Sur un ouvrage de M. Joseph Garnier

Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, 1er trimestre 1858.

M. Hyppolite PASSY : — Je me suis chargé d’entretenir l’Académie d’une publication dont M. Joseph Garnier lui a fait hommage il y a peu de temps. L’Académie connaît M. Garnier ; elle l’a admis à diverses reprises à lui faire des communications, et déjà M. Dunoyer lui a rendu compte de l’ouvrage important que M. Garnier a fait paraître sous le titre Premières notions d’économie politique, volume sur lequel j’appelle l’attention de l’Académie. (…)

Une partie fort remarquable de l’ouvrage de M. Garnier, c’est celle où traitant de la misère, il a dressé le tableau de ses causes et des remèdes qu’il est possible de lui opposer. Il est fort difficile, à notre avis, de classer de manière à satisfaire les esprits rigoureux, les causes et les effets des phénomènes d’ordre économique ou social. Il y a dans les choses une complexité telle que, lors même qu’on réussit à en constater sans omission tous les éléments générateurs, subsiste la difficulté de mesurer la part pour laquelle chacun de ses éléments ; compte dans le résultat définitif.

Et cependant le tableau dressé par M. Garnier offre en réalité un excellent exposé des faits. L’ignorance, le vice et les malheurs, voilà les causes générales qu’il assigne à la misère, et quant aux remèdes, il les montre dans le succès des efforts destinés à réagir contre l’activité propre à ces causes.

M. Garnier ne pouvait se méprendre à cet égard. Il sait que l’indigence a commencé par être le lot de tous, qu’elle n’a diminué que dans la proportion où la société a appris à faire meilleur usage de ses facultés physiques, intellectuelles et morales, et qu’elle ne conserve encore tant de prise au sein des classes qui ne subsistent que de salaires, que parce que ces classes n’ont pas acquis encore les lumières et les sentiments dont elles ont besoin pour échapper à ses atteintes. Les éclairer, les amener à comprendre les avantages de la prévoyance, de l’épargne, de la prudence dans les actes qui peuvent décider de l’avenir des familles, tels sont les remèdes proposés par M. Garnier, et, en effet, ils n’en ont pas d’autres.

L’expérience l’atteste ; toute forme d’assistance qui affaiblit chez les personnes la crainte des suites que peut avoir pour elles le défaut d’ordre et de sagesse dans l’usage de leurs ressources, a toujours eu pour conséquence d’affaiblir le ressort moral, et d’enfanter beaucoup plus de souffrances qu’il ne lui était possible d’en supprimer.

Note de l’Institut Coppet : Joseph Garnier était rédacteur en chef du Journal des Economistes

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Note de M. Garnier sur la Fraternité (extrait de son livre) :

FRATERNITÉ, qui a été si souvent un des so­phismes de l’opinion publique.

La plupart des écoles socialistes, partant de cette croyance, que tous les hommes d’une commune, d’une cité, d’une nation, d’un continent, peuvent constituer une seule fa­mille partriarcale, proposent aux hommes de vivre en frères, dans toute l’acception du mot. Pour cela elles sont obligées de suppo­ser, comme nous disons plus haut, que tons les hommes sont susceptibles de devenir des anges, et qu’ils auront pour chefs ou guides d’autres anges (p . 307). En attendant, ils veu­lent que la loi impose la fraternité, et que la Charité se développe en proportion de la Misère.

L’Économie politique montre l’illusion de cette supposition et constate par les résultats de l’expérience que la charité officielle con­duit facilement au paupérisme et à la démoralisation des assistés ; que la charité for­cée est une injuste spoliation. Tout en res­pectant et en admirant le sentiment de la charité libre, spontanée et intelligente, elle dit aux classes pauvres que l’esprit de cha­rité n’est pas susceptible d’un grand déve­loppement, que la charité officielle ou privée ne peuvent offrir qu’un remède restreint à leurs souffrances et que ce qu’il y a de plus sûr pour elles, c’est de travailler elles-mêmes à leur bien-être par des efforts persévérants, une sévère économie et une intelligente pré­voyance, — ainsi que cela a été dit au cha­pitre xxv en parlant de l’accroissement de la Population, et au chapitre xxv en parlant la Population, et au chapitre xxv en parlant de la Misère et de la Charité.

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