Intervention du 8 mai 1849 sur le vote de l’urgence

Intervention du 8 mai 1849 sur le vote de l’urgence

[Moniteur, 9 mai 1849.]

 

(M. Victor Lefranc paraît à la tribune.) 

À droite. Vous parlez pour l’urgence ? 

M. VICTOR LEFRANC. Non, je parle contre. Personne ne demande à parler pour. 

M. GUSTAVE DE BEAUMONT. Je demande la parole pour l’urgence. 

M. LE PRÉSIDENT. Vous avez la parole. 

M. GUSTAVE DE BEAUMONT. Messieurs, décidé à voter la prise en considération de l’urgence, je demande à l’Assemblée la permission de lui dire en quelques mots pourquoi ; je le ferai simplement, je me bornerai à une explication qui pourra lui paraître froide après les paroles brûlantes que vous venez d’entendre et que je ne veux pas relever ; mais elle aura au moins le mérite, que je veux lui conserver, de rester dans la question de forme, qui me paraît seule soumise, dans ce moment, à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire la question même de l’urgence. 

Messieurs, quel que soit le sort définitif de la proposition soumise aujourd’hui à l’Assemblée nationale, que cette proposition soit adoptée, ou qu’elle soit rejetée, ou qu’elle soit modifiée, je crois que tout le monde doit reconnaître, et, quoiqu’on l’ait dit déjà, je n’hésite pas à le répéter, que cette proposition est de nature à produire dans le pays, comme elle a déjà produit dans le sein de l’Assemblée nationale, une vive émotion (Rumeurs diverses), qu’il serait mauvais de prolonger au-delà de ce qui est nécessaire, et qu’il est désirable, au contraire, d’abréger autant qu’il est possible (Interruptions). Quant à moi, et ici je n’exprime pas seulement mon sentiment, mais je crois exprimer aussi celui d’un grand nombre de mes honorables collègues, quant à moi, qui suis bien résolu, si la proposition qui vous est faite pouvait porter la moindre atteinte, directe ou indirecte, à la constitution, à la rejeter, à la combattre ; quant à moi, qui, malgré que cette proposition soit, à mes yeux, très inopportune et très mal avisée, suis dans l’intention d’adopter tout ce qu’elle peut contenir de bon et de salutaire, je suis, je le déclare, décidée voter la prise en considération de l’urgence, et je le ferai, ne fût-ce que pour évoquer au plus tôt devant nous soit ce monstre pour le combattre, soit ce fantôme pour le dissiper, fantôme ou monstre qui se vantait peut-être d’être plus méchant qu’il n’est, et qui, quand on se rapprochera de lui et à mesure qu’on le regardera de plus près, pourra paraître inoffensif et innocent même. (Bruits divers. — Rires sur quelques bancs.) 

Je voterai, je le répète, la prise en considération de l’urgence, surtout par cette raison principale, qu’il est mauvais de tenir indéfiniment suspendu sur la tête du pays une cause dangereuse ou un prétexte d’agitation. (Mouvements divers.) 

A propos de l'auteur

Gustave de Beaumont est resté célèbre par sa proximité avec Alexis de Tocqueville, avec qui il voyagea aux États-Unis. Son œuvre, sur l'Irlande, les Noirs-Américains, ainsi que ses nombreux travaux académiques et politiques, le placent comme un auteur libéral sincère et généreux.

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