficultés de communications dans la province.

Turgot, ayant à adresser à Voltaire sa souscription à l’édition des Œuvres de Corneille, lui écrivit : « Il s’est opéré en moi un changement et j’ai le malheur d’être intendant. Je dis le malheur, car dans ce siècle de querelles, il n’y a de bonheur qu’à vivre philosophiquement, entre l’étude et ses amis. »

La réponse du patriarche de Ferney est banale et serait à négliger si elle ne renfermait une plaisanterie prophétique : « Vous serez un jour Contrôleur général, mais alors je serai mort. » L’événement ne fut point tout à fait celui-là ; Voltaire vécut assez longtemps pour voir son correspondant parvenir au ministère.

Turgot se rendit à Limoges sans enthousiasme. Cependant, quelques mois plus tard, comme l’Intendance de Rouen, voisine du berceau de sa famille, lui était offerte, il la refusa et ayant appris que sa mère sollicitait pour lui le poste de Lyon, il écrivit a Bertin[1], Contrôleur général, que si le Gouvernement était décidé à faire dans le Limousin un essai de réforme de la taille, il préférait y rester.

Son vrai désir était de revenir à Paris. Il échoua un peu plus tard, on l’a vu à propos de la Chambre Royale, pour la place d’Avocat général et pour celle de Président à mortier au Parlement de Paris. La bienveillance du Roi, que le marquis de Sousmont avait appelé sur les siens, en donnant sa démission, se porta de préférence sur le Chevalier Turgot qui, après avoir été nommé gouverneur de la Guyane, en 1763, fut fait brigadier du Roi le 11 octobre 1764. L’Intendant de Limoges n’obtint aucune faveur en compensation des échecs que lui avait valus l’intolérance des jansénistes.

En 1766, il posa encore inutilement sa candidature à l’intendance d’Amiens ; le contrôleur général de L’Averdy[2] lui offrit celle de Bordeaux qu’il refusa. Il ne fut pas plus heureux dans ses demandes pour le poste de Prévôt des Marchands de Paris : « Vous savez, écrivit-il à Maynon d’Invau[3] le 4 septembre 1768, avec quelque amertume, quelles ont été et peuvent être mes vues… Vous savez que je me soucie peu de changer d’intendance pour en changer, que je ne désire de places que celles qui peuvent me rapprocher de mes amis… et que je suis même fort éloigné de regarder comme un pis-aller cette tranquillité absolue qu’on se procure toujours quand on veut. »

Turgot dut rester treize années à Limoges. Il y compta des amis ; il y eut des collaborateurs dévoués ; mais il y eut aussi des adversaires, surtout dans la petite noblesse.

« Elle était accoutumée aux plus grandes injustices, dit Baudeau[4] ; l’Intendant n’agissait que pour elle et l’Intendance était une bonne auberge où les gentilshommes allaient manger et jouer ». Turgot n’était pas leur homme : il ne jouait pas, mangeait seul et réprimait avec une fermeté polie les abus de pouvoir des hobereaux : on le constate en lisant les lettres qu’il adressa à un certain comte de Sainte-Maure relativement à la révocation d’un garde-étalon.

Il est permis de dire qu’il s’ennuya à Limoges ; mais il allait chaque année passer quelques mois à Paris et l’amour du travail, associé à l’amour du bien public, fut son soutien. C’est au cours de son Intendance, au milieu de multiples occupations administratives, qu’il fit ses principaux travaux d’économie politique et prépara les grandes réformes auxquelles son nom est attaché.

La généralité de Limoges était une des plus pauvres de la France et une des plus surchargées d’impôts. Elle comprenait le Limousin, presque tout l’Angoumois et quelques morceaux de la Marche et du Poitou, plus exactement les cinq élections de Limoges, de Tulle, de Brive, d’Angoulême et de Bourganeuf. ce qui correspond au territoire formé par le département de la Haute-Vienne, celui de la Corrèze, une partie de celui de la Creuse et la majeure partie de celui de la Charente. Son étendue était de 854 lieues carrées ou 1 686 000 hectares avec une population que Necker[5] a évaluée (en multipliant le nombre des naissances par 25 1/2) à 646 500 personnes[6].

Un document, déjà publié par d’Hugues[7], donne sur la misère du Limousin des indications à retenir : c’est une requête adressée à Turgot par une paroisse ; on y lit :

« Il sort, Monseigneur, tous les ans, de la plupart de nos paroisses, une quantité prodigieuse de gens qui abandonnent le pays natal d’où la misère les chasse et où ils manquent de pain, pour devenir mercenaires dans les contrées d’abondance. L’Espagne, par exemple, nous en enlève beaucoup ; les autres vont maçons, couvreurs, scieurs de long, dans diverses provinces du royaume. Ils portent quelque argent, dira-t-on, à leur retour ; sur dix de ces ouvriers ou de ces voyageurs qui s’enviennent, il n’y en a pas deux qui réussissent : les maladies, les voyages, le libertinage leur consomme tout ; et les espèces qui en reviennent d’ailleurs à notre province peuvent-elles réparer le tort que ces gens-là font aux progrès de l’agriculture ?…

« Une chose étonnante, c’est que nous ne trouvons plus de métayers : il n’y a actuellement dans la majeure partie des domaines ou borderies, qu’un homme et une femme, avec deux ou trois enfants encore à la mamelle, pour travailler deux ou trois cents seterées de terrain. Où il faudrait cinquante bras, à peine y en a-t-il six ou huit : qu’on juge de la culture ! Ils prendront des valets : où en trouver, et que ne coûtent-ils pas ? La récolte n’est-elle pas abondante ; arrive-t-il un cas fortuit (chose à laquelle nous sommes trop sujets), ils n’ont point de quoi les payer… Voilà une famille sans pain ; le peu qu’elle a lui est enlevé par les huissiers des tailles qui commettent cent exécutions militaires contre ces misérables, et qu’on peut appeler de véritables harpies. Il faut déguerpir lestement. Le maître, qui se flatte encore d’un meilleur sort, les retient, les nourrit, paye pour eux tailles et rentes, les console et les encourage : celui-ci se ruine et est obligé d’envoyer le colon et de laisser son domaine inculte, comme nous n’en voyons que trop de nos jours, ou du moins d’y mettre un autre misérable, et est nécessité à recommencer à nouveaux frais avec celui-ci. »

Au manque de bras s’ajoutait le manque de bestiaux et d’engrais :

« … Il n’y a pas assez de bestiaux ; la misère du temps en est la cause. Ci-devant, un taureau, dix moutons et un cochon payaient l’imposition ; aujourd’hui deux taureaux, vingt moutons, deux cochons, ne suffisent pas à en payer la moitié. Les impôts ont augmenté outre mesure ; l’argent est devenu rare ; les bestiaux n’ont pas de valeur ; il faut tout vendre à quelque prix que ce soit[8]. »

Même en tenant compte de l’exagération habituelle aux solliciteurs, on doit admettre que la situation des Limousins était peu enviable et l’on peut dire aussi que Turgot ne négligea rien pour l’adoucir.

Les intendants avaient à s’occuper des recouvrements de la taille qui était l’impôt principal ; depuis le commencement du siècle, elle avait été augmentée d’un tiers dans le Limousin et avait été fixée pour l’année 1762 à plus de 2 200 000 francs, somme supérieure aux impositions de toutes les années précédentes.

Turgot ayant constaté la misère de la province, demanda aussitôt et obtint, autant par son insistance éloquente que par son crédit personnel auprès des Intendants des finances, un dégrèvement de près de 200 000 fr. au lieu de 135 000 accordés pour 1761. Chaque année ensuite, il demanda de nouvelles réductions et les obtint pour partie, de sorte qu’en douze ans, il fit alléger les charges de la province de plus de trois millions[9].

On sait que la taille, impôt à la fois personnel et réel, sur les roturiers, donnait lieu à plusieurs répartitions successives.

La première était faite par le Conseil d’État entre les vingt généralités des pays d’élections et était arrêtée par brevets signés par le Roi. La seconde avait lieu dans chaque généralité entre les élections. À cet effet, le bureau des finances se concertait avec l’intendant ; puis intervenaient des lettres patentes notifiées, en forme de commission, à l’intendant, au trésorier de France, aux élections.

L’année de la taille allait d’octobre à octobre, eu égard aux récoltes et travaux de la campagne. Au mois de juillet, les trésoriers faisaient des chevauchées pour apprécier la situation des récoltes, en évaluer le produit, constater les accidents ; l’intendant, de son côté, recueillait des renseignements sur les apparences des récoltes dans chaque paroisse, et les résumaient dans un état des récoltes auquel il joignait son avis sur la diminution qu’il jugeait nécessaire d’accorder à la généralité. Le contrôleur général faisait un rapport au Conseil d’après les procès-verbaux des trésoriers et les avis des intendants ; puis le Conseil statuait par arrêt sur le moins imposé à accorder à telle ou telle généralité.

Après la réception, dans chaque élection, de la commission arrêtant le montant de la taille, et sans attendre l’arrêt du moins imposé, il était procédé à une répartition entre les paroisses.

Tous les ans au mois d’août, les officiers d’élection se distribuaient les paroisses pour aller vérifier la situation des récoltes, la mortalité et les maladies des personnes et des bestiaux, les incendies, les inondations ; ils dressaient des procès-verbaux où ils faisaient mention des cotes perdues, des surcharges, des impositions insuffisantes, des exemptions abusives, etc., et signalaient tous ces faits dans un rapport.

L’intendant, le receveur des tailles, recueillaient aussi des renseignements. Puis l’intendant, les trésoriers de France, les officiers de l’élection, les subdélégués et les receveurs des tailles s’assemblaient et arrêtaient le département de la taille entre les paroisses.

Ensuite, les collecteurs ou asséeurs faisaient la répartition entre les habitants qui, à l’exception des privilégiés, des indigents, etc., remplissaient tour à tour ces fonctions désagréables et quelquefois ruineuses.

On distinguait deux espèces de taille :

1° La taille réelle, imposée sur les fonds roturiers indépendamment des personnes ;

2° La taille personnelle, imposée sur les fermiers ou métayers des biens nobles, à raison de leurs facultés connues ; de leur commerce et de leur industrie.

La répartition entre les habitants était en général très arbitraire : les collecteurs faisaient retomber le plus gros poids de l’impôt sur les contribuables qui n’avaient pas les moyens de se défendre. Les abus étaient tels que des gens surchargés se laissaient exécuter, afin de rendre les collecteurs responsables de leur apparente impuissance et d’intimider par là les collecteurs futurs.

Comme remède, le Contrôleur général Orry[10] fit essayer dans quelques provinces un système de taille tarifée qui consistait à faire dresser les rôles, non par des collecteurs choisis parmi les habitants, mais par des commissaires des tailles nommés par l’Administration, et en prenant pour bases d’appréciation, l’énumération et l’évaluation des biens-fonds d’après les déclarations des contribuables.

Ce système fut d’abord appliqué en Champagne. Dans cette province, les propriétés n’étaient pas très divisées ; les habitants étaient rassemblés dans de gros villages et se connaissaient ; les fermiers étaient aisés et avaient une certaine éducation ; l’usage des baux était assez répandu ; les fausses déclarations ne furent pas nombreuses, paraît-il. Aussi le système de la taille tarifée donna des résultats satisfaisants. Il en fut tout autrement dans le Limousin où la taille tarifée fut introduite par l’Intendant Aubert de Tourny, administrateur intelligent et actif, mais ardent, et quoiqu’il n’y eût dans la province ni grandes exploitations, ni même de fermes, mais surtout des métairies. Tourny commença par demander aux contribuables des déclarations en ce qui concernait : 1° l’étendue des terrains appartenant à chaque propriétaire et les espèces de culture auxquels ils étaient affectés ; 2° la qualité (première, seconde ou troisième) des terrains pour chaque espèce. Un commissaire fut chargé d’évaluer le revenu ordinaire de chaque qualité ; son estimation, quoique arbitraire, fut assez modérée, en général, mais beaucoup de déclarations furent fausses et beaucoup d’autres firent défaut. Pour forcer les contribuables à déposer et à dire la vérité, les cotes furent surélevées, selon le procédé despotique auquel on finit toujours par recourir dans la fixation des impôts dits sur le revenu. Néanmoins, il fut impossible de tirer de l’ensemble de l’enquête des renseignements précis. Il fallut procéder d’office à des arpentements et à des évaluations que l’on décora du nom d’abonnements, mais dont les bases étaient défectueuses.

Quand Turgot prit possession de son poste, les deux tiers de la province environ avaient été arpentés. On n’avait pas fait de cartes ; on s’était contenté des brouillons des arpenteurs pour dresser les procès-verbaux généraux des paroisses et pour établir les feuilles de relevé sur lesquelles figurait la cote de chaque particulier. Il y avait eu des erreurs ; les feuilles de relevé ne cadraient point avec les procès-verbaux ; les brouillons n’avaient pas toujours été conservés et l’on ne pouvait savoir lesquels, des procès-verbaux ou des feuilles de relevé, méritaient confiance. Les estimations des abonnateurs avaient été faites rapidement, sans discussion, ni avec les propriétaires, ni avec les cultivateurs, et elles avaient été appliquées de telle sorte que, dans certaines paroisses, la taille apparut à 1 sol pour livre du revenu estimé et dans d’autres à 5 sols pour livre.

L’incertitude, sur toutes les parties de l’opération, s’était énormément accrue avec le temps ; depuis vingt-deux ans, il n’avait été fait aucune vérification nouvelle et il n’avait été tenu aucun compte des mutations de propriétés. Il y avait, en outre, beaucoup de fausses taxes et beaucoup de cotes inexigibles que les collecteurs étaient obligés d’acquitter et qu’ils réimposaient l’année suivante par forme de rejet sur les autres contribuables.

L’autre tiers de la province n’avait pas été arpenté. On avait pris pour base de la répartition les déclarations des anciens propriétaires, bien que des héritages eussent changé de main. Comme ces anciens propriétaires avaient fait de fausses déclarations, il y avait moins de murmures que dans les parties arpentées. Aussi, pour remédier à l’inexactitude des renseignements, avaient été adoptés des tarifs différents : dans la partie arpentée, les profits d’exploitation furent taxés à 2 deniers par livre ; dans la partie non arpentée à 4 deniers et l’imposition par tête de bétail y fut étendue aux bestiaux de labour ; elle fut restreinte, dans la partie arpentée, aux bestiaux engraissés pour la vente[11].

L’ignorance de la vraie situation des contribuables était si générale qu’on n’avait aucun élément pour apprécier les réclamations. Les intendants cédaient aux demandes de ceux qui trouvaient accès ou crédit auprès d’eux ; quant aux plus malheureux, même s’ils avaient le moyen de se faire entendre, ils ne pouvaient prouver la légitimité de leurs plaintes.

Voici quelques faits qui justifient ce qui vient d’être dit :

De deux possessions contigües, à peu près de même qualité et de même contenance, situées dans la paroisse d’Allassac, l’une fut abonnée à 17 livres de revenu, l’autre à 5 livres. Cette dernière, la seconde année après l’abonnement, fut vendue 472 livres ; l’autre ne fut vendue que 420. Les changements à faire sur le rôle en 1763, relativement aux deux aliénations firent connaître l’ignorance ou la friponnerie de l’abonnateur[12].

Un Sieur de la Salle avait un domaine au village de Mensat. Il en vendit, le 29 mai 1754, à Antoine Traverse, une partie pour 975 livres, à Baptiste Queyrat une autre partie pour 400 livres et plus tard au sieur de Pebeyre le restant pour 1 256 livres 5 sols. On aurait pu croire que Traverse et Queyrat, ayant pris pour 1 375 livres d’héritages, auraient supporté plus de taille que Pebeyre qui en avait pris pour 1 256 livres. Or Traverse paya 2 l. 18 s. ; Queyrat 1 l. 19 s. 3. d. ; soit à eux deux 4 1. 17 s. 3 d., tandis que de Pebeyre eut à payer 12. l. 15 s., sans y comprendre 21. 1 s. 4 d. pour ses bestiaux[13].

Relativement aux déclarations, un commissaire des tailles de Limoges, nommé de l’Épine, a défini comme suit l’état d’esprit des propriétaires : « Tous n’ont qu’une voix pour dépriser leurs héritages, à moins qu’il ne se rencontre quelque sot qui, comme l’âne de la fable, ose faire l’homme de bien pour être mangé des autres ».

Malgré ces graves défauts, le système de la taille tarifée avait l’avantage incontestable d’affranchir les contribuables de l’arbitraire des collecteurs. Aussi Turgot, tant par ce motif que par des considérations théoriques, estimait qu’il fallait le maintenir en cherchant à l’améliorer.

Le système n’était pas légal ; il n’existait qu’à titre provisoire et venait d’être mis en péril par une Déclaration royale d’avril 1761. Comme il tendait, en effet, à dépouiller les élus de leurs attributions pour faire passer celles-ci aux mains des intendants et de leurs agents, les élus s’étaient plaints et le Roi avait enlevé aux intendants, pour la faire rentrer dans la juridiction des officiers d’élection et des Cours des Aides, la connaissance des réclamations de toute nature concernant la taille.

La généralité de Limoges dépendait des Cours des Aides de Clermont et de Paris. Celle de Clermont avait dans sa juridiction les trois élections de Limoges, de Tulle, de Brive et s’était toujours montrée hostile à la réforme de la taille. Celle de Paris, à laquelle ressortissaient les autres élections, n’était guère plus favorable. Turgot proposa néanmoins au Contrôleur général de maintenir le provisoire et grâce à l’appui de l’Intendant des Finances d’Ormesson[14] et à celui de Malesherbes, président de la Cour des Aides de Paris, il réussit dans sa tentative.

D’Ormesson persuada le président de la Cour de Clermont d’empêcher cette compagnie de gêner les opérations du nouvel Intendant. Malesherbes obtint de la Cour des Aides que les effets de la déclaration d’avril seraient suspendus. La Cour ne demanda que des modifications de forme ; la suspension fût prononcée par déclaration royale du 30 décembre 1761. C’est le premier acte administratif qu’ait provoqué Turgot. Malesherbes avait dû, pour aboutir, convoquer chez lui plusieurs conseillers de la Cour les aides et écrire aux élus d’Angoulême et de Bourganeuf pour leur démontrer l’utilité de la taille tarifée. « Je ne vous dissimulerai pas, avait-il ajouté, que j’ai connaissance d’une partie des vues de votre nouvel intendant, et que j’en ai conçu les plus grandes espérances[15]. » D’Ormesson avait de son côté écrit à Turgot : « J’ai trouvé votre projet bon et excellent ; j’ai été étonné de l’immensité de votre travail, de la netteté et de la précision que vous y avez mise… Il est question présentement de le faire goûter à MM. de la Cour des Aides, et malheureusement l’arrêt qu’ils ont rendu le 10 contre M. l’Intendant de Tours marque qu’ils ont plus de goût pour le bruit que pour la bonne besogne[16]. »

Le provisoire fut maintenu pour trois ans. Turgot chercha alors à améliorer.

Un des abus de l’administration financière du Limousin était l’existence à Limoges et à Angoulême de deux bureaux généraux où étaient dressés d’office la plus grande partie des rôles de la taille. Il en résultait que ces rôles n’étaient pas toujours vérifiés dans les paroisses et qu’il n’était pas tenu en temps utile, compte des mutations. De là, des difficultés et des frais pour les parties qui demandaient des rectifications. En plus, les rôles étaient remis trop tard aux collecteurs, ce qui entraînait des abus dans la perception. Turgot résolut de supprimer ces bureaux ; l’un des titulaires était un honnête homme estimé dans le pays ; l’autre était un fripon, mais il avait poursuivi avec une intelligente activité l’établissement de la taille tarifée dans la Province et il était une sorte de personnage, car il avait acquis une charge de valet de chambre du Roi, peut-être avec les profits illicites que lui avait procurés la confection des rôles

Turgot, soutenu par les ministres Saint-Florentin[17] et Bertin, put demander aux deux titulaires leur démission et procéder à la suppression des bureaux de Limoges et d’Angoulême. Des commissaires furent alors chargés d’aller sur place vérifier les rôles dans les paroisses et il fut demandé aux municipalités des villes importantes de désigner un assez grand nombre de répartiteurs pour que le travail fut effectué désormais avec plus de soin et de célérité.

Turgot aurait voulu arriver à la suppression de la collecte. Rien n’était plus triste que l’état des collecteurs, obligés de sacrifier leur temps, exposés à être mis en prison par la faute ou l’impuissance d’autrui, certains de perdre au moins l’intérêt de leur capital et parfois leur capital même s’ils faisaient des avances, suspects à leurs concitoyens parce qu’ils leur demandaient de l’argent et avaient le pouvoir de les faire poursuivre. La plupart, ne sachant ni lire ni écrire, étaient incapables d’avoir des comptes en règle et de marquer d’une manière certaine les sommes qu’ils recevaient, de sorte que les contribuables risquaient de payer deux fois.

Avec les taxations ordinaires accordées aux collecteurs à titre de remises et en groupant dans le même arrondissement six ou huit paroisses, on pouvait former un salaire suffisant pour solder un receveur permanent qui tiendrait un registre, qui délivrerait aux contribuables des quittances sur imprimé, qui aurait enfin une comptabilité régulière.

Turgot ne parvint pas à réaliser entièrement cette réforme. Mais, dans le Limousin, la collecte des vingtièmes était faite par les collecteurs de la taille ; or il institua dès l’année 1762 des préposés spéciaux pour la levée de cet impôt, comme on le faisait d’ailleurs dans plusieurs autres généralités.

Il fit aussi supprimer, d’accord avec l’Intendant de la Rochelle, les doubles emplois d’impôts auxquels donnait lieu le mélange des possessions dans le Limousin et l’Angoumois. Les propriétaires de l’une des deux provinces qui étaient domiciliés dans l’autre payaient deux fois, pour la taille, et pour le vingtième.

L’attention particulière de Turgot se porta enfin sur les procédés employés pour arrêter les modérations d’impôts pour perte de bestiaux. Elles étaient accordées sur le vu de certificats délivrés avec trop de complaisance par les syndics de paroisses et que les paysans se croyaient obligés de venir présenter eux-mêmes à l’intendance en faisant un voyage coûteux. Turgot demanda aux curés de l’aider dans sa tâche, de recevoir les déclarations des propriétaires, de les lire le dimanche au prône, ce qui était un moyen d’en assurer la sincérité, de les envoyer ensuite à l’intendance, puis de notifier ultérieurement aux intéressés les décisions prises. Des frais inutiles furent épargnés aux solliciteurs et de sérieuses garanties furent données à l’administration.

C’étaient là des détails qu’à force de patience l’intendant pouvait parvenir à régler, mais Turgot songeait à résoudre une question plus générale, celle de la modification de l’assiette de la taille en tenant compte des vues émises par Quesnay dans l’Encyclopédie.

Après avoir obtenu que la taille tarifée fut maintenue à titre provisoire, il essaya de répartir l’impôt foncier d’après des évaluations exactes de la valeur des terres, autrement dit de faire un bon cadastre. « Si l’on y parvenait dans une province, écrivit-il au contrôleur général Bertin, en refusant l’intendance de Lyon, on pourrait étendre l’opération aux autres provinces. On ne trouvera jamais d’occasion plus favorable pour faire un pareil essai que celle qui se présente dans le Limousin… La répartition y est dans une espèce d’indécision… le système actuel est imparfait ; … on désire une réforme ; celui qui l’entreprendra n’encourra point le reproche si fâcheux de novateur auquel les mêmes opérations l’exposeraient partout ailleurs[18] ».

Les difficultés étaient grandes. « Ce que Turgot, observe d’Hugues[19], élabora de projets et d’essais d’arpentements, d’observations sur les plans qui lui étaient soumis, de modèles pour la confection des rôles et des feuilles de relevé, d’instructions aux ingénieurs chargés de la mesure des terres, de mémoires sur les abonnements ou évaluations d’héritages, etc., ceux-là le savent bien qui ont pu consulter la table des dossiers dans lesquels se trouvaient amoncelés les documents relatifs à cette héroïque entreprise. Je dis : la table, car malheureusement, les dossiers eux-mêmes ont disparu et il ne nous reste que la nomenclature de toutes les tentatives faites par Turgot pour améliorer, dans la mesure de ses forces, le système de la taille tarifée ».

À la longue, Turgot parvint à rendre les feuilles de relevé conformes à la situation des paroisses : il parvint aussi à supprimer l’imposition par tête des bêtes à laine. Il maintint des exemptions aux septuagénaires et aux parents chargés de famille, en raison du nombre de leurs enfants, d’après d’anciennes lois, sans se faire illusion sur l’efficacité de pareilles mesures.

On peut se rendre compte de l’immensité de son travail et de la valeur de ses connaissances pratiques en lisant ses circulaires.

Au commencement de l’année 1762, il en avait adressé une aux commissaires des tailles de la généralité pour leur demander leur avis sur la réforme à opérer. Il ne s’était pas borné à solliciter d’eux des renseignements techniques ; il voulait que ses subordonnés fussent ses collaborateurs et il les avait consultés sur la question générale en appelant leur attention, sans cacher ses opinions personnelles, sur le point de savoir si l’on devait taxer les revenus d’exploitation ; on y lit :

« La taxe d’industrie (ou d’exploitation) est par sa nature arbitraire, car il est impossible de connaître exactement le profit qu’un homme fait avec ses bras, celui qu’il tire de sa profession, de son commerce et il pourra toujours se plaindre sans que personne puisse juger de la justice de ses plaintes. On peut soutenir que la taxe d’industrie retombe toujours à la charge de ceux qui possèdent les terres. En effet, l’homme industrieux n’a d’autres profits que le salaire de son travail ; il reçoit ce salaire du propriétaire de terres et lui rend par ses consommations la plus grande partie de ce qu’il en a reçu par son travail. S’il est forcé d’abandonner une partie de son profit (pour payer l’impôt), ou il fera payer plus cher son travail, ou il consommera moins…

« Il est si peu douteux que toute la taille imposée sur les colons ne soit véritablement à la charge des propriétaires, que ceux-ci, dans les conventions qu’ils font avec leurs métayers, se chargent très souvent de payer leur taille en tout ou en partie ».

De même pour les bestiaux, Turgot disait : quand ils servent au labourage et fournissent de l’engrais, ils sont des instruments de production ; quand ils donnent de la viande et des produits accessoires, tels que la laine, ils procurent à la terre un revenu ; les imposer à part, c’est faire des doubles emplois.

En somme, Turgot discutait avec ses subordonnés tout le problème de l’incidence de l’impôt.

Dans des notes qu’il mit en marge d’un projet d’article de Quesnay sur les Impôts, on lit de même :

« Les loyers des maisons ne représentent pas un revenu véritable, puisqu’ils ne résultent pas d’une exploitation créatrice et sont le remboursement de dépenses. Celui qui paie son loyer n’en retire aucun fruit et le paie sur ses autres revenus ; une taxe sur les maisons fait donc double emploi avec la taxe des revenus annuels des terres. »

Et, auprès d’un passage où Quesnay[20] avait admis qu’à côté de l’impôt territorial, il y eût des taxes accessoires sur les marchands et les artisans, Turgot avait écrit :

« Le maître s’est corrigé depuis. Il sait bien que l’impôt ne doit porter ni sur les marchands, ni sur les artisans, mais sur les propriétaires seuls… Il n’avait pas encore tiré toutes les conséquences de ses principes… »

Le point de départ des idées de Turgot n’est donc pas douteux : au sujet de l’impôt et au sujet de l’incidence, elles étaient celles de Quesnay.

On aurait tort de s’étonner qu’au XVIIIe siècle tant d’esprits distingués se soient attachés au système de l’impôt foncier unique ; non seulement la terre était de beaucoup le plus important des capitaux, mais en dehors de toute considération sur les richesses et leur formation, on voyait dans ce système un moyen de se débarrasser des impôts de consommation que la ferme rendait insupportables, et, tout en fournissant de larges recettes au Trésor, de parvenir, avec un impôt partout réel, à détruire les privilèges contre lesquels les contrôleurs généraux avaient lutté l’un après l’autre sans les ébranler. Personne n’aurait pu croire que l’impôt foncier serait préconisé un jour comme un instrument d’expropriation des propriétaires, ainsi que l’a fait de notre temps Henri Georges[21] ; personne n’aurait pu supposer que les attributions de l’État s’étendraient au point de rendre insuffisantes les ressources fiscales à tirer du sol.

Bertin échoua contre les privilèges, comme avaient échoué ses prédécesseurs. Il avait à pourvoir aux frais d’une guerre ruineuse et voyait arriver avec crainte l’année 1764, qui était celle de l’expiration du troisième vingtième. N’ayant pas l’espérance d’en obtenir la prorogation, il tenta de supprimer les ménagements dont on usait envers la noblesse et le clergé lors de la perception des deux premiers vingtièmes[22], et de retrouver ainsi la somme que l’expiration du troisième allait lui faire perdre. Les Parlements s’y opposèrent, en soutenant que le Roi ne pouvait augmenter le produit total annuel des premiers vingtièmes. Bertin voulut alors modifier l’assiette de l’impôt, sans en augmenter le produit total, et rédigea à cet effet un projet d’édit sur lequel il demanda l’avis de quelques intendants. Turgot fut du nombre ; sa réponse fut celle-ci :

« Il serait utile de se procurer une imposition territoriale qui tombât directement sur les propriétaires et qui ne fût troublée par aucun privilège… C’est une erreur bien grossière de s’imaginer que l’industrie soit taxée à la décharge des propriétaires de terre ; l’industrie ne subsiste que de salaires payés par les propriétaires ; il y a de très fortes raisons de penser que l’imposition sur l’industrie retombe au double sur les propriétaires. »

Puis rendant justice aux travaux de Quesnay : « Estimer les terres est une science dont il n’y a pas plus de huit ans que les premiers principes sont posés. »

En outre, comme Bertin avait promis aux Cours de Justice la connaissance du contentieux des vingtièmes et se félicitait d’utiliser ainsi le zèle de la magistrature pour le bien du peuple, Turgot désireux, ainsi qu’il le fut toujours, de défendre l’autorité royale contre les prétentions excessives des Parlements, lui dit :

« Ce compliment aux tribunaux est une chose à éviter… Quand il est évident que c’est là une complaisance arrachée comme par force, je crois que, bien loin d’en faire aux tribunaux un sujet de triomphe…, il faut en cédant, parce qu’on ne peut faire autrement, prendre une tournure telle que le Roi paraisse agir d’une manière libre et indépendante. »

La condescendance de Bertin pour la magistrature fut sans effet ; les Cours s’opposèrent au nouveau projet aussi énergiquement qu’au projet primitif et firent valoir que le vingtième, impôt sur le revenu, onéreux par lui-même, l’était plus encore par l’inquisition exercée pour l’établir et qu’il convenait de maintenir sans changements les cotes de l’année 1763[23].

Bertin, peut-être uniquement pour ménager Quesnay et Mme de Pompadour, avait ouvert aussi une enquête sur l’impôt en général. Mais, le 12 décembre 1763, il fut renvoyé du contrôle général[24] sous la pression du Parlement, et remplacé par le conseiller L’Averdy. Le 15 avril suivant, Mme de Pompadour mourut et cet événement fit perdre à Quesnay tout crédit. Il ne fut bientôt plus question d’impôt unique dans les sphères gouvernementales.

Turgot cessa alors de s’occuper de l’avis qu’il avait commencé à préparer pour l’enquête et qui devait être un véritable traité de finances. Les fragments qu’il avait déjà rédigés sont toutefois assez importants pour faire connaître ses vues.

Quesnay et le Marquis de Mirabeau voulaient que l’impôt territorial fût un impôt de quotité, c’est-à-dire que chaque propriétaire payât une part proportionnelle du produit net de sa terre d’après un taux fixe, de manière à intéresser l’État à l’amélioration continue du produit net. Turgot reconnaissait à ce système l’avantage de supprimer « bien des difficultés entre le Gouvernement et les contribuables », mais il craignait les fraudes : les contrats de fermage n’auraient plus indiqué les rentes véritables ; on aurait eu recours à des contre-lettres ; et quand il n’y aurait pas eu de contrats, c’est-à-dire dans les deux tiers du Royaume, on n’aurait pas eu de bases positives pour dresser les rôles : « Faudrait-il demander des déclarations aux propriétaires ? disait Turgot, qu’ont-elles produit pour le vingtième ? » Il penchait en conséquence pour l’impôt de répartition, et les difficultés qu’il rencontrait pour la confection d’un cadastre régulier dans le Limousin contribuaient à lui faire adopter cette opinion.

_______________________

[1] Bertin (1719-1792), contrôleur général d’octobre 1759 à décembre 1763, précédemment lieutenant de police.

[2] L’Averdy (1723-1793), contrôleur général de décembre 1763 au 27 septembre 1768.

[3] Maynon d’Invau, contrôleur général de septembre 1768 au 22 décembre 1769.

[4] Abbé Nicolas Baudeau (1730-1792), fondateur des Éphémérides du Citoyen. Sa Chronique, intéressante pour le ministère de Turgot, a été publiée dans la Revue rétrospective.

[5] L’administration des finances, 1784.

[6] On comptait une trentaine de subdélégations. Voir la liste, p. 85 du présent volume ; elle est tirée d’un tableau dressé du temps de Turgot et conservé à Lantheuil ; elle diffère un peu de la liste donnée par les Éphémérides de la généralité de Limoges pour 1765, Limoges, Barbou, et qui a été utilisée dans l’Inventaire des Archives de la Haute-Vienne.

On y comptait aussi trois diocèses : Limoges, Tulle et Angoulême ; le prédécesseur de Turgot au priorat de la Sorbonne, Duplessis d’Argentré, était évêque de Limoges.

Il y avait deux gouvernements militaires généraux : Limoges et Angoulême, sans parler des gouvernements particuliers : Tulle, Angoulême, Turenne, Argentat, Bourganeuf, Eymoutiers, Saint-Léonard ; quatre présidiaux : Limoges, Brive, Angoulême, Tulle ; cinq sénéchaussées ou sièges royaux : Uzerche, Ussel, Bellac, Le Dorât, Saint-Yrieix.

Mais le ressort de ces diverses institutions ne concordait pas avec celui de la généralité et de ses divisions (Leroux, Inventaire des Archives de la Haute-Vienne, XXVII et s).

[7] Essai sur l’administration de Turgot dans la généralité de Limoges. 1859. J’ai beaucoup emprunté à ce consciencieux travail.

[8] Mémoire des habitants de Saint-Pardoux-la-Croisille, adressé à Turgot en 1762 : Archives de la Haute-Vienne. — D’Hugues, Essai, etc.

[9] Voici la liste des réductions obtenues. Les chiffres de la dernière colonne, tirés des notes de Du Pont, ne sont pas tout à fait identiques à ceux des brevets de la taille.

Année 1762. Réduction : 190 000 livres sur 2 208 000

— 1763. — 200 000 —  — 2 186 000 — — —

— 1764. — 180 000 — — 2 252 000 — — —

— 1765. — 280 000 — — 2 221 000 — — —

— 1766. — 217 000 — — 2 275 000 — — —

— 1767. — 220 000 — — 2 275 000 — — —

— 1768. — 220 000 — — 1 942 000 — — —

— 1769. — 280 000 — — 1 942 000 — — —

— 1770. — 450 000 — — 1 942 000 — — —

(non compris un secours en argent de 300 000 livres)

— 1771. — 270 000 — — 1 942 000 — — —

— 1772. — 270 000 — — 1 942 000 — — —

— 1773. — 200 000. — — 1 942 000 — — —

                  2.977.000

[10] Orry, comte de Vignory (1689-1747), contrôleur général de 1730 à 1745.

[11] D’Hugues, Essai, etc. — Note de Du Pont dans les Œuvres de Turgot.

[12] Mémoire concernant la taille tarifée, adressée à Turgot par Cabanis, commissaire dans l’élection de Brive.

[13] Mémoire des habitants de Saint-Pardoux-la-Croisille.

[14] Louis-François Lefèvre d’Ormesson (1718-1789), président à mortier (1755), intendant des finances, premier président (1788).

[15] Lettre aux officiers d’élection d’Angoulême et de Bourganeuf du 13 décembre 1761.

[16] Lettre du 17 décembre 1761.

[17] Phélypeaux de Saint-Florentin (1705-1777), ministre de la Maison du Roi (1749) et de Paris (1757), duc de la Vrillière en 1770.

[18] 10 août 1762.

[19] Essai, 69. — Voici un fragment de cette table :

Lettre D. Projet de l’arpentement et du terrier de Ruffec.

Lettre E. Projets d’arpentements. Commission donnée par M. Turgot. Lettres et observations sur le projet du nouvel arpentement. Modèles de feuilles de relevé. Lettre de M. Turgot, dans laquelle il détaille son projet d’arpentement général, du 20 février 1762. Instruction provisoire pour les ingénieurs chargés de la mesure et du plan figuré des héritages.

Lettre F. Essai d’arpentement.

Lettre G. Autre essai d’arpentement, avec un plan figuré et numéroté.

Lettre H. Arpentement de la paroisse d’Angeduc, avec un plan figuré et numéroté.

Lettre I. Lettre de M. Boisbedeuil. Comparaison du pied de Guyenne et du pied de roi.

Lettre K. Modèle de la comparaison des baux avec l’évaluation des héritages. Lettre aux commissaires.

Lettre L. Lettre sur les abonnements ou évaluations d’héritages. Comparaison de divers abonnements des mêmes pièces de terre.

Lettre M. Mémoire relatif à l’état de quelques paroisses.

Lettre N. Travail sur l’analyse des biens-fonds.

Lettre O. Vérification des dîmes des paroisses, etc.

[20] Quesnay prépara cet article pour l’Encyclopédie, mais le conserva lorsque le Dictionnaire de D’Alembert et Diderot ne fut plus autorisé.

[21] Le socialiste américain, partisan de l’impôt unique sur la terre.

[22] Le premier vingtième avait été établi en 1749 par Machault pour remplacer le dixième créé par Louis XIV lors de la guerre de la succession d’Espagne. « Voulons, dit l’article 3 de l’Édit, que, à commencer du 1er janvier 1750, le vingtième soit annuellement levé à notre profit, sur tous les revenus et produits des sujets et habitants de notre Royaume, terres et seigneuries de notre obéissance, sans aucune exception. »

Cet impôt était un acheminement vers l’égalité de tous les citoyens levant l’impôt ; toutes les classes, y compris les privilégiées, devaient être atteintes. En fait, beaucoup d’exceptions furent créées par les résistances du clergé et par la précaution que prirent la plupart des pays d’États, villes, principautés et seigneuries de transformer, au moyen d’un abonnement, en somme fixe, la part que la loi leur attribuait dans cette charge nouvelle.

En 1756 et en 1760, fut ordonnée la levée d’un second et d’un troisième vingtièmes qui devaient cesser l’un et l’autre après la paix. Le Roi déclara aussi, en 1756, que le premier vingtième, établi d’abord à perpétuité, ne serait levé que pendant les dix années qui suivraient la paix.

[23] La déclaration du 21 novembre 1763 porte :

1° Qu’il sera procédé à un cadastre général ;

2° Qu’il sera fait chaque année dans la caisse d’amortissement établie par édit de mai 1749 un fonds de 20 millions affecté à perpétuité à la libération des dettes de l’État et pris sur le produit du premier vingtième et subsidiairement sur les autres revenus ;

3° Que le second vingtième prorogé jusqu’au 1er janvier 1770 cessera au 1er janvier 1768 ;

4° Que les deux sols pour livre du dixième continueront d’être perçus jusqu’au 1er janvier 1770 pour être employés à l’amortissement ;

5° Que le troisième vingtième cessera le 1er janvier 1764.

La déclaration fut enregistrée au Parlement le 1er décembre, mais sous la condition que, ni de l’établissement du fonds annuel de 20 millions, ni des autres dispositions, on ne pourrait induire que le premier vingtième pût être levé au delà de dix années après la publication de la paix ; qu’en outre, le premier et le second vingtièmes, tant qu’ils subsisteraient, seraient perçus sur les rôles actuels dont les cotes ne pourraient être augmentées.

[24] Louis XV lui conserva l’entrée au Conseil et lui donna un ministère qui comprenait l’administration de l’agriculture, celle de plusieurs provinces et la direction des fonds particuliers du Roi.

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