Vincent de Gournay, Mémoire sans titre sur quelques moyens de faire fleurir le commerce (1746)

Les catégories des historiens, libéralisme, mercantilisme, physiocratie, etc., sont incapables de rendre à sa juste mesure la richesse et la complexité de la pensée de nombreux économistes. Vincent de Gournay, défenseur du laissez faire mais libre-échangiste pour le moins timide, avocat des droits individuels mais aussi de l’esclavagisme des Noirs, est un exemple de cette complexité, qui s’illustre très bien dans le mémoire que nous reproduisons ici. Obnubilé par la concurrence commerciale avec l’Angleterre et la Hollande, Gournay oublie ses grands principes sur la liberté individuelle et y préfère les actes de navigation, les encouragements, la baisse de l’intérêt de l’argent et l’esclavagisme. B.M.


Bibliothèque municipale de Saint-Brieuc, Man. 84

I-1 Mémoire (sans titre)

1747-48 ?

Il y a longtemps que l’on parle de paix, et toutes les puissances qui sont intéressées à la guerre paraissent si fort en souhaiter la fin, qu’on peut se flatter que le moment où il sera question de traiter de cette paix tant désirée n’est pas éloigné.

Quand cet heureux moment viendra, ce sera la nation qui saura se procurer à la paix le plus d’avantages pour son commerce, qui deviendra la plus riche et dès lors supérieure aux autres ; ce sera elle qui conservera dans l’Europe une plus grande considération pendant que cette paix durera et qui pourra renouveler la guerre avec une plus grande supériorité, lorsque les conjonctures ou le bien de ses affaires l’y engageront.

Nous aurons à disputer ces avantages du commerce avec deux nations (les Anglais et les Hollandais), qui ne connaissent point d’autre intérêt que celui-là, et qui ne le séparent jamais de celui de leur État. Ce ne sera donc qu’en étant, comme eux, bien persuadés de la nécessité de ne céder aucuns des points qui peuvent être avantageux à notre commerce et qu’avec une ferme résolution de la part des ministres du Roi de lui procurer par le traité de paix tous les accroissements et tous les avantages possibles que nous pourrons flatter d’assurer à l’État les richesses que l’on doit naturellement se promettre des suites de la paix, et les empêcher de rouler chez ces deux nations nos voisines et nos rivales, plus abondamment que chez nous.

La situation du Royaume est si heureuse, ses productions si abondantes et variées, ses habitants si industrieux, que pour peu que le gouvernement s’attache à mettre tous ces avantages en valeur, il est indubitable que nous ne poussions le commerce de la nation au plus haut point où il ait été porté par aucune nation du monde ; mais comme la base de tout commerce étendu est la marine, ce ne sera qu’en s’attachant sérieusement à augmenter celle du Roi que l’on pourra se flatter de faire fleurir notre commerce autant que des nations qui sont toujours prêtes à mettre de nombreuses flottes à la mer, lorsqu’il s’agit de protéger les leur. Or pour faciliter au Roi le moyen d’équiper promptement des puissantes flottes, il faut procurer aux sujets la navigation la plus étendue qu’il est possible, qui formera nécessairement un grand nombre de matelots.

C’est à l’acte de navigation qui depuis près de cent ans est en vigueur en Angleterre, que les Anglais doivent principalement cette puissante marine. Cet acte défend qu’aucune nation étrangère puisse apporter sur ses vaisseaux d’autres marchandises que celles du cru de son pays, ce qui en diminuant la navigation des étrangers en Angleterre, favorise celle des Anglais mêmes, qui vont chercher sur leurs vaisseaux ces mêmes marchandises auxquelles ils ferment l’entrée de leurs ports lorsqu’elles viennent sur des vaisseaux étrangers. Il est à présumer qu’une pareille loi serait suivie chez nous de mêmes effets ; elle produirait du moins cet avantage qu’elle augmenterait notre commerce direct avec les nations du Nord, en diminuant celui qu’elles font avec nous par l’entrepôt des Hollandais dont nous devons chercher à diminuer les avantages, cette nation étant comme les Anglais l’ennemi née de notre commerce.

La pêche est encore un moyen essentiel d’entretenir dans le Royaume une pépinière d’excellents matelots. La bonté des climats où elle se fait exerce et forme l’homme de mer sans le détruire. De toutes les pêches celle de la morue est la plus avantageuse à l’État ; elle seule fait circuler tous les ans dans le Royaume plus de 10 millions d’argent effectif qui sont produit par un peu de sel et par le travail des hommes employés à la pêche du poisson, par conséquent presque toute la valeur du commerce est en pure bénéfice. C’est pour cela que tous ceux qui s’intéressent véritablement au bien de l’État n’ont pu voir sans une extrême douleur le coup mortel que (malgré les représentations et tous les soins du ministre qui est à la tête des affaires de la marine, pour le parer) les Anglais ont porté ce commerce en nous enlevant Louisbourg, place dont il est impossible d’estimer la perte, ce qui par cela même doit être si précieuse au gouvernement qu’il n’est pas à présumer que l’on fasse la paix sans se la faire rendre. Sans cela les Anglais que nous voyions ci-devant à regret partager avec nous le commerce de la morue le feront bientôt seuls et s’attirant les avantages qu’il nous procurait, nous deviendrons les témoins de la destruction de notre marine faute de matelots pour la soutenir.

La pêche de la baleine qui se faisait à Bayonne et à St.-Jean de Luz était encore une ressource que nous avons perdue, pour former un grand nombre de bons matelots ; une suite de malheurs causés par la difficulté d’aborder dans ces deux ports ont rebuté les habitants et les ont forcés d’abandonner ce commerce, qui est presque entièrement passé chez les Hollandais, en sorte qu’ils nous vendent tous les ans des fanons pour des sommes considérables et se font par là des matelots à la place des nôtres. Il serait à souhaiter que l’on pût rétablir cette pêche et qu’il se formât pour cela une Compagnie qui fût en état de soutenir quelques pertes ; on pourrait l’établir à Bayonne et peut-être encore plus utilement à Dunkerque. Cette côte voisine des Hollandais produit d’aussi bons matelots et accoutumés au froid comme les leurs. Ils nous mettraient bientôt en état de nous pourvoir de baleine sans l’aller chercher en Hollande.

Nous avons encore un vaste et presque nouveau champ pour exercer les matelots avec un grand avantage pour l’État : c’est le commerce de la mer Baltique. Nous sommes depuis longtemps témoins des avantages que les Anglais et les Hollandais retirent du commerce de la Russie, et nous n’avons point encore fait à l’exemple de ces deux nations de traité de navigation et de commerce avec cette puissance. Les avantages que le Royaume en peut retirer sont dignes de l’attention du Roi ; il semble même que la nature ait voulu nous ouvrir avec cette nation tous les moyens d’un commerce direct, puisqu’ils ont besoin de nos productions, et qu’il y en a beaucoup des leurs dont nous ne saurions nous passer. Les Hollandais se sont entremis entre les Russiens (sic) et nous ; ils vont chercher chez eux la graine de lin, le chanvre, les bois propres à la construction, les mâts, le goudron qu’ils nous apportent, et ils portent aux Russiens (sic) les sucres, les vins et les eaux-de-vie qu’ils prennent chez nous ; ils gagnent sur le prix des productions des uns et des autres, et ils gagent encore les frais du transport qu’ils en font par leurs vaisseaux ; ces frais sur des effets d’un pareil volume excèdent la valeur principale, et nous payons par là aux Hollandais une partie considérable de leur marine et de leurs matelots, tandis qu’en établissant une navigation directe avec la Russie, nous pourrions détourner à notre profit tous ces avantages dont les suites deviendraient chaque jour plus considérables, en ce que la facilité d’un commerce suivi procurerait encore de ce côté-là un débouché à nos manufactures ; nos draps, plusieurs de nos autres étoffes s’y transporteraient et nous pourrions bientôt partager avec les Anglais l’avantage de pourvoir aux besoins d’un pays aussi vaste et aussi peuple.

L’état brillant où a été porté le commerce dans nos colonies avant la guerre et les fortunes considérables qui s’y sont faites depuis la paix d’Utrecht font assez voir combien il est important de protéger des établissements aussi utiles et qui font l’objet de l’envie de toute l’Europe ; mais comme on ne peut mettre les habitations de ces colonies en valeur que par le secours des nègres que nous y transportons de la côte de Guinée, il est d’une extrême importance de ne rien négliger pour protéger les établissements que nous avons sur cette côte qui facilitent la traite des noirs et pour empêcher que les Anglais qui sont eux-mêmes extrêmement jaloux de ce commerce n’introduisent dans nos colonies des noirs en contrebande, puisque ce commerce illicite tend visiblement à la diminution de notre navigation et de notre commerce en Guinée, qui outre le rapport qu’il a avec la conservation de nos colonies, serait par lui-même fort lucratif, si l’on pouvait empêcher les introductions des Anglais dans nos îles.

Plût à Dieu que connaissant tous les avantages que nous pouvons retirer de nos colonies en Amérique, nous nous appliquassions sérieusement à les cultiver. Nous sommes les maîtres de pays immenses qui restent en friche qui nous procureront d’aussi bon tabac que celui que nous nous sommes mis dans la nécessité d’aller chercher chez les Anglais, ce qui fait que même en temps de guerre nous leur donnons des armes contre nous en contribuant à l’entretien de leur navigation. Le tabac que nous pourrions retirer de nos colonies emploierait plus de cinquante vaisseaux, qui diminueraient d’autant la navigation des Anglais ; d’ailleurs nous ferions circuler chez nous un argent que nous portons chez nos ennemis. Cet objet est si important qu’il n’y a rien qu’on ne doive faire pour affranchir la nation du tribut où elle est assujettie envers les Anglais, et par la manière dont on se procure actuellement le tabac nécessaire à la consommation du Royaume.

Nous faisons en Espagne un commerce aussi considérable qu’il est utile à la nation. Ce pays et les Indes occidentales tirent une grande quantité de toutes sortes d’étoffes et autres marchandises du Royaume qui sont remplacées par le l’argent effectif. On ne saurait donc apporter trop d’attention à protéger une branche de commerce aussi précieuse à l’État ; les ministres par un zèle que l’on ne saurait trop louer ont profité de la guerre entre l’Angleterre et l’Espagne, pour établir en France diverses manufactures d’étoffes de laine à l’imitation des étoffes anglaises qui ont bien réussi et qui pourront détourner au profit du Royaume une partie des sommes qui passaient ci-devant d’Espagne en Angleterre ; mais comme il n’est pas douteux que les Anglais ne fassent leurs efforts après la guerre pour renverser les nouveaux établissements, on ne saurait être trop attentifs à les protéger ; un des moyens les plus utiles pour cela serait d’obtenir une modification sur les droits de ces mêmes étoffes, en sorte qu’on pût les introduire en Espagne avec moins de droits que n’en payent les Anglais pour les étoffes de la même espèce. Il serait à souhaiter en général que l’on pût obtenir une modération de droits sur toutes les marchandises des manufactures de France qui sont transportées en Espagne et que le tarif en fût fixé et inaltérable.

Il serait aussi d’une grande nécessité que l’on pût parvenir à obtenir de la cour d’Espagne la libre extraction de l’argent en payant un droit fixe ; sans cela il arrive souvent qu’un sujet du Roi qui a été pendant huit ou dix ans en débours de son capital le perd avec les profits, lorsqu’il entreprend de le faire revenir en France ; il n’est pas de l’intérêt de l’Etat que ceux qui négocient en Espagne ne puissent faire rentrer en France un bien qui leur appartient. On a si bien senti la nécessité de remédier à cet inconvénient dans tous les temps, que les ministres du Roi à la cour d’Espagne ont été souvent chargés de négocier cette liberté de l’extraction, mais malheureusement tous leurs soins à cet égard ont été jusqu’à présent sans fruit. Il faut espérer que les deux couronnes étant plus étroitement unies qu’elles ne l’ont jamais été en juin 1746, on parviendra enfin à obtenir un point aussi juste et aussi nécessaire, et sans lequel il n’y a jamais une parfaite sûreté à négocier en Espagne.

Une des choses qui peut encore le plus contribuer à la sûreté du commerce en Espagne et partout ailleurs, c’est que le pavillon français y soit respecté. Nos vaisseaux marchands et même leurs chaloupes et leurs canots étaient autrefois en possession de n’être point visités ; aujourd’hui on les visite à Cadix sous le plus léger prétexte et même souvent sans aucune formalité. On ne saurait trop insister sur la réformation de cet abus qui est d’un préjudice infini pour le commerce ; le moyen le plus sûr de le faire cesser est d’envoyer souvent dans la baie de Cadix et dans les autres ports où nous faisons du commerce des vaisseaux du Roi qui fassent respecter le pavillon de Sa Majesté et en soutiennent la dignité.

En général on doit accorder une protection continuelle d’Espagne, puisque c’est sans contredit le plus avantageux pour le Royaume, celui qui y fait entrer le plus d’argent effectif et avec le plus d’avantages pour la nation.

Nous n’avons qu’un commerce médiocre en Portugal, et qui n’est même parvenu au point où il est aujourd’hui que depuis l’établissement de nos nouvelles manufactures à l’imitation de celles d’Angleterre. Il serait à souhaiter qu’on pût parvenir à conclure un traité de commerce déjà ébauché avec cette puissance ; l’on en retirerait les mêmes avantages que du commerce d’Espagne en faisant rentrer des matières d’or en payement de nos productions ; ces avantages sont d’autant moins à négliger qu’en attirant une partie de cet or chez nous, il en irait d’autant moins chez les Anglais.

Notre commerce dans le Levant par l’heureuse situation de Marseille et par l’attention de nos ministres à le faire fleurir est supérieur à celui des autres nations de l’Europe ; nos draps y ont presque entièrement fait tomber la consommation des draps des Anglais. La continuation des mêmes attentions nous conservera la jouissance des mêmes avantages.

Je ne parle point du commerce de la Compagnie des Indes ; l’envie avec laquelle elle est regardée des deux nations nos rivales prouve seule la nécessité de la conserver, et que tous les avantages qu’on lui procurera rejailliront immédiatement sur l’État.

Après avoir touché les branches les plus importantes du commerce du Royaume, il reste à traiter des moyens de les faire fleurir toutes et d’en faire pousser de nouvelles. Un des plus efficaces serait de diminuer l’intérêt de l’argent aussitôt qu’on le pourra ; pour ne pas entrer dans une trop longue discussion sur ce point, il suffit d’observer que l’intérêt de l’argent étant ordinairement en Hollande et en Angleterre à 3 et 4%, nous négocions vis-à-vis de ces deux nations avec un désavantage marqué. L’Hollandais qui entreprend un commerce qui au bout de l’année lui rapporte 6% le continue l’année suivante, parce qu’il a doublé l’intérêt de son argent ; le Français qui a entrepris le même commerce est obligé de l’abandonner à la fin de la première année, parce qu’il n’a rien gagné. D’ailleurs la diminution de l’intérêt de l’argent est un bien réel pour l’État ; elle augmente la valeur des biens-fonds et des effets publics ; elle verse dans le commerce une plus grande quantité d’espèces, en augmente la circulation et l’industrie des habitants ; enfin elle est avantageuse au Roi comme au particulier. La grande du commerce des Anglais est datée des époques où ils ont diminué l’intérêt de l’argent. [1] Ils n’ont point attendu que l’abondance de l’argent amenât la réduction de l’intérêt, mais la réduction de l’intérêt a produit chez eux l’abondance de l’argent.

Un autre moyen nécessaire pour tourner l’esprit de la nation au commerce et par là l’étendre davantage serait d’accorder un peu plus de distinction et de considération à ceux qui le font ; peu de gens à Paris distinguent le négociant qui fait mouvoir les flottes, et qui en secourant le pays étranger enrichit le sien d’avec le marché en détail, dont les opérations utiles quoique bornées se réduisent à revendre un peu plus cher à Paris et dans les provinces le drap et le galon qu’il faut venir de Lyon et de Louviers.

On ne peut s’empêcher d’être surpris d’entendre tous les jours en France les gens les moins versés dans le commerce, exalter la grandeur de celui des Anglais et des Hollandais et témoigner une sorte d’admiration pour les négociants de ces deux nations, tandis qu’ils semblent ignorer que la même profession produit à leur pays les mêmes avantages, et que leur compatriote qui l’exerce devrait mériter la même estime qu’ils accordent aux étrangers. La source d’une façon de penser aussi singulière ne viendrait-elle point de la différence dont le commerce est regardé chez ces deux nations et parmi nous ?

En Angleterre le commerce a été longtemps la ressource des cadets des maisons les plus illustres ; un négociant devient membre du Parlement et partage avec le Roi et la noblesse le gouvernement de sa nation. [2]

En Hollande où les négociants composent presque la République entière, ils y remplissent les premières places ; de pareilles distinctions jointes à l’utilité que produit le commerce y retiennent ceux qui l’ont embrassé et y attirent les autres.

En Espagne un négociant devient un homme titré, sans être obligé de renoncer à sa profession.

Tous les états dans le Royaume offrent des points de vue à ceux qui les ont embrassés, qui les y retiennent ; un avocat peut parvenir aux premières dignités de la robe ; un soldat aux plus grands honneurs de la guerre ; le négociant seul ne voit dans sa profession ni honneurs ni distinctions pour lui, et il est obligé de l’abandonner s’il veut parvenir à ce qu’on appelle en France être quelque chose. L’état de négociant n’y mène à rien qu’aux richesses, et il semble que lorsqu’on les a obtenues, ce soit une raison pour le quitter.

Le Français acquiert à peine une fortune au-dessus de la médiocre, que honteux de n’être que riche, il se presse d’abandonner la carrière où il l’est devenu pour acheter une charge, dans laquelle il est rarement aussi utile à sa patrie que dans sa première profession ; c’est souvent l’amour de ses enfants qui le détermine à changer d’état. Il croit suivant le préjugé de la nation qu’ils débuteront plus avantageusement dans le monde, comme fils d’un homme de robe que comme fils d’un négociant. Si le père au-dessus du préjugé reste jusqu’à la mort dans l’état où il a acquis ou augmenté sa fortune, son fils qui en hérite croit devoir aller chercher dans la robe ou dans l’épée les prérogatives et la distinction qu’il ne trouve point dans l’état de son père.

Les suites d’une pareille façon de penser sont préjudiciables à l’État, en ce que les fonds acquis par le commerce se perpétuant rarement dans une même famille, les fortunes ne deviennent jamais assez considérables pour l’étendre au point où il serait à souhaiter. S’il était permis aux négociants d’aspirer à remplir les charges qui sont faites pour veiller à la conservation et à l’accroissement du commerce, l’espérance d’occuper ces places honorables dans lesquelles les connaissances acquises dans leur profession les rendraient utiles les attacherait au commerce, et y retiendrait les plus riches ; en quoi il n’est pas douteux que l’État y gagnât, car un homme qui a de gros fonds peut exécuter des entreprises auxquelles un autre qui n’en a que de médiocres n’oserait penser.

Il serait à désirer aussi que la haute noblesse et les personnes les plus distinguées de la robe prissent des lumières sur le commerce, et ne dédaignassent pas de s’intéresser dans les entreprises des négociants et de l’avouer. Les connaissances qu’ils acquerraient par là leur feraient désirer de contribuer à l’avancement du commerce, et le protéger dans les emplois importants qui leur sont confiés. Ce serait surtout dans les ambassades dans les pays étrangers où les lumières qu’ils auraient acquises sur ce point les mettraient à lieu de servir utilement l’État, l’objet le plus important de leurs missions étant souvent de veiller aux avantages du commerce du Royaume ; rien d’ailleurs ne serait plus propre à répandre un certain lustre sur l’état de négociant, et n’encouragerait davantage la nation à se porter au commerce que de voir les plus grands seigneurs du Royaume vouloir s’en instruire et y risquer quelquefois une partie du superflu de leur bien.

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[1] L’intérêt de l’argent a été graduellement réduit en Angleterre sous Elisabeth, Jacques Ier et Charles Ier, etc.

[2] J’ai vu un fils de M. Walpole apprendre le commerce à Amsterdam chez M. Clifford.

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