La moralité du capitalisme. Ce que vos professeurs ne vous diront pas.

Titre original : The Morality of Capitalism, What Your Professors Won’t Tell You.

Traduit en français par Emmanuel Martin.

Édité par Tom G. Palmer, Students For Liberty et Atlas Economic Research Foundation.

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Partie I :Les vertus du capitalisme entrepreneurial
Entretien avec un entrepreneur :
La liberté et la dignité expliquent le monde moderne
La concurrence et la coopération
Médecine à but lucratif et incitation à la compassion
Partie II : Interaction volontaire et intérêt personnel
Le paradoxe de la morale
La logique morale de l’égalité et de l’inégalité dans la société de marché
Adam Smith et le mythe de la cupidité
Ayn Rand et le capitalisme : la révolution morale
Partie III : La production et la distribution de la richesse
L’économie de marché et la distribution de la richesse
Les libertés politiques et économiques génèrent ensemble les miracles de l’humanité
Partie IV : Mondialisation du capitalisme
Le capitalisme mondial et la justice
L’amélioration humaine à travers la mondialisation
La culture de la liberté
Quelques lectures complémentaires

Extraits de l’introduction

Par Tom Palmer

Quelques mots s’imposent sur le titre « La moralité du capitalisme ». Les essais de ce livre portent sur la moralité du capitalisme, cependant, ils ne sont pas confinés à la philosophie morale abstraite, mais traitent aussi de l’économie, de la logique, de l’histoire, de la littérature ainsi que d’autres disciplines. Par ailleurs, ils portent sur la moralité du capitalisme, et pas seulement la moralité du libre échange. Le terme « capitalisme » se réfère non seulement aux marchés où sont échangés des biens et services et qui ont existé depuis des temps immémoriaux, mais au système d’innovation, de création de richesses, et de changement social qui a apporté à des milliards d’humains une prospérité qui était inimaginable pour les générations précédentes.

Le capitalisme est un système juridique, social, économique et culturel qui embrasse l’égalité des droits et des « carrières ouvertes au talent » et qui dynamise l’innovation décentralisée ainsi que les processus d’essais et erreurs, ce que l’économiste Joseph Schumpeter appelait la « destruction créatrice », à travers le processus volontaire d’échange marchand. La culture capitaliste célèbre l’entrepreneur, le scientifique, le preneur de risques, l’innovateur, le créateur. Bien que tourné en dérision comme étant matérialiste par des philosophes (notamment marxistes) qui sont eux-mêmes adeptes du matérialisme, le capitalisme est en son cœur une entreprise spirituelle et culturelle. Comme l’historien Joyce Appleby l’a noté dans son étude récente The Relentless Revolution: A History of Capitalism (La Révolution incessante : Une histoire du capitalisme) : « Parce que le capitalisme est un système culturel et pas simplement économique, il ne peut pas être expliqué par des facteurs uniquement matériels ».

Le capitalisme est un système de valeurs culturelles, spirituelles et éthiques. Comme les économistes David Schwab et Elinor Ostrom l’ont observé dans une étude de théorie des jeux sur le rôle des normes et des règles dans le maintien des économies ouvertes, les marchés libres reposent fermement sur les normes qui nous contraignent à ne pas voler et qui « renforcent la confiance ». Loin d’être une arène amorale où s’affrontent les intérêts, comme est souvent dépeint le capitalisme par ceux qui cherchent à le saper ou à le détruire, l’interaction capitaliste est fortement structurée par des normes éthiques et des règles. En effet, le capitalisme repose sur un rejet de l’éthique du pillage et de l’accaparement, c’est à dire le moyen par lequel la plupart des richesses dont jouissent les riches ont été acquises dans d’autres systèmes économiques et politiques. (En fait, dans de nombreux pays aujourd’hui, et tout au long de la plupart de l’histoire humaine, on pense largement que ceux qui sont riches le sont parce qu’ils se sont servis chez d’autres, et surtout parce qu’ils ont accès à la force organisée – en termes contemporains, à l’État. Ces élites prédatrices utilisent cette force pour obtenir des monopoles et confisquer le produit des autres à travers les impôts. Ils se nourrissent au Trésor de l’État et ils bénéficient de monopoles et de restrictions à la concurrence imposés par l’État. C’est seulement sous les conditions du capitalisme que les gens généralement deviennent riches sans être des criminels).

Pensez à ce que l’économiste et historienne Deirdre McCloskey appelle « le grand fait » : « Le revenu réel par tête aujourd’hui par rapport à celui de 1700 ou 1800, disons, en Grande Bretagne et dans d’autres pays qui ont connu la croissance économique moderne, a été multiplié par au moins seize ». Ce fait est sans précédent dans toute l’histoire humaine. L’estimation de McCloskey est, en fait, assez restrictive. Elle ne prend pas en compte les progrès étonnants de la science et de la technologie qui ont mis toutes les cultures du monde à notre portée.

Le capitalisme met la créativité humaine au service de l’humanité en respectant et en encourageant l’innovation entrepreneuriale, ce facteur insaisissable qui explique la différence entre la façon dont nous vivons aujourd’hui et celle dont vivaient nos ancêtres, génération après génération avant le XIXe siècle. Les innovations qui ont transformé la vie humaine pour le meilleur ne sont pas seulement scientifiques et technologiques, mais aussi institutionnelles. De nouvelles entreprises de toutes sortes coordonnent volontairement les efforts productifs d’un nombre impressionnant de personnes. De nouveaux marchés financiers et de nouveaux instruments financiers connectent l’épargne et les décisions d’investissement de milliards de personnes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. De nouveaux réseaux de télécommunications connectent des hommes et des femmes venant de tous les recoins de la planète. (Aujourd’hui, j’ai eu des conversations avec des amis en Finlande, en Chine, au Maroc, aux États-Unis et en Russie, et des commentaires et tchats de Facebook avec des amis et des connaissances des États-Unis, du Canada, du Pakistan, du Danemark, de France, et du Kirghizistan.) De nouveaux produits nous offrent des opportunités de confort, de loisir et d’éducation totalement inimaginables pour les générations précédentes. (J’écris ceci sur mon Apple MacBook Pro). À d’innombrables égards, ces changements ont rendu nos sociétés radicalement différentes de toutes les sociétés humaines qui les ont précédées. (…)

Capitalisme de libre marché contre capitalisme de copinage

Afin d’éviter la confusion causée par l’utilisation équivoque du terme « capitalisme » par les intellectuels socialistes, le « capitalisme de libre marché » doit être clairement distingué du « capitalisme de copinage » (crony capitalism en anglais), c’est à dire du système qui a plongé tant de nations dans la corruption et l’arriération. Dans de nombreux pays, si quelqu’un est riche, il y a de fortes chances qu’il (plus rarement elle) détienne le pouvoir politique ou soit un proche parent, ami, ou un partisan, en un mot, un « copain », de ceux qui détiennent le pouvoir, et que la richesse de cette personne est venue, non pas du fait d’être un producteur de marchandises générant une valeur, mais du fait de jouir des privilèges que l’État peut conférer à certains au détriment des autres. Malheureusement, « capitalisme de copinage » est un terme qui peut, avec une justesse croissante, également être appliqué à l’économie des États-Unis, un pays dans lequel les entreprises en faillite sont communément « renflouées » avec l’argent pris aux contribuables, dont la capitale nationale n’est rien de plus qu’une ruche gigantesque palpitant de lobbyistes « chercheurs de rente », de bureaucrates, de politiciens, de consultants et de militants, et dans laquelle les fonctionnaires nommés du département du Trésor et de la banque centrale (Federal Reserve System), peuvent décider de récompenser certaines entreprises et nuire à d’autres. Ce copinage corrompu ne doit pas être confondu avec le « capitalisme de libre marché », qui renvoie à un système de production et d’échange fondé sur l’état de droit, l’égalité des droits pour tous, la liberté de choix, la liberté de commercer, la liberté d’innover, la discipline des profits et des pertes, et le droit de jouir des fruits de son labeur, de son épargne et de ses investissements sans craindre la confiscation ou la restriction de ceux qui ont investi, non pas dans la production de richesses, mais dans le pouvoir politique.

Les vagues de changement générées par le capitalisme de libre marché ne plaisent souvent pas aux élites bien établies. Dans la manière dont ils voient le monde, les minorités deviennent arrogantes et les classes inférieures ne connaissent plus leur place. Plus choquant, de leur point de vue, est qu’avec le capitalisme de marché libre des femmes affirment leur propre valeur. La notion de statut est sapée. Les gens créent des relations fondées sur le choix et le consentement plutôt que sur la naissance ou le statut. La haine des conservateurs à l’égard du capitalisme de libre marché, qui était très bien résumée et intégrée par Marx dans ses écrits, reflète la colère face à un tel changement, et souvent la colère face à la perte de privilèges. (…) Embrasser le capitalisme de libre marché signifie embrasser la liberté de changer, d’innover, d’inventer. Cela signifie s’adapter aux changements et respecter la liberté des autres de faire comme il leur plaît avec ce qui leur appartient. Cela signifie faire place aux nouvelles technologies, aux nouvelles théories scientifiques, aux nouvelles formes d’art, aux nouvelles identités et aux nouvelles relations. Cela signifie embrasser la liberté de créer de la richesse, qui est le seul moyen d’éliminer la pauvreté. (La richesse a des causes, mais la pauvreté n’en a pas ; la pauvreté est ce qui résulte lorsque la production de richesses n’a pas lieu, alors que la richesse n’est pas le résultat de la production de pauvreté qui n’a pas lieu). Cela signifie célébrer la libération humaine et la réalisation du potentiel humain.

Les auteurs dont les textes sont présentés ici viennent de pays et de cultures différents et d’un large spectre de vocations et de disciplines intellectuelles. Chacun offre une appréciation de la manière dont les échanges de marché libre sont enracinés dans la morale et renforcent le comportement moral. La sélection comprend un mélange de textes, certains très courts, certains plus longs, certains tout à fait accessibles, d’autres un peu plus académiques. Elle inclut deux essais qui n’avaient pas déjà été publiés en anglais ou en français et ont été traduits du chinois et du russe pour l’ouvrage original en anglais et la présente version française. Elle comprend des contributions par deux lauréats du prix Nobel, un romancier et un économiste, et une entrevue avec un entrepreneur à succès qui est un ardent défenseur de ce qu’il appelle le « capitalisme conscient ». Les essais ne fournissent pas tous les arguments en faveur du capitalisme de libre marché, mais ils offrent une introduction à une littérature très riche. (Un petit échantillon de cette littérature est répertorié dans la brève bibliographie à la fin du livre.)

Pourquoi ce livre ne contient-il que des défenses énergiques du capitalisme de libre marché ? Parce qu’il y a des centaines – en réalité des milliers – de livres sur le marché prétendant offrir des discussions « équilibrées » qui sont en fait remplis d’accusations à l’encontre de la création de richesse, de l’entrepreneuriat, de l’innovation, du système de profits et pertes et du capitalisme de libre marché en général. Au cours de ma carrière, j’ai lu des centaines de livres qui attaquaient le capitalisme de libre marché, j’ai réfléchi à ces arguments et me suis débattu avec. En revanche, il est rare de trouver des détracteurs du capitalisme de libre marché qui ont lu plus d’un auteur qui ait osé offrir une défense du capitalisme de libre marché. L’auteur qui est le plus fréquemment cité, au moins dans le monde intellectuel moderne anglo-saxon, est Robert Nozick, et il paraît même d’ailleurs clair que seul un chapitre d’un seul de ses livres a été lu, celui dans lequel il proposait une difficile expérience mentale hypothétique pour tester les ennemis du capitalisme de libre marché. La plupart des socialistes pensent qu’il suffit de lire un essai et de réfuter une expérience de pensée24. Après avoir lu et réfuté un argument, si ceux qui condamnent le capitalisme de libre marché pensent toujours qu’il vaut la peine de continuer la critique, ils s’appuient généralement sur une version déformée ou inexacte de ce que Milton Friedman, Ayn Rand, Friedrich Hayek ou Adam Smith croyaient, et ce, sans les citer.

Pour prendre un exemple récent de premier plan, le professeur Michael Sandel de Harvard a proposé une réfutation de la défense du capitalisme de libre marché dans son livre récent : Justice: What’s the right thing to do ? (Justice : Quelle est la bonne chose à faire ?). Outre Nozick, il cite Friedman et Hayek, mais indique clairement qu’il ne les a pas lus. Il cite Friedman demandant « Sommes-nous autorisés à employer la coercition pour empêcher [quelqu’un qui n’aura pas épargné pour sa retraite] de faire ce qu’il choisit de faire ? ». Mais il omet de noter que dans le paragraphe suivant Friedman propose effectivement les raisons en faveur de la coercition et déclare que « le poids de cet argument dépend évidement des faits ». (Friedman invoquait ici le principe libéral classique de la « présomption de liberté28 », et ne proposait pas une déclaration catégorique à propos des droits, comme Sandel le prétend à tort). Sandel affirme également « dans La Constitution de la Liberté (1960), l’économiste et philosophe d’origine autrichienne Friedrich A. Hayek (1899-1992) a fait valoir que toute tentative visant à instaurer l’égalité économique accrue devait être coercitive et destructrice d’une société libre ». C’est une allégation que Hayek n’a en réalité pas faite : il soutient que « la fiscalité progressive sur le revenu » (dans laquelle les taux d’impôts augmentent avec le revenu) est incompatible avec l’état de droit, car « à la différence de la proportionnalité, la progressivité n’offre aucun principe qui nous dise ce que devrait être la charge relative de personnes différentes ». Mais cela ne revient pas à affirmer que toute tentative visant à instaurer davantage d’égalité économique (par exemple, en éliminant les subventions spéciales et des privilèges pour les riches) est vouée à être coercitive. (Cette allégation erronée de Sandel, tout comme sa description démontrent que Sandel n’a même pas pris la peine de consulter le livre de Hayek ; on peut se demander s’il aurait décrit La recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations d’Adam Smith comme un livre sur la façon dont les épingles sont fabriquées).

Les gens sérieux pourraient faire mieux. J’encourage vivement les lecteurs de cet essai et de ce livre à faire mieux. À lire les meilleurs critiques du capitalisme de libre marché. À lire Marx. À lire Sombart. À lire Rawls. À lire Sandel. À les comprendre. Soyez ouverts à l’idée d’être convaincus par eux. Réfléchissez à leur propos. J’ai lu davantage d’arguments contre le capitalisme de libre marché que la plupart des ennemis du capitalisme de libre marché n’en ont lu, et je pense que je pourrais normalement faire valoir leur cause mieux que ce qu’ils ne le peuvent, parce que je la connais mieux. C’est l’autre côté du débat qui est offert dans ces pages, le côté dont l’existence même est rarement reconnue.

Alors, allez-y, tentez votre chance. Confrontez-vous aux arguments proposés dans les essais de ce livre. Réfléchissez à leur propos. Ensuite, faites-vous votre opinion.

Tom G. Palmer,  Washington, DC.

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