Gustave de Beaumont – L’Irlande politique, sociale et religieuse

Au siècle de la démocratie montante — dont Gustave de Beaumont, comme son ami Tocqueville, analyse et guide tout à la fois la marche — deux grands phénomènes frappent la vue. C’est, en Amérique, l’esclavage et le racisme, qui préparent pour les futures générations des embarras communs à toutes les tyrannies, sur une terre où l’on aurait pu vivre d’emblée libres et égaux. C’est encore, en Irlande, une aristocratie étrangère et au culte différent, qui tient la masse du peuple sous le joug, sans se mêler à elle. Aussi, après avoir consacré un roman fameux, Marie (1835), au sort des esclaves émancipés aux États-Unis, Gustave de Beaumont publia sur l’Irlande deux volumes importants, qui faisaient suite à ses études sur place, en 1835 et 1837. Contre l’aristocratie, la persécution religieuse, l’oppression d’un peuple sur un autre, dont il présente les maux avec chaleur, Beaumont fait valoir les enseignements du libéralisme, auquel il joint, selon sa personnalité, une grande portée morale et une signification profonde de justice.

Gustave de Beaumont – Marie ou l’esclavage aux États-Unis

En 1831, Beaumont et Tocqueville avaient découvert l’Amérique, et après avoir d’abord imaginé d’écrire ensemble un grand livre, ils se partagèrent cette tâche, car Beaumont avait été saisi par une question qu’il n’était plus libre d’abandonner. Au-delà même de la plaie de l’esclavage, s’était présentée à lui l’absurdité de la ségrégation raciale et l’injustice du sort des indigènes. L’homme de sentiment qui, peut-être, chez lui, dominait l’être de raison, en revint bouleversé ; son sens de la justice était pour toujours heurté, et il se dégoûta à jamais de l’Amérique. Afin de sensibiliser l’opinion publique, il se décida à écrire un roman, Marie, qui présenterait le tableau de ces injustices américaines. Si ce livre n’est pas passé à la postérité comme un chef-d’œuvre de notre langue, à côté des classiques de la littérature, il a pour le recommander d’être le premier consacré aux persécutions contre les esclaves émancipés, et l’un des plus criants manifestes en faveur de l’émancipation humaine, de même qu’un cri d’humanisme qu’on peut encore entendre aujourd’hui.

De l’influence de l’autorité dans les questions d’opinion

Le libre arbitre, la conscience, sont nos outils de savoir ; mais le sage n’est pas celui qui cherche à tout investiguer de lui-même : c’est celui qui approfondit certains sujets et s’en remet pour d’autres à des autorités qu’il juge dignes de foi. Sous cette définition, l’autorité a un rôle nécessaire dans la marche des opinions. Mais entendu comme puissance politique, l’autorité doit rester en retrait, ou manquerait son but. — Devant l’Académie des sciences morales et politiques, Gustave de Beaumont présente en 1853 les observations contenues dans un récent livre de G. Lewis, ainsi que les siennes, sur ces différentes questions.

La Russie et les États-Unis au point de vue économique

En 1854, Gustave de Beaumont a perdu la passion de l’écriture, et ses années de voyages et de complicité avec Tocqueville, qui furent pour lui fructueuses, sont désormais derrière lui. Pour la Revue des Deux Mondes, il livre toutefois un article comparant la situation de la Russie et des États-Unis. Les deux nations sont entreprenantes, conquérantes même. Leur principe d’action, toutefois, est précisément opposé : si les Américains s’accroissent, fondent des villes, défrichent des terres sous l’impulsion de la liberté et de l’initiative individuelle, tout se fait en Russie au rythme de la machine bureaucratique. Cette société figée et silencieuse n’est pas plaisante à observer, juge Beaumont, et le développement de son influence en Europe est même une source de crainte.

Discours du 24 mars 1847 sur la réforme électorale

Dans la séance du 24 mars 1847, Gustave de Beaumont intervient à la tribune pour défendre l'étude de plusieurs réformes électorales, visant particulièrement à étendre le droit de vote à une plus large fraction de la population. Pour lui, les mesures proposées sont modérées, et doivent être prises en considération. Les réformes politiques ne sont pas en elles-mêmes le but, mais un moyen d'obtenir des réformes économiques et sociales que le pays réclame et qui ne pourront être obtenues que lorsque la représentation nationale sera plus en phase avec les intérêts des diverses parties de la population. En ceci, la France suivrait l'Angleterre, où de grandes réformes sur la liberté du commerce, la poste, les impôts, ont suivi la grande réforme électorale de 1832.

De l’intervention du pouvoir dans les élections

Dans cette brochure anonyme parue en 1843, Gustave de Beaumont revient sur ce qui fut l’un de ses thèmes politiques de prédilection : la corruption électorale. Au moment où les électeurs sont appelés à voter, ou même pendant une longue période préalable, le pouvoir joue de son influence injuste et pernicieuse : qu’une petite bourgade, par exemple, retranchée dans l’opposition, veuille bien soutenir le gouvernement dans son vote, et elle peut se promettre que les travaux importants sur son canal, ses routes, ses ponts, etc., seront entrepris. Ce système vicie les institutions libres d’un peuple, et il faut lutter par les lois et les mœurs pour rétablir la justice et la moralité dans les élections.

Rapport sur l’administration de la justice civile et commerciale en Sardaigne 

Porté par la conviction que les institutions des peuples étrangers sont utiles à connaître et que d’une saine comparaison on peut fonder des améliorations satisfaisantes, Gustave de Beaumont examine dans ce rapport à l’Institut les statistiques judiciaires de la Sardaigne. La rapidité ou la lenteur de la justice, le recours à un avocat des pauvres, sont des aspects qu’il met particulièrement en valeur. En tout, il reste fidèle à son tempérament de libéral social.

État de la question d’Afrique

En 1843, Gustave de Beaumont répond à une brochure du général Bugeaud et remet en cause la politique purement militaire que celui-ci mène et entend poursuivre en Algérie. Pour Gustave de Beaumont, la colonisation de l’Algérie est une œuvre de la plus haute importance pour la France et il la soutient pleinement. Mais après la phase de la conquête, il faut désormais que la colonisation agricole et de peuplement s’accentue, et cela ne peut se faire qu’à deux conditions : 1° qu’on donne à l’Algérie des institutions qui protègent la propriété et établissent un minimum de droits et libertés ; 2° qu’à la colonisation sous l’impulsion de l’État et par les fonds de l’État, on substitue une colonisation libre et issue de l’initiative privée.

De la politique extérieure de la france au 29 octobre 1840

En 1839, lorsque les affaires d’Orient agitent l’Europe, la Chambre des députés et la presse sont unanimes pour réclamer une intervention de la France, qui puisse jouer son rôle dans les discussions, faire connaître et respecter ses intérêts, et maintenir sa réputation de grande puissance qui compte dans les affaires du monde. Quand, l’année suivante, cette unanimité s’étiole, Gustave de Beaumont, chaleureux partisan, comme Tocqueville, d’une politique étrangère active, produit une petite brochure pour critiquer cette tendance et rappeler son attachement constant pour l’influence française sur le monde, par la diplomatie et par les armes.

Rapport sur le mémoire de M. Macarel, touchant la constitution et l’état de la propriété dans l’Algérie à l’époque de la conquête des Français

Devant l’Académie des sciences morales et politiques, Gustave de Beaumont fait état de ses observations sur un récent mémoire de M. Macarel, consacré à la propriété en Algérie. Si les Français agiront en oppresseurs ou en conquérants sages et respectés, dépend avant tout des lois et mœurs qui dominent en Algérie à l’époque même où ils en ont renversé le gouvernement. De ce point de vue, il est certain que la notion de propriété privée existe dans le droit musulman, et c’est une réalité avec laquelle il faut nécessairement compter.