Anthologie de Wenzel – Jour 14. Les principes diaboliques du plan de santé. Par Murray N. Rothbard

murray-rothbard-enemy-stateJour 14 de l’anthologie des 30 textes de Robert Wenzel qui vous amènera à devenir un libertarien bien informé : Murray N. Rothbard a écrit contre Hillarycare (plan de santé d’Hillary) en 1994 ; son article est également applicable à l’Obamacare (plan de santé d’Obama) de 2010.

L’Institut Coppet vous propose pour cet été, en partenariat avec Contrepoints, l’anthologie des trente textes libertariens de Robert Wenzel traduite en français. Robert Wenzel est un économiste américain éditeur du site Economic Policy Journal et connu pour son adhésion aux thèses autrichiennes en économie. Cette anthologie regroupe une trentaine de textes qui s’inscrivent quasi-exclusivement dans le courant autrichien et plus généralement dans la pensée libertarienne. Le but principal de cet ensemble bibliographique de très grande qualité est de former au raisonnement libertarien, notamment économique, toute personne qui souhaiterait en découvrir plus sur cette pensée.

Lire les autres articles de l’anthologie libertarienne de Robert Wenzel.


Résumé : La réforme de la santé d’Obama s’inspire des mêmes principes généraux qui présidaient au plan de santé Clinton en 1994. C’est l’occasion de revenir sur les fondements socialistes et collectivistes des réformes de la santé engagées par le Parti démocrate au cours des vingt dernières années.


Par Murray N. Rothbard

Traduit par Zané Purmale, Institut Coppet

Murray N. Rothbard (1926-1995) fut le doyen de l’école autrichienne, fondateur du libertarianisme moderne, et directeur académique du Mises Institute. Il fut également éditeur avec Lew Rockwell du Rothbard-Rockwell Report, et avait nommé Lew Rockwell comme son exécuteur testamentaire.

Le cliché habituel des médias à propos du plan de santé de Clinton est que Dieu, ou le Diable, en fonction de votre point de vue, « est dans les détails ». Il existe un accord surprenant entre les supporteurs et la plupart des critiques de la « réforme » de santé de Clinton. Les supporteurs affirment que les principes généraux du plan sont merveilleux mais qu’il réside quelques problèmes dans les détails, c’est-à-dire dans le coût qu’il va engendrer, dans la manière dont il sera exactement financé, et si les petites entreprises obtiendront suffisamment de subventions pour compenser les coûts élevés, et ainsi de suite jusqu’à l’infini.

Les détracteurs présumés du Plan Clinton s’empressent également d’affirmer qu’eux aussi acceptent les principes généraux mais qu’il y a trop de problèmes dans les détails. Souvent les critiques proposent leur propre plan, légèrement moins complexe que le programme de Clinton, en l’accompagnant d’affirmations telles que leur plan est moins contraignant, moins coûteux et moins socialiste que l’effort demandé par Clinton. Et comme le système de santé constitue environ un septième de la production américaine, il y a assez de détails et de variantes pour faire travailler une cohorte de fonctionnaires jusqu’à la fin de leur vie.

Mais les détails du plan de Clinton, aussi diaboliques soient-ils, ne sont que de joyeux petits démons en comparaison avec les principes généraux où Lucifer se cache réellement. En acceptant les principes, tout en luttant sur les détails, l’Opposition Loyale réussit seulement à tout céder dans la négociation, avant même que le débat sur les détails ait pu commencer. Perdus dans une multitude de détails insignifiants, les critiques conservateurs de la réforme de Clinton, en étant « responsables » et en travaillant au sein du paradigme mis en place par l’Ennemi, rendent un service vital aux Clintoniens en étouffant toute véritable opposition au Grand Bond en Avant de Clinton dans le collectivisme sanitaire.

Laissez-nous examiner quelques principes généraux méphistophéliques de la réforme de Clinton appuyée par les critiques conservateurs.

1. Accès universel garanti

Ces derniers temps, il y a eu beaucoup de discussions autour de l’« accès  universel » à tel ou tel bien ou service. De nombreux « libertariens » ou partisans du « marché libre » soutenant la « réforme » de l’éducation, par exemple, préconisent un système de chèques assurés par les impôts pour donner « l’accès » aux écoles privées. Mais il existe déjà une entité, dans n’importe quelle société libre, qui assure un « accès universel » à chaque bien ou service imaginable, et non seulement à la santé, mais aussi à l’éducation ou à la nourriture. Cette entité n’est pas un chèque ou une carte d’identité clintonienne ; elle s’appelle « dollar ». Les dollars assurent non seulement un accès universel à tous les biens et services, mais ils l’assurent à chaque détenteur de dollars, pour tous les produits, dans la mesure souhaitée. Toutes les autres créations artificielles, qu’il s’agisse du chèque, de la carte vitale, ou du coupon alimentaire, sont despotiques et contraignantes, écrasent le contribuable et sont inefficaces et égalitaires.

2. Coercitif

« L’accès universel garanti » ne peut être assuré du vol que par l’imposition, et le principe même de cette extorsion ne change pas, même en appelant ces impôts des « droits », des « primes » ou des « contributions ». Un impôt, quel que soit son nom, sent le pourri et laisse des conséquences similaires, même si seuls les « employeurs » sont obligés de payer des « primes » plus élevées.

En outre, pour que quiconque bénéficie d’un accès « garanti » à n’importe quoi, il est obligé d’y participer dans les deux sens : en recevant des « avantages » et en payant pour eux. Par conséquent, « un accès universel garanti » implique non seulement de contraindre les contribuables, mais tout le monde en tant que participants et contributeurs. Tous les pleurs et les lamentations sur les 37 millions de « non assurés » passent par-dessus le fait que la plupart de ces non assurés ont pris une décision rationnelle de ne pas « s’assurer », et qu’ils sont prêts à prendre le risque de payer les prix du marché s’ils ont éventuellement besoin de soins de santé. Mais ils ne pourront plus rester libres des « avantages » de l’assurance ; leur participation va devenir obligatoire. Nous deviendrons tous des recrues de la santé.

3. Égalitaire

Universel veut dire égalitaire. Car le terrible thème égalitaire de « l’équité » entre immédiatement en jeu. Une fois que l’État devient le patron de toute la santé dans le cadre du plan de Clinton ou celui de l’opposition officielle, alors il apparaîtra « injuste » que les riches profitent de soins médicaux meilleurs que la personne vivant dans la rue. Ce stratagème de « l’équité » est considéré comme évident et n’est jamais soumis à des critiques. Pourquoi ce système de santé à « deux vitesses » (en réalité il est à plusieurs vitesses) est-il plus « injuste » que le système à plusieurs vitesses pour l’habillement, la nourriture ou les transports ? Jusqu’alors, la plupart des gens ne considéraient pas qu’il était injuste que certaines personnes puissent se payer des dîners aux Quatre Saisons et des vacances au Vignoble de Martha, tandis que d’autres devaient se contenter d’un McDo ou de rester à la maison. Pourquoi en serait-il autrement avec les soins médicaux ?

Et pourtant, un des axes principaux du Plan de Clinton est de tous nous réduire à un statut égalitaire de santé « à une vitesse ».

4. Collectiviste

Pour assurer l’égalité à chacun et à tous, les soins médicaux seront collectivisés, sous la supervision étroite de l’Agence fédérale de santé, avec les prestations de santé et d’assurance embrigadées par le gouvernement dans les collectifs régionaux et les alliances. La pratique privée de la médecine sera chassée pour que ces collectifs et les Organisations mondiales de la santé restent la seule option pour le consommateur. Même si les supporteurs du plan de Clinton essayent d’assurer aux Américains qu’ils pourront toujours « choisir leur propre médecin », en pratique cela deviendra de plus en plus difficile.

5. Les contrôles des prix

Comme il est très bien connu que le contrôle des prix n’a jamais marché, que cela a toujours été une catastrophe, l’administration Clinton, très habile dans la ruse sémantique, a toujours farouchement nié que les contrôles des prix aient été envisagés. Mais les contrôles stricts des prix seront bien trop évidents et douloureux, même s’ils portent le masque de « plafonnement des primes », de « plafonnement des coûts » ou de « contrôle de la dépense ». Ils devront être faits car la promesse de « contrôler les coûts » permet aux Clintoniens d’avoir la scandaleuse affirmation que les impôts ne vont guère augmenter. (À part pour les employeurs, évidemment.) Un contrôle étroit des dépenses sera imposé par l’État, non seulement sur les siennes, mais surtout sur les dépenses privées.

Un des aspects les plus effrayants du plan Clinton est que n’importe quelle tentative par nous, les consommateurs, de contourner ces contrôles de prix, par exemple en payant plus que les prix imposés par le contrôle aux médecins en pratique libérale, sera criminalisée. Ainsi, le plan Clinton déclare que « le prestataire ne peut pas demander ou percevoir de la part du patient des honoraires qui sont supérieurs au barème adapté par l’alliance » et des sanctions pénales seront engagées pour les « paiements des pots de vin ou des gratifications »(à savoir « les prix du marché noir ») qui tenteront « d’influencer les prestations du service de santé ».

En plaidant pour leur plan, d’ailleurs, les Clintoniens ont transformé une insulte en injure en faisant passer un non-sens total pour un argument. Leur argument principal en faveur du plan est que les soins de santé sont « trop coûteux », et cette idée se repose sur le fait que la dépense pour les soins de santé ces dernières années a considérablement augmenté en pourcentage du PIB. Mais la hausse de la dépense n’est pas du tout la même chose que l’augmentation du coût ; si c’était le cas, je pourrais facilement avancer que, comme le pourcentage du PIB consacré aux ordinateurs a considérablement augmenté ces dernières années, les « prix des ordinateurs » sont donc excessifs, et que des contrôles stricts des prix, des plafonnements et des contrôles de dépense doivent être immédiatement imposés aux achats des ordinateurs faits par les consommateurs et les entreprises.

6. Rationnement médical

Les contrôles stricts des prix et de la dépense veulent dire, évidemment, que les soins médicaux devront être rigoureusement rationnés, surtout quand ces contrôles et ces plafonnements viennent en même temps que sont « garantis » des soins universaux et égaux. Les socialistes, en effet, ont toujours adoré rationner, puisque cela donne aux bureaucrates le pouvoir sur le peuple et que cela va dans le sens d’un égalitarisme coercitif.

Et alors cela veut dire que l’État, ses bureaucrates et ses subordonnés médicaux vont décider qui obtient quel service. Le totalitarisme médical, en dépit de nous tous, sera bel et bien vivant en Amérique.

7. Le consommateur pénible

Nous devons nous souvenir d’un point crucial à propos de l’État contre les opérations commerciales sur le marché. Les entreprises désirent toujours que les consommateurs achètent leur produit ou service. Dans le marché libre, le consommateur est le roi ou la reine, et les « fournisseurs » essaient toujours de faire des profits et gagner des clients en satisfaisant leurs désirs. Mais quand c’est l’État qui assure le service, le consommateur se transforme en une épine dans le pied, un utilisateur qui « gaspille » les minces ressources sociales. Tandis que le marché libre est un endroit calme et coopératif où tout le monde en profite et personne ne perd, lorsque le gouvernement fournit le produit ou le service, chaque consommateur est traité comme s’il utilisait une ressource uniquement au détriment de ses semblables. L’arène du « service public », et non le marché libre, est la jungle où on s’entredévore.

Alors, l’avenir du plan de santé de Clinton se profile : l’État comme rationnaire totalitaire des services de santé, distribuant à contrecœur les soins à un niveau aussi bas que possible et de manière égalitaire, et en traitant chaque « client » comme un parasite gaspilleur. Et si, à Dieu ne plaise, vous avez un sérieux problème de santé ou si vous êtes une personne âgée ou si votre traitement nécessite des ressources plus rares que ceux que l’Agence de santé juge appropriées, alors là le Grand Frère ou la Grande Sœur Rationneur de Washington va décider, dans le meilleur intérêt de la « société », évidemment, de vous donner le traitement de Kevorkian [1].

8. Le grand bond en avant

Il existe beaucoup d’autres pensées ridicules parmi les aspects presque universellement acceptés du plan de Clinton, en commençant par la perversion brutale du concept d’ « assurance » et en finissant par la vision imbécile consistant à croire qu’une énorme expansion du contrôle étatique va d’une façon ou d’une autre éliminer le besoin de remplir les formulaires de santé. Mais il suffit de souligner un point essentiel : le plan consiste en un grand bond en avant dans le collectivisme.

L’idée a été très bien exprimée, quoique avec admiration, par David Lauter dans Los Angeles Times (23 septembre). De temps en temps, a dit Lauter, « le gouvernement se prépare collectivement, prend une profonde respiration et se jette dans un avenir largement inconnu ». Le premier saut américain a été le New Deal des années 1930, bondissant dans la sécurité sociale et dans une règlementation fédérale de l’économie. Le deuxième saut a été la révolution des droits civils des années 1960. Et maintenant, écrit Lauter, « un autre Président récemment élu a proposé un plan radical » et nous entendons à nouveau « les bruits du système politique qui s’échauffe une fois de plus pour le grand saut ».

Le seul point important que M. Lauter omet : sauteur, mais dans quoi ? Volontairement ou non, sa métaphore du « saut » semble juste, car elle rappelle le Grand bond en avant de la terrible poussée de Mao vers le communisme extrême.

Le plan de santé de Clinton n’est pas une « réforme » et il ne répond pas à une « crise ». Si on se débarrasse de la fausse sémantique, on découvre un autre Grand bond en avant dans le socialisme. Tandis que la Russie et les anciens pays communistes luttent pour sortir du socialisme et de la catastrophe que sont leurs « soins de santé universellement garantis » (vérifiez leurs statistiques démographiques), Clinton et son étrange Brain Trust (cercle de compétence), composé d’anciens étudiants gauchistes vieillissants, propose de détruire notre économie, notre liberté, et ce qui a été, malgré tous les maux imposés par les précédentes interventions étatiques, le meilleur système de santé au monde.

C’est pour ces raisons que le plan de santé de Clinton doit être combattu par tous les moyens à la racine, car le mal se cache dans les principes généraux, et c’est pourquoi l’Institut Ludwig von Mises, au lieu de proposer son propre plan de santé de 500 pages, s’accroche à son plan en « quatre étapes » fondé sur les principes proposés par le membre éminent du Mises Institute Hans-Hermann Hoppe (The Free Market, avril 1993) qui consiste en un démantèlement de l’actuelle intervention étatique dans le secteur de la santé.

Suivre les articles de l’anthologie libertarienne de Robert Wenzel.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publié.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.