Archives et correspondance de Paul Leroy-Beaulieu

Peu étudiées jusqu’à ce jour, les archives de Paul Leroy-Beaulieu, conservées par la famille, permettent une compréhension plus fine des idées, des ouvrages et de l’action politique de ce penseur libéral extrêmement fécond et influent. Ce n’est pas un simple sommaire qu’on trouvera dans ce livre, mais des extraits étendus, commentés, permettant un accès facile à une masse documentaire considérable, qui promet des découvertes nombreuses et curieuses.

Le rôle de la bourgeoisie dans la production

Au milieu de l’agitation socialiste, qui devait mener à brève échéance aux désastres de la Commune, une idée surnageait, que Paul Leroy-Beaulieu analysait en 1870 : c’est que la bourgeoisie, détentrice du capital et dirigeant les principales entreprises, représente une classe inutile de spoliateurs, qui assume des fonctions que la classe ouvrière pourrait très facilement reprendre. Les faits, observe Leroy-Beaulieu dans cet article, prouvent au contraire qu’à moins de vertus d’ordre, d’économie, de gestion, que l’instruction scolaire ne donnera pas seule, les coopératives sont vouées à l’échec et échouent effectivement.

Le Japon. L’éveil d’un peuple oriental à la civilisation européenne

À la fin du XIXe siècle, le Japon, de même que la Chine, se réveille, porté par une population laborieuse et les acquis techniques, économiques et industriels de l’Occident. Tandis qu’à l’ouest on débat de la journée de 8 heures et de droits sociaux étendus, cette concurrence nouvelle prépare de grandes déconvenues, écrit Paul Leroy-Beaulieu en 1890. « Dans quelques dizaines d’années, ces deux méconnus [le Japon et la Chine], pourvus enfin de nos connaissances techniques et de nos machines, montreront aux nations européennes amollies ce que peuvent les peuples qui n’ont pas perdu la tradition du travail. »

Les devoirs et les droits des nations envers les étrangers

En 1887, Paul Leroy-Beaulieu témoigne dans son journal l’Économiste français de son désarroi et de sa désapprobation face à la tendance croissante des nations les plus riches à se barricader et à rejeter l’immigration étrangère. À part le cas des individus dangereux, comme des mendiants, des bohémiens et des saltimbanques, qu’on peut avec justice vouloir proscrire, les frontières nationales doivent être ouvertes, soutient-il, et il faut simplifier grandement la voie de la naturalisation.

Le système de la participation aux bénéfices

En 1870, Paul Leroy-Beaulieu examine le système de la participation aux bénéfices, introduit depuis plusieurs décennies par quelques industriels précurseurs, et qui est défendu depuis peu comme une véritable panacée par certains réformateurs. Après un examen des faits, il conclut au scepticisme : la participation aux bénéfices est source de méprises et de déceptions, et elle n’a des chances de fonctionner un peu correctement que dans un nombre réduit d’industries, dont les circonstances sont propices. 

L’assurance obligatoire des ouvriers contre les infirmités et la vieillesse. Deuxième article (8 décembre 1888)

En 1888, Bismarck introduit en Allemagne un système d’assurance obligatoire contre les infirmités et des pensions de retraites. Ce dernier système, surtout, est plein de désillusions et de périls futurs, alerte Paul Leroy-Beaulieu. À la place des pensions de retraites fournies par les entreprises et les sociétés de prévoyance, l’État installera un système plein de déceptions et de travers financiers. L’engrenage est tellement à redouter dans ce domaine, que pour Leroy-Beaulieu, il vaut mieux que l’État s’abstienne tout à fait, et qu’il laisse fonctionner les retraites privées. 

L’assurance obligatoire des ouvriers contre les infirmités et la vieillesse. Premier article (1er décembre 1888)

En 1888, Bismarck introduit en Allemagne un système d’assurance obligatoire contre les infirmités et des pensions de retraites. Ce dernier système, surtout, est plein de désillusions et de périls futurs, alerte Paul Leroy-Beaulieu. À la place des pensions de retraites fournies par les entreprises et les sociétés de prévoyance, l’État installera un système plein de déceptions et de travers financiers. L’engrenage est tellement à redouter dans ce domaine, que pour Leroy-Beaulieu, il vaut mieux que l’État s’abstienne tout à fait, et qu’il laisse fonctionner les retraites privées. 

Les grèves en France et l’émigration des capitaux français

La France, explique Paul Leroy-Beaulieu dans cet article de septembre 1888, présente un cadre fort peu attractif pour les grands capitaux, dont l’industrie et le commerce modernes ont besoin. Outre les impositions et les vexations des administrations centrales et locales, il faut compter avec les grèves intempestives d’ouvriers dont des politiciens habiles font tourner la tête. Le résultat est de causer l’émigration des capitaux, de déstabiliser l’économie française, et de causer la ruine tout à la fois des patrons et des ouvriers.

Le socialisme et les grèves

Un an avant qu’une insurrection ne vienne introduire le sang et la destruction dans la capitale de la France, au nom d’idéaux socialistes et communistes depuis longtemps mûris, Paul Leroy-Beaulieu alerte dans la Revue des Deux Mondes sur la crispation croissante de la société. La classe ouvrière, analyse-t-il, attisée par des meneurs, s’est désintéressée de ses conquêtes de droits et de bien-être, pour avancer plus avant dans la volonté du renversement de l’ordre social tout entier. 

Le syndicalisme – La Confédération générale du Travail – La théorie de la violence

« La Confédération générale du Travail, autrement dit la C. G. T., fut fondée en 1895, au Congrès de Limoges, par des membres de syndicats qui dédaignaient le collectivisme doctrinaire, prétendu scientifique, de Karl Marx et de son principal apôtre en France, M. Jules Guesde ; ils lui reprochaient de procéder avec beaucoup trop de lenteur, d’ajourner à une époque indéfiniment éloignée la rénovation sociale ; ils voulaient un système d’attaques beaucoup plus fréquentes, à vrai dire incessantes, contre la société capitaliste ou bourgeoise, espérant de ces assauts répétés et violents, sur le terrain des grèves, le prompt renversement de celle-ci. »

Les progrès et les dangers du socialisme d’État

Dans cet article de l’Économiste Français, publié en mars 1881, Paul Leroy-Beaulieu décrit quelques-unes des manifestations nouvelles du « socialisme d’État », qui tend ces dernières années à remplacer le socialisme utopique et révolutionnaire du milieu du siècle. Ce sont notamment le cortège dangereux de l’accroissement des dépenses, la réglementation des différents aspects de la vie, les privilèges, qui attirent son attention, et qu’il met en avant pour l’édification de ses lecteurs.

Un nouveau mode d’empiétement de l’État sur les droits de l’individu. Les discussion de l’Académie de médecine sur la thérapeutique officielle et la médecine d’État

« Que l’administration prenne des précautions contre les choses, soit : elle est dans son rôle, pourvu qu’elle y montre une certaine retenue et de la circonspection. Qu’elle réglemente les établissements insalubres, les logements insalubres, qu’elle punisse la sophistication des denrées, qu’elle interdise la vente des articles manifestement nuisibles, nous l’admettons. Mais les personnes ne sont pas des choses. La personne humaine a droit au respect et à la liberté ; qu’on agisse sur l’homme par voie de persuasion, de propagande ; qu’on se fie au temps et à la raison. C’est un outrage à la raison humaine que de prétendre que l’obligation, c’est-à-dire la force, soit le seul moyen de répandre les bonnes habitudes et les bonnes mœurs. »

Collectivisme agraire et nationalisation

Dans cette courte brochure publiée en 1897, Paul Leroy-Beaulieu répond aux critiques et aux propositions révolutionnaires des collectivistes. La propriété foncière, dit-il, est fondée sur l’occupation première, le travail et l’utilité générale. Refuser le motif de la première occupation, c’est renier le processus même de la civilisation et donner un argument à tout groupe d’hommes qui voudra conquérir une nation : car les nations mêmes ne reposent pas sur autre chose que sur le droit de première occupation. Renverser la propriété foncière, c’est aussi briser le motif du travail et appauvrir la société.

Les grands magasins universels et les petits détaillants (Partie 2)

Dans son journal L’Économiste français, Paul Leroy-Beaulieu étudie en décembre 1875 les plaintes des petits détaillants, qui souffrent de la concurrence croissante des grands magasins généralistes. Pour Leroy-Beaulieu, si les grands magasins prospèrent, c’est qu’ils rendent un meilleur service à leur clientèle, et le petit commerce doit répondre par le bon marché, par des produits plus personnels, par l’innovation, à leur invasion. Le régime fiscal entre les uns et les autres doit naturellement rester équilibré, et ne pas privilégier tels ou tels acteurs : mais à l’analyse, il ne semble pas que l’impôt soit démesurément porté par le petit commerce. Il reste aux petits détaillants les ressources de la liberté et de l’association pour résister à l’assaut de leurs ingénieux concurrents.

Les grands magasins universels et les petits détaillants (Partie 1)

Dans son journal L’Économiste français, Paul Leroy-Beaulieu étudie en décembre 1875 les plaintes des petits détaillants, qui souffrent de la concurrence croissante des grands magasins généralistes. Pour Leroy-Beaulieu, si les grands magasins prospèrent, c’est qu’ils rendent un meilleur service à leur clientèle, et le petit commerce doit répondre par le bon marché, par des produits plus personnels, par l’innovation, à leur invasion. Le régime fiscal entre les uns et les autres doit naturellement rester équilibré, et ne pas privilégier tels ou tels acteurs : mais à l’analyse, il ne semble pas que l’impôt soit démesurément porté par le petit commerce. Il reste aux petits détaillants les ressources de la liberté et de l’association pour résister à l’assaut de leurs ingénieux concurrents.

De l’utilité et de la légalité des spéculations de bourse

Au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, la spéculation financière prend des proportions inédites en France, et les scandales retentissent dans la presse et jusque dans les romans. Pour Paul Leroy-Beaulieu (1877), la spéculation est une opération commerciale qui n’est pas sans utilité économique, et qu’il ne faut pas rejeter arbitrairement. La sagesse dira que les investisseurs malhabiles doivent se méfier ; la morale condamnera certaines pratiques peu estimables, quoique licites ; et enfin la loi laissera faire, sauf à interdire de vraies fraudes.

Statistique des avortements, des viols et des infanticides

En 1878, Paul Leroy-Beaulieu commente les dernières statistiques de la justice criminelle relatives aux mœurs, c’est-à-dire particulièrement les avortements, les viols et les infanticides. Il remarque d’abord que ces crimes sont très fortement sous-évaluées, et que la France serait un fort beau pays s’il ne s’y commettait annuellement que 27 avortements ou 200 infanticides. Mais si grave que soit ces crimes, Paul Leroy-Beaulieu demande surtout au législateur de considérer leurs causes profondes. Il y a notamment, dit-il, dans la loi qui interdit la recherche de la paternité, ou dans la jurisprudence qui manque de fermeté face aux promesses de mariage non tenues, des failles qui font peser de manière injuste le poids des fautes morales sur la femme plutôt que sur l’homme.

Les mœurs financières actuelles et les réformes légales nécessaires

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la succession de scandales financiers et boursiers préoccupe les hommes d’État et les spécialistes des questions économiques et financières. Pour Leroy-Beaulieu, écrivant en 1875, la spéculation est dans l’ordre des choses et ses ravages fréquents sont hors de la portée du législateur. Il existe toutefois, dans la loi sur les sociétés par exemple, des vices ou des manquements, et des réformes sages, respectant la liberté, pourraient mettre des bornes à certaines pratiques. Mais l’essentiel est pour l’investisseur de se tenir circonspect et attentif.

Les devoirs de la Chambre nouvelle et la politique coloniale

En octobre 1885, les élections législatives font basculer la majorité politique du pays et envoient à l’Assemblée des députés qui s’engagent à ne plus poursuivre les errements récents de la politique coloniale française. Pour Paul Leroy-Beaulieu, les atermoiements du passé sont en effet à condamner, et une nouvelle voie, plus cohérente et plus ferme, est à suivre : mais le bienfondé de la colonisation de saurait être renié, dit-il. Abandonner désormais le Tonkin, Madagascar, ou nos autres possessions en Afrique, ce serait se couvrir de honte sur la scène du monde, livrer nos nationaux et nos commerçants à toutes les injures possibles, et laisser d’autres nations s’emparer des dépouilles que nous laisserions. — Ce texte, d’un colonialisme fervent, offre un contraste saisissant avec le discours de Frédéric Passy contre la colonisation au Tonkin, prononcé quelques semaines plus tard. Telles étaient les frictions du libéralisme d’alors.

Les populations agricoles de la Toscane, étude d’économie rurale

Dans une livraison de la Revue des Deux Mondes, Paul Leroy-Beaulieu analyse le caractère économique de la Toscane. Région fortement montagneuse, propice à la culture des terres, mais troublée par des miasmes dangereux, cette terre intéresse aussi bien par son mode de culture que par les mœurs rustiques de ses habitants. Elle offre à l’auteur le visage de l’authenticité rurale, que la grande industrie va transformant à marche forcée.