Oeuvres de Turgot – 060 – Les vingtièmes

60. — LES VINGTIÈMES.

Observations sur un projet d’édit remplaçant les vingtièmes par une imposition territoriale et préparé par le Contrôleur général[1].

[D. P., IV, 92.]

(Texte du projet d’édit. — Opposition des Cours. — Le vingtième d’industrie. — Répartition des vingtièmes entre provinces. — Recouvrement ; utilité des syndics perpétuels. — Observations diverses.) [2]

Préambule. — Rien ne nous a paru plus important pour le bonheur de nos peuples, que d’établir des règles certaines dans la forme de l’imposition, répartition et perception des différents droits que nous sommes obligés de lever sur eux ; et pour n’y perdre aucun moment, nous nous sommes proposés de les faire jouir successivement de ce que nous nous trouverons en état de régler à cet égard. Nous avons cru devoir commencer par ce qui concerne les vingtièmes et 2 sols pour livre du dixième, et nous avons reconnu que, quoique l’on se soit appliqué depuis longtemps à cette connaissance exacte de la valeur des biens-fonds, si essentielle pour faire une juste répartition de cette imposition, on est encore bien éloigné d’y être parvenu. Frappé des inconvénients qui en pourraient résulter, ainsi que des motifs qui pourraient engager les contribuables à se soustraire à ces recherches, mais toujours occupé du soulagement de nos peuples, nous avons cru devoir nous contenter du produit réel desdits vingtièmes et 2 sols pour livre du dixième pendant l’année 1763, et renoncer solennellement à l’espérance de le porter par la suite à une somme totale plus forte, quel que pût être le résultat des opérations que nous ordonnerons pour ladite répartition.

C’est ainsi que nos sujets, par cette espèce d’abonnement du produit desdites impositions, retireront le double avantage d’être à jamais assurés de les voir répartir dans la proportion la plus exacte, et de n’avoir aucune inquiétude sur leur augmentation, quelque événement qui puisse arriver.

Nous avons donc donné tous nos soins à cette répartition, et nous avons reconnu que le moyen le plus facile de parvenir à la rendre équitable était d’établir des règles de comparaison, et de former, en chaque élection, une subdivision qui pût en rapprocher les objets ; de faire nommer des syndics dans tous les lieux où il n’y avait point d’officiers municipaux, et un commissaire en chacune de ces divisions, afin que les contribuables pussent concourir par eux-mêmes ou par leurs représentants, à toutes les opérations nécessaires pour entrer dans nos vues, et profiter eux-mêmes des frais qui seront indispensables pour le recouvrement.

Nous avons, par là, la satisfaction de rendre aux juges ordinaires leur compétence naturelle, et de les mettre à portée de concourir à l’établissement d’une exacte répartition entre tous les contribuables de chaque communauté, qui mettra en état de l’établir ensuite entre les communautés de chaque division, de chaque élection, et enfin de toutes les élections de chaque généralité. Leur zèle pour l’exécution d’une opération si utile à nos peuples la mettra en peu de temps à sa perfection dans l’intérieur de chaque généralité ; ce qui nous procurera le moyen d’établir ensuite la même proportion dans toutes les généralités de notre Royaume ; de sorte que nous aurons la satisfaction d’avoir adouci dès à présent la situation de nos sujets, et par la justice de la répartition de cette imposition, et par la simplicité et la diminution des frais de sa perception.

Au lieu de présenter ce changement comme un simple abonnement des vingtièmes, je croirais plus convenable de l’annoncer comme une conversion des vingtièmes en une subvention territoriale d’une somme égale au montant de ce qui doit être imposé à titre de vingtièmes pour l’année 1764. Il est infiniment précieux de se procurer une imposition territoriale qui tombe directement sur les propriétaires et qui ne soit troublée par aucun privilège.

Quoique la nouvelle imposition, qui représente les vingtièmes, ne doive durer que jusqu’en 1770, rien n’empêchera de la faire servir de base : 1° à la capitation qui, ayant le même avantage de n’être pas sujette au privilège de la noblesse, n’a que le défaut d’être arbitraire, qu’on ne peut trop se hâter de lui ôter ; 2° au remplacement de toutes les impositions plus onéreuses qu’il serait si intéressant de supprimer.

Si, en 1770, une nouvelle guerre n’exige pas de nouvelles ressources, qui empêchera, au lieu de faire cesser la nouvelle imposition territoriale, de supprimer des impôts indirects pour une somme égale, de rétablir la liberté du commerce par la suppression des droits de traites, de délivrer le peuple de la vexation continuelle que lui causent les impositions domaniales, francs-fiefs, échanges, contrôle, centième denier, etc. ?

S’il vient une guerre, on mettra toutes les impositions que les circonstances forceront d’établir par forme d’addition proportionnelle à l’imposition territoriale. Ce sera une très bonne occasion de développer, dans le préambule, les vrais principes de la matière des impositions, et d’y préparer les esprits. Il y a lieu de croire que, d’ici à six ans, ces semences germeront et que les vérités, qui sont aujourd’hui peu connues, deviendront populaires. Une autre raison me paraît devoir déterminer à supprimer jusqu’au nom de vingtième ; c’est la nécessité de ne pas changer les principes de l’administration sur cette partie, de manière à avilir de plus en plus l’autorité : j’aurai occasion de développer cette idée dans l’examen du corps de l’Édit.

Il est nécessaire que le Roi se réserve, dans les cas de guerre et dans ceux des remplacements d’impositions plus onéreuses, la faculté d’ajouter à la nouvelle imposition territoriale. La manière dont la fixation du vingtième est exprimée semble écarter cette faculté. Il vaudrait donc mieux se borner à dire que le Roi veut simplement convertir les vingtièmes et les deux sols pour livre du dixième en une imposition fixée à…, ce qui suffirait pour ôter toute équivoque et rassurer les peuples contre toute augmentation sans loi nouvelle, et laisserait pourtant au Roi la faculté de mettre d’autres impositions au marc la livre de celle-là, soit en convertissant ainsi des impositions plus onéreuses et moins équitables, soit dans le cas d’une augmentation de ressources que la guerre exigerait, si elle survenait de nouveau.

Toutes les observations que feraient naître ces dispositions annoncées dans le préambule, se retrouveront dans l’examen de chacun des articles de l’édit.

Les juges ordinaires sont les bailliages ressortissant aux Parlements. Les élections et les Cours des Aides sont, si l’on veut, les juges naturels des matières d’impositions, mais ne sont point appelés juges ordinaires.

D’ailleurs, ce compliment aux tribunaux me paraît une chose à éviter dans les circonstances présentes. Quand le Gouvernement se détermine, par des vues de justice, à supprimer une juridiction extraordinaire et devenue odieuse, on peut très bien annoncer ce changement au peuple comme un bienfait ; quand il est évident que cette complaisance pour les tribunaux a été arrachée comme par force, je crois que, bien loin de leur en faire un sujet de triomphe en consacrant le langage de leurs plaintes, il faut en cédant, parce qu’on ne peut faire autrement, prendre une tournure telle, que le Roi paraisse agir d’une manière libre et indépendante, et pour le seul bien de la chose.

La conversion du vingtième en une imposition territoriale est un moyen de céder sans paraître reculer, et de rendre aux Cours des Aides tout ce qu’elles peuvent désirer, sans en avertir le public. Il n’est pas question ici d’examiner s’il est avantageux de donner à des tribunaux beaucoup d’autorité en matière d’impositions, et si le peuple y gagnera ; c’est ce que nous aurons plus d’une occasion de discuter dans la suite.

ARTICLE I. — Avons abonné et abonnons, en faveur de chacune des généralités de notre Royaume, les deux vingtièmes et les 2 sols pour livre du dixième, tant sur les fonds que sur l’industrie, à la somme à laquelle a monté le total des rôles déclarés exécutoires en l’année 1763 pour toutes les villes, villages, corps et communautés situés dans l’étendue de chacune desdites généralités, à la déduction néanmoins d’un des deux vingtièmes sur les rôles d’industrie, dont nous faisons dès à présent remise à nos peuples, en attendant que nous puissions leur procurer des soulagements plus considérables.

La clause apposée par les Cours à l’enregistrement de la Déclaration du 21 novembre 1763, a forcé l’abonnement du vingtième des fonds à une somme fixe ; et c’est certainement une très bonne opération, qu’on aurait dû faire même sans y être forcé. La suppression totale du vingtième d’industrie serait une opération aussi très bonne en elle-même, et qui me paraît également devenue nécessaire[3].

Par la clause relative au vingtième des fonds, il pourrait subsister sans autre inconvénient que d’être inégalement réparti d’une généralité à l’autre, parce que dans l’intérieur de chaque généralité, ce vingtième étant réel, lorsqu’un homme aura cessé d’être taxé pour un héritage qu’il aura vendu, l’on retrouvera l’imposition sur la cote de l’acquéreur, qui sera d’autant augmentée. Le sens judaïquement littéral de la clause pourrait être contraire à cette augmentation, mais c’en est certainement l’esprit.

Il n’en est pas de même du vingtième d’industrie. Lorsqu’un homme quitte le commerce, il n’y a aucun prétexte pour transporter son imposition sur un autre. Les nouvelles cotes, les augmentations sur les anciennes, sont exclues par la clause de l’enregistrement. Le vingtième d’industrie diminuerait donc d’année en année et s’anéantirait enfin totalement.

Je conviens que le nouvel Édit remet le vingtième d’industrie à une somme fixe qui doit être répartie sur tous les contribuables à cette imposition ; mais cette répartition aura toujours un vice irrémédiable : c’est d’être extrêmement inégale et arbitraire à mille égards. Dans la première origine de cette imposition, elle s’étendait sur tous ceux qui faisaient quelque espèce de commerce dans les villes et dans les campagnes ; et comme il est est physiquement impossible de connaître exactement le profit que chaque particulier peut faire, les contrôleurs fixèrent à l’aveugle et, par conséquent, assez modérément le taux de chaque particulier. La difficulté de vérifier chaque année ces rôles avec un petit nombre de contrôleurs, fit négliger de remplacer les cotes qui s’éteignaient par mort ou cessation de commerce, et cette imposition diminua d’année en année. À la fin, quelques directeurs s’avisèrent, dans plusieurs généralités, de fixer le montant du vingtième de l’industrie de chaque ville d’après les rôles actuels, et d’en abandonner la répartition aux marchands assemblés en présence du subdélégué ; cette méthode était contraire aux principes du vingtième, mais ces principes étaient impraticables.

Lors de l’établissement du second vingtième, le Conseil ordonna de supprimer toutes les cotes d’industrie au-dessous de trois livres de premier vingtième, et comme, dans les répartitions faites par les marchands, les principaux, pour rendre leur cote plus légère, avaient multiplié le nombre des petites cotes, la suppression de celles-ci diminua considérablement le produit des vingtièmes d’industrie. Dans la plupart des généralités, on les supprima sur l’industrie de toutes les paroisses de campagne et même de plusieurs petites villes. Il est résulté de là que, dans l’état actuel, l’imposition du vingtième d’industrie n’est point générale et ne porte que sur les marchands des villes principales ; que la fixation de chacune de ces villes a été faite par le pur hasard, et que le produit en est réduit presque à rien. Je connais des généralités où elle ne passe guère 20 000 francs, et j’entends dire que, pour la totalité du Royaume, elle ne va qu’à 900 000. Comme, suivant le nouvel Édit, elle doit être réduite à la moitié, ce sera un objet de 450 000 livres et, en vérité cela ne vaut pas la peine qu’il faudrait se donner pour mettre quelque règle dans cette imposition.

Si l’on suit la fixation actuelle des villes où elle est établie, on laissera subsister une répartition très inégale ; et comment s’y prendrait-on pour la changer ? Je n’en sais rien. Quand la chose serait possible, cette imposition serait encore mauvaise et contraire à tous les bons principes, par cela seul qu’elle porterait sur l’industrie. C’est une erreur bien grossière de s’imaginer que l’industrie soit taxée à la décharge des propriétaires de terres. Il est, au contraire, démontré que l’industrie ne subsistant que de salaires, et ces salaires ne pouvant être payés que par les propriétaires des terres, parce qu’eux seuls ont un véritable revenu, ceux-ci payent véritablement tout ce qu’on s’imagine faire payer à l’industrie. Les salaires de l’industrie sont toujours réglés par deux mesures communes, le prix de la journée de l’ouvrier et l’intérêt de l’argent. Il faut que le simple ouvrier vive ; il faut que l’entrepreneur tire l’intérêt de son argent, et que de plus il vive aussi.

Le prix de fantaisie qu’on donne à quelques gens à talent ne contredit point ce principe, non seulement parce que c’est un petit objet dans la somme de l’industrie d’une nation, mais parce que ce surhaussement de prix est toujours relatif au prix commun de la journée, combiné avec la rareté du talent de celui qu’on paye plus cher.

Cela posé, quand on taxe l’industrie, il faut, ou que l’homme industrieux exige un salaire plus fort et que, par conséquent, il fasse payer l’impôt, qu’on a voulu lui faire supporter, au propriétaire, ou bien qu’il trouve à vivre à meilleur marché. Il ne peut vivre à meilleur marché qu’en consommant moins ou en achetant moins cher sa subsistance ; il ne peut même parvenir à payer moins cher sa subsistance qu’en consommant un peu moins, sans quoi le vendeur resterait maître du prix. De façon ou d’autre, il diminue le revenu du propriétaire, qui n’est formé que par la vente des denrées que sa terre produit par le travail du cultivateur. Soit comme acheteur, soit comme vendeur, il faut que le propriétaire paye tout. Le propriétaire, il est vrai, ne paye pas directement sur ses revenus tous les salaires de l’industrie ; mais cela revient au même : le cultivateur, qui en paye une partie, soit pour son vêtement, soit pour les instruments de la culture, passe toujours, et nécessairement, cette dépense dans le compte des frais de sa culture, et toute augmentation dans les frais de culture est en diminution de revenu pour le propriétaire, qui ne peut avoir de revenu que les frais de culture payés.

Il y a de très fortes raisons de penser que l’imposition sur l’industrie retombe au double sur le propriétaire ; mais elles seraient d’une discussion trop longue, et il n’est pas nécessaire que je m’y livre en ce moment. Si le vingtième d’industrie qu’on veut conserver formait un objet important, il vaudrait beaucoup mieux en reverser le montant sur l’imposition territoriale, que de conserver une taxe dans laquelle il est impossible d’éviter l’arbitraire. Mais on pense que, vu sa modicité, le meilleur parti à prendre est de le supprimer.

J’ai une seconde observation non moins importante à faire sur cet article. L’abonnement qu’il annonce est fait généralité par généralité, c’est-à-dire que chaque généralité doit payer exactement la même somme qu’elle payait en 1763. Or, je pense que si l’imposition territoriale doit subsister quelque temps, il est essentiel de se réserver la faculté de changer la répartition de province à province : 1° parce qu’elle n’est pas moins inégale et moins incertaine que celle de paroisse à paroisse ; 2° parce qu’il y a lieu d’espérer que l’augmentation de la culture, qui doit résulter de la liberté du commerce des grains et de l’établissement d’une meilleure forme d’impositions, ranimera les provinces, qui sont aujourd’hui presque entièrement en non-valeur. Ces provinces ont aujourd’hui besoin d’être soulagées et seront, dans la suite, en état de supporter une imposition beaucoup plus forte, parce qu’elles augmenteront beaucoup plus en revenu que celles où la grande culture est maintenant établie, comme la Normandie, la Picardie, la Beauce, l’Ile de France et quelques parties de l’Orléanais et de la Champagne. Abonner le vingtième par généralité, ce serait donc perpétuer l’injustice de la répartition actuelle et en préparer une plus grande par la suite. L’abonnement ne doit être fait que pour la totalité du Royaume, et l’abonnement sur le pied actuel pour chaque province ne doit être que provisoire. Ainsi, cet abonnement particulier ne doit être présenté dans l’Édit que sous la forme d’un état de répartition entre les provinces de l’abonnement général. Le préambule indique cette vue ; les articles VII et VIII y reviennent ; mais il me semble qu’elle doit être annoncée dans l’article 1er.

II. — L’abonnement porté par l’article précédent aura lieu tant que les impositions des vingtièmes et 2 sols pour livre du dixième auront cours. Faisons défenses expresses de percevoir pour lesdites impositions une somme plus considérable que celle à laquelle le total desdits rôles, déduction faite d’un vingtième sur ceux de l’industrie, se trouvera monter pour chacune desdites généralités, à peine de concussion.

Pourquoi défendre une chose qui, par le nouveau plan de répartition, devient impossible ? À qui fait-on ces défenses ? Est-ce au receveur de tailles qui perçoit ? N’est-il pas suffisamment défendu de percevoir au delà du montant des rôles exécutoires ? Est-ce à ceux qui rendent les rôles exécutoires ? Pourquoi présumer qu’ils puissent être tentés d’une chose aussi extravagante que d’augmenter le montant d’une imposition fixée par le Roi ? A-t-on vu des intendants augmenter la taille de leur généralité ? Et le pourraient-ils, quand ils le voudraient ? Les comptes de ces impositions ne passent-ils pas à la Chambre des Comptes ? Jusqu’à présent, le vingtième était variable, et on l’augmentait suivant la proportion des revenus connus de chaque particulier. Mais c’était une suite du système de cette imposition consacré par une loi. Défendre avec cette solennité une augmentation devenue impossible par le nouveau système qu’on prend, ce serait en quelque sorte autoriser le public à faire un crime aux employés d’avoir exécuté la loi qui leur était prescrite, et donner du poids à des déclamations aussi vagues qu’injustes.

III. — Voulons que la somme à laquelle se trouvera porté l’abonnement desdits vingtièmes et 2 sols pour livre du dixième, suivant qu’il est prescrit par l’article 1er ci-dessus, serve de règle pour la répartition dans chacune des généralités de notre Royaume, tant que lesdites impositions auront lieu, ou en proportion de la diminution ou suppression qui en serait faite.

IV. — Et si, ce que nous ne pouvons prévoir, il arrivait que les nécessités urgentes de l’État exigeassent que lesdites impositions fussent de nouveau établies, le montant dudit abonnement actuel servira pour l’avenir de règle fixe et invariable.

Ces deux articles deviennent inutiles si l’on adopte l’idée de supprimer le nom de vingtième. Mais, comme on aura la base d’un impôt territorial, on fera très bien d’établir toutes les nouvelles taxes que les besoins de l’État rendront nécessaires au marc la livre de cet impôt.

V.— Ledit abonnement aura lieu à compter du 1er janvier prochain, et le montant d’icelui sera réparti entre les différentes élections de chaque généralité, sur le pied du montant des rôles déclarés exécutoires en ladite année 1763, pour toutes les villes, bourgs, villages, corps et communautés situés en chacune desdites élections.

Il paraît impossible que la répartition puisse être faite, suivant le nouveau système, avant la confection des rôles pour 1765. Et l’on croit qu’il faudra laisser encore subsister pendant cette année la mauvaise répartition des rôles de 1763, en laissant faire les rôles par les directeurs. Les réflexions sur les articles suivants pourront faire sentir l’impossibilité de changer le système actuel avant 1765, et peut-être même de les changer en une seule année.

VI. — Pour constater le montant dudit abonnement, les rôles desdits vingtièmes et 2 sols pour livre du dixième, déclarés exécutoires en ladite année 1763, pour chacune desdites villes, bourgs, villages et communautés de chaque élection, seront incessamment déposés au greffe des élections, et, en attendant, il sera donné connaissance auxdits sièges du montant total de chacun desdits rôles de 1763 ; ensemble, de la somme qui devra être supportée, par chacune des autres élections de la même généralité, dans le montant total de l’abonnement desdits vingtièmes et 2 sols pour livre du dixième.

Il est très facile de donner connaissance aux élections du montant des rôles de chaque paroisse. Les receveurs des tailles n’ont qu’à remettre au greffe la copie des assiettes sur lesquelles ils font la perception. Mais la copie des rôles est une opération qui durera plusieurs mois, et qui coûtera plus de 60 000 francs pour la totalité du Royaume. Elle paraît être assez inutile ; car, comme il n’y aura plus, par le nouvel arrangement, de contrôleurs ni de directeurs, on pourrait déposer aux élections les minutes des rôles qui sont entre les mains de ceux-ci. Elles sont à la vérité un peu barbouillées, mais ce ne serait pas un grand inconvénient.

VII. — N’entendons toutefois que la somme qui se trouvera répartie sur chaque élection, en exécution de l’article IV ci-dessus, soit invariable, comme le montant de l’abonnement de chaque généralité ; voulons, au contraire, que, si aucune desdites élections se trouvait surchargée, elle puisse être diminuée dans la suite, ainsi qu’il sera prescrit ci-après, et que le montant de ladite diminution soit réparti sur les autres élections de la même généralité qui ne se trouveraient pas avoir été imposées dans leur proportion.

VIII. — Et dans le cas où les opérations prescrites par notre présent Édit nous auraient fait connaître que l’une desdites généralités aurait été plus ou moins chargée qu’elle ne le devait être par rapport aux autres, nous nous réservons d’y pourvoir en la forme qui sera par nous déterminée, pour rétablir la juste proportion qui doit être observée entre elles.

J’ai peu de choses à dire sur ces deux articles, sinon que j’aimerais mieux un tableau de la fixation de chaque généralité, à la suite duquel on se réserverait d’y changer en connaissance cause, ainsi qu’il est dit à l’article VIII. Il est certain que la proportion de généralité à généralité ne doit pas être invariable. Les généralités sont imposées, au vingtième, d’une manière très inégale. De plus, il est certain que d’ici à très longtemps la proportion entre les différentes provinces, fût-elle fixée en connaissance de cause, ne saurait être immuable. Il n’est pas douteux que, lorsque le débit des grains et la réforme du système des impositions actuelles auront permis à l’agriculture de renaître, les provinces éloignées, qui sont à beaucoup d’égards en non-valeur, augmenteront infiniment plus en revenu que les provinces du Nord et les environs de la capitale, où les terres sont plus près de la valeur qu’elles peuvent atteindre.

IX — Au premier département qui se tiendra après l’enregistrement de notre présent Édit, en la forme qui sera prescrite ci-après, la portion desdits vingtièmes abonnés qui devra être supportée par chaque élection sur les biens-fonds, aux termes de l’article V ci-dessus, sera répartie par provision entre les villes, bourgs, villages et communautés de chaque élection, conformément aux rôles déclarés exécutoires en 1763, sauf à diminuer sur-le-champ la cote desdites villes, bourgs, villages et communautés, s’il se trouvait suffisamment justifié qu’elle fût trop forte, et à la rejeter sur celles dont la cote ne se trouverait pas assez forte.

Il semble qu’il y ait quelque contradiction entre le commencement de cet article et la fin. Car, diminuer les paroisses trop chargées, augmenter celles qui le sont moins, c’est faire une répartition, et non se conformer à celle de 1763 ; la réserve est ici destructive de la loi. Je crois cependant qu’il n’y a de contradiction que dans l’énoncé, et qu’en statuant que la répartition serait faite au premier département, conformément aux rôles de 1763, on a voulu dire simplement que la nouvelle forme qu’on veut donner au département n’aura pas lieu la première année.

X. — L’abonnement des vingtièmes de l’industrie sera pareillement réparti audit département sur les villes, villages, bourgs et communautés de chaque élection, conformément aux rôles déclarés exécutoires en 1763.

Je persiste dans ce que j’ai dit sur la nécessité de supprimer le vingtième d’industrie.

XI. — Il sera fait deux doubles de la répartition arrêtée audit département, conformément à ce qui est prescrit par les deux articles précédents, dont l’un demeurera déposé au greffe de chaque élection, et l’autre sera remis au sieur intendant commissaire départi, pour être par lui envoyé à chaque ville, bourg, village et communauté, un mandement contenant la somme qu’elle doit supporter conformément à ladite répartition.

Sera remis : je voudrais restera entre les mains du sieur intendant. C’est l’intendant qui fait la répartition au département, du moins pour la taille. Il semble que l’expression sera remis emporte une sorte d’infériorité de l’intendant vis-à-vis la totalité des personnes qui coopèrent au département.

XII. — Les rôles des vingtièmes abonnés, tant pour ce qui en doit être supporté par l’industrie que pour ce qui en doit être réparti sur les biens-fonds, seront formés par les officiers municipaux dans les villes où il y en a d’établis, et dans les autres lieux par trois syndics, qui seront choisis à cet effet par la communauté, dans une assemblée tenue en la forme ordinaire.

Si le vingtième d’industrie subsiste, les officiers municipaux n’y étant sujets que dans le cas particulier où ils feraient commerce, ne doivent pas naturellement être chargés d’en faire la répartition. Dans les villes où l’on avait fixé une somme pour le vingtième d’industrie, elle était ordinairement répartie par les marchands entre eux.

Les officiers municipaux peuvent être chargés de la répartition des impositions ; ce plan peut avoir des avantages, qui seraient encore plus grands si la constitution des corps municipaux et la forme de leur élection étaient réglées de manière qu’ils fussent toujours choisis par le public et par les gens intéressés à la bonté du choix. On peut assurer que, dans l’état actuel, c’est tout le contraire, et que, au lieu de l’esprit de république, c’est l’esprit d’oligarchie qui règne dans cette espèce d’administration. Les officiers actuels y sont presque toujours maîtres du choix de leurs successeurs, ce qui perpétue les places dans un petit cercle de personnes des mêmes familles. L’expérience a fait voir que, dans les villes où la taille est arbitraire, elle est très mal répartie par les officiers municipaux. C’est, pour remédier à cet inconvénient, que l’Édit de 1715 a autorisé les intendants à faire confectionner des rôles d’office. La Déclaration du 13 avril 1761, donnée pour satisfaire la Cour des Aides, autorise expressément cette forme, également nécessaire dans les villes pour obvier aux petites cabales, et dans les campagnes pour suppléer à l’ignorance et à l’incapacité des collecteurs. Puisque la Cour des Aides est accoutumée à cet usage pour la taille, elle ne s’opposerait certainement point à ce qu’on l’établit pour l’imposition qui remplacerait les vingtièmes, dont jusqu’à présent tous les rôles ont été faits d’office. Et il serait d’autant plus utile d’autoriser cette forme, qu’étant absolument nécessaire de réformer la répartition des impositions ordinaires, et de l’établir sur les fonds en raison des revenus, il est très important de n’avoir pas à faire deux fois le même ouvrage sur des principes différents. Les deux opérations doivent marcher de concert et, pour cela, se faire dans la même forme par la même main.

J’aurai bien des observations à faire sur les syndics ; je les réserve pour les articles suivants. Quant à présent, je me contente d’observer que les syndics, étant institués pour répartir une imposition qui ne tombe que sur les propriétaires, devraient être choisis uniquement par les propriétaires, et non par la communauté assemblée dans la forme ordinaire. Cette, forme ordinaire est une vraie fiction : un notaire se présente à la porte de l’église à la fin de l’office ; presque tous les paysans s’en vont ; parmi le peu qui reste, deux ou trois disent leur avis ; les autres ne disent mot, et le notaire tourne le plus souvent la délibération comme il veut. Dans le cas plus raisonnable où les nouveaux syndics seraient choisis par les propriétaires, il faudrait statuer si tous les propriétaires auront voix par tête, ou si leurs voix seront comptées à raison de leurs fonds. Et comme la plus grande partie des grands propriétaires ne réside point à la campagne, il faudrait de plus les autoriser à donner leur voix par procureur.

XIII. — Les dispositions de notre présent Édit auront lieu également dans notre bonne ville de Paris, dans celles de Lyon, Marseille, Nantes, et dans celles où nos Cours de Parlement ou Conseils supérieurs sont établis, sauf aux corps de ville desdits lieux à nous envoyer leurs mémoires sur la forme dans laquelle ils procéderont à ladite répartition.

Le vingtième, dans les villes dénommées au présent article, roule sur les maisons ou sur l’industrie.

Quant au vingtième des maisons, plusieurs ne manqueraient pas de les convertir en droits sur les consommations ; ce serait changer un impôt direct sur les fonds en impôt indirect et, par conséquent, faire une très mauvaise opération.

À l’égard du vingtième d’industrie, si on veut le laisser subsister, peu importe de quelle manière il sera réparti ; et peut-être, en ce cas, l’imposition sur les consommations a-t-elle de l’avantage, parce que du moins elle sauve le désordre de l’arbitraire.

XIV. — Les syndics qui auront été nommés en exécution de l’article XII ci-dessus exerceront leurs fonctions pendant trois ans, en sorte qu’il y en ait toujours deux anciens et un nouveau ; à l’effet de quoi il en sera élu un chaque année, et la durée des fonctions de ceux qui auront été nommés la première fois sera réglée par l’âge desdits syndics, en sorte que le plus âgé sera réputé l’ancien, et ainsi des deux autres dont le plus jeune sera réputé nouveau syndic.

C’est en général une bonne chose dans toute constitution d’un corps, dont les membres sont électifs, de ne pas faire changer tout le corps à la fois. Ainsi, l’on ne peut qu’applaudir aux vues que présente cet article.

XV. — Celui desdits syndics qui entrera en exercice sera chargé à l’avenir de faire le recouvrement des rôles des vingtièmes et d’en remettre le montant aux receveurs des tailles : voulons néanmoins que ceux des trois syndics nommés la première fois, qui ne devront exercer pendant une ou deux années, soient dispensés de faire ledit recouvrement.

Si l’on a voulu, par l’établissement de ces syndics, préparer les habitants des campagnes à une administration municipale, chose fort désirable, mais qui ne paraît pas être mûre à beaucoup près, et qui doit être précédée de plusieurs changements, non seulement dans les lois relatives à la finance, mais encore dans plusieurs lois civiles[4] ; si, dis-je, on s’est proposé ce but, on détruit d’une main ce qu’on élève de l’autre, lorsqu’on charge les syndics du recouvrement des deniers.

Le syndicat du vingtième, revêtu de cette fonction, serait un second fléau sur les campagnes, ajouté au premier fléau de la collecte pour les tailles, que je regarde comme aussi destructive de l’agriculture que la milice, et comme un des plus grands obstacles à la formation des communautés dans les campagnes. C’est cette malheureuse collecte qui change en bourgeois des villes franches presque tous les propriétaires de terre. Un collecteur est un des plus malheureux personnages qu’on puisse imaginer, exposé à tous les instants à se voir traîné en prison, obligé de faire continuellement des avances dont il n’est payé qu’avec lenteur et à force de poursuites pénibles et coûteuses ; il passe deux ou trois ans à courir de porte en porte et à négliger ses propres affaires ; il s’endette et se trouve ordinairement ruiné. Dans les provinces de petite culture, on évalue la collecte d’une paroisse ordinaire à une perte de 3 à 400 cents livres. Si ces 3 à 400 cents livres par paroisse étaient levées sur tout le monde, on les regarderait comme une charge très forte, mais passant successivement sur chaque famille aisée, qu’elle ruine totalement, elle est mille fois plus onéreuse. Quel est l’homme qui, pouvant éviter ce malheur en transportant son domicile dans une ville, ne prendra pas ce parti ? Voilà donc tous les capitaux qui pouvaient soutenir l’agriculture portés dans les villes ; voilà toutes les dépenses des gens aisés concentrées dans les villes : elles ne retourneront à la campagne que par les voies d’une circulation lente, et diminuées par les frais de voiture et de revente.

Quand on a chargé les asséeurs de la taille de la collecte des deniers, on a cru que les asséeurs seraient par là intéressés à asseoir l’imposition sur les contribuables les plus aisés, afin d’assurer le recouvrement. De là, il est arrivé que la facilité du payement a été le seul principe de la répartition, et que chacun a évité de mettre au jour sa richesse. On a bientôt appris à se laisser accabler de frais avant de payer sa taxe, et l’on peut assurer qu’une grande partie des désordres de la taille arbitraire tiennent à cette cause.

Les asséeurs et collecteurs sont aussi censés choisis par la paroisse ; et c’est, d’après cette fiction de droit, que non seulement on a rendu la paroisse responsable de la dissipation des deniers, mais encore qu’on a, par un règlement de 1603, autorisé le receveur des tailles à prendre quatre habitants parmi les plus hauts taxés, et à les attaquer solidairement pour remplacer le montant de la dissipation, sauf à ceux-ci à attaquer les biens du collecteur dissipateur et, en cas d’insuffisance, à se pourvoir pour obtenir un rejet sur la paroisse dont ils ne peuvent être remboursés qu’au bout de quelques années. Il serait très utile d’abroger cette loi barbare, et rien ne serait plus aisé. Il n’y aurait qu’à obliger le receveur des tailles à poursuivre en son nom les biens du collecteur dissipateur, et accorder, en cas d’insuffisance, le rejet à son profit. Il est vrai que, se trouvant obligé de faire les avances, il faudrait aussi lui accorder l’intérêt jusqu’à la rentrée du rejet ; mais cet intérêt est bien moins onéreux que la solidarité qu’on lui permet d’exercer.

De toutes les charges, les plus odieuses et les plus ruineuses sont celles qui tombent ainsi au hasard sur quelques particuliers qui n’ont aucun moyen de les prévoir, ni de s’en garantir.

Je connais une généralité[5] où les collecteurs de la taille étaient chargés des rôles du vingtième, et les receveurs s’étaient mis sur le pied d’exercer aussi cette solidarité pour la dissipation des fonds des vingtièmes, malgré l’esprit des règlements sur le vingtième et la forme du recouvrement, suivant laquelle le préposé au vingtième est un homme nommé d’office et choisi par le receveur des tailles. Les élections ne faisaient aucune difficulté de les y autoriser, et l’intendant a eu quelque peine à leur persuader que cet usage était abusif.

Quoi qu’il en soit, le prétendu choix des collecteurs est une illusion. La collecte est trop onéreuse pour que personne veuille s’en charger librement. Bien loin de choisir, on est obligé de faire un tableau suivant lequel chacun passe à son tour.

On peut assurer que le syndicat pour le vingtième ne serait pas plus librement accepté, et qu’on serait de même obligé d’y passer chacun à son tour. Ainsi, bien loin de hâter la formation des communautés, on y ajouterait un second obstacle qui se joindrait au premier pour chasser de la campagne tout homme aisé.

Il n’y a qu’un moyen de remédier à cet inconvénient, et pour le vingtième, et pour la taille, c’est de rendre la collecte assez avantageuse pour qu’un homme puisse en demeurer chargé à perpétuité, sauf les cas de révocation. Dans plusieurs généralités, on a établi des préposés pour le vingtième, auxquels on a donné un certain arrondissement. Dans les pays de taille réelle, où il y a des communautés, la communauté donne la levée des impositions au rabais. Si l’on adopte ce parti très raisonnable, il faut s’attendre que, dans les premiers temps, les taxations seront plus fortes. Ce n’est pas un grand inconvénient, car on les regagnera au centuple par l’exemption de collecte et par le retour des propriétaires riches à la campagne. Mais, quand le recouvrement sera monté, et surtout quand on en aura rendu la forme moins onéreuse aux collecteurs et aux contribuables, il y aura concurrence, et la levée se fera certainement à meilleur marché.

Les changements à faire à la forme du recouvrement demandent à être traités en particulier et d’une manière fort étendue.

Il est bien singulier que la levée des impositions royales soit une occasion de fortune pour ceux qui n’y ont aucune peine, et de ruine pour ceux qui en font véritablement tout le travail.

En déchargeant les asséeurs de l’imposition du soin de la lever et en les faisant choisir par les propriétaires, on se rapprochera un peu du but qu’on paraît avoir. Mais il sera surtout essentiel que les propriétaires choisissent un trésorier dont ils répondront, non par la voie odieuse de la solidarité, mais tous ensemble, par la voie du rejet des sommes dissipées et de l’intérêt de l’avance faite par le receveur des tailles.

Il faut l’avouer, un bon trésorier suivra mieux que qui que ce soit les changements à faire aux rôles chaque année. Toute imposition réelle tend à un cadastre, c’est-à-dire à un dénombrement de chaque espèce d’héritage avec une évaluation fixe. Lorsqu’une fois on aura atteint ce but, l’opération du rôle ne sera plus qu’une affaire de commis pour la répartition, et quant à la vérification annuelle des propriétés, personne ne pourra la faire plus exactement que le trésorier, puisqu’elle le sera par les poursuites mêmes qu’exige le recouvrement. Les asséeurs ou syndics ne peuvent être bons que pour former l’évaluation ; ainsi, leur fonction ne doit pas être perpétuelle et doit encore moins être annuelle. Il y aurait trop d’inconvénients à laisser varier tous les ans l’estimation de chaque héritage ; l’administration doit seulement être renouvelée de temps en temps et d’un seul membre à chaque fois. Plus la culture s’étendra, plus le Royaume approchera de l’état où sont actuellement les provinces de la grande culture, plus les réformations devront être rares. Or, pour une pareille opération, ce sont de véritables experts qu’il faudra faire nommer par les communautés.

L’établissement de syndics-asséeurs annuels annoncerait la perpétuité d’une répartition arbitraire sur les fonds, et je pense que ce ne serait pas un bon système.

XVI. — Lesdits officiers municipaux ou lesdits syndics répartiront dans la proportion la plus équitable la portion abonnée des vingtièmes d’industrie, sur les ouvriers, artisans, marchands et autres qui font quelque commerce ou négoce, eu égard seulement au bénéfice net de leur art, métier, commerce ou négoce ; et en cas d’insolvabilité d’aucuns desdits cotisés audit rôle, seront tenus lesdits officiers municipaux ou syndics de payer par provision le montant des cotes des insolvables, sauf le rejet qui en sera fait l’année suivante sur lesdits contribuables.

Voyez l’article XIX ci-après.

XVII. — Avant de procéder à la formation desdits rôles, lesdits officiers ou syndics prendront en communication sur leur récépissé, au greffe de l’élection, le rôle déclaré exécutoire en l’année 1763 pour leur ville, bourg, village et communauté, qui aura été déposé audit greffe en exécution de l’article VI ci-dessus, à la charge par eux de le remettre audit greffe après en avoir fait faire une copie collationnée par le juge du lieu, laquelle sera déposée, après la confection du nouveau rôle, au greffe de l’Hôtel-de-Ville, ou à celui de la justice du lieu.

Il paraît inutile de tirer du greffe de l’élection le rôle de 1763, qui n’y est pas et qui ne peut y être d’ici à plusieurs mois. Le rôle du vingtième de 1763 est dans la paroisse entre les mains du préposé de cette année, et l’on peut en faire faire une copie collationnée par qui l’on voudra. Il faut pourvoir à ce que tout cela se fasse sans frais par les juges et les greffiers.

On n’a aucun besoin du rôle de 1763 pour former celui de 1765. Ce rôle de 1763 ne peut servir de règle que pour fixer le montant de la somme totale, et la somme que doit porter chaque paroisse étant arrêtée au département, les officiers municipaux en seront suffisamment instruits. Quant à la formation du canevas du nouveau rôle, le rôle de 1764 y sera beaucoup plus propre que celui de 1763, parce qu’il sera plus conforme à la distribution actuelle des propriétés, dans laquelle il survient bien des changements d’une année à l’autre.

XVIII. — Lesdits officiers municipaux ou syndics comprendront dans ledit rôle les articles qui auraient été omis dans celui déclaré exécutoire en 1763, et augmenteront les cotes dudit rôle qui leur paraîtront susceptibles de ladite augmentation, à la charge néanmoins qu’en cas d’insolvabilité des propriétaires dont les cotes auraient été ainsi ajoutées ou augmentées, lesdits officiers municipaux ou syndics seront tenus d’en payer par provision le montant, sauf le rejet qui en sera fait sur lesdites villes, bourgs et communautés dans le rôle de l’année suivante.

On rend ici, comme dans l’article XVI, les officiers municipaux responsables de l’insolvabilité, mais il semble que ce soit pour les cotes augmentées ou ajoutées. Cependant, les mêmes raisons paraissent devoir établir la même solidarité pour les anciennes cotes. La solidarité est, en général, une suite nécessaire d’une imposition dont la somme est fixée, et dont la répartition est faite par la communauté sur chaque contribuable. Accordera-t-on des décharges à ceux qui, étant déjà imposés dans les anciens rôles, seront cependant insolvables ? Alors il faudra entamer la fixation, et l’impôt ne rendra pas la somme attendue. Il faut avouer que cette avance est une charge imposée aux officiers municipaux et syndics ; mais elle est d’usage sur la taille et les autres impositions ordinaires. D’ailleurs, ce n’est pas un objet considérable, et ils seront plus à portée que ne sont les collecteurs d’en supporter le fardeau passager.

XIX. — Lesdits officiers municipaux ou syndics ne pourront néanmoins augmenter la cote à laquelle les propriétaires de fiefs auront été portés dans le rôle déclaré exécutoire en ladite année 1763, qu’ensuite d’une délibération de notables de ladite communauté convoquée en la manière accoutumée, laquelle sera remise au commissaire élu pour les propriétaires de fiefs de l’arrondissement dont il sera parlé ci-après, pour, par lui, communiquer ladite délibération sans frais au propriétaire de fief que l’on prétendra devoir être augmenté, recevoir ses réponses, et faire sur le tout une instruction sommaire et sans frais, dont il rendra compte au département suivant, qui statuera sur l’augmentation proposée, ainsi qu’il appartiendra, sauf l’appel en notre Cour des Aides.

On ne voit pas pourquoi mettre plus d’entraves à l’augmentation de la cote des propriétaires de fiefs qu’à celle des cotes des autres citoyens ; c’est au contraire sur les propriétaires de fiefs que doit tomber la plus grande partie des augmentations, parce que c’est en leur faveur que sont faites presque toutes les omissions, toutes les fausses évaluations. On a, en général, imposé les taillables assez exactement, parce qu’on a relevé les rôles des tailles, et parce que les biens-fonds et les maisons se cachent difficilement. Mais il est très difficile d’imposer exactement les seigneurs. Dans les pays de petite culture, le revenu des seigneurs est pour la plus grande partie en rentes en grains ; et ces rentes sont très faciles à cacher, surtout dans quelques provinces, où elles sont solidaires entre tous les tenanciers d’un même tènement, et où cette solidarité ne se prescrit que par trente ans. Cette jurisprudence, il faut le dire en passant, offre encore un obstacle à vaincre pour établir une véritable administration municipale dans les campagnes ; elle met le seigneur à portée de ruiner en un instant un tenancier dont le bien ne vaut souvent pas la totalité des arrérages dus par ses cotenanciers. Il arrive de là que les paysans sont toujours dans le cas de trembler devant leur seigneur, et que malgré l’intérêt qu’ils auraient de dénoncer cette rente, ils aiment mieux payer un peu plus. Or, la voie des délibérations qu’on exige est certainement la moins propre à enhardir ceux qui auraient à déclarer qu’ils payent des rentes : la plupart n’oseront parler dans une assemblée de la communauté.

Les observations à faire sur l’établissement des commissaires élus, sur l’espèce de tribunal qu’on appelle le département, et sur l’appel qu’on établit du département à la Cour des Aides, seront placées aux articles qui suivent.

XX. — Dans la formation des rôles des vingtièmes, lesdits officiers municipaux ou lesdits syndics auront égard à la continence[6] et valeur de tous les fonds de leur territoire, et aux sommes auxquelles les vingtièmes auront été répartis sur les propriétaires desdits fonds par les rôles arrêtés en 1763 ; comme aussi aux nouvelles déclarations que les propriétaires pourront donner, auxquelles néanmoins lesdits officiers municipaux et syndics auront tel égard que de raison.

Le travail à faire pour exécuter cet article est immense ; il demande une vérification détaillée des fonds pour lesquels chacun est imposé. Or, dans la plupart des provinces, les rôles de 1763 ne présentent aucun secours pour cette vérification ; chaque cote est conçue ainsi : N… payera tant… Les rôles de taille fourniraient plus de moyens, encore n’en peut-on pas tirer grand parti. Les minutes des directeurs et les procès-verbaux de vérifications des contrôleurs pourraient être beaucoup plus utiles ; mais ces procès-verbaux n’existent que dans les paroisses qui ont été ce qu’on appelle travaillées ou vérifiées. Le vingtième n’a été réparti dans les autres que d’après les déclarations des propriétaires, qui sont en général très vagues, très peu détaillées, très incomplètes, très inexactes.

J’ajoute que, jusqu’à présent, les biens des nobles et des privilégiés ne sont point compris dans les rôles des vingtièmes de chaque paroisse, mais qu’ils sont réunis, pour chaque élection, dans un rôle particulier dont le recouvrement est fait par le receveur des tailles. Or, ce rôle ne fait pas mention des paroisses où sont situés les biens de chaque privilégié. Un intendant[7] a voulu faire décomposer, paroisse par paroisse, les rôles du vingtième noble de sa généralité ; depuis un an que ce travail est commencé et suivi par plusieurs contrôleurs, il n’a pas encore pu être achevé.

On peut bien assurer qu’aucun de ceux qu’on choisira pour syndics, qui ne seront pas d’une autre espèce que ceux qui sont ordinairement collecteurs, n’est en état de faire une pareille vérification qui, d’ailleurs, fût-elle confiée à des gens capables, demanderait beaucoup de temps, et ne pourrait jamais être faite avant le département de 1765. Je doute même qu’à l’exception des provinces où les habitants de la campagne sont plus riches et, par conséquent, plus instruits, cette opération puisse jamais être bien faite autrement que par des commissaires qui agiront de concert avec les principaux habitants de la paroisse, et qui, prenant d’eux les renseignements qu’eux seuls peuvent donner, suppléeront à l’impuissance où ils sont de suivre aucun travail avec ordre. Mais il est impossible de trouver des commissaires en nombre suffisant pour vérifier en un an toutes les paroisses. Les difficultés d’une pareille opération se développeront de plus en plus dans la discussion des articles suivants.

XXI. — Et pour mettre chaque contribuable en état de juger par lui-même de l’exactitude de la répartition faite par lesdits rôles, lesdits officiers municipaux et syndics seront tenus d’y énoncer à l’article de chaque contribuable la continence des biens-fonds pour lesquels il sera imposé, et de distinguer leur différente nature et qualité.

Énoncer la continence des biens-fonds, et distinguer leurs différentes natures et qualités, c’est faire un cadastre ; et j’ai peine à croire qu’un pareil travail puisse être fait par des syndics chargés à la fois de l’assiette et du recouvrement et, par conséquent, forcés d’être syndics tour à tour. Si l’on en juge par l’exemple des collecteurs, on peut assurer que, dans un très grand nombre de paroisses, on ne pourra en trouver qui sachent lire et écrire.

On entend apparemment, par la distinction de nature et qualité qu’on demande dans cet article, une distribution des terres de chaque espèce de culture, en terres de première, seconde et troisième qualités. C’est, en effet, le moyen le plus prompt pour en faire une évaluation approchée ; mais comme c’est encore une opération très longue, sur laquelle les syndics ou autres seront très peu aidés par les rôles actuels du vingtième, il est physiquement impossible qu’ils s’en acquittent dans le lai d’un mois, qu’on leur donne par l’article XXVIII ci-après.

XXII. — Voulons que les biens dépendants du même propriétaire situés dans les territoires des différentes communautés qui ont été imposées en 1763, au lieu du principal manoir ou du domicile du propriétaire, soient imposées le plus tôt que faire se pourra dans le rôle de chacune des communautés où ils seront assis, et que, néanmoins, jusqu’à ce, ils continuent d’être imposés au rôle de la communauté dont ils ont fait partie en 1763.

Il est impossible de parvenir à une juste répartition d’une imposition réelle sans faire imposer chaque héritage au lieu de sa situation. Dans les pays de taille personnelle, le système de cette imposition a fait établir un principe contraire, auquel cependant il a été fait quelques restrictions relativement aux exploitations de fermes qui doivent toujours être imposées dans le lieu de leur situation. Deux choses ont donné lieu à suivre, pour l’imposition du vingtième, quoique réelle, l’usage établi pour la taille personnelle :

1° Le vingtième, ou plutôt le dixième, a été d’abord établi sur les déclarations des propriétaires, dont la plupart étaient assez vagues, et ne spécifiaient point en détail chacun de leurs héritages, et le lieu de leur situation.

2° Les poursuites pour le payement de l’imposition s’adressant toujours à la personne, le collecteur aurait été fort embarrassé pour aller chercher le propriétaire domicilié dans une paroisse éloignée. Lors même qu’il s’agit de pièces de terre réunies, ou de corps de fermes, ou de domaines situés dans les paroisses voisines, comme les fruits ou les fermages sont les seuls gages de l’imposition, les saisies ne peuvent être faites que sur le fermier ou sur le métayer qui recueille les fruits ou les fermages, ce qui donne lieu à la concurrence des collecteurs des deux paroisses.

Pour éviter cet embarras, on avait mieux aimé taxer chacun pour tous ses biens dans le lieu de son domicile, ce qui était d’autant moins difficile que tous les rôles se faisaient dans le même bureau. J’ignore par quelle voie on est venu à bout de remédier à ces inconvénients dans les pays de taille réelle, où tous les biens sont imposés dans le lieu de leur situation. Le meilleur remède qu’on pût y apporter me semblerait être de rendre le fonds responsable de l’imposition, et non pas les fruits ; ce changement, dans le système de recouvrement, aurait une infinité d’avantages ; mais, pour les bien développer, et pour répondre aux objections qui se présentent, il faudrait un Mémoire exprès. Au surplus, ce nouveau plan demanderait nécessairement qu’on réformât toute la procédure sur les saisies réelles, et même les lois sur les hypothèques. Au défaut de ce changement, je ne vois rien de mieux que le plan qu’on s’est proposé par l’article XXXII, et qui consiste à charger les collecteurs du lieu du domicile, à la décharge de ceux du lieu de la situation. Mais ce plan est encore susceptible de quelques embarras. Voyez cet article.

XXIII. — Et pour faciliter la distinction desdits biens situés dans les territoires des différentes communautés et imposés dans un seul et même rôle, les propriétaires d’iceux seront tenus, dans le délai de trois mois, après la publication du présent Édit, de remettre au greffe de l’élection trois états contenant les quantité et qualité des terres qu’ils possèdent dans le territoire de chacune des communautés, aux rôles desquels ils ne sont point compris ; et l’évaluation de la somme à laquelle ils devaient y être imposés proportionnément à la cote pour laquelle la totalité desdits biens était comprise dans les rôles arrêtés en 1763.

Les déclarations qu’on exige des propriétaires pourront être fournies par quelques-uns des plus riches et des plus intelligents. Mais cette espèce de ventilation de leur cote, et cette répartition proportionnelle entre ce qu’ils possèdent dans différentes paroisses, sera très difficile pour le plus grand nombre.

XXIV. — L’un des trois états remis au greffe de l’élection, en exécution de l’article précédent, y demeurera déposé ; le second sera envoyé par notre procureur audit siège, aux officiers municipaux ou syndics des lieux où seront situés lesdits biens, pour qu’ils aient à les ajouter dans leur rôle de l’année suivante, et le troisième sera pareillement envoyé aux officiers municipaux ou syndics du lieu où lesdits biens avaient été imposés par les rôles arrêtés en 1763, pour qu’ils aient à ne les plus comprendre dans leur rôle de l’année suivante.

J’ai bien de la peine à croire que les détails dont on charge le procureur du roi de l’élection soient exactement remplis. J’ai l’expérience qu’ils ne s’acquittent point, relativement à la taille, de la plupart des fonctions que les règlements leur imposent. En général, un homme qui a acheté un office, lequel n’est ni très honorable ni fort lucratif, pour jouir de quelques privilèges, ne se charge pas volontiers d’un travail dont il peut se dispenser par simple négligence. Un homme auquel on ne peut ôter son office, et qui n’a rien à perdre ni à gagner, soit qu’il travaille, soit qu’il ne travaille pas, choisit le dernier parti. Les hommes sont ainsi faits. On ne peut trop le répéter, tout travail qui demandera de la suite et du détail ne sera jamais fait que par des gens payés ad hoc et révocables. Je connais une intendance[8] où la taille tarifée est établie, et où l’on rapporte certaines taxes d’une paroisse sur l’autre ; avec des bureaux montés, on a bien de la peine à suivre exactement ces variations, et à observer les changements qui doivent en résulter chaque année pour la fixation de chaque paroisse. Il est très probable que les procureurs du roi des élections, n’ayant aucun des secours nécessaires, ne suivront pas exactement les correspondances qu’on exige d’eux.

XXV. — Notre procureur audit siège de l’élection sera tenu de représenter au département les états qui auront été déposés au greffe en exécution de l’article XXIII ci-dessus ; et sur le vu desdits états, l’abonnement des communautés dans le rôle desquelles la totalité desdits biens était imposée, sera diminué dans la proportion de l’augmentation qui sera faite à l’abonnement des communautés où partie desdits biens sera imposée à l’avenir, conformément auxdits états.

Cette représentation au département sera bien longue. Si, au lieu d’envoyer ces états au greffe des élections, on les eût envoyés à l’intendance, ces changements eussent été marqués d’avance sur l’assiette du département ; et, en déposant une de ces assiettes au greffe de l’élection, tout ce qu’on a pu se proposer par cet article et par le précédent se trouverait rempli.

XXVI. — Faute par les propriétaires de biens situés dans le territoire de différentes communautés, d’avoir fourni les états ordonnés par l’article XXIII ci-dessus, dans le terme y porté, et jusqu’à ce qu’ils y aient satisfait, ils seront imposés dans le rôle de chacune des communautés où partie desdits biens sera située, sans pouvoir prétendre aucune diminution de leur cote dans le lieu où la totalité desdits biens aurait été imposée conformément aux rôles arrêtés en 1763.

Cet article paraît nécessaire pour obliger les propriétaires à faire les déclarations qu’on exige.

XXVII. — Voulons en outre, qu’au cas qu’il se trouve dans lesdites communautés des fonds et héritages appartenant à des forains, et cultivés par des particuliers résidant hors du lieu, lesdits officiers municipaux ou syndics soient tenus de les porter dans un chapitre séparé, à la fin dudit rôle des vingtièmes, et de faire mention à chaque article desdits fonds et héritages du nom des propriétaires, s’ils peuvent en avoir connaissance, ainsi que du nom de celui qui les cultive, et du lieu où ils demeurent.

Le cas prévu par cet article ne peut avoir lieu que pour des héritages appartenant à des fermes ou domaines situés dans une paroisse contiguë à celle où les fonds sont situés ; et, dans ce cas, il est toujours facile de connaître le propriétaire, car le cultivateur est connu, et il n’y a point de cultivateur qui ne connaisse son propriétaire, puisqu’il lui paye ou le fermage, ou une portion des fruits. Au surplus, on peut taxer un fonds sans connaître le propriétaire, le fermier ou le métayer ne pouvant le payer qu’après avoir payé l’impôt.

XXVIII. — Lesdits officiers municipaux et syndics seront tenus de former les rôles desdits vingtièmes abonnés, conformément à ce qui est porté par les articles précédents, dans le délai d’un mois, à compter du jour qu’ils auront reçu la commission du sieur intendant et commissaire départi, et de les lui renvoyer pour être par lui vérifiés et rendus exécutoires.

J’ai déjà remarqué qu’il est physiquement impossible que des rôles, où les héritages qui donnent lieu à chaque cote seront énoncés, soient faits en un mois.

Il y a une sorte de contradiction à charger les intendants de rendre les rôles exécutoires, lorsque toutes les poursuites doivent se faire de l’autorité des élections. Peu importe au reste par qui les rôles soient rendus exécutoires, puisque la vérification ne consiste qu’à constater que le montant du rôle est égal à la somme imposée sur la communauté.

XXIX. — L’original des rôles faits en exécution des articles précédents, déclaré exécutoire par ledit commissaire départi, sera déposé pendant quinze jours au greffe de l’Hôtel-de-ville, ou, s’il n’y en a pas, à celui de la justice du lieu, pour en être pris communication, sans déplacer et sans frais, par chacun des contribuables, et être, après ladite quinzaine expirée, remis au syndic qui sera chargé d’en faire le recouvrement, ainsi qu’il est porté par l’article XV ci-dessus.

XXX. — Pendant ladite quinzaine, ledit greffier de l’Hôtel-de-Ville, ou celui de la justice du lieu, sera tenu de faire une copie dudit rôle, et de la faire collationner par le juge du lieu pour rester dans son greffe, et en être pris communication, sans déplacer, toutes fois et quantes par chacun des contribuables, pour raison de quoi il ne pourra être perçu plus de cinq sols pour chaque communication pour ledit greffier.

XXXI. — Celui desdits syndics qui sera chargé de faire le recouvrement ne sera tenu de faire aucunes poursuites en son nom contre les propriétaires de fiefs qui n’auront pas acquitté, dans le terme prescrit, les cotes pour lesquelles ils seraient employés dans lesdits rôles des vingtièmes abonnés ; à la charge toutefois d’avertir le receveur des tailles dudit défaut de payement, dans la huitaine au plus tard, pour être lesdits propriétaires de fiefs poursuivis à sa requête.

Jusqu’à présent, les poursuites contre les nobles et privilégiés ont été faites par les receveurs des tailles ; et, en effet, il serait difficile d’en charger les collecteurs ordinaires, que les gentilshommes recevraient fort mal. Il est même assez ordinaire que les collecteurs aient assez de peine à faire payer les métayers de certains gentilshommes. Le remède d’obliger le receveur des tailles à faire les poursuites en son nom, pour toutes les cotes des gens trop puissants, est très bon ; et il serait fort utile d’étendre cette disposition au recouvrement des tailles. Il existe un règlement à ce sujet, mais il n’est pas exécuté.

XXXII. — Ledit syndic chargé de faire le recouvrement desdits vingtièmes sera pareillement dispensé de faire le recouvrement des cotes des étrangers ou des forains mentionnés en l’article XXVII ci-dessus, à la charge par lui d’en remettre un relevé audit receveur des tailles, huitaine après que le rôle rendu exécutoire lui aura été renvoyé, pour être un extrait dudit relevé remis par ledit receveur des tailles à chacun des officiers municipaux ou syndics chargés de faire le recouvrement des vingtièmes dans les lieux où seront domiciliés les cultivateurs compris dans ledit relevé, pour être par eux fait le recouvrement des cotes pour lesquelles ils seront employés dans le rôle de la paroisse voisine.

Les états des cotes d’héritages appartenant à des forains seraient faits avec bien plus d’exactitude par des trésoriers perpétuels, que par des syndics changeants dont très peu pourront lire et écrire. Ces espèces de virements de partie demandent de l’attention de la part des receveurs des tailles, qui doivent donner une décharge au préposé de la paroisse de la situation, du montant de ce dont le préposé du domicile doit faire le recouvrement.

Il serait naturel que, le receveur des tailles n’ayant de titre contre les préposés ou syndics qu’en vertu de l’ordonnance qui rend les rôles exécutoires, les extraits du rôle d’une paroisse que l’on envoie au préposé d’une autre fussent visés par la même personne qui aurait rendu le rôle exécutoire ; il faudrait aussi qu’il fût fait mention, au bas de l’ordonnance qui rend ce rôle exécutoire, du montant de la somme dont la totalité de l’imposition de la paroisse se trouve diminuée, et que le receveur n’a plus droit d’exiger du syndic ou du préposé. C’est une raison de plus pour charger les officiers de l’élection de rendre les rôles exécutoires.

Il se présente une observation par rapport aux cultivateurs mentionnés dans cet article et à l’article XXVII. Les cultivateurs ne doivent jamais le vingtième, et jamais ils ne peuvent être poursuivis en leur nom pour sa perception, si ce n’est comme débiteurs des propriétaires et par la voie de saisie-arrêt. À cet égard, les cultivateurs résidant dans la paroisse ne diffèrent en rien des cultivateurs résidant dans les paroisses voisines. Or, on dispense au commencement de cet article le syndic de suivre le recouvrement sur les cotes des forains mentionnés à l’article XXVII ; mais on ne s’explique pas sur les cotes de ceux dont les fonds sont cultivés hors de la paroisse. Cet arrangement suppose que les poursuites seront immédiatement dirigées contre les cultivateurs, ce qui peut être nécessaire tant que les fruits seront le seul gage de l’imposition. Mais, en ce cas, il serait nécessaire de régler la forme de ces poursuites, car il est bien à craindre que, sans cela, elles ne se fassent de la même manière que les poursuites sur la taille, auxquelles tous les préposés, receveurs, officiers des élections sont accoutumés.

J’ai vu établir des commissaires sur les fruits d’un fermier pour payement du vingtième, au lieu de faire une saisie-arrêt, et cet usage abusif est répandu dans plusieurs provinces. Il est très difficile de remédier à ces désordres dans le recouvrement, parce que les peuples y sont accoutumés et ne réclament que rarement.

Il est nécessaire de faire un nouveau règlement sur le recouvrement relatif à la forme d’une imposition réelle, ou au moins d’adopter les règlements en usage dans les pays de taille réelle, peut-être en les perfectionnant.

XXXIII. — Pour indemniser lesdits officiers municipaux et syndics des frais nécessaires pour la confection desdits rôles et pour leur recouvrement, voulons qu’il leur soit payé par le receveur des tailles, …… deniers pour livre du montant desdits rôles, lesquels voulons leur être alloués en la dépense de leur compte, en vertu du présent Edit, En rapportant la quittance desdits officiers municipaux ou desdits syndics.

XXXIV. — Il sera fait droit par nos élections et nos Cours des Aides, ainsi et en la manière qu’il sera ci-après prescrit, sur toutes les demandes en diminution de cote desdits vingtièmes abonnés qui auront pour objet de faire réformer la répartition, et de faire rejeter ladite diminution sur d’autres contribuables.

C’est une voie bien longue et bien dispendieuse que celle des demandes en comparaison des cotes, pour parvenir à une juste répartition de l’imposition. Si l’on veut faire un cadastre, on n’a pas besoin de la comparaison des cotes, puisque, le cadastre une fois fait, il suffira d’en vérifier les estimations au bout de quelques années. Si l’on croit parvenir au cadastre par la voie de comparaisons de cotes, j’ose bien assurer qu’on n’y parviendra jamais. La comparaison de cotes renferme en elle-même une injustice, en ce qu’elle oblige un homme qui ne veut pas de procès à en avoir. C’est sans doute ce motif, et l’expérience du trouble que la comparaison occasionnait, qui a engagé à l’abolir dans la plupart des provinces où elle a eu lieu autrefois.

XXXV. — Et à l’égard de toutes les supplications à fin de décharge et en modération, qui seraient formées pour raison de cas fortuits, pertes de récoltes et autres causes qui ne peuvent donner lieu à aucun rejet de la diminution accordée sur d’autres contribuables, il y sera statué par ledit commissaire départi, qui sera tenu d’envoyer tous les mois au Contrôleur-général de nos finances un état desdites diminutions, en marge duquel sera fait mention sommaire des motifs pour lesquels elles auront été accordées.

Pour exécuter cet article, il faut nécessairement que la somme imposée soit, chaque année, au-dessus de celle qui rentrera au trésor royal, et peut-être serait-il à propos de fixer cette somme. On observe, d’ailleurs, que pour une imposition qui tombe sur le cultivateur, le cultivateur ne connaît point d’année commune, et tous les accidents sont contre lui, parce qu’il n’est pas toujours assez longtemps dans une ferme pour éprouver l’effet de la compensation des bonnes et des mauvaises années ; au lieu que le propriétaire, pour compter son revenu, a égard à cette compensation : ainsi, à moins qu’il n’y ait surcharge dans l’imposition, les simples accidents qui ne tombent que sur les récoltes ne doivent point opérer de diminution en sa faveur.

Ces diminutions sont presque toujours accordées à l’aveugle et sur des procès-verbaux faits avec la plus grande négligence.

XXXVI. — Et, pour que le Contrôleur général de nos finances soit toujours à portée de veiller à ce que lesdites décharges et modérations soient accordés à ceux qui seraient dans le cas de les obtenir pour causes de gelées, grêles, incendies et autres accidents et cas fortuits, voulons que ceux qui les auraient éprouvés s’adressent à l’intendant et commissaire départi, lequel aura soin de les faire constater par un procès-verbal qu’il enverra au Contrôleur général de nos finances avec son avis, le tout sans préjudice des procès-verbaux qui doivent être faits en pareil cas par les officiers de nos élections.

Si c’est faute de confiance pour les officiers de l’élection qu’on demande d’autres procès-verbaux, on a grande raison. Mais, en ce cas, il faudrait changer à la fin de l’article cette expression : qui doivent être faits, en ces mots : que les officiers de l’élection sont dans l’usage de faire.

Les officiers prétendent avoir droit de faire exclusivement ces procès-verbaux, et ne manqueront pas de s’autoriser de cette expression doivent, pour s’opposer aux diminutions qui seraient accordées au département sur la taille, d’après d’autres procès-verbaux.

XXXVII. — Tout propriétaire de biens-fonds qui prétendra que ses possessions ont été imposées à une somme plus forte que le vingtième effectif, ou qu’il ne possède pas l’héritage pour lequel il est imposé, pourra se pourvoir en diminution ou radiation de sa cote, par devers nos élections et nos Cours des Aides, sur simple mémoire ou placet ; le tout néanmoins sans préjudice de l’exécution provisoire du rôle déclaré exécutoire.

Il est nécessaire, non seulement de permettre de se pourvoir par simple mémoire, mais encore de défendre d’admettre des demandes formées autrement. Un paysan qui voudra se plaindre viendra toujours s’adresser à son procureur ; et celui-ci dirigera toujours ses poursuites de la manière qui lui procurera le plus de profit. La faculté accordée, par la Déclaration de 1761, de se pourvoir contre les cotes des rôles d’office, par opposition et par simple mémoire, n’a point empêché les procureurs de procéder dans la forme ordinaire.

XXXVIII. — Nos élections connaîtront desdites demandes, et y statueront sans appel, toutes les fois que le montant de la cote dont il sera question, de quelque nombre d’articles dont elle soit composée, n’excédera pas la somme de dix livres pour chaque vingtième ; et lorsque ladite cote excédera ladite somme, lesdits propriétaires se pourvoiront directement en nos Cours des Aides.

Il semble, par la teneur de cet article, que la demande en comparaison soit de cote à cote, puisqu’on ne pourrait, dans l’esprit général de la loi, accorder la diminution demandée sans opérer un rejet sur d’autres cotes, comme on le dit formellement dans les articles suivants. Cependant, il s’agit ici d’une imposition réelle, et toute la question doit toujours rouler sur l’évaluation de chacun des articles de cotes qui la composent. C’est donc d’article de cote à article de cote que la comparaison doit être faite ; sans quoi, la question à juger ne pourra jamais être fixée avec précision.

Il faut avouer aussi que, s’il ne s’agit que d’une comparaison d’articles de cote à articles de cote, il ne s’en trouvera guère qui soit dans le cas d’être portée à la Cour des Aides.

Au reste, il me semble que c’est moins le montant de la cote que l’objet de la demande qui doit fixer la borne du pouvoir des élections, et que, par conséquent, il faudra demander une diminution de 10 francs au moins pour se pourvoir à la Cour des Aides. Il est vrai qu’alors chacun serait le maître, en forçant sa demande, de se pourvoir à la Cour des Aides ; mais il n’y aurait pas plus d’inconvénients que dans la disposition de l’article, puisqu’on ne peut demander une diminution de 10 fr. sans avoir au moins 10 liv. d’imposition. D’ailleurs, il y aurait un moyen d’engager à ne former que des demandes modérées, ce serait de rendre l’amende de celui qui succomberait à la Cour des Aides double de celle du réclamant qui succomberait à l’élection.

À quelques égards, il y aurait de l’avantage à ce que le plus grand nombre des affaires ne fût jugé qu’à la Cour des Aides ; car probablement le conseiller rapporteur pour les affaires de chaque élection jugera avec impartialité, et sera comme un autre intendant, seulement avec un peu moins de facilité pour se procurer les connaissances locales.

Les élections jugeront probablement avec plus de négligence et de partialité ; mais il faut avouer que la comparaison de cote, déjà fort onéreuse à ceux qui sont assignés à l’élection, le devient bien davantage s’il faut plaider à la Cour des Aides.

Peut-être faudrait-il fixer la compétence, non par la demande en décharge seulement, mais aussi par la force de la cote de celui qu’on pourra appeler à la Cour des Aides, afin qu’un homme riche n’y appelle pas un paysan.

XXXIX. — Tout propriétaire qui prétendra que ses possessions trop sont imposées, indiquera par son mémoire ou placet les possédants fonds qu’il prétendra être imposés à une somme moindre que leur vingtième effectif, et qu’il entend prendre en comparaison. Et s’il prétend n’être pas propriétaire de l’héritage pour lequel il est imposé, il en indiquera le possesseur actuel.

Si la répartition est bien faite, un homme de mauvaise humeur pourra, en vertu de cet article, prendre en comparaison qui il voudra, car il n’y aura presque personne qui ne soit imposé au-dessous de son vingtième effectif.

Dans le système qu’on prend, il ne doit plus être question de vingtième effectif, mais seulement de proportion entre la valeur des fonds sur lesquels l’imposition doit être répartie.

XL. — Ledit mémoire ou placet sera communiqué par notre procureur en nosdites élections, ou par nos procureurs généraux en nos dites Cours des aides, à ceux sur qui le rejet de la diminution demandée pourrait être prononcée, pour y être par eux répondu dans tel bref délai qui sera fixé par nosdites élections, ou par nosdites Cours des Aides, lequel ne pourra toutefois excéder celui du mois, et leur réponse sera envoyée à notredit procureur général ou à nosdits procureurs en nosdites élections.

Ces mémoires, communiqués aux parties, leur seront-ils envoyés francs de port ? S’ils ne le sont pas, voilà des avances dures à payer pour des paysans. D’ailleurs, si cette communication se fait par lettres, comment constater la remise des mémoires, comme on ne peut s’en dispenser pour que le défaut soit acquis à l’expiration du délai ? Si l’on se sert du ministère d’un huissier, voilà des frais ; et j’observe qu’en aucun cas celui qui est appelé en comparaison de cote ne peut être tenu d’aucuns frais ; car si on l’a moins imposé que son voisin, ce n’est pas sa faute, et l’on ne peut l’en punir.

XLI. — Faute par ceux, à qui ledit mémoire ou placet aura été communiqué, d’y répondre dans le délai porté par l’article précédent, il leur sera signifié, à la requête de la partie qui aura présenté ledit mémoire ou placet, pour y répondre dans un nouveau délai d’un mois, à peine d’être tenus personnellement de supporter la diminution de cote qui pourrait être accordée ; et, à la charge par eux, en tout événement, de payer les frais de ladite signification, sans pouvoir les répéter en aucun cas, ni contre les possesseurs de fonds qui auraient présenté ledit mémoire ou placet, ni contre la communauté.

Cet article paraît répondre à l’observation ci-dessus ; et, en effet, il ne sera pas nécessaire de constater la remise de la première copie du mémoire, puisque, à défaut de réponse, il en sera signifié une seconde.

Mais, si la première expédition s’est égarée, ce qui est très possible, ou a été négligée, ce qui est très possible encore de la part des habitants de la campagne, ils seront sujets à des frais.

Et il est à craindre que la première expédition ne soit pas faite, et soit, dans l’exécution de la loi, regardée comme superflue : 1° parce quelle n’obligerait à rien ; 2° parce que l’occasion de faire des frais est toujours recherchée par tous ceux qui en profitent.

XLII. — Dans le cas où lesdites parties ne répondraient pas à ladite signification, nosdites élections et Cours des Aides pourront adjuger la demande en diminution de cote, si elles la trouvent bien vérifiée, à la charge de rejeter le montant de ladite diminution sur ceux qui n’auraient pas répondu à ladite communication ; et ne pourront lesdites parties se pourvoir par opposition, ni autrement que par appel, contre les ordonnances desdites élections, et par les voies de droit autres néanmoins que celles de l’opposition, contre celles de nosdites Cour des Aides.

Il est difficile qu’une demande en comparaison de cote soit bien vérifiée, si la partie attaquée n’a pas répondu. Tout au plus, un homme pourra-t-il prouver qu’il paye plus que le vingtième effectif ; mais, outre que cela ne prouverait rien, il est possible que ceux qu’il attaque payent aussi plus que le vingtième effectif. Cela doit avoir lieu si la paroisse est trop imposée. Il est vrai que le défendant pourra s’imputer de n’avoir point comparu ; mais ceux qui connaissent l’ignorance et le peu d’attention des paysans, peuvent prévoir qu’un grand nombre négligeront de se défendre, et que ce seront les plus pauvres.

Cette condamnation par défaut est d’autant plus dure qu’on ôte, par le même article, la ressource de l’opposition. Celle de l’appel est bien dispendieuse pour des objets aussi modiques que ceux qui seront jugés par les élections. Et quant aux ordonnances de la Cour des Aides, je ne vois d’autre voie de droit que celle de la cassation. Et sur quel moyen, cette cassation pourrait-elle être demandée ?

Il s’élève ici un doute : le jugement de l’élection ou de la Cour des Aides fixera-t-il, pour les années suivantes, le taux de chaque fonds ? En ce cas, voilà un cadastre qui s’établit par degrés de la manière la plus aveugle, et la moins propre à être fondé sur une juste proportion. Si, au contraire, à la répartition suivante, les syndics peuvent toujours changer la cote suivant leur âme et conscience, voilà bien de la procédure perdue : ce sera une guerre perpétuelle.

XLIII. — Lorsque ladite demande sera instruite contradictoirement, il y sera fait droit par nosdites élections et Cours des Aides, par ordonnances interlocutoires ou définitives ; et sera même prononcé, s’il y échet, telle amende qu’il appartiendra, depuis une livre jusqu’à cent livres, applicable au profit des moins cotisés de la communauté, dans le territoire de laquelle sont situés les biens-fonds qui auront fait l’objet de ladite demande en diminution.

Les moins cotisés ne doivent pas plus que les autres profiter des amendes prononcées, puisqu’ils sont, comme les autres, imposés à proportion de leur revenu. Peut-être sont-ils moins cotisés par faveur, et, en ce cas, c’est doubler l’effet de l’injustice commise par leurs protecteurs. Il paraîtrait juste d’appliquer une partie de l’amende au profit de ceux qui ont été injustement appelés en comparaison. C’est un dédommagement bien naturel des inquiétudes qu’on leur a données mal à propos. Si l’amende est considérable, le meilleur usage qu’on en puisse

faire est de l’employer à la décharge de la communauté entière, sur le rôle de l’année suivante.

XLIV. — En cas qu’il fût estimé nécessaire de faire priser par experts quelques-uns desdits biens-fonds, il y sera procédé par un seul prud’homme à ce connaissant, nommé d’office par nosdites Cours des Aides ou par nosdites élections, lequel dressera un procès-verbal, sans qu’il puisse être pris pour le contrôle dudit acte plus de douze sols, de quelque nombre d’articles qu’il fût composé, à peine de concussion.

Ces estimations par experts, qui n’auront aucun résultat respectif et constant, coûteront en détail, et à ce qu’on imagine sans frais, tout ce que l’opération du cadastre aurait coûté pour procurer un bien réel et permanent. Ces experts seront nécessairement ment juges, et seuls juges, au lieu que l’opération du cadastre, bien faite, serait toujours contradictoire avec toute la communauté.

XLV. — N’entendons toutefois empêcher ceux qui prétendraient avoir été imposés arbitrairement et sans aucune règle, de prendre à partie les officiers municipaux ou syndics par-devant nosdites élections et Cours des Aides ; auquel cas, ils joindront à leur mémoire ou placet un état de la vraie valeur, continence et qualité de leurs possessions, et si elles sont affermées, une copie du bail ; et sera ladite prise à partie instruite et jugée par nos élections et Cours des Aides, en la même forme et manière que les demandes en diminution, sauf à nosdites Cours et juges de prononcer telle peine qu’il appartiendra contre ceux qui auraient joint à leurdit mémoire ou placet un état qui ne serait pas sincère et véritable.

Cet article n’encouragera pas à se charger des fonctions de préposé du vingtième. Une des choses, pour le dire en passant, qui ont le plus contribué à détruire en France toute administration municipale, est le peu de protection, de considération et d’autorité, accordé aux officiers municipaux. Leurs fonctions n’ont point paru désirables aux honnêtes gens. Ce sont pourtant les vrais maîtres de la maison, puisqu’ils représentent le peuple. Les gens de guerre et de justice, qui les méprisent, ne sont que des gens aux gages du peuple.

On pense qu’il faudrait se contenter de communiquer ce mémoire, mais sans admettre la prise a partie, à moins que le tribunal ne l’ordonnât dans le cas d’une prévarication manifeste.

XLVI. — Ne pourront néanmoins être formées aucunes demandes en comparaison contre les propriétaires de fiefs, que par lesdits bourgs, villages et communautés en corps, ensuite d’une délibération de notables convoqués en la manière accoutumée, et sera audit cas ladite demande en comparaison instruite et jugée en la forme et manière portées par l’article XIX ci-dessus.

Même observation qu’à l’article XIX. Ce sont précisément ces sortes de cotes où il y a le plus d’omissions, et dont il faut au contraire faciliter la vérification.

Il ne faut pas se laisser intimider à cet égard, parce que les membres des Cours sont propriétaires de fiefs. Peut-être cette considération est-elle la seule qui a dicté l’article XIX et celui-ci.

XLVII. — Les diminutions qui seront accordées par nosdites Cours des Aides ou par nos élections, ne pourront avoir lieu sur l’imposition totale de la ville, bourg, village ou communauté ; mais elles seront supportées par ceux à qui lesdites demandes en diminution auront été communiquées, ou par tous les autres contribuables du lieu, au marc la livre des cotes auxquelles ils auraient été répartis dans le rôle desdits vingtièmes sur les fonds, ainsi qu’il en sera ordonné par nosdites Cours des Aides ou par nosdites élections.

XLVIII. — Les mémoires ou placets qui seront présentés à nos Cours des Aides ou à nos élections, en exécution des articles précédents, les significations qui en seront faites, ainsi que les réponses qui pourront y être fournies, seront écrits sur papier commun, et pourront être envoyés directement par les parties, sans ministère de procureur.

XLIX. — Il sera statué par nosdites Cours des Aides sur lesdits mémoires et réponses, sommairement et par simple ordonnance, sans qu’il puisse être prononcé aucun appointement ; et les ordonnances qui seront ainsi rendues seront inscrites de suite, par le greffier de nosdites Cours des Aides, dans un registre sur papier commun, qui sera tenu à cet effet pour chacune des élections du ressort de la Cour des Aides, et par le greffier de nos élections dans un pareil registre sur papier commun ; et seront lesdits registres cotés à chaque feuillet, et paraphés par premier et dernier en notredite Cour des Aides par notre procureur général, et auxdites élections par notre procureur audit siège.

L. — Lesdites demandes en diminution qui seront de nature à être portées en nos Cours des Aides y seront jugées en la première chambre, et il y sera commis un des conseillers pour faire le rapport de toutes les demandes qui concerneront une ou plusieurs élections de son ressort, ce que nous laissons à la prudence du premier président de notredite Cour.

LI. — Les expéditions des ordonnances qui seront rendues en nos-dites élections et Cours des Aides, dans les cas ci-dessus portés, seront délivrées par les greffiers en marge du mémoire ou placet, et ne pourra être exigé par lesdits greffiers, pour ladite expédition, ni par les huissiers pour les significations qui seront par eux faites, autres et plus grands frais que ceux qui auront été réglés par le tarif qui en sera arrêté par nosdites Cours des Aides, tant pour ladite Cour que pour les élections qui y ressortissent.

Les dispositions de ces articles sont très sages, et indispensables dans le plan qu’on a pris d’établir le recours à la Cour des Aides pour chaque cote ; mais s’il y avait un cadastre, ce recours serait inutile, car il ne pourrait y avoir que des erreurs de calcul ; et la voie la plus naturelle serait de les faire réformer au département par un rejet sur l’année suivante, en faveur de celui qui aurait été lésé : le trésorier pourrait, sur la plainte de la partie, être chargé de la vérification.

LII. — Et, pour faciliter aux villes, bourgs, villages et communautés de caque élection, et aux élections d’une généralité, les moyens de parvenir entre elles à la même répartition proportionnelle que celle que les contribuables auront pu se procurer entre eux par les voies ci-dessus prescrites, voulons que, dans la suite, chacune des élections soit partagée, par un rôle qui sera arrêté en notre Conseil, sur l’avis dudit commissaire départi, en quatre arrondissements composés, autant que faire se pourra, d’un égal nombre de communautés prises de proche en proche.

La répartition de paroisse à paroisse, qui fait l’objet des articles suivants, est, de toute la partie des impositions, celle à laquelle il est le moins pressant de donner une nouvelle forme. Celle qui a lieu pour la taille parait entièrement arbitraire et l’est, en effet, puisque l’intendant en décide seul au département. Mais cet arbitraire n’a presque point d’inconvénients. S’imaginer que l’intendant augmente ou diminue au hasard les paroisses pour favoriser ou pour punir les habitants, c’est connaître bien peu les hommes. Aucun homme chargé de l’administration d’une province ne voudra se déshonorer publiquement sans intérêt. Le département se fait en présence des officiers du bureau des finances, de ceux de l’élection, des receveurs des tailles, et tout intendant qui ferait un changement considérable à la répartition, sans motif, serait décrié dans toute la province ; d’un autre côté, quel intérêt pourrait-il avoir pour exposer ainsi sa réputation ? Tout ce qu’il peut faire, c’est d’accorder une cinquantaine de francs à quelques paroisses qui se plaignent de surcharge. Ces diminutions retombent sur la province entière, et ne font jamais pour aucune paroisse un objet remarquable. Le projet de répartition est toujours fait avant le département. Ce projet se fait, ou dans les bureaux de l’intendant, ou dans ceux des receveurs des tailles de l’élection. On prend toujours pour base la répartition de l’année précédente, en ayant égard aux diminutions d’usage pour raison des grêles et autres accidents. On a aussi égard aux diminutions accordées les années précédentes, et qu’on fait rentrer en augmentation lorsque le temps, pour lequel la diminution a été accordée, se trouve expiré. On forme ainsi une répartition de toute la somme à imposer, qu’on force d’une centaine de pistoles, plus ou moins. Cette somme en plus est destinée à être absorbée par les diminutions qu’il devient nécessaire d’accorder pour les accidents dont on n’a été instruit qu’à la veille du département, et pour avoir égard aux observations fondées que les receveurs des tailles ou les officiers des élections peuvent faire sur la surcharge de quelques paroisses. Ce forcement est ce qu’on appelle le gras, et l’on peut bien assurer que tout ce que fait l’intendant au département est de répartir ce gras le plus équitablement qu’il peut. Mais je suppose qu’il n’y mettre pas toute l’équité convenable, quel mal en résultera-t-il ? Que quelques paroisses auront été soulagées mal à propos de 50 liv, ou de 100 livres, et que les autres paroisses de l’élection se trouveront surchargées toutes ensemble d’une centaine de pistoles. Or, il est évident que cette surcharge partagée ne sera sensible à aucune d’elles.

Il est arrivé une fois dans l’intendance de Limoges que M. d’Orsay[9], qui avait ses terres dans la Généralité, après avoir disposé sur le gras qu’on lui avait laissé de tout ce qu’avaient exigé les représentations qui lui avaient été faites au département, s’avisa de donner 800 francs, qui lui restaient à répartir, en diminution aux paroisses dont il était seigneur. C’était un peu plus de 100 livres pour chacune ; c’était 800 livres de plus sur toute l’élection. Sur cela, les élus refusèrent de signer le département, et M. d’Orsay essuya les plus grands désagréments. Il n’y a peut-être pas d’exemple d’un plus grand abus de l’arbitraire dans l’opération du département ; le mal qui eût résulté de cet abus eût été très léger, et l’Intendant en fut puni par un déshonneur public. Il ne faut donc pas se faire une terreur panique de cet arbitraire.

Ce n’est pas que je veuille dire que l’opération du département soit bien faite ; mais les défauts de cette opération ne viennent pas de ce que les intendants y ont trop d’autorité ; ils viennent de ce qu’on manque de moyens pour connaître la force des paroisses.

Les premières répartitions ont été faites anciennement ; on ignore sur quels principes, mais probablement d’une manière fort arbitraire et un peu à l’aveugle. On a toujours pris pour base, d’année en année, les répartitions précédentes, en observant de diminuer chaque année les paroisses affligées de quelque fléau passager ou qu’on croyait surchargées. Les diminutions qu’on accorde pour des accidents sont passagères ; mais celles dont le motif est la surcharge de la paroisse demeurent, et c’est un changement dans la répartition qui se perpétue, parce qu’il a été généralement trouvé juste. La balance des paroisses entre elles varie ainsi, d’année en année, par des changements peu sensibles, et l’on arriverait à la longue par cette voie à une juste répartition, si le cadastre donnait la continence exacte, si les commissaires étaient plus exercés à connaître le produit net des différentes cultures, si la publicité de leurs opérations rendait possible toutes les réclamations fondées.

Estimer les terres est une science dont il n’y a pas plus de huit ans que les premiers principes sont posés. On ignorait jusqu’alors que, pour connaître le revenu, il fallait défalquer de la valeur totale du produit tous les frais de culture et l’intérêt des avances du cultivateur. L’instruction pour les vingtièmes n’indiquait de retrancher que les frais de récolte. Le contribuable se sauvait par les fausses déclarations. L’ignorance, d’une part, et la mauvaise foi, de l’autre, entretenaient les ténèbres, surtout dans les pays de petite culture. Dans ceux de grande culture, on a toujours été plus éclairé, puisqu’il a fallu que les conditions des baux y fussent débattues entre les propriétaires et les fermiers, qui n’arrivaient eux-mêmes au résultat que par une foule de tâtonnements. Cependant, en prenant quelques précautions répressives des contre-lettres, on peut, lorsqu’il y a des baux, les regarder comme un bon élément pour la connaissance du produit net.

Mais, par la suite, la science de l’estimation des biens-fonds, si nécessaire au gouvernement et aux citoyens, fera des progrès ; et l’on peut espérer qu’un jour on arrivera au point de répartir les impositions avec une équité si claire qu’elle sera reconnue de tout le monde, et que les grandes erreurs, ainsi que les grands abus, deviendront impossibles.

LIII. — Les propriétaires de fiefs de chacun desdits quatre arrondissements, ou leurs fondés de procuration, s’assembleront au chef-lieu de l’élection, au jour qui sera indiqué par le commissaire départi, pour, en sa présence ou de celui qui serait par lui commis à cet effet, élire un desdits propriétaires de fiefs, à l’effet d’assister au département desdits vingtièmes et deux sols pour livre du dixième, d’y représenter les intérêts des propriétaires de fiefs qui auraient à se plaindre de la cote à laquelle ils auraient été répartis, et d’y donner son avis sur la répartition desdites impositions entre lesdites villes et communautés de son arrondissement ; voulons qu’il soit statué sur le tout par ledit commissaire départi, avec les officiers de l’élection et les quatre commissaires élus par les propriétaires des fiefs desdits quatre arrondissements.

Tout cet article, relativement à une imposition réelle, qui ne comporte pas de privilèges, et où la dignité du propriétaire de fief n’entre pour rien, résulte du même esprit qui a dicté les articles XIX et XLVI.

Mais il y a beaucoup d’inconvénients à rappeler l’esprit de privilège et de distinction dans la répartition d’un impôt sur lequel ils ne se sont jamais étendus, et d’y mettre l’injustice à la garde de la vanité, du crédit et de la puissance.

Tel propriétaire de fief qui n’oserait réclamer à raison de son intérêt, qu’il verrait bien n’être pas lésé, réclamera sous prétexte de point d’honneur contre la plus légère augmentation de sa cote, même évidemment trop faible.

LIV. — Lesdits commissaires élus exerceront leurs fonctions pendant quatre années, en sorte néanmoins qu’il y en ait toujours trois anciens et un nouveau, à l’effet de quoi il en sera élu un chaque année. Voulons que desdits quatre qui seront élus dans la première année, il y en ait un qui n’exerce lesdites fonctions que pendant une année, l’autre pendant deux ans, le troisième pendant trois ans, et le quatrième seulement pendant quatre années ; et sera la durée de leur exercice réglée entre eux, suivant leur âge, en sorte que le plus âgé sera réputé ancien, et le plus jeune nouveau commissaire.

LV. — Le commissaire pour les propriétaires de fiefs, qui devra être élu chaque année à l’avenir pour chacun des arrondissements qui auront été formés dans les élections de notre Royaume, sera choisi par les trois commissaires restants, et par celui qui se trouvera dans le cas d’être remplacé, et ladite élection sera faite dans une assemblée particulière, qui sera tenue en présence dudit commissaire départi ou de telle personne qu’il aura jugé à propos de commettre à cet effet, et du président de l’élection ; et ne pourra ledit choix être fait que dans le nombre des possédants fiefs dans l’arrondissement de celui qui devra être remplacé.

LVI. — Lesdits quatre commissaires élus par les propriétaires de fiefs auront entrée et voie délibérative au siège de l’élection, et ils y prendront séance immédiatement après le président et avant tous les autres officiers.

LVII. — Chacune desdites villes, bourgs, villages et communautés qui croira avoir été trop imposée dans la répartition desdites impositions abonnés, par proportion aux autres communautés du même arrondissement, pourra envoyer tous les ans au département l’un de ses officiers municipaux ou syndics, à l’effet d’y présenter un mémoire d’observations, sur lequel il sera statué audit département ainsi qu’il appartiendra, sauf l’appel en notre Cour des Aides.

Cet article est très raisonnable, et peut aider à perfectionner la répartition entre les communes.

LVIII. — Chaque commissaire élu par les propriétaires de fiefs, qui croira que les communautés de son arrondissement sont trop imposées dans la répartition desdites impositions abonnées, par proportion aux autres arrondissements de la même élection, pourra pareillement faire audit département telles observations qu’il jugera nécessaires, même remettre un mémoire, sur lequel il sera statué audit département, sauf l’appel en notre Cour des Aides.

Si les articles XIX, XLVI, LIII, LIV, LV et LVI étaient conservés, celui-ci en deviendrait une conséquence naturelle et très raisonnable. Mais je persiste à croire que, pour la répartition d’une imposition réelle et non sujette à privilèges, il est très dangereux d’instituer une corporation des propriétaires de fiefs.

LIX. — Lorsque les officiers municipaux de l’élection et les commissaires élus par les propriétaires de fiefs croiront que la totalité de l’élection se trouve trop surchargée dans la répartition desdits vingtièmes abonnés, par comparaison à une autre élection de la même généralité, ils exposeront dans un mémoire les motifs de la diminution qu’ils croiront juste d’accorder à leur élection, pour le montant en être rejeté sur l’élection qu’ils auront prise en comparaison ; et ledit mémoire sera par eux envoyé au procureur général de notre Cour des Aides, et par lui communiqué aux officiers de l’élection qui aura été prise en comparaison, pour, sur leur réponse, y être statué par notredite Cour des Aides, ainsi qu’il appartiendra.

LX. — Le département, pour la répartition des vingtièmes et deux sols pour livre abonnés, se tiendra à l’avenir, chaque année, au chef-lieu de chaque élection, au jour qui sera indiqué par ledit commissaire départi, sans qu’il puisse le convoquer ailleurs.

LXI. — Ledit commissaire départi continuera de siéger audit département, qui sera composé des officiers de l’élection, des quatre commissaires qui auront été élus par les propriétaires de fiefs, ainsi qu’il est porté par l’article LIII ci-dessus, et du subdélégué dudit intendant et commissaire départi dans ladite élection.

Cet article est énoncé de manière à n’accorder qu’une simple séance de pure forme au commissaire départi, et à concéder la véritable autorité aux commissaires des propriétaires de fiefs et aux officiers de l’élection, que les possesseurs de fiefs se seraient très promptement subordonnés.

Si une telle institution avait lieu, l’autorité du gouvernement serait bientôt affaiblie au point d’être presque perdue, et l’on retomberait dans une sorte de constitution féodale où le peuple serait nul et asservi, la noblesse constituée en république ayant les Parlements et les Cours des Aides pour conseils généraux, les provinces divisées, l’État sans liaison, le Roi sans pouvoir.

Mais la grande puissance que prendraient les propriétaires de fiefs porterait certainement les intendants à des réclamations qui toucheraient le Conseil et le ministère, et qui engageraient le Roi dans des contestations très fâcheuses avec la noblesse : on ne pourrait les terminer qu’en rendant l’autorité beaucoup plus dure. Il vaut bien mieux ne l’affaiblir, ni l’étendre.

LXII. — Le receveur des tailles de chaque élection continuera d’assister audit département, pour y donner les renseignements qui lui seront demandés.

LXIII. — N’entendons qu’il soit rien innové à l’imposition et recouvrement des vingtièmes et deux sols pour livre du dixième des offices et droits, lesquels continueront à être faits comme par le passé ; et seront au surplus exécutées les dispositions de notre Édit du mois de mai 1749, et de notre Déclaration du 21 novembre dernier, en tout ce qui ne sera pas contraire au présent Édit, sans que ledit abonnement puisse désormais être augmenté, ni qu’il y puisse être rien ajouté pour quelque cause et quelque occasion et sous quelque prétexte que ce puisse être.

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[1] Le projet d’édit est en petit texte ; les observations de Turgot en texte ordinaire.

[2] Le vingtième était un impôt sur le revenu, à raison de la vingtième partie du revenu général des terres, des capitaux et de l’industrie ; mais le fisc ne connaissait pas l’importance des revenus et n’avait pas de moyens rationnels pour la découvrir.

Le vingtième, tout à la fois contribution foncière et mobilière, était un impôt de quotité.

Sous le rapport territorial, il constituait un accroissement de la taille ; sous le rapport mobilier, un accroissement de la capitation.

Cet impôt, qui avait remplacé le dixième, dont néanmoins les 2 sols pour livre subsistaient toujours, fut établi par Machault, en 1750. « Voulons, dit l’article 3 de l’Édit, qu’à commencer du 1er janvier 1749, le vingtième soit annuellement levé à notre profit sur tous les revenus et profits des sujets et habitants de notre Royaume, terres et seigneuries de notre obéissance, sans aucune exception. »

Les exceptions furent très nombreuses. Il y eut, d’abord, celle du clergé qui, par des remontrances du mois d’août 1749, fit prévaloir la doctrine qu’il était exempt de toutes impositions, de quelque nature qu’elles fussent, et établit que ce privilège devait être mis au rang des lois primitives et inébranlables qui fondent le droit des nations. En conséquence, le clergé fut affranchi de l’impôt par une addition au don gratuit. Il y eut ensuite celle des Pays d’États, villes, principautés et seigneuries du Royaume, qui parvinrent à transformer en un simple abonnement, d’une somme fixe et invariable, la part beaucoup plus forte que la loi leur réservait dans cette charge nouvelle. Ainsi, l’égalité de l’impôt, relativement à son assiette, devint tout à fait illusoire.

En 1756, la guerre ayant éclaté avec l’Angleterre, on ordonna la levée d’un second vingtième, et la Déclaration ne fut enregistrée que dans un lit de justice. Elle portait que le premier vingtième, établi à perpétuité d’abord, ne durerait pas plus de dix ans après la paix, et que le second cesserait trois mois après sa publication.

Enfin, en février 1760, on établit un troisième vingtième, augmenté de 2 sols pour livre, dont la perception ne devait avoir lieu que durant les années 1760 et 1761 ; mais elle fut prorogée ensuite, par Édit, jusqu’en 1764.

Vers cette dernière époque, la situation se résumait donc en ces termes : la paix était faite, le dernier vingtième allait finir, le second n’avait été prorogé que jusqu’en 1768, et le premier n’avait qu’une durée temporaire un peu plus longue. Cependant, l’état des finances ne permettait pas qu’on se dessaisit d’une ressource qui rapportait plus de 60 millions, et la raison demandait qu’on conservât un impôt qui pesait, en principe, sur tous les sujets du royaume, et dont la levée était beaucoup moins dispendieuse que celle des contributions indirectes. Mais toutes les classes privilégiées, auxquelles les Parlements servaient d’organes, ne supportaient pas cet impôt avec moins d’impatience qu’elles n’avaient souffert le dixième sous Louis XIV.

Turgot avait proposé, par lettre non retrouvée, à l’Intendant des finances de Courteille de répartir les vingtièmes d’après un cadastre (Voir ci-dessous, p. 329).

[3] Vers 1786, le vingtième d’industrie, dans les vingt généralités d’élection et les quatre provinces cédées ou conquises, ne rapportait que 1 million 158 400 livres (Bailly, Histoire financière de la France, t. II., p. 368.)

[4] Voir le Mémoire sur les municipalités.

[5] Il s’agit évidemment de la généralité de Limoges.

[6] Mot désuet, pour contenance.

[7] Il s’agit évidemment de l’intendant de Limoges.

[8] Évidemment, celle de Limoges.

[9] Boucher d’Orsay, intendant de Limoges de 1726 à 1730.

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