Turgot, édit sur la liberté du commerce des grains (1776)

Déclaration du Roi qui abroge les règlements particuliers sur lesquels les lettres patentes du 2 novembre 1774 avaient réservé de statuer ; supprime tous les droits établis à Paris sur les blés, les méteils, les seigles, la farine, les pois, les fèves, les lentilles et le riz, modère ceux sur les autres grains et grenailles.

Louis… Un des premiers soins que nous avons cru devoir au bonheur de nos peuples a été de rendre leur subsistance plus assurée, en rappelant, par l’arrêt de notre Conseil du 13 septembre 1774, et les lettres-patentes expédiées sur icelui le 2 novembre suivant, la législation du commerce des grains à ses vrais principes. Nous avons désiré que ces principes fussent exposés clairement et en détail, pour faire connaître à nos peuples que les moyens les plus sûrs de leur procurer l’abondance sont de maintenir la libre circulation, qui fait passer les denrées des lieux de la production à ceux du besoin et de la consommation ; de protéger et d’encourager le commerce, qui les porte le plus sûrement aux lieux où la consommation est la plus grande et le débit le plus certain.

Nous avons eu la satisfaction de voir les mesures que nous avons prises justifiées par l’expérience, puisqu’au milieu même des préjugés populaires, des inquiétudes et des troubles appuyés sur ces préjugés, et des dégâts commis par une populace ignorante ou séduite ; après une très mauvaise récolte, dont l’insuffisance a été prouvée par la quantité des grains nouveaux qui ont approvisionné les marchés, avant même que la récolte suivante fût achevée ; malgré les dérangements et le ralentissement qu’avaient apportés, dans les spéculations des négociants, le renouvellement des anciens règlements contraires à la liberté, et l’interruption qui en avait résulté pendant plusieurs années dans le commerce des grains ; la denrée n’a cependant point manqué ; les provinces souffrantes ont reçu des secours de celles qui étaient mieux fournies ; il a été importé dans le royaume des quantités considérables de grains ; et les prix, quoique plus hauts que nous ne l’aurions désiré, n’ont cependant point été aussi excessifs qu’on les a souvent vus sous le régime prohibitif, même dans des années où la récolte avait été beaucoup moins généralement mauvaise que celle de l’année 1774.

Enfin, une meilleure récolte a ramené l’abondance. Nous ne pouvons trop nous hâter de mettre à profit ces moments de tranquillité, pour achever de lever tous les obstacles qui peuvent encore ralentir les progrès et l’activité du commerce, afin que, si la stérilité afflige de nouveau nos provinces, nos peuples puissent trouver des ressources préparées d’avance contre la disette, et qu’ils ne soient plus exposés à ces variations excessives dans la valeur des grains, qui détruisent la proportion entre le prix des salaires et le prix des subsistances.

Les grandes villes, et surtout les capitales, appellent naturellement l’abondance, par la richesse et le nombre des consommateurs. Notre bonne ville de Paris semble être en particulier destinée, par sa position, à devenir l’entrepôt du commerce le plus étendu.

Les rivières de Seine, d’Yonne, de Marne, d’Oise ; la Loire, par les canaux de Briare et d’Orléans, établissent des communications faciles entre cette ville et les provinces les plus fertiles de notre royaume ; elle offre le passage naturel par lequel les richesses de toutes ces provinces doivent circuler librement et se distribuer entre elles ; l’immensité de ses consommations fixerait nécessairement dans son enceinte la plus grande partie des denrées de toute nature, si rien ne les arrêtait dans leur cours ; elle aurait même à sa disposition toutes celles que le commerce libre s’empresserait d’y rassembler, pour les verser sur toutes les provinces voisines. Cependant nous reconnaissons avec peine que l’approvisionnement en grains de notredite ville, loin d’être abondant et facile comme il le serait dans l’état d’une libre circulation, a été, depuis plusieurs siècles, un objet de soins pénibles pour le gouvernement, et de sollicitude pour la police, et que ces soins n’ont abouti qu’à en repousser entièrement le commerce.

En donnant nos lettres-patentes du 2 novembre 1774, nous nous sommes proposé de chercher, dans l’examen approfondi des règlements de police particuliers à notredite ville de Paris, les causes qui s’opposaient à la facilité de son approvisionnement, et nous avons annoncé, par l’article 5 desdites lettres-patentes, notre intention de statuer sur ces règlements par une loi nouvelle.

Nous nous sommes fait représenter en conséquence les ordonnances, arrêts et règlements de police intervenus sur le commerce des grains et l’approvisionnement de Paris.

Nous avons reconnu que, dans des temps malheureux de troubles et de guerres civiles, dans des siècles où, le commerce n’existant point encore, ses principes ne pouvaient être connus, les rois nos prédécesseurs, Charles VI, Charles IX, Henri III, ont donné quelques ordonnances sur cette matière ; que, sans le concours de l’autorité royale, plusieurs règlements de police s’y sont joints pour former le corps d’une législation équivalente à une prohibition d’apporter des grains à Paris ; que l’habitude et le préjugé l’ont cependant maintenue, et quelquefois confirmée ; que, même dans des temps où le gouvernement commençait à porter sur cet objet une attention plus éclairée, on a réclamé fortement pour la conservation de cette police ; qu’elle a été réservée, comme si elle eût été la sauvegarde de la facilité des subsistances.

Que des officiers créés en différents temps, à la halle et sur les ports, étaient chargés de veiller à son exécution, et cependant autorisés à percevoir des droits dont la vente des grains demeure grevée.

Qu’enfin, depuis peu d’années, il a été mis un impôt sur ce commerce, pour la construction d’une halle et d’une gare.

Ainsi, en réunissant les différents effets de la police destinée à assurer les subsistances dans Paris, il demeure constant que non seulement des droits de différente nature augmentent le prix des grains et des farines, mais que les règlements en empêchent l’abondance, et que toutes les parties de cette législation sont tellement contradictoires entre elles et contraires à leur objet, que l’indispensable nécessité de la réformer se trouve démontrée par le plus simple exposé des règlements et de leurs effets.

Une ordonnance du mois de février 1415, renouvelée par un arrêt du 19 août 1661, défend de serrer, ou d’ôter des sacs, les blés ou les farines arrivant par terre ; de débarquer, de mettre en greniers ou en magasins, ou même sous des bannes, les mêmes denrées arrivées par eau ; en sorte que, suivant les règlements, elles doivent demeurer exposées à l’air, à la pluie, et à l’humidité continue qui les corrompt.

Le même arrêt de 1661 défend de faire aucun amas de grains, et d’en laisser séjourner dans les lieux de l’achat, ou sur les ports du chargement, ou sur les routes par lesquelles ils doivent arriver.

Ces règlements réunis interdisent à la ville de Paris tout moyen de conserver des grains et farines dans son intérieur, et d’en avoir dans ses environs.

La même ordonnance de 1415 impose aux marchands qui apportent des grains à Paris l’obligation de les vendre avant le troisième marché, à peine d’être forcés de les vendre à un prix inférieur à celui des marchés précédents ; et cependant l’arrêt du 19 août 1661 et l’ordonnance de police du 31 mars 1635, après avoir interdit à tous marchands la faculté de faire aucun achat dans Paris, défend même à tout boulanger d’acheter plus de deux muids de blés par marché.

Ainsi la même police, par des dispositions contradictoires, force de vendre et défend d’acheter.

En s’y conformant exactement, la capitale ne pourrait jamais avoir de provisions que pour onze jours de consommation ; car l’intervalle entre trois marchés n’étant que de onze jours , d’un côté les marchands assurés de n’avoir plus la disposition libre de leur denrée après cet intervalle, et d’être peut-être forcés de la vendre à perte, ne porteraient jamais à Paris que les grains nécessaires à la subsistance de ces onze jours ; tandis que d’un autre côté, cette ville ne pourrait avoir aucunes provisions dans des dépôts particuliers, puisqu’ils y sont repoussés ; ni même chez les boulangers, puisqu’il leur est défendu d’acheter plus de deux muids de blé.

Si cette police était observée, toutes les fois que les hautes ou les basses eaux, les gelées et les neiges interrompraient la navigation ou les routes pendant plus de onze jours, les habitants de Paris manqueraient entièrement de subsistance dans les années les plus fertiles, et au milieu de l’abondance dont jouirait le reste du royaume.

Un arrêt du Parlement, du 23 août 1565, défend aux marchands de grains, sous peine de punition corporelle, de transporter, soit par terre ou par eau, en montant ou en descendant, hors de la ville, les grains qu’ils y ont fait entrer : deux ordonnances de police, de 1622 et 1632, ajoutent à la rigueur de l’arrêt, en défendant d’acheter et de faire sortir aucuns grains de la distance de dix lieues de Paris, à peine de confiscation et d’amende arbitraires.

Ces dispositions tendent à bannir le commerce des grains de la ville de Paris, où le négociant est privé de la liberté et presque de la propriété de sa denrée, et surtout de l’attrait, essentiel au commerce, de pouvoir se porter où il espère un bénéfice ; cette police l’avertit même qu’il ne doit ni s’approcher de la ville, ni passer dans l’arrondissement des dix lieues, et cet espace devient un point de séparation insurmontable entre toutes les provinces qui pourraient profiter des avantages de la navigation, pour se prêter des secours mutuels ; de manière que la Bourgogne et la Champagne, surchargées de grains, ne pourraient secourir la Normandie affligée de la disette, par la seule raison que la Seine traverse Paris et son arrondissement : de même qu’à peine aucun secours ne pouvait être porté de Normandie à Paris et au-delà, en remontant la Seine, avant que par notre édit du mois de juin 1775, portant suppression des offices de marchands privilégiés et porteurs de grains, et abolition du droit de banalité de la ville de Rouen, nous eussions levé les obstacles qui interceptaient dans cette ville le commerce des grains.

L’ordonnance de police de 1635, ci-dessus citée, et confirmée par un édit de 1672, défend aux marchands qui ont commencé la vente d’un bateau de blé d’en augmenter le prix ; et par une injustice évidente, le marchand soumis aux hasards qui ont diminué les prix au commencement de sa vente, ne peut profiter de ceux qui, avant la fin de cette vente, peuvent rendre le prix plus avantageux.

Les mêmes règlements enjoignent encore, à tout négociant qui fait transporter des grains à Paris, de les y vendre en personne ou par des gens de sa famille, et non par des facteurs ; on ignorait alors que le laboureur ne peut abandonner les travaux de sa culture, ou le négociant le soin de son commerce, pour suivre une partie de ses marchandises ; qu’ils ne peuvent l’un et l’autre se déplacer sans frais ; et que leurs dépenses, devant être remboursées par leur commerce, augmenteraient inutilement le prix des grains.

La défense faite aux voituriers, par l’arrêt de 1661, de vendre des grains dans les chemins, ou même de délier les sacs, à peine de confiscation, est sans objet à l’égard du commerce, qui ne s’arrête pas dans ses destinations pour se livrer à de semblables détails ; elle serait inhumaine pour ceux de nos sujets qui pourraient éprouver des besoins pressants ; elle est encore incommode et rebutante pour le négociant, qu’elle expose à être inquiété, et peut-être injustement puni, si quelque accident oblige de toucher aux sacs de grains qu’il fait conduire.

Enfin, l’obligation imposée par le même arrêt de 1661, à ceux qui font le commerce des grains pour Paris, de passer leurs factures par-devant notaires, de les représenter aux officiers des grains, de les faire enregistrer sur des registres publics, est une formalité contraire à tous les usages, à l’intérêt du commerce qui exige surtout de la bonne foi, le secret et la célérité des expéditions ; et cette loi n’a d’autre objet que d’occasionner des frais qui augmentent le prix des ventes.

C’est par de tels règlements qu’on s’est flatté autrefois, et presque jusqu’à nos jours, de pourvoir à la subsistance de notre bonne ville de Paris. Les négociants, qui par état sont les agents nécessaires de la circulation, qui portent infailliblement l’abondance partout où ils trouvent liberté, sûreté et débit, ont été traités comme des ennemis qu’il fallait vexer dans leur route, et charger de chaînes à leur arrivée : les blés qu’ils apportaient dans la ville ne devaient plus en sortir ; mais ils ne pouvaient ni les conserver, ni les garantir des injures de l’air et de la corruption ; on s’efforçait de précipiter les ventes ; on arrêtait les achats ; le marchand devait vendre ses grains en trois jours de marché ou en perdre la disposition ; l’acheteur ne pouvait s’en pourvoir que lentement et en petites parties ; la diminution des prix faisait la loi au négociant, leur augmentation ne pouvait lui profiter : les marchands de grains, effrayés par les rigueurs de la police, étaient encore dévoués à la haine publique ; le commerce opprimé, diffamé de toutes parts, fuyait la ville ; un arrondissement de vingt lieues de diamètre séparait entre elles, et de notredite ville, les provinces les plus abondantes ; et cependant toutes précautions étaient interdites dans l’intérieur et sur les abords ; on paraissait même conspirer contre les moissons futures, en exigeant que le laboureur quittât son travail pour suivre ses grains et les vendre par lui-même.

Cette police désastreuse a produit, dans les temps anciens, les effets qu’on devait en attendre : des chertés excessives et longues ont succédé rapidement à des années d’abondance ; elles se sont prolongées sans disette effective ; elles ont conseillé des remèdes violents et dangereux qui les ont perpétuées, parce que le commerce, anéanti par les règlements, ne pouvait donner aucun secours.

Tels sont les effets que notre ville de Paris a éprouvés, dans les années 1660, 1661, 1662, 1663 ; dans les années 1692, 1693, 1694 ; dans les années 1698 et 1699, et enfin dans l’année 1709, et depuis dans les années 1740 et 1741, temps funestes où le prix des grains, étant modéré dans plusieurs provinces, était cependant excessif à Paris ; où l’excès de ce prix était déterminé, non par leur quantité effective, mais par l’avidité du petit nombre de marchands auxquels la vente des grains était livrée, sous un régime qui ne permettait ni commerce, ni circulation, ni concurrence. L’abandon de ces règlements nuisibles, fondé sur les lois de la nécessité, a pu seul rendre moins incertain l’approvisionnement de notre bonne ville de Paris : ils menaçaient sans cesse de disette et de cherté ; il était indispensable de tolérer des ressources contre les obstacles que pouvaient opposer les glaces ou les inondations ; d’avoir des magasins dans l’arrondissement des dix lieues, et même dans l’intérieur ; de souffrir que les marchands pussent préserver leurs grains des injures de l’air, qu’ils eussent le temps de les vendre, la faculté d’employer des facteurs ; et ce n’est qu’à l’inexécution de ces lois que Paris a dû sa subsistance.

Mais l’inexécution de telles lois ne suffit pas pour rassurer le commerce, que leur existence menace encore ; il n’a point repris ses fonctions ; le gouvernement ne pouvant y mettre sa confiance, s’est cru obligé de pourvoir par lui-même à l’approvisionnement de la capitale. Il a éprouvé que cette précaution, réputée nécessaire, avait les plus grands inconvénients ; que le commerce qui se faisait sous ses ordres n’admettait ni l’étendue, ni la célérité, ni l’économie du commerce ordinaire ; que ses agents autorisés portaient, dans tous les marchés où ils paraissaient, l’alarme et le renchérissement ; qu’ils pouvaient même par la nature de leurs fonctions commettre plusieurs abus ; que les opérations de ce genre, consommant le découragement et la fuite absolue du commerce ordinaire, surchargeaient de dépenses énormes les finances, et par conséquent nos sujets qui en fournissent les fonds ; enfin, qu’elles ne remplissaient pas leur objet.

C’est surtout dans les derniers temps que ces inconvénients multipliés se sont fait sentir plus vivement. La déclaration du 25 mai 1763 semblait préparer la prospérité de l’agriculture et la facilité des subsistances, en ordonnant que la circulation des grains fût entièrement libre par tout le royaume ; mais une multitude d’obstacles particuliers et locaux trompaient le vœu général de la loi, et embarrassaient toutes les communications ; ils n’étaient encore ni reconnus, ni levés.

L’édit de juillet 1764 n’avait eu qu’une exécution momentanée, lorsque ses disposions ont été restreintes : cette législation, encore incomplète, demandait de nouveaux soins ; et cependant des récoltes faibles ne laissaient considérer qu’avec timidité tout projet d’innovation, lorsque l’arrêt du Conseil du 23 décembre 1770, et les lettres-patentes du 16 septembre 1771, en rappelant le régime prohibitif des siècles passés, ont resserré les chaînes dont le commerce des grains commençait à peine à se débarrasser, et en ordonnant cependant la libre circulation, l’ont surchargée de formalités nombreuses et compliquées qui la rendaient impossible.

À cette époque, l’inégalité des récoltes a cessé d’être la mesure de la valeur des grains : leur vrai prix n’a existé en aucun lieu ; on l’a vu excessif en quelques endroits, modéré et même bas dans des lieux assez voisins. Le blé et les seigles ont manqué dans nos ports les plus fréquentés par le commerce, et n’ont pu y être portés des autres ports où régnait l’abondance, lorsqu’il ne s’y est point trouvé de siège d’amirauté. L’apparence, toujours prochaine, de quelque disette locale a surchargé le gouvernement de sollicitudes, de dépenses excessives, d’opérations forcées, qui ont donné au peuple beaucoup d’inquiétude, et trop peu de secours réels ; et dans cet espace de temps où plusieurs récoltes ont été assez bonnes, le prix des grains en général a été plus haut qu’on ne l’a vu en 1775, après la mauvaise récolte de 1774.

L’examen de ces faits, qui sont de notoriété publique, nous a convaincu que le commerce affranchi de toute gêne et de toute crainte peut seul suffire à tous les besoins, prévenir les inégalités des prix, les variations subites et effrayantes qu’on a vu trop souvent arriver sans cause réelle ; qu’il pourrait seul, en cas de malheur, suppléer au vide des disettes effectives auxquelles toutes les dépenses du gouvernement ne pourraient remédier.

Déterminé à donner dans tous les temps à nos peuples des preuves de notre amour, à faire les sacrifices que leur bonheur et la facilité des subsistances pourront exiger de nous, nous voulons choisir par préférence et leur faire connaître ceux dont l’utilité est la plus certaine et la plus directe ; nous nous proposons de fixer l’abondance dans leurs murs, en révoquant des règlements qui la bannissent, en affranchissant les grains des droits qui en augmentent le prix et qui en troublent le commerce ; enfin, en le délivrant des fonctions incommodes de quelques offices créés pour veiller à l’exécution de ces règlements, et que nous avons cru de notre sagesse de supprimer, avec d’autres offices de même genre, par notre édit de ce mois.

Nous nous déterminons à exempter de tous droits et faire jouir d’une immunité absolue les blés, méteils, seigles, farines, pois, fèves, lentilles et riz, destinés à la consommation du peuple de notredite ville ; mais, en exerçant notre bienfaisance pour l’extinction actuelle de ces droits, nous n’oublierons pas qu’il est de notre justice de pourvoir aux indemnités dues pour raison des suppressions que nous nous proposons d’ordonner.

Une partie des droits qui se perçoivent sur les grains, a été concédée aux prévôts des marchands et échevins de notre bonne ville de Paris, par la déclaration du 25 novembre 1762, pour l’établissement de la halle neuve et d’une gare. Le produit est affecté au payement de charges réelles, à l’acquittement desquelles il sera par nous pourvu jusqu’au 1er janvier 1783, temps auquel le payement du droit de halle et de gare doit cesser, aux termes de la même déclaration.

Une autre partie de ces mêmes droits était attribuée aux offices des mesureurs et porteurs de grains, établis sur la halle et sur les ports par édit du mois de juin 1730, et qui sont compris dans la suppression générale ordonnée par notre édit de ce mois.

L’ordre à établir pour effectuer les indemnités assurées à ces officiers par notre édit, exige que nous réservions, pour être perçue à notre profit, une partie des droits qui avaient été attribués à ces mêmes offices sur l’avoine, les grains et grenailles, autres néanmoins que les blés, méteils, seigles, farines, pois, fèves, lentilles et riz, et moins utiles à la subsistance de notre peuple, que les espèces que nous affranchissons spécialement.

Nous voulons néanmoins distinguer et éteindre dès à présent la portion des droits qui ne représentait que les salaires des porteurs employés au service de la halle ; nous n’en ferons percevoir que la portion attribuée aux officiers, comme intérêt de leurs finances.

Nous ne doutons pas que le commerce délivré de toutes les gênes, et encouragé par nos lois, ne pourvoie à tous les besoins de notre bonne ville de Paris. Ainsi l’abondance constante, et le juste prix des subsistances, deviendront la suite et l’effet de la réforme d’une police nuisible, de la protection que nous accordons au commerce, de la liberté des communications, enfin de l’immunité absolue de tous les droits qui augmentaient les prix ; et le bien que nous aurons fait à nos sujets sera la récompense la plus douce des soins que nous prenons pour eux.

À ces causes, etc. :

Art. I. — Voulons qu’il soit libre à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soient, de faire apporter et de tenir en grenier ou en magasin, tant dans notre bonne ville de Paris que dans l’arrondissement de dix lieues et ailleurs, des grains et des farines, et de les vendre en tels lieux que bon leur semblera, même hors des bateaux ou de la halle.

II. — Il sera pareillement libre à toutes personnes, même aux boulangers de notre bonne ville de Paris, d’acheter des grains et farines à telles heures, en telles quantités et en tels lieux, tant dans ladite ville qu’ailleurs, qu’ils jugeront à propos.

III. — Ceux qui auront des grains et des farines, soit à la halle et aux ports, soit en greniers ou magasins dans ladite ville de Paris, ne pourront être contraints de les vendre dans le troisième marché ni dans tout autre délai.

IV. — Pourront aussi, ceux qui auront des grains à vendre dans notredite ville, augmenter ainsi que diminuer le prix, conformément au cours du commerce, sans que, sous prétexte de l’ouverture d’une pile ou d’un bateau, et du commencement de la vente de l’un ou de l’autre, ils puissent être contraints à la continuer au même prix.

V. — Il sera pareillement libre, à tous ceux qui auront des grains ou des farines dans ladite ville de Paris, de les vendre en personne, ou par des commissionnaires ou facteurs.

VI. — Ceux qui feront le commerce des grains dans notre ville de Paris, ou pour elle, ne pourront en aucun cas être contraints à rapporter aucunes déclarations, lettres de voitures ou factures passées devant notaires, ni à les faire enregistrer sur aucuns registres publics.

VII. — Il sera libre à toutes personnes de faire ressortir, tant de la ville de Paris que de l’étendue des dix lieues de son arrondissement, les grains et les farines qu’elles y auront fait entrer, ou qu’elles y auront achetés, sans avoir besoin pour raison de ce d’aucune permission.

VIII. — Avons éteint et supprimé, éteignons et supprimons les droits sur les blés, méteils, seigles, farines, pois, fèves, lentilles et riz, attribués aux offices de mesureurs et porteurs de grains, que nous avons compris dans la suppression ordonnée, par notre édit du présent mois, des différents offices créés sur les ports et halles ; de tous lesquels droits imposés sur les denrées les plus nécessaires, faisons don et remise aux habitants de notre bonne ville de Paris. Défendons à toutes personnes de faire, sous prétexte d’iceux, aucune perception à compter du jour de la publication de notre présente déclaration, à peine de concussion.

IX. — Avons pareillement éteint et supprimé, éteignons et supprimons le droit de halle et de gare sur les blés, méteils, seigles, farines, pois, fèves, lentilles et riz, ensemble les 8 sous pour livre levés sur partie dudit droit ; et, en conséquence des dispositions portées par le présent article et par l’article précédent, lesdits grains et farines seront exempts de tous droits quelconques dans notre bonne ville de Paris. Voulons néanmoins que la portion desdits droits de halle et de gare, sur toutes les autres denrées et marchandises qui y sont sujettes, et qui ne sont spécialement affranchies par notre présente déclaration, continue d’être faite au profit des prévôts des marchands et échevins de notre bonne ville de Paris jusqu’au 1er janvier 1785, que ladite perception doit cesser, suivant les lettres-patentes du 25 novembre 1762, qui l’ont établie.

X. — Avons réservé et réservons, pour être (ainsi qu’il sera ci-après déclaré) perçus à notre profit, les droits attribués auxdits offices de mesureurs et de porteurs de grains sur l’avoine, l’orge, les graines et grenailles, autres néanmoins que les blés, méteils, seigles, pois, fèves, lentilles et riz. Voulons que ladite perception soit faite aux barrières par les commis et préposés de l’adjudicataire général de nos fermes, lequel sera tenu de nous en compter, conformément aux dispositions de l’article III de l’édit du présent mois, portant suppression des communautés d’officiers auxquels les droits avaient été attribués.

XI. — Ordonnons que sur les droits réservés, et désignés au précédent article, distinction soit faite de la portion répondant aux salaires du travail dont lesdits officiers étaient tenus relativement aux grains sur la halle et sur les ports ; et que du jour de la publication de notre présente déclaration, ladite portion cesse d’être perçue ; et sera l’autre portion de ces mêmes droits, que nous entendons nous réserver, perçue sur le pied et conformément au tarif attaché sous le contre-scel de notre présente déclaration.

XII. — Sera par nous pourvu à l’indemnité due auxdits prévôt des marchands et échevins de notre bonne ville de Paris pour raison de l’extinction ordonnée, par l’article IX ci-dessus, du droit de halle et de gare sur les grains et farines énoncés audit article, et ce sur les fonds qui seront par nous à ce destinés.

XIII. — Seront au surplus nos lettres-patentes, données sur le commerce des grains le 2 novembre 1774, exécutées pour notre bonne ville de Paris et pour les dix lieues de son arrondissement. Dérogeons à toutes ordonnances, édits, déclarations, lettres-patentes, arrêts et règlements à ce contraires. Si donnons en mandement, etc.

 

A propos de l'auteur

L’Institut Coppet est une association loi 1901, présidée par Mathieu Laine, dont la mission est de participer, par un travail pédagogique, éducatif, culturel et intellectuel, à la renaissance et à la réhabilitation de la tradition libérale française, et à la promotion des valeurs de liberté, de propriété, de responsabilité et de libre marché.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publié.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.