Préface des Seigneurs du chaos, roman de Joel Hirst

JOEL D. HIRST

LES SEIGNEURS DU CHAOS

L’odyssée du djihad

Traduit de l’anglais par M. Lassort & B. Malbranque

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Préface

Parmi tous les enseignements de Frédéric Bastiat, ce n’est assurément pas le plus démodé et le plus insignifiant que cette réflexion que dans tous les pays du monde les gens veulent vivre selon leurs lois, sous l’autorité de leurs représentants. L’illustre auteur de La Loi sentait bien que la moralisation de peuples étrangers par la force des armes était vouée à l’échec et qu’elle provoquait du ressentiment et de la haine. « Comment se fait-il, écrivait-il dans le bien nommé Paix et Liberté, qu’il n’y ait pas assez d’impartialité, au fond de notre conscience nationale, pour comprendre combien nos prétentions à imposer une idée, par la force, blessent au cœur nos frères du dehors ? Quoi ! nous, le peuple le plus susceptible de l’Europe ; nous, qui, avec raison, ne souffririons pas l’intervention d’un régiment anglais, fût-ce pour venir ériger sur le sol de la patrie la statue de la liberté, et nous enseigner la perfection sociale elle-même ; quand tous, jusqu’aux vieux débris de Coblentz, nous sommes d’accord sur ce point qu’il faudrait nous unir pour briser la main étrangère qui viendrait, armée, s’immiscer dans nos tristes débats, c’est nous qui avons toujours sur les lèvres ce mot irritant : prépondérance ; et nous ne savons montrer la liberté à nos frères, qu’une épée au poing tournée vers leur poitrine ! Comment en sommes-nous venus à nous imaginer que le cœur humain n’est pas partout le même ; qu’il n’a pas partout la même fierté, la même horreur de la dépendance ? » [1]

La subjectivité des jugements, autre enseignement de Bastiat et de l’école française, explique pourquoi ce qui est donné ne vaut pas ce qui est reçu. Nous voyons la santé que nous leur apportons, ils voient nos médecins qui examinent leurs femmes ; nous voyons les écoles qui éduquent leurs enfants, ils voient celles qui les endoctrinent ; nous voyons enfin la démocratie, ils voient la corruption qui a toujours accompagné ce système, surtout dans les pays peu habitués à en faire usage. Ce que nous instaurons a failli chez nous, disent-ils, mais surtout, ce sont nos institutions et aussi parfaites soient-elles, ils préféreront toujours les leurs.

L’exagération n’est jamais loin, l’instrumentalisation non plus, mais ce constat, présenté sous forme sensationnelle par des partisans intéressés, n’en suffit pas moins pour perturber la vie bien réglée d’hommes passionnés par l’indépendance. Certes, à côté de la fierté nationale, il y a des causes moins nobles chez ces individus lassés par la vie, secoués par des circonstances particulières, et restés à la recherche d’un but pour leur existence. Dans le djihad, on s’intéresse aussi à l’aventure, aux femmes, et à l’argent ; on sert son ambition et on suit ses pulsions autant que Dieu.

Le djihad n’est pas une odyssée glorieuse. Il n’en a pas moins ses raisons, officielles ou officieuses, morales ou immorales, nobles ou ignobles. Par sa violence terrible, il nous épouvante et nous paraît irrationnel : car comment, autrement que par folie, l’horreur associée au djihad pourrait-elle être commise ? Mais le djihad a aussi ses racines, matérielles et intellectuelles, que ce roman essaye d’illustrer et de présenter.

Benoît Malbranque

Institut Coppet

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[1] Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, éd. Institut Coppet, tome 5, p.451

A propos de l'auteur

Benoît Malbranque est le directeur des éditions de l'Institut Coppet. Il est l'auteur de plusieurs livres, dont le dernier est intitulé : Les origines chinoises du libéralisme (2021).

Une réponse

  1. Abdoul Ag Ibrahim

    Votre préface est d’une exactitude étonnante…!!!!. Je me demande souvent si les intellectuels occidentaux et les peuples des pays “développés” ne sont pas hypocritement complices des impositions et des assimilations forcées de leurs gouvernements respectifs?

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