Programme et table des matières de la Revue d’histoire des doctrines économiques et sociales (1908-1912)

Sous la direction d’Auguste Dubois et d’Auguste Deshamps, la Revue d’histoire des doctrines économiques et sociales fut, l’espace de 5 ans et de cinq numéros, un centre d’excellence dans l’histoire de la pensée économique, tout particulièrement française.

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I. Programme de la Revue d’histoire des doctrines économiques et sociales
(volume 1, 1908, p.1-2)

L’histoire joue un rôle sans cesse grandissant, elle est devenue une discipline indispensable dans les sciences sociales.

L’évolution des faits et l’évolution des idées constituent le double objet de ses recherches. On ne saurait sans doute établir une séparation complète entre l’une et l’autre ; mais la nécessité d’une division du travail poussée toujours plus loin à mesure que la science progresse, oblige l’historien à consacrer à l’une d’elles ses efforts à peu près exclusifs, à se cantonner sur l’un des deux domaines, en se servant de la connaissance de l’autre comme d’une science auxiliaire. L’histoire de la pensée humaine distinguée mais non isolée absolument de l’histoire des institutions et des faits, forme ainsi l’une des grandes branches de l’histoire de l’évolution sociale.

On ne nous en voudra pas d’affirmer que, dans cette branche, l’histoire des doctrines économiques et sociales constitue la ramification la moins développée, bien moins avancée que l’histoire du droit, que l’histoire de la philosophie, que l’histoire de la littérature, que l’histoire de l’art. Elle est, en France, qui pourtant vit naître la science économique avec les Physiocrates et qui, au XVIIIe siècle, fut si féconde en économistes et en réformateurs sociaux, moins avancée qu’en Italie et en Allemagne.

Depuis quelques années cependant, bon nombre d’ouvriers se sont mis à défricher ce champ immense ; monographies et ouvrages d’un caractère plus général commencent à s’accumuler. L’histoire des doctrines économiques qui dans les Facultés de Droit françaises fait l’objet d’un Cours spécial, y a suscité un certain nombre de Thèses du Doctorat politique et économique dont quelques-unes sont tout à fait remarquables ; elle paraît aussi attirer de plus en plus les candidats au Doctorat ès-lettres et là aussi nous pourrions citer plusieurs travaux de haute valeur.

Mais il reste encore une énorme étendue de terres vierges à fouiller, qui réservent bien des surprises aux pionniers. Il est peu d’œuvres scientifiques aussi utiles et aussi passionnantes à entreprendre que celle-ci ; si elle se développe avec lenteur, c’est sans doute qu’elle se heurte à des obstacles qu’il serait urgent d’aplanir. Il n’existe jusqu’à présent aucun organe spécial pour stimuler, faciliter et grouper les efforts. Il est, en outre, difficile et coûteux de réunir les sources ; certaines, devenues rares, devraient être réimprimées, les unes en entier, les autres par extraits ; d’autres, encore inédites, devraient être publiées ; ces dernières nous révèleraient chez certains penseurs, auteurs de Mémoires, donneurs d’Avis, passionnés souvent pour le bien public et désintéressés, des états d’esprits, des nuances et des audaces de pensée que nous ne soupçonnons pas, qui nous étonneraient et qui nous expliqueraient bien des choses ; qui nous expliqueraient la genèse de théories, même de transformations sociales, résultats du labeur souterrain d’obscurs écrivains que la gloire n’a pas récompensés, qui même parfois ont travaillé pour la gloire d’autres doués de plus de talent mais non de plus d’originalité d’esprit.

Ce sont ces considérations qui nous ont amenés à créer la Revue d’Histoire des Doctrines Économiques et Sociales. Articles originaux, réimpression de textes et notamment de passages extraits d’œuvres qui, pour des raisons diverses, ne peuvent être intégralement reproduites en volumes indépendants[1] ; publication de manuscrits inédits d’auteurs appartenant à l’histoire ; bibliographie et comptes-rendus bibliographiques de travaux rentrant dans le cadre de cette Revue, voilà approximativement quel sera le contenu de ce nouveau périodique.

Il accueillera les articles relatifs à l’histoire de tout ce qui est science économique, théorie de politique économique, doctrine d’art économico-social, et même ceux, pourvu qu’ils aient un caractère nettement historique, décrivant ou exposant, en tant qu’elles révèlent ou commandent une certaine opinion économique, des institutions économiques, politiques ou juridiques, ou des théories de morale religieuse ou de morale indépendante.

Il publiera dans leur langue originale les articles et les textes écrits en français, en anglais, en allemand et en italien.

Une importance considérable sera attribuée à la Bibliographie, qui comprendra des analyses critiques et des comptes-rendus des livres reçus.

A. Deschamps
Professeur à la Faculté de Droit de l’Université de Paris

A. Dubois
Professeur à la Faculté de Droit de l’Université de Poitiers


II. Sommaire des 5 volumes parus

— Volume 1, 1908 : L’article Hommes de François Quesnay ; Impôts par Quesnay, article inédit avec notes de Turgot ; Un rapport d’Isaac de Bacalan, intendant du commerce ; Note sur les œuvres économiques de Cournot ; L’évolution de la notion de droit naturel antérieurement aux Physiocrates ; Les doctrines de la population au XVIIIe siècle. I. Montesquieu et Voltaire ; La conception de la propriété chez Aristote ; Law et son système jugés par un contemporain ; Un réformateur social hongrois : le Baron Dercsenyi.

— Volume 2, 1909 : La théorie de l’épargne en matière de crises périodiques de surproduction générale et sa critique ; La source des théories de List ; La naissance du Chartisme (1830-1837) ; De Malthus à Berthelot ; Anton Menger, sa vie, son œuvre ; L’origine des mots « socialisme » et socialiste ; Les idées de Quesnay sur la population ; La monnaie et le crédit privé en France aux XVIe et XVIIe siècles, les faits et les théories (1550-1664) ; Karl Marx et l’idée de justice ; D’Aguesseau économiste, les « considérations sur les monnaies ».

— Volume 3, 1910 : Statistiques révolutionnaires : description du département d’Eure et Loir (An II) ; Les projets de retour en France de John Law (1723) ; L’abbé de Saint-Pierre Financier de la Régence, d’après des documents inédits ; Notes inédites sur Boisguilbert, publiées par G. Weulersse ; Un projet de réforme générale des impôts français au début du XVIIIe siècle : les observations sur un ouvrage de Monsieur le maréchal de Vauban intitulé Dixme royale, par Charles Anquetin ; Léon Walras ; Les doctrines de l’économie politique classique et la science économique contemporaine ; L’évolution des idées économiques et sociales en France depuis 1870 ; Esquisse de l’évolution du change et des théories relatives au change ; Foires et marchés en France pendant la royauté féodale (XIIIe, XIVe et XVe siècles) ; Étude sur quelques théories du salaire au XVIIIe siècle.

— Volume 4, 1911 : En lisant les archives… A. Politique socialisante en l’an II ; B. Dupont de Nemours imprimeur ; Jean-Baptiste Say et le blocus continental ; La déformation de l’économie politique libérale après J.-B. Say : Charles Dunoyer ; La méthode et la conception de l’économie politique dans l’œuvre de J.-B. Say ; Les tarifs douaniers de 1791 ; L’agriculture, la classe paysanne et la Révolution française (1789-an IV) ; La prohibition du commerce et de l’industrie des toiles peintes aux XVIIe et XVIIIe siècles ; La naissance du Chartisme (1830-1837) ; Un économiste oublié, Peuchet (1758-1837) ; Giuseppe Pecchio ; Nicolas Barbon, un économiste du XVIIIe siècle ; La théorie de la valeur et des prix chez W. Petty et chez R. Cantillon ; Les premiers travaux économiques de Turgot, d’après ses manuscrits inédits ; Émile Levasseur.

— Volume 5, 1912 : Régie ou entreprise (an II) ; Une enquête sur la draperie à Sedan en 1803 ; L’œuvre économique de Germain Garnier, traducteur d’Adam Smith et disciple de Cantillon ; La révolution technique et les débuts de la grande exploitation dans la métallurgie française. L’Introduction de la fonte au coke en France et la fondation du Creusot ; Les doctrines de Cournot sur le commerce international ; Ange Goudar et son projet pour la repopulation en 1756 ; Dix années de l’histoire corporative des ouvriers tailleurs d’habits (1830-1840) ; Les doctrines économiques et sociales d’Eugène Dühring ; Les mutations des monnaies et la doctrine économique en France, du XVIe siècle à la révolution ; Les interprétations récentes de la pensée de Proudhon ; Théories relatives à l’esclavage en Espagne au XVIIe siècle.

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Note du programme… :

[1] Nous poursuivons également l’étude d’un projet de Corpus des économistes et réformateurs sociaux français du XVIIIe siècle, que nous espérons mener à bonne fin.

A propos de l'auteur

L’Institut Coppet est une association loi 1901, présidée par Mathieu Laine, dont la mission est de participer, par un travail pédagogique, éducatif, culturel et intellectuel, à la renaissance et à la réhabilitation de la tradition libérale française, et à la promotion des valeurs de liberté, de propriété, de responsabilité et de libre marché.

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