Oeuvres de Turgot – 096 – Lettres à Du Pont de Nemours

96. — LETTRES À DU PONT DE NEMOURS.

XXVIII. — (L’abbé Baudeau. — La goutte. — Mme Geoffrin.)

Il y a longtemps que je vous ai vu, mon cher Du Pont ; cependant j’ai plusieurs choses à vous dire.

1° Je voulais arranger un dîner avec vous et le nouveau prélat polonais[1]. J’avais compté vous proposer demain jeudi, mais j’ai peur qu’il ne soit trop tard et que l’un ou l’autre ne soit engagé. Voyez cependant si cela vous convient, ou vendredi, ou samedi, ou dimanche, ou lundi, mais venez me dire ou faites-moi dire à temps le jour que vous choisirez, car, comme la goutte m’a repris et que je ne mange point, vous ne trouveriez rien à manger si je n’étais averti. Ce n’est pas que vous personnellement ne trouviez un poulet quand vous voudrez.

2° Mme Geoffrin[2] voudrait ravoir sa lettre pour un jour ou deux et, si vous ne l’avez pas brûlée, vous me ferez plaisir de me la confier. Elle m’a dit que vous pouviez être tranquille sur l’usage qu’elle veut en faire.

Adieu, je vous embrasse. Ne m’oubliez pas pour mon exemplaire de la Physiocratie que vous m’avez promis de changer, ni pour la médaille de M. de Saint-Péravy où son nom doit être gravé.

XXIX. — (Les Éphémérides du citoyen. — Franklin. — L’Avis au peuple, de Baudeau. — La Rivière. — Abeille.)

Limoges, 5 août.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, votre nouveau volume[3] dont je suis fort content à la réserve :

1° de votre note sur M. Buisson[4]. Je trouverais très mauvais qu’un incendié me présentât ainsi requête par la voie de l’impression et cela me paraît déplacé en soi.

2° De la manière dont vous affirmez que M. Franklin[5] est un prosélyte de la science et cela sur la périlleuse parole de M. de Mirabeau. Pour annoncer au public les opinions d’un homme comme M. Franklin, il faut, ou en être chargé par lui, ou être bien sûr de son fait. Vous n’êtes pas guéri encore à beaucoup près de l’esprit de secte. Je trouve d’ailleurs que vous n’avez pas assez profité de l’occasion pour traiter un peu en grand la question des colonies, en relevant bien des aveux de M. Franklin qui ne s’accordent nullement avec les vrais principes[6].

J’ai lu la lettre qui est au commencement du volume. Je souhaite pour M. D. [7] qu’elle ne soit pas de lui.

Je vous ai envoyé pour l’abbé Baudeau un paquet par la voie de M. de Montigny ; je crains qu’il ne l’ait pas reçu, car ni lui ni vous ne m’avez répondu. J’attends pourtant ce que celui-ci m’a promis pour joindre à l’Avis au peuple qui serait distribué sans cela. Dites-lui bien des choses de ma part. On me mande que son affaire est arrangée[8]. Comment l’est-elle ? Quand part-il pour aller en Pologne et combien de temps y restera-t-il ? En vous aidant dans la suite pour les Éphémérides, il vous donnerait le moyen de concilier cette besogne avec celle du Limousin. Répondez-moi, je vous prie, sur tout cela.

J’ai su que M. de La Rivière[9] n’avait point encore remis ce que je lui ai prêté. Cela m’a fâché pour deux raisons : l’une, que je crains qu’il ne l’ait prêté ; l’autre, que quelques personnes à qui je voulais le faire lire en ont été privées. Pressez-le, je vous prie, de le faire remettre chez M. de la Fleuterie[10], ainsi que je l’en ai prié. Adieu, je vous embrasse.

Je ne vous ai pas assez dit combien je suis content du ton que vous prenez sur la liberté de la presse[11], sur le droit d’aubaine, sur le droit d’émigration, sur la liberté du commerce des grains dans l’annonce des trois lettres[12], de vos extraits du Gouvevneur[13], et surtout d’Abeille[14] dont vous avez fait un excellent morceau qui est le contrepied du sien et cela, sans qu’il puisse s’en fâcher. Dieu veuille qu’on vous laisse continuer sur ce ton. Je vous écris directement, afin d’éviter les retards qu’occasionne peut-être l’adresse de M. de Montigny.

XXX. — (Voyage de Du Pont avec le duc de Saint-Mégrin. — Les Discours de Poivre. — De Butré.)

Limoges, 30 août.

Je vous écris à Aix, mon cher Du Pont,, mais comme ma lettre n’y arrivera que dans huit jours et qu’il y en a déjà quinze que vous m’avez écrit, je prends la précaution de vous adresser encore ce double-ci de ma lettre à Toulouse, où vous ne pouvez pas éviter de passer. J’ai écrit à Mme Du Pont d’envoyer mon mémoire à M. de la Fleuterie, commissaire au Châtelet, et non à M. Feutry ; la méprise était de conséquence, car il y a un M. Feutry, poète, et ingénieur[15], qui n’aurait su ce que cet envoi aurait signifié.

Vous m’auriez fait un grand plaisir de me marquer en détail l’ordre de votre voyage, la route que vous suivez, les lieux par où vous passerez, si c’est de Toulouse ou de Bordeaux que vous vous rendrez à Limoges et dans quel temps vous comptez y arriver. J’ai d’autant plus besoin de savoir tout cela que tous les arrangements du Contrôleur général me forcent de faire mon département un mois plus tôt qu’à l’ordinaire. Je serai pourtant certainement à Limoges les dix derniers jours de septembre, mais j’irai dans les commencements d’octobre faire mon département à Angoulême. Je serai au désespoir de ne pas profiter d’une occasion aussi agréable de faire connaissance avec M. le duc de Saint-Mégrin[16]. Vous, ne me marquez pas si je puis espérer de le posséder quelques jours.

Si son projet était de passer, comme je le présume, dans ses terres de Saintonge, nous pourrions nous réunir à Angoulême et de là, nous rendre ensemble à Limoges vers le 12 ou le 15 octobre. De grâce, écrivez-moi un peu à l’avance de ces arrangements, car je ferai l’impossible pour y faire cadrer les miens.

Puisque vous avez perdu ma copie du Discours de M. Poivre, je compte bien que vous m’en rendrez une autre. À l’égard de celui qu’il a prononcé au Conseil supérieur, il n’est pas bon et c’est pour cela que je ne l’ai point montré.

Je doute toujours beaucoup que M. de Butré puisse travailler utilement[17]. Nous le verrons, mais sur toute chose, ne vous engagez pas trop avec lui.

Adieu, je vous embrasse et vous attends avec impatience.

XXXI. — (Voyage de Du Pont.)

Limoges, 27 septembre.

Je n’ai aucune nouvelle de vous, mon cher Du Pont, quoique je vous aie écrit à Aix et à Toulouse. Ce retard me fait espérer que votre voyage se sera prolongé et qu’au lieu d’arriver ici à la fin de septembre, vous y arriverez au milieu d’octobre. J’aurais un véritable chagrin que vous y arrivassiez pendant les dix ou douze jours que je vais passer à Angoulême où je serai le 1er octobre. Si vous pouvez m’y adresser un mot de lettre de Bordeaux, pour me marquer le temps précis de votre arrivée à Limoges, vous me ferez un très grand plaisir, et vous me délivrerez de la crainte où je suis de manquer cette occasion de faire connaissance avec M. le duc de Saint-Mégrin. Si j’avais été le maître de retarder mon département, je ne me serais pas exposé à ce risque.

Adieu, mon cher Du Pont, je n’ai que le temps de vous assurer de toute mon amitié.

XXXII. — (Voyage de Du Pont. — Le Contrôleur général Maynon d’Invau.)

Angoulême, 11 octobre.

Je reçois, mon cher Du Pont, votre lettre du 29 et je ne puis vous dire tout mon regret de ne point vous attendre à Angoulême, d’où je suis obligé de partir demain. Voici mes raisons : 1° M. Fargès, intendant de Bordeaux[18], doit arriver chez moi vers le 15 ; 2° le régiment de Condé vient s’établir à Limoges le 17 et je suis obligé d’y être quelques jours auparavant pour être sûr que tout sera prêt ; 3° j’ai demandé des chevaux sur la route d’ici à Limoges, pour pouvoir m’y rendre. Ces chevaux, étant pris des postes de la route de Toulouse, ne peuvent pas rester à m’attendre inutilement. Je ne me consolerais pas de ce contre-temps, si je pouvais croire que vous arrivassiez demain, mais je sais assez que ces sortes d’itinéraires des gens qui voyagent pour voir se prolongent toujours, en sorte que, même pouvant attendre, j’attendrais peut-être encore longtemps : je pars donc à mon grand regret, mais avec l’espérance que M. le duc de Saint-Mégrin ne me privera pas du plaisir dont il m’a flatté, d’avoir l’honneur de le posséder quelques jours à Limoges, où je compte toujours qu’il vous déposera pour quelque temps. Je vous laisse le soin de lui témoigner tout mon regret de ne pas profiter aussi du temps qu’il veut passer à Angoulême et de l’engager à me donner le plus de temps qu’il pourra à Limoges.

Je ne sais si vous savez que, d’Angoulême à Limoges, il n’y a point de poste et que vous aurez peut-être peine à avoir des chevaux. Si, en arrivant à Angoulême, vous m’envoyiez un exprès en me marquant le jour de votre départ, la voiture dans laquelle vous voyagez et le nombre de chevaux qu’il vous faut, je pourrais envoyer des relais sur la route au moyen desquels, en prenant des chevaux de poste à Angoulême, jusqu’au premier relais, vous pourriez venir à Limoges, en un jour. Pour faciliter tous ces arrangements, vous pourriez vous adresser à Angoulême à mon subdélégué qui vous procurerait un exprès et prendrait les arrangements nécessaires pour vous faire fournir des chevaux pour les premiers relais en partant d’Angoulême. Je ne vous parle pas du nouveau Contrôleur général[19] ; vous le connaissez ; il est homme de mérite, mais je le trouve bien courageux.

Adieu, je vous embrasse en attendant le plaisir de vous voir. Voici une lettre qui m’a été adressée ici pour vous.

XXXIII. — (Voyage de Du Pont.)

Limoges, 18 octobre.

Je suis fort embarrassé, mon cher Du Pont, sur ce que je ferai d’un paquet à votre adresse qu’on m’envoie d’Angoulême. En l’y renvoyant, il n’y sera que le 21 et, si votre itinéraire n’avait souffert aucun changement, vous devriez en être reparti pour venir ici ; mais je vous avoue qu’étant accoutumé aux retards des voyageurs qui voyagent pour voir, je crois que le plus sûr est de vous faire repasser le paquet qui me paraît à sa grosseur devoir contenir un volume des Éphémérides. Si vous êtes parti pour Limoges, le paquet sera revenu le lundi 23. Adieu, je vous embrasse bien vite, car je n’ai pas un instant pour causer avec vous.

XXXIV. — (Retour de Du Pont à Paris. — Sa situation personnelle.)

Limoges, 22 novembre.

Que je vous plains, mon pauvre voyageur, et que je crains qu’en essuyant le plus abominable temps qu’on puisse avoir à essuyer, vous n’ayez encore le désagrément d’arriver au moins aussi tard que par la litière. Je me repens d’avoir été moins opiniâtre que vous. Dieu veuille que, du moins, votre santé ne soit pas altérée de tant de fatigue et de froid ; j’espère que vous m’en donnerez des nouvelles de la route.

Desmarets vous envoie aujourd’hui votre malle ; il a fallu y laisser votre clé parce qu’on ne plombe point à Limoges[20]. Avez-vous emporté avec vous le papier que vous lui aviez donné à copier ? Il craint qu’il ne soit perdu.

L’ami, chez qui vous devez souper aujourd’hui, compte que vous irez manger une dinde aux truffes chez son frère qui a une maison de campagne à Fleuri[21]. Le marquis de Mirabeau y est encore ; vous ferez d’une pierre deux coups. Vous serez invité, ou pour mieux dire averti du jour.

Dites, je vous prie, mille choses de ma part aux économistes de l’École d’Orléans qui me rappellent l’École de Milan, quoiqu’il y ait bien de la différence quant à l’objet.

J’ai beaucoup réfléchi sur l’objet des craintes qui vous agitaient[22] ; je pense à présent que si elles vous inquiètent toujours et que vous y voyez le moindre fondement, le meilleur parti à prendre, c’est de vous adresser tout droit à M. d’Invau et de lui demander conseil. Il vous le donnera peut-être plus froidement que M. D. M. [23] D’ailleurs, il vaut mieux avoir affaire à Dieu qu’à ses saints.

Ne m’oubliez pas pour Rustan ; pour la gravure de mes armes en bois, je vous enverrai deux modèles pour la grandeur seulement. Comptez toujours sur mon amitié, portez-vous bien et soyez aussi heureux que je le désire. Adieu, mon cher Du Pont.

XXXV. — (Retour de Du Pont à Paris. — Brochures de l’abbé Baudeau. — Lettre de M. de… Conseiller au Parlement de Rouen, par Du Pont.)

Limoges, 25 novembre.

Où êtes-vous, pauvre malheureux, n’êtes-vous pas resté dans quelque bourbier ou du moins dans quelque sale auberge, en attendant le retour du beau temps. Je ne puis m’empêcher de regretter qu’il n’y ait un bon règlement pour défendre de se mettre en marche par un mauvais temps. Je l’aurais fait exécuter avec une rigueur qui vous eût été fort utile.

Je vous renvoie la Lettre à l’abbé Baudeau que je trouve fort bien à l’exception d’un morceau que j’ai crayonné et qui m’a paru un peu choquant pour son amour-propre d’auteur. J’ai reçu un paquet à votre adresse que j’ai ouvert par réflexion, parce que j’ai vu qu’il contenait des livres et que je me suis rappelé que vous aviez demandé pour moi l’Avis au peuple[24]. Je ne me suis pas trompé ; j’ai trouvé deux Avis, avec et sans cartons, et une Lettre sur les émeutes populaires[25]. Je me flatte que vous n’êtes pas inquiet de vos secrets si vos lettres en contiennent, mais ma curiosité n’a point résisté aux listes de souscripteurs[26]. J’ai trouvé celle des gratis grossie de beaucoup d’articles que vous pouvez et devez vous dispenser de continuer et dont plusieurs sont relatifs à la position de l’abbé Baudeau. Il y en a qui ne demanderaient pas mieux que de payer ; par exemple, l’archevêque de Toulouse[27], M. Helvétius, etc. Je n’ai point vu Mme Blondel parmi les souscripteurs payants. J’ai cependant souscrit pour elle entre vos mains ; du moins, il me semble en être sûr.

J’ai été enchanté de la Lettre sur les émeutes, et je vous prie de vérifier s’il en a été envoyé chez moi 150 exemplaires, ainsi que de la Lettre du gentilhomme de Languedoc[28] et de l’Avis aux honnêtes gens[29]. Si cela n’a pas été fait, envoyez-moi celle sur les émeutes par la poste, en feuilles et en plusieurs paquets. Je ne vous écris pas à Orléans parce que, quoique vous ayez été sûrement retardé, j’imagine que ce courrier le sera aussi beaucoup. J’attendrai des nouvelles de votre arrivée pour vous envoyer votre rescription.

On vous enverra directement votre dinde aux truffes[30] et l’on vous marquera chez qui vous devez l’aller prendre.

Adieu, mon cher Du Pont, portez-vous bien et comptez toujours sur mon amitié. Envoyez-moi, si vous avez le temps, ce qui se fera sur les blés ; on me mande des choses bien étranges des Parlements de Rouen et de Paris[31] mais vous savez sûrement tout cela mieux que moi.

XXXVI. — (Les Éphémérides du Citoyen. — Le commerce des grains. — Placards contre Choiseul.)

Limoges, 2 décembre.

Vous êtes assurément, mon cher Du Pont, tenax propositi vir. Cette qualité est bonne à bien des choses et je vois qu’elle l’a été à vous faire arriver à Orléans, malgré tous les obstacles ; puisque votre santé n’a point souffert du mauvais temps, je vous pardonne votre opiniâtreté. L’abbé de Véri m’a mandé que vous aviez fait aller votre cheval en poste pour le soulager.

Vous avez mal entendu ma lettre : Desmarets n’avait point perdu vos papiers et vous les recevrez en deux paquets que je vous conseille de demander chez M. de F.[32] et chez son gendre[33]. Pour votre malle, il n’a pas été possible de la faire plomber.

J’ai reçu le tome XI des Éphémérides[34] et j’ai vu avec grand plaisir qu’on n’y avait pas mis l’Examen de l’examen, mais j’ai trouvé l’extrait du Magistrat de Rouen[35] bien maigre ; il fallait une réfutation.

Je joins ici une rescription sur M. Fontaine ; j’aurais mieux aimé qu’elle eût été sur l’extraordinaire des guerres, vous auriez eu moins de chemin à faire. J’ai un peu ri de vos raisonnements sur les dépenses du voyage. Soyez tranquille sur l’avenir ; quant au présent, le moyen le plus naturel d’y pourvoir est de vous faire avoir une gratification. Je ne vous oublierai pas auprès de M. M.[36] et M. d’I.[37]

Vous savez qu’on a décrété un pauvre diable qui avait marchandé la récolte d’un fermier en vert. Voilà apparemment ce que ces Messieurs[38] appellent monopole. Je n’accaparerai sûrement pas leur bon sens, car il est encore bien loin de sa maturité, si jamais il doit y arriver, ce dont je doute très fort.

On dit que les placards[39] continuent ; je ne doute pas que cela fasse redoubler l’espionnage et les patrouilles de nuit. Adieu, mon cher Du Pont, je vous souhaite bien de la santé et bon courage. Mandez-moi si vous tirez quelque chose au clair sur le produit des Éphémérides et sur le nombre des souscripteurs.

Desmarets vous dit mille choses ; il est tout honteux du peu de crédit qu’il a dans l’atmosphère[40].

Je vous ai écrit lundi dernier par une occasion particulière. Accusez-moi, je vous prie, la réception de ce paquet et celle des papiers que vous avez confiés à Desmarets.

XXXVII. — (La Lettre du Conseiller.)

Limoges, 3 décembre.

Je vous écrivis hier par la poste, mon cher Du Pont ; je profite aujourd’hui d’une occasion pour vous parler plus clairement. La Lettre[41] est partie par le courrier : 125 exemplaires sous la forme in-f° à M. d’Invau[42] ; 125 sous la forme in-4° à M. de Montigny. Un seul paquet eût été trop gros et trop pesant. Je vous conseille de les retirer, l’un chez M. de Fourqueux, l’autre chez M. de Montigny. Nous attendons les notes qui seront envoyées par le courrier, comme je vous l’ai annoncé par la lettre qui accompagnait une épreuve du Conseiller. Il faudra que vous alliez les chercher à l’adresse indiquée. Il ne peut y avoir à cela aucun danger, mais il peut y en avoir dans la distribution des paquets à cause de l’espionnage que doit rendre bien plus vigilant la multitude de placards qu’on affiche contre M. de Choiseul. C’est une raison pour se borner à quelques rues du faubourg Saint-Germain ; la place Vendôme étant un lieu fort passant et en même temps fort propre aux placards, il faudrait, pour cette raison, l’éviter. Je vous recommande aussi l’écriture des adresses. Enfin, à la moindre apparence de danger, il faudra vous confesser à M. de M…[43] ou à M. d’Invau lui-même. Vous savez que celui-ci épouse la seconde fille de M. de Fourqueux ; ce sera encore un moyen que vous aurez pour l’intéresser pour vous.

J’ai gardé 12 exemplaires du Conseiller, imprimé sur du papier un peu plus beau ; ainsi, vous pourrez n’en garder aucun chez vous.

Voici un paquet que je vous prie d’envoyer à M. l’abbé Guénée[44], professeur de rhétorique actuel ou ancien, ou au Plessis ou à Lisieux ; je ne vous dirai pas lequel des deux, mais je vous serai obligé de le découvrir par le moyen de quelques-unes de vos connaissances dans le pays latin.

Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse de tout mon cœur ; n’oubliez pas de m’accuser la réception de l’épreuve et de l’édition.

XXXVIII. — (La poste. — Baudeau. — La Lettre du Conseiller.)

Limoges, 16 décembre.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, votre lettre de dimanche qui n’était point datée, mauvaise habitude par parenthèse et dont il faut se corriger, parce qu’il peut quelquefois en résulter des inquiétudes sur l’exactitude des courriers. Je suis fort impatient de savoir ce que vous aura dit M. de Fourqueux et j’espère l’apprendre ce soir.

Vous m’étonnez bien par les petits détails que vous m’apprenez sur l’abbé Baudeau ; je ne comprends rien à de pareilles platitudes de sa part.

J’ai reçu vos épices[45], nous avons les truffes, mais nos cuisiniers disent qu’ils ne peuvent préparer la sauce sans avoir le poisson ou le dindon. Au reste, ce que vous avez envoyé est entièrement conforme pour la qualité et même pour la quotité à l’échantillon que nous avait montré un droguiste qui passait à Limoges.

Comme je n’ai pas de temps à moi ce soir, je me dépêche de finir en vous embrassant de tout mon cœur. Desmarets vous dit mille choses.

XXXIX. — (La Lettre du Conseiller. — Indiscrétion de Montigny. — Faiblesse du Gouvernement. — Épigramme sur Joly de Fleury. — Vers métriques.)

Limoges, 20 décembre.

Vous n’êtes point un chêne, mon pauvre ami, vous n’êtes point un roseau, mais vous vous portez comme un charme, et j’aime votre courage autant que je déteste la barbarie des ufs tigres[46] et que je méprise la poltronnerie de ceux[47] qui se laissent donner des coups de pied et des coups de corne par ces animaux aussi stupides que féroces. Soit chêne, soit roseau, soit charme, soit tout autre arbre quelconque, depuis le cèdre jusqu’à l’hysope, je veux leur crier à tous :

Ah ! fuge vicini nimium contagia taxi

Nec propius ramis taxum sine.

De l’if empoisonné fuyez le voisinage

Craignez que vos rameaux ne touchent son feuillage.

ou, comme dit le proverbe, ne dormez point à l’ombre de l’if[48] ; les vilains arbres ne sont bons à rien qu’à nuire, et malheur à ceux qui s’y appuient.

C’est se perdre sans fruit que de faire la guerre avec et pour les poltrons. Mon avis est que vous ne fassiez rien et que même, s’il en est temps encore, vous renonciez à distribuer les premières cartouches[49]. Du moment que votre secret n’est plus entre vos mains[50], et que les gens pour lesquels vous vous sacrifiez[51] ne veulent, ni ne peuvent vous garantir de tous dangers, il y aurait de la folie à courir des risques aussi considérables sans espérance de produire aucun bien. Ces gens-là ne voient pas qu’ils se perdent eux-mêmes avec ces tempéraments. Ne sentent-ils pas que leurs adversaires les attendent et que la force qu’on leur laisse acquérir en appelant à eux la populace[52] rend leur résistance sur d’autres articles invincible ? Ne sentent-ils pas qu’en insistant dans ce moment sur ces autres articles, eux-mêmes perdent la confiance du public ? Ils recommandent la modération. Plaisante politique ! La modération est bonne dans des temps de discussion tranquille, mais quand des fourbes excitent à plaisir les peuples par des mensonges, il faut bien les démasquer et prouver qu’ils sont des menteurs. On n’a rien fait si on ne leur ôte pas la confiance de ceux qui les regardent comme leurs protecteurs. Je suis très convaincu que le changement que vous proposez de faire à la sauce du dindon[53] la rendra insipide et sans force. Ou tout, ou rien, en tout temps ; et dans ce moment-ci, rien, absolument rien. Vous avez affaire à des gens faibles ; ce ne serait rien encore, mais ces gens faibles sont indiscrets et vous seriez connu par eux-mêmes. Vous pouvez être assuré que ces papiers étaient cachetés et cuirassés de façon qu’il était physiquement impossible qu’on les vît, sans une volonté déterminée de les voir. Cette première infidélité[54], toute blâmable qu’elle est, est bien moins fâcheuse que l’imprudence d’en avoir donné trois morceaux au Dieu mugissant des Égyptiens[55], sur la bonne foi et la droiture duquel je ne compte pas plus que vous. Que veulent-ils qu’il fasse de ces trois morceaux ? S’il les montre avant la distribution générale, les voilà convaincus d’avoir donné leur aveu à la chose ; mais, bien loin que ce soit un avantage, c’est, au contraire, un motif puissant pour les parties lésées de chercher à se venger, et c’est en même temps un moyen de connaître, sinon juridiquement, du moins par des indications sûres, le but auquel ils peuvent diriger leurs coups. Cette réflexion me déterminerait à votre place à rester tranquille et à serrer toute votre poudre en lieu à l’épreuve de la bombe. Vous n’avez qu’à dire aux gens que la peur vous a pris et, dès qu’ils ne peuvent faire pour vous la guerre défensive, vous ne voulez pas faire l’offensive pour eux. Ce qui m’amuserait beaucoup serait que, vous tenant coi, leurs copies courussent et qu’on s’avisât d’imprimer la chose sans que vous y eussiez la moindre part. Je le voudrais pour la rareté du fait.

Voilà assez bavardé, je vous répète que mon avis est que vous renonciez à toute espèce d’hostilité et que vous vous réserviez pour des temps meilleurs. Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasserai avec un grand plaisir et votre courage le mérite bien.

J’ai reçu un portrait de Me Omer[56] dont vous aviez vu un des fragments. Le voici :

On distingue dans la cohorte noire

Un homme au teint de couleur d’écritoire

Qui pérorait anonant, anonant,

Gesticulait, dandinant, dandinant,

Et raisonnait, toujours déraisonnant.

C’était Omer, de pédante mémoire,

Qui des catins, en tout temps le héros,

Est devenu l’oracle des dévots.

Omer, fameux par maint réquisitoire

Qui, depuis peu, vient d’enterrer sa gloire

Sous un mortier pour jouir en repos

De son mérite et du respect des sots[57].

Desmarets vous dit mille choses. À propos de vers, en voici de métriques traduits de Virgile, que je vous applique en vous comparant à un chêne battu des vents ; c’est ainsi que vous vous peignez dans votre lettre et que Virgile peint Énée résistant aux instances de Didon.

Ac veluti annoso am valido cum robore quercum

Alpini Boroœ[58].

Outre les trois feuilles C du second traité de l’Avis au peuple que vous m’avez envoyées, il me manque une feuille A et une feuille B du troisième traité. Je vous prie de me les envoyer par le premier courrier, pour compléter mes 150 exemplaires.

Les personnes intéressées dans l’affaire que M. de Fourqueux vous a mis à portée de traiter avec M. le Contrôleur général voudraient savoir si vous en avez expliqué à ces MM. tous les tenants et aboutissants depuis l’origine jusqu’au moment où ils en ont entendu parler[59]. Mandez-moi, je vous prie, ce qui en est par le premier courrier.

XL. — (La Lettre du Conseiller. — Projet de réponse du Roi au Parlement. — Les pommes de terre.)

Limoges, 22 décembre.

J’envoie cette lettre par une occasion, mon cher Du Pont, bien fâché de n’avoir pas autre chose à envoyer[60] ; mais je vous l’ai mandé : il faut renoncer à se battre pour des poltrons. Je suis bien aise qu’ils aient tenu leurs chiens en laisse ; ceux-ci sont dûment avertis de ne pas se jeter, lorsqu’ils seront libres, dans le troupeau des bêtes enragées. Envoyez vos papiers chez moi et tenez-vous tranquille ; c’est tout ce que j’ai à vous conseiller.

Votre projet de réponse[61] était excellent et j’avoue que je n’aurais pas pu le faire avec autant de force en conservant autant de modération ; il y a pourtant deux choses qu’il eût fallu corriger, l’une qui concerne les personnes de l’assemblée qui n’auraient même pas pu avoir de voix consultative qu’autant que le Roi la leur eût donnée. C’est une grande question de savoir ce qui donne à chaque citoyen voix délibérative et voix consultative ; il est inutile de toucher à ces grandes questions et ici la forme suffisait ; il fallait s’y renfermer. 2° Il n’est pas vrai que les laboureurs dans les dix lieues soient obligés de porter à la Halle de Paris. Il y a plusieurs marchés répandus dans ces dix lieues où ils portent journellement leurs grains. Ce sont les boulangers et marchands auxquels il est défendu d’acheter dans ces dix lieues et ordonné de se pourvoir plus loin, ce qui est également absurde, mais d’une absurdité différente. Je voudrais aussi dans la seconde ligne ôter le mot : avec douleur, comme trop onctueux. Il s’en faut bien que je pense qu’une réponse de cette nature doive être si courte et encore moins que ce soit un défaut d’être nette.

Je serais bien curieux de savoir si c’est à l’homme principal[62] que vous avez parlé ou seulement à son beau-père[63]. Je vous ai aussi demandé si vous leur aviez expliqué les moyens qu’avait employés le Conseiller pour être moulé et recevoir ses paquets, et de quels instruments il s’est servi[64]. Répondez-moi, je vous prie, sur ces articles. Je vois qu’il n’y a rien de bon à espérer et que les lumières et les bonnes intentions, l’ignorance et la mauvaise volonté sont à peu près la même chose. Il faut pleurer sur Jérusalem et se consoler en écrivant pour ce siècle de lumière que nous ne verrons point.

Je vous enverrai le double signé de M. de La Valette[65] si je le reçois ce soir, sinon ce sera pour la poste de demain. Je vous embrasse de tout mon cœur. Desmarets vous dit mille choses.

Nous faisons ici du pain de pommes de terre, avec un tiers de farine de seigle qui est excellent et meilleur à mon goût que celui de pur seigle. Nous en faisons aussi avec du froment. Cette économie serait prodigieuse et même excessive par la diminution qui en résulterait dans la consommation des grains, vu la fécondité de cette production, soit par rapport à la semence qui rend 100 et quelquefois 200 pour un et vu le peu de terrain qu’il faut pour en produire une prodigieuse quantité. Mandez-moi, je vous prie, combien coûte la pomme de terre à Paris en marquant le poids et le volume de la mesure. Je sais qu’on en vend dans les marchés.

XLI. — (La liberté du commerce des grains. — Réponse du Roi au Parlement. — Bruits de changement de ministère. — Barbou. — Saint-Mégrin. — Morellet.)

Limoges, 29 décembre.

Savez-vous, mon cher Du Pont, que je suis inquiet de vous ? Voilà trois courriers que vous ne m’avez point écrit, trois lettres que vous laissez sans réponse, et cela dans des circonstances bien intéressantes. Rassurez-moi, je vous en prie, car je ne vous écris que pour cela. Envoyez-moi aussi la réponse du Roi[66] que je n’ai point vue. Les États du Languedoc vont redemander la liberté indéfinie et réfuter toutes les bêtises des Parlements de Rouen et de Paris.

Suivant ce qu’on me mande de Paris, il pourrait arriver des révolutions si étranges qu’on ne saurait plus où on en est, Dieu surtout[67].

J’espère pouvoir vous rejoindre dans une quinzaine de jours ; en attendant je vous embrasse.

Barbou[68] est assez malade d’une dysenterie ; il a été saigné trois fois ; on ne croit cependant pas qu’il y ait de danger. M. de Saint-Mégrin est-il en Corse ? A-t-il fini son affaire ? Desmarets vous fait mille compliments.

Vous savez le désappointement du pauvre abbé Morellet[69] et le terrible coup de corne que lui a donné le bœuf Apis ?

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[1] L’abbé Baudeau, nommé prévôt mitré en Pologne.

[2] Mme Geoffrin, née Rodet (1699-1777), dont le célèbre salon était rue Saint-Honoré.

[3] Le volume VII de l’année 1768 des Éphémérides du citoyen dont Du Pont avait pris la direction.

[4] Fermier du Soissonnais qui demandait un secours pour perte de récoltes au successeur du chevalier Méliand, l’intendant de Morfontaine.

[5] Dans une note qui précédait la traduction de l’interrogatoire subi par Franklin à la Chambre des Communes en février 1766 au sujet des impôts en Amérique.

[6] Franklin admettait l’établissement de droits à l’importation au profit de la métropole.

[7] Cette lettre renferme une flatterie au Dauphin, fils de Louis XV.

[8] Sa nomination de prévôt mitré.

[9] Le Mercier de la Rivière.

[10] Commissaire au Châtelet.

[11] À propos d’ordonnances de Charles III, roi d’Espagne.

[12] Lettres des Présidents des Parlements de Grenoble et d’Aix au Contrôleur général et Circulaire de Turgot aux officiers de police de sa généralité du 15 février 1766, ci-dessus. II, p. 469.

[13] Le Gouverneur ou Essai sur l’Éducation, par M. D. L. F. (probablement de la Fleuterie), ci-devant gouverneur de leurs A. S. les princes ducs de Sleswig-Holstein-Gottorp, in-12.

[14] Faits qui ont influé sur la cherté des grains, en France et en Angleterre, broch. 48 p. (par Abeille).

[15] Feutry (1720-1789), auteur de nombreuses poésies, la plupart imitées de l’anglais, était avocat au Parlement de Douai et non ingénieur.

[16] Saint-Mégrin, puis duc de La Vauguyon (1747-1828), ministre des Affaires étrangères en 1789, avec qui voyageait Du Pont.

[17] Aux Éphémérides.

[18] De Fargès, que persécuta l’abbé Terray.

[19] Maynon d’Invau.

[20] Pour les douanes, le Limousin était une province réputée étrangère.

[21] Au Val-Fleuri, près Meudon ; le marquis de Mirabeau y avait une maison de campagne.

[22] Quant à la situation administrative de Du Pont.

[23] Trudaine de Montigny.

[24] Avis au peuple sur son premier besoin par l’abbé Baudeau, paru d’abord dans les Éphémérides, 1768, t. 1 et s.

[25] Par Baudeau.

[26] Aux Éphémérides du citoyen.

[27] Loménie de Brienne.

[28] Lettre d’un gentilhomme des États du Languedoc à un magistrat du Parlement de RouenÉphémérides, 1768, VIII.

[29] Avis aux honnêtes gens qui veulent bien faire, par Baudeau, Éphémérides. 1768, t. X.

[30] Lettre de M. de… conseiller au Parlement de Rouen à M. de M… premier président, pamphlet rédigé à Limoges par Du Pont et imprimé par les soins de Turgot. Il fut brûlé par arrêt du Parlement de Rouen. C’était une réponse à une Lettre de la Chambre des vacations du Parlement de Normandie au Roi pour le supplier de pourvoir incessamment à l’approvisionnement de la Ville. Le pamphlet était daté du 26 octobre 1768.

[31] Au sujet du pacte de famine.

[32] De Fourqueux.

[33] De Montigny.

[34] De l’année 1768.

[35] Réponse du magistrat de Normandie au gentilhomme de Languedoc, sur le commerce des blés, des farines et du pain.

[36] De Montigny.

[37] D’Invau.

[38] Les Parlements.

[39] Contre Choiseul.

[40] Il s’occupait de météorologie.

[41] La lettre de M. de… conseiller, etc.

[42] C’est-à-dire sous le couvert de M. D’Invau.

[43] De Montigny.

[44] Érudit (1717-1803), auteur des Lettres de quelques juifs polonais… à M. de Voltaire (1769).

[45] Allusions à la Lettre du Conseiller.

[46] Les Parlementaires.

[47] Trudaine de Montigny, d’Invau et Choiseul.

[48] Allusion à Lefranc de Pompignan qui avait fait des rimes en if.

[49] Les exemplaires de la Lettre du conseiller.

[50] Il était connu de Montigny qui avait ouvert le paquet de Turgot.

[51] Le gouvernement de Choiseul.

[52] Le Parlement faisait de la popularité à propos des grains et du prétendu pacte de famine.

[53] À la Lettre du Conseiller.

[54] Par Montigny.

[55] Il est difficile de savoir à qui Turgot fait allusion.

[56] Omer Joly de Fleury, avocat général, nommé président à mortier.

[57] Ces vers sont attribués à Condorcet dans la Correspondance de Turgot et de Condorcet, p. 10, mais la lettre de cette correspondance où Condorcet cite les vers est datée du 15 avril 1770 et la lettre à Du Pont est du 20 novembre 1768. L’attribution est donc douteuse ; les vers peuvent être de Turgot.

[58] Énéide, IV, 441. La reproduction des vers métriques de Turgot serait sans intérêt.

[59] C’est-à-dire s’ils connaissaient l’intervention de Turgot dans l’impression de la Lettre du Conseiller.

[60] D’autres exemplaires de la Lettre du Conseiller.

[61] Aux Représentations du Parlement au Roi. Voir ci-dessous les fragments de Turgot sur les Parlements, n° 97.

[62] D’Invau.

[63] Fourqueux.

[64] L’intervention de Turgot.

[65] Subdélégué de Turgot.

[66] Aux Représentations du Parlement de Paris sur le commerce des grains.

[67] Allusion à un changement de ministère.

[68] Fabricant de papier à Limoges.

[69] Morellet cherchait à obtenir une place d’intendant du commerce.

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