Réponse de la Chambre de commerce de Lyon au mémoire de M. Gournay du 24 février 1753

En février 1753, Vincent de Gournay avait communiqué à la Chambre de commerce de Lyon un mémoire offrant une critique d'ensemble, et particulièrement radicale, du système des corporations de métiers, aussi appelés communautés ou jurandes. La Chambre de commerce de Lyon prit naturellement le contrepied de son argumentaire libéral, dans la réponse qu'elle fit préparer. Les règlements, les liens, les servitudes que les corporations imposent à l'artisanat, au commerce et à l'industrie, ne sont pas pour elle des obstacles au progrès : ce sont ces règlements, ces liens, etc., qui garantissent la prospérité d'une ville comme Lyon. — À cette défense éhontée des règlements, Gournay prépara immédiatement une réponse, qui était restée inédite en Français jusqu'à aujourd'hui.

Premier mémoire sur les corporations et la liberté du travail, adressé à la Chambre de commerce de Lyon

Dans son premier mémoire sur les corporations de métiers, Gournay signale les abus sans nombre de ces institutions ultra-réglementaires. Il accuse leurs règlements de ralentir le progrès par la fixation des méthodes de travail, de proscrire l'ouvrier pauvre par des frais sans cesse plus élevés, ou encore de produire des conflits incessants entre les artisans d'une même matière, qui plaident pour s'exclure mutuellement et exercer plus sûrement leur monopole. Radical dans sa critique et son opposition aux corps de métiers, Gournay appelle de ses vœux — et prépare, par son argumentaire — l'avènement de la liberté du travail la plus complète possible.

Effets comparés du sacerdoce et de la liberté

Benjamin Constant a travaillé pendant quarante ans à un ouvrage sur l’histoire des religions, qui complète, sous de nombreux rapports, la doctrine libérale livrée par lui dans ses autres textes politiques. Pour permettre un premier accès à cet ouvrage monumental De la Religion, nous avons sélectionné ce deuxième extrait, tiré du cinquième volume, et qui résume en quelques paragraphes l’un des développements majeurs du livre, en comparant les effets néfastes du monopole des prêtres à l’épanouissement et au perfectionnement continuel de la religion sous un régime de liberté.

Des privilèges de diplôme et d’école

Dans la France de la seconde moitié du XIXe siècle, la liberté du travail reste encore très incomplète ; la faute, notamment, à des barrières maintenues à l’entrée de certaines carrières, par différents diplômes et le passage préalable dans certaines écoles. Nul n’est avocat, médecin, militaire, etc., de son propre aveu, ou même en prouvant sa capacité : c’est la société mandarinale dénoncée par Jean-Gustave Courcelle-Seneuil.

Le socialisme d’État, par Léon Say

Dans cette conférence, donnée en novembre 1894, Léon Say évoque le développement dangereux du socialisme révolutionnaire et utopique, qui entend renverser les bases de la société et fonder les rapports des hommes entre eux sur un nouveau modèle. À côté de cette menace bruyante mais moins immédiatement dangereuse, à cause même de ses exagérations, il y a le socialisme d’État : c’est la doctrine des accommodements, de l’intervention modérée, et de ce qu’on nommera la sociale-démocratie. Pour Léon Say, cette dernière frange du socialisme est plus dangereuse encore : en brisant dans tous les domaines les ressorts de la liberté et de l’initiative individuelle, elle fait un mal immense, et au lieu de contenir les progrès du socialisme radical, comme elle y prétend, elle lui donne de l’aliment et le soutient, jusqu’à risquer de le rendre dominant.

De la liberté des professions médicales

En 1884, Arthur Mangin défend devant la Société d’économie politique une position audacieuse et controversée. Il soutient que les professions de médecin ou de pharmacien devraient pouvoir être exercées librement, sans diplôme officiel ni monopole. Si quelques-uns de ses collègues, comme Yves Guyot, se rangent à ses arguments, la plupart protestent devant ce qu’ils considèrent être une exagération et une impraticabilité.

À quoi ressemblerait une société communiste ?

En 1895, communistes et socialistes radicaux menacent par leurs percées électorales récurrentes de se rendre prochainement les maîtres du pouvoir politique dans l’un des principaux pays de l’Europe occidentale. Commentant la situation anglaise, Yves Guyot trace le tableau assez noir, mais rétrospectivement très vrai, de la société communiste que préparent ces agitateurs. Ce serait une égalité dans la misère, tempérée par quelques privilèges pour la classe dirigeante et ses sbires ; ce serait la léthargie, l’imprévoyance érigées en dogmes, dans le domaine du travail et des arts ; enfin ce serait la contrainte et la répression continuelle, la « dictature militaire », pour briser les désirs de liberté des citoyens récalcitrants. 

L’assurance obligatoire des ouvriers contre les infirmités et la vieillesse. Deuxième article (8 décembre 1888)

En 1888, Bismarck introduit en Allemagne un système d’assurance obligatoire contre les infirmités et des pensions de retraites. Ce dernier système, surtout, est plein de désillusions et de périls futurs, alerte Paul Leroy-Beaulieu. À la place des pensions de retraites fournies par les entreprises et les sociétés de prévoyance, l’État installera un système plein de déceptions et de travers financiers. L’engrenage est tellement à redouter dans ce domaine, que pour Leroy-Beaulieu, il vaut mieux que l’État s’abstienne tout à fait, et qu’il laisse fonctionner les retraites privées. 

L’assurance obligatoire des ouvriers contre les infirmités et la vieillesse. Premier article (1er décembre 1888)

En 1888, Bismarck introduit en Allemagne un système d’assurance obligatoire contre les infirmités et des pensions de retraites. Ce dernier système, surtout, est plein de désillusions et de périls futurs, alerte Paul Leroy-Beaulieu. À la place des pensions de retraites fournies par les entreprises et les sociétés de prévoyance, l’État installera un système plein de déceptions et de travers financiers. L’engrenage est tellement à redouter dans ce domaine, que pour Leroy-Beaulieu, il vaut mieux que l’État s’abstienne tout à fait, et qu’il laisse fonctionner les retraites privées. 

Pourquoi trente ans de monopole ? Observations sur le projet relatif à la Banque de France

En 1891, le renouvellement du privilège de la Banque de France est en débat. Adolphe Coste, spécialiste des questions monétaires, publie alors une courte brochure aux éditions Guillaumin, pour présenter ses propositions de réforme. Le renouvellement pour 30 ans, par exemple, le gêne. « Pourquoi s’enchaîner pour une si longue période, écrit-il, quand on ignore quelles seront les exigences de l’avenir, quand la question monétaire, la question douanière, la question du crédit agricole, la question des banques libres, la question des chèques et des compensations sont à peine posées et loin d’être résolues ? »

Les grèves en France et l’émigration des capitaux français

La France, explique Paul Leroy-Beaulieu dans cet article de septembre 1888, présente un cadre fort peu attractif pour les grands capitaux, dont l’industrie et le commerce modernes ont besoin. Outre les impositions et les vexations des administrations centrales et locales, il faut compter avec les grèves intempestives d’ouvriers dont des politiciens habiles font tourner la tête. Le résultat est de causer l’émigration des capitaux, de déstabiliser l’économie française, et de causer la ruine tout à la fois des patrons et des ouvriers.

Chronique (Journal des économistes, janvier 1884)

Chaque mois, entre  1881 et 1909, Gustave de Molinari a publié une chronique politique et économique dans le Journal des économistes, commentant l’actualité française et internationale sous un angle résolument libéral. Au programme notamment, dans cette livraison de janvier 1884, la colonisation par l’État et ses effets en Algérie et au Tonkin, le développement du protectionnisme en Europe et en Amérique, la concurrence des tribunaux, et la situation économique en Russie.

Abrégé du projet de paix perpétuelle

En 1733, l’abbé de Saint-Pierre a déjà diffusé son projet de paix perpétuelle à travers plusieurs travaux successifs, soit manuscrits à quelques personnalités, soit imprimés pour le plus grand public, qui les a plutôt avidement recherchés. Pour continuer la popularisation de sa grande idée, il compose désormais un abrégé, qui condense et complète l’œuvre précédente en trois volumes. Il s’agit toujours de la même pensée : que les nations européennes signent un traité par lesquelles elles s’engagent à recourir toujours à la voie de l’arbitrage et aux décisions d’un conseil européen, plutôt que la voie de la guerre, qu’elles abandonnent pour n’y plus revenir. 

À qui revient le pouvoir de faire les lois ?

Pour répondre à la question de qui doit faire les lois, il est important de remarquer, rappelle Dupont de Nemours dans un écrit de 1789, que si on parle de lois contraires aux droits fondamentaux de l’homme, alors à proprement parler personne n’a le droit de les faire, et ce pouvoir ne peut être délégué à quiconque. « Dans l'origine des sociétés, écrit-il, les hommes ont eu des principes plus sûrs et des idées plus justes, que nous ne le croyons communément. Ils n'ont point dit LÉGISFAITEUR, ce qui aurait indiqué le pouvoir de faire arbitrairement des lois ; ils ont dit LÉGISLATEUR, porteur de loi, ce qui détermine que celui qui est chargé de cette fonction respectable, n'a d'autre droit que de prendre la loi dans le dépôt immense de la nature, de la justice et de la raison, où elle était toute faite, et de la porter, de l'élever, de la présenter au peuple. »

Le blocus commercial de la Russie

Au moment de la guerre de Crimée (1854), Gustave de Molinari examine, dans un article destiné au Journal des économistes, ce qu’il appelle « les progrès réalisés dans les coutumes de la guerre », c’est-à-dire l’abandon progressif des pillages ou des violences contre les civils, qui ont émaillé tant de guerres anciennes. Les nations modernes, dit-il, sentent que leur intérêt est dans la garantie de la propriété privée des civils, et sur terre comme sur mer, ils tâchent de plus en plus de s’y appliquer. De ce point de vue, Molinari se prononce contre le blocus commercial imposé par la France et l’Angleterre coalisés, contre la Russie. Il juge que c’est une pratique dont la science économique peut démontrer le caractère néfaste.

De la rédaction et de l’interprétation des lois (1887)

Dans un chapitre de son traité de droit, Courcelle-Seneuil nous explique en quoi l’idée selon laquelle il est aisé de faire une loi, plus aisé encore de l’appliquer, est foncièrement erronée. Tout d’abord, ajouter une loi à la législation d’un pays est un acte qui demande une grande réflexion : souvent, dans l’empressement, heurté par un dysfonctionnement apparent ou alerté par des plaintes d’ailleurs pas toujours sincères, un homme politique propose une nouvelle loi, dont l’application ultérieure produit des effets pires que le mal qu’elle était sensée solutionner.

Le collectivisme futur et le socialisme présent

Le collectivisme menace de s’introduire en France, écrit Yves Guyot en 1906, notamment au travers de la législation sociale et du socialisme, dont les formes douces sont moins répulsives aux masses. L’espoir est dans l’action d’un front libéral rigoureux, qui mènera la bataille des idées, et certainement pas dans des accommodements et un socialisme modéré. « Le Parlement ne doit pas se considérer, dit-il, comme une succursale de l’Institut Pasteur, débitant du socialisme dilué pour l’inoculer comme vaccin aux gens atteints ou menacés de socialisme aigu. Ce qu’il faut, c’est la constitution d’un parti énergique et conscient qui mette à sa tête des hommes capables d’opposer, sans atténuations ni concessions, aux sophismes socialistes, les vérités économiques : qui ose affirmer hautement que, d’après toutes les lois inductives obtenues, le progrès est en raison du développement de la propriété individuelle, de la liberté du travail et de l’échange, et que, par conséquent, toutes les prétendues réformes, y portant atteinte, sont régressives. »

Le socialisme et les grèves

Un an avant qu’une insurrection ne vienne introduire le sang et la destruction dans la capitale de la France, au nom d’idéaux socialistes et communistes depuis longtemps mûris, Paul Leroy-Beaulieu alerte dans la Revue des Deux Mondes sur la crispation croissante de la société. La classe ouvrière, analyse-t-il, attisée par des meneurs, s’est désintéressée de ses conquêtes de droits et de bien-être, pour avancer plus avant dans la volonté du renversement de l’ordre social tout entier. 

Les avantages et les inconvénients de l’inégalité des conditions d’existence

En 1895, Gustave de Molinari, Frédéric Passy, Paul Leroy-Beaulieu et quelques autres sont présents à la réunion mensuelle de la Société d’économie politique pour discuter de la question des inégalités. Pour autant que ces inégalités proviennent de la nature et des efforts individuels, ils sont d’avis que le législateur aurait tort d’intervenir. Le fît-il, il provoquerait nécessairement une plus grande inégalité encore que celle qu’il aurait voulu combattre, en affaiblissant le vrai ressort du progrès, qui est dans l’initiative individuelle.

Du principe des nationalités

« Évidemment il n’y a pas de principe des nationalités. Les groupes d’hommes peuvent se réunir pour former des nationalités plus grandes, ou se séparer, selon qu’ils le jugeront plus avantageux à leur propre liberté et à la liberté générale du monde. La liberté et l’assentiment, voilà le principe : la communauté ou la différence de langue, d’origine, de religion ne sont que des accessoires. Les nationalités sont de véritables associations, qui n’ont rien de perpétuel et qui peuvent être augmentées par adhésion, diminuées ou détruites par séparation. Elles existent pour le bonheur et l’amélioration des hommes : ce ne sont pas les individus qui existent pour elles. »