Oeuvres de Turgot – 069 – La taille

1765.

69. — LA TAILLE.

I. — Avis sur l’imposition pour l’année 1766.

[D. P. IV, 252.]

(On supprime de cet Avis tous les détails qui concernent les diverses récoltes, et qui, quoique variés d’année en année, et montrant l’attention que l’administrateur apportait à la statistique annuelle de sa province, ne seraient présentement que d’un faible intérêt. On conserve seulement : 1° l’article des légumes, parce qu’il constate les premiers succès d’une culture bien précieuse, que M. Turgot a introduite en Limousin ; et 2° celui des bestiaux, qui fixe l’époque où leur commerce a commencé à se relever dans cette province. — Note de Du Pont).

Légumes. — Les élections d’Angoulême et de Brive en ont recueilli les deux tiers d’une année commune. Ils sont comptés pour rien dans les élections de Tulle et de Bourganeuf. À l’égard de l’élection de Limoges, il s’en cultive beaucoup dans les environs des villes, et ils ont assez réussi. On doit mettre au nombre des légumes les pommes de terre, dont la culture commence à s’étendre dans les élections de Limoges et d’Angoulême avec succès, et a été essayée dans celle de Tulle cette année seulement…

On croit devoir ajouter aux accidents particuliers les ravages des papillons de blé qui ont continué dans l’Angoumois, et ceux des charançons dans le Limousin, qui ont obligé un grand nombre de particuliers de se défaire de leurs grains à la hâte ; ce qui diminue tout à la fois le revenu des propriétaires, en rendant la vente moins avantageuse, et les ressources pour la subsistance du peuple, en épuisant la province des grains qu’elle a produits et qui n’y peuvent être remplacés pour la consommation qu’avec l’augmentation des frais de transport qui sont en pure perte…

Le Roi a eu la bonté, l’année dernière, d’accorder à la généralité de Limoges 280 000 livres de moins imposé. Les motifs que nous lui avions présentés étaient, premièrement, la surcharge que la Province éprouve depuis longtemps dans la répartition générale des impositions sur le Royaume : surcharge établie par la comparaison de la taxe à laquelle sont assujettis les domaines du Limousin avec celles que supportent des domaines de pareille valeur en Poitou, en Saintonge, en Périgord, provinces qui sont affranchies de la gabelle comme le Limousin ; surcharge prouvée par l’empressement des contribuables à choisir par préférence leur domicile dans les provinces voisines ; surcharge telle, qu’en comptant les vingtièmes le Roi tire de presque toutes les terres plus que le propriétaire, c’est-à-dire plus de la moitié et quelquefois les deux tiers du produit net.

Le second motif était les accidents généraux de grêle et la médiocrité de la récolte dans une grande partie de la Province.

Le troisième motif était la grêle extraordinaire, accompagnée d’ouragans, qui avait tellement ravagé plusieurs paroisses des environs d’Angoulême que, non seulement la récolte entière de l’année a été anéantie, mais que les vignes, les arbres et les bâtiments ont été endommagés pour plusieurs années. La décharge qu’il a été nécessaire d’accorder à ces paroisses sur l’imposition de 1765 a absorbé 80 000 francs du moins imposé que S. M. avait bien voulu accorder.

De ces trois motifs, le premier subsiste dans son entier, et subsistera probablement jusqu’à ce que, par un travail très long et très difficile, et dont les principes sont même très peu connus, le Gouvernement ait pu se procurer des moyens suffisants pour comparer, en connaissance de cause, les forces des différentes provinces de Royaume.

Il résulte du compte que nous venons de rendre de la situation de la Province et de ses productions, que cette situation n’est pas, en général, plus avantageuse que l’année dernière, et que la partie du Limousin souffrira au moins autant du défaut général de ses récoltes de 1765 à 1766, que celle de l’Angoumois avait souffert de 1764 à 1765. La seconde considération qui avait engagé le Roi à traiter favorablement la Province en 1765 subsiste donc dans toute sa force, et doit faire espérer que S. M. voudra bien lui continuer les mêmes bontés.

À l’égard du fléau particulier qu’un certain nombre de paroisses de l’Angoumois avaient essuyé l’année dernière, nous avons observé que les pertes, ne s’étant pas bornées à la récolte de l’année, mais ayant encore détérioré le fonds pour quelques années, il serait indispensable de leur continuer pendant celle-ci la moitié du soulagement qu’elles avaient obtenu l’année dernière, ce qui absorbera 40 000 livres au lieu de 80 000 livres, sur le moins imposé de 1766. Cette réflexion pourrait conduire à continuer cette année le moins imposé de de 1765, à 40 000 livres près. Mais nous prendrons la liberté de représenter que, par ce moyen, l’augmentation d’environ 36 000 livres sur le brevet de la taille portera tout entière en augmentation effective de l’année dernière à cette année ; et nous ajouterons que cette augmentation, qui a pour objet la dépense des haras, sera d’autant plus sensible, que les anciens privilèges donnés aux gardes-étalons et aux propriétaires des juments, qui font déjà une charge sur la province d’environ 15 000 livres, ne sont pas supprimés.

Nous ne devons pas oublier un autre motif bien propre à déterminer le Roi à soulager les habitants de cette province : ce sont les maladies épidémiques qui, depuis l’année dernière, ont régné dans plusieurs cantons, et enlevé un très grand nombre de chefs de famille. Ces maladies étaient des dysenteries putrides et des fièvres pourprées ; elles ont fait périr beaucoup de monde l’automne dernier et ont commencé à la fin de cet été avec plus de violence que jamais, malgré les mesures que l’on a prises pour procurer des secours aux malades.

Dans ces circonstances, je crois devoir supplier S. M. de vouloir bien continuer, cette année, à la généralité de Limoges une diminution égale à celle de l’année dernière, c’est-à-dire de 280 000 livres.

II. — Statistique des impôts.

Circulaire aux Commissaires des Tailles.

[A. Corrèze, C. 1.]

Paris, 10 juin.

Le dépôt des feuilles de relevé ordonné par la Déclaration du 31 décembre 1761 étant maintenant achevé, M., et les rôles devant être entièrement en règle à la réserve des mutations qui arrivent dans l’intervalle d’une année à l’autre, je compte que MM. les commissaires s’occuperont dans le cours de leurs vérifications de cette année, à satisfaire à différentes demandes que je leur avais faites, tant par ma lettre ou instruction circulaire du 10 juin 1762[1], que par quelques autres lettres que je leur ai adressées en différents temps.

Je leur avais marqué en particulier par une lettre du 31 août 1762, le besoin que j’avais d’une connaissance exacte de toutes les paroisses et de toutes les collectes dont cette généralité est composée[2] et je leur avais demandé des éclaircissements à ce sujet. Comme le travail que je me suis proposé de faire pour perfectionner la répartition des impositions, exige que je les reçoive incessamment, je vous prie, M., de ne pas manquer de me les envoyer pour toutes les paroisses qui composent votre arrondissement, à mesure que vous en ferez la vérification…

J’avais aussi prié, en 1763, MM. les commissaires d’envoyer aux receveurs des tailles, les notes nécessaires pour remplir les 8e, 9e, 10e, 11e, 12e et 13e colonnes du nouveau plumitif que j’ai fait imprimer pour le département de 1764[3]. Le travail que j’ai fait commencer dans mes bureaux d’une répartition fondamentale, entre les paroisses de chaque élection, exige que ces notes me soient adressées cette année directement à Limoges… Il ne s’agit que de former un bulletin sur chaque paroisse, dans lequel vous marquerez :

1° Le total des revenus de la paroisse suivant l’abonnement, ou, si la paroisse n’est pas abonnée, suivant les évolutions par nature et qualité d’après lesquelles les rôles sont opérés.

2° Le total du revenu des fonds tenus en privilège ;

3° Le total du revenu des fonds qui ne sont taxés qu’à l’exploitation ;

4° Le montant des propriétés étrangères, rapportées en facultés dans la paroisse ;

5° Le montant des rentes qui y sont taxées en facultés ;

6° Le montant des rentes qui sont déduites sur les propriété des habitants.

Mon intention est aussi que vous vous chargiez d’un autre travail très important pour la vérification des évaluations d’après lesquelles les impositions sont réparties, depuis l’établissement de la taille tarifiée, travail qui doit servir de base à la réforme dont la répartition actuelle a besoin.

Il consiste dans la comparaison des évaluations des héritages portées au rôle, avec le prix des baux et des contrats de ventes. Quoique tous les héritages n’aient pas été affermés ou vendus, il y en a cependant un assez grand nombre dans chaque paroisse pour mettre à portée de juger à peu près de l’exactitude des évaluations.

M. de Marcheval avait commencé dans la même vue à faire rassembler ces actes chez les notaires ; j’ai continué et j’avais commencé à les faire relever dans mes bureaux ; mais la difficulté qu’on trouve à reconnaître les héritages affermés ou vendus, pour en comparer la valeur avec l’estimation du revenu au rôle de la taille, m’a fait penser qu’il n’était pas possible de confier cette opération à d’autres personnes que les commissaires, qui peuvent facilement par le moyen des feuilles de relevé, ou en suivant la trace des mutations arrivées depuis la date des baux, reconnaître les héritages affermés ou vendus.

J’ai, en conséquence, fait imprimer un certain nombre de feuilles à colonnes pour y inscrire les baux à ferme, et d’autres feuilles pour y inscrire les contrats de vente…

J’ai donné ordre dans mes bureaux, de vous faire passer tous les extraits de baux et de contrats fournis par les notaires et qui concernent les paroisses que vous opérez. Je vous ferai tenir tous ceux qui ont été relevés à la direction des vingtièmes, et je compte que vous y joindrez tous ceux qui vous ont passé ou qui vous passeront sous les yeux, dans le cours de vos vérifications et dont vous avez dû prendre note sur vos canevas.

Vous sentez, M., de quelle importance il est que ce travail soit suivi avec la plus grande exactitude ; je compte que vous y donnerez tous vos soins et que vous m’en enverrez le résultat peu de temps après vos vérifications. Je sais qu’il exigera de vous quelque peine, et c’est ce qui m’a engagé à continuer cette année l’honoraire des commissaires sur le même pied qu’en 1762, quoique j’eusse annoncé alors que cette augmentation n’aurait lieu que pour deux ans.

Je désire encore que les commissaires se chargent, chacun dans son arrondissement, de reconnaître si les grêles et autres accidents arrivés dans les paroisses au printemps, et dont il a été dressé sur-le-champ procès-verbal, ont été aussi funestes à la récolte qu’on l’avait craint alors.

Tout le monde sait que, lorsque les plantes ne sont pas encore fort avancées, elles repoussent quelquefois assez abondamment pour réparer le premier dommage. Ainsi, le moyen le plus sûr pour évaluer exactement la perte, est d’examiner l’état des productions lors de la récolte, et de le comparer à celui des productions des fonds voisins qui n’ont point été frappés de la grêle.

Je vous prie instamment de ne rien négliger pour prendre sur cet article les informations les plus sûres et me les adresser à Limoges, dans les quinze premiers jours de septembre. Je vous prie d’ailleurs de vous conformer aux lettres et instructions que vous avez précédemment reçues.

III. — Tableaux de la collecte.

Circulaire aux Officiers des élections.

[A. Corrèze, C. 1.]

J’ai vu avec peine, MM, que malgré les dispositions des Réglements, les Tableaux qui doivent fixer le rang dans lequel chaque Particulier taillable doit passer à la Collecte, ne sont point en règle dans un grand nombre de Paroisses de la Généralité. J’ai cru devoir renouveler, l’été dernier, l’Ordonnance que mes prédécesseurs étaient dans l’usage de rendre de temps en temps pour rappeler les Règlements et les faire exécuter. Mais l’expérience fait trop connaître qu’il ne faut pas se flatter qu’une ordonnance nouvelle soit mieux exécutée que les anciennes, si l’on ne prend des précautions pour remédier à la négligence des gens de la campagne et les conduire, comme par la main, dans les choses où ils sont les plus intéressés.

Le devoir de vos charges vous oblige à faire chaque année des tournées dans les paroisses de l’Élection qui vous sont distribués, et les Règlements vous chargent d’une manière spéciale de veiller à ce que les Tableaux pour la Collecte soient mis en règle dans toutes les communautés. Rien ne vous est plus facile, lorsque vous vous rendez dans chaque paroisse, que de vous faire rendre compte de l’état où est le Tableau et d’en faire vous-même, en présence des habitants, la vérification et le récolement. Ce serait le moyen d’en assurer encore plus l’exactitude et la justice, et d’épargner en même temps aux Syndics l’avance qu’ils sont obligés de faire pour les frais du notaire qui rédige l’acte, puisque la signature d’un Officier de l’élection suffit assurément pour lui donner toute l’authenticité requise.

Une des plus grandes sources d’injustice dans la confection des Tableaux de Collecte est le peu d’attention qu’on apporte, lorsqu’on procède au renouvellement des Tableaux, à se régler d’après l’ordre suivi dans la Paroisse les années précédentes. Je sais que, dans plusieurs paroisses, lorsqu’on a renouvelé le Tableau, ceux qui avaient été à la tête de l’ancien, ont eu le crédit de se faire placer à la fin du nouveau, au moyen de quoi ils se sont pour ainsi dire assurés de ne jamais repasser à la Collecte. Dans d’autres paroisses, on fait des Tableaux pour trente à quarante ans : il est impossible que, dans un aussi long intervalle, il n’arrive pas un tel dérangement dans le Tableau qu’il devienne absolument inutile, et l’on se trouve obligé d’en refaire un nouveau avant que le premier soit épuisé ; alors, au lieu de placer à la tête du nouveau ceux dont le tour n’était pas encore venu suivant l’ancien, on affecte de bouleverser tout l’ordre de cet ancien Tableau et, dans ce dérangement, ceux qui avaient eu le crédit de se faire placer les derniers, s’en servent encore pour éloigner leur rang ; en sorte qu’au moyen de cette manoeuvre, les habitants les plus accrédités parviennent à s’exempter totalement de la Collecte, tandis que cette charge retombe plusieurs fois sur la tête de ceux qui sont moins en état de la supporter.

Le moyen d’écarter ces abus est d’avoir sous les yeux, lors de la confection ou du récolement des Tableaux, l’État des Collecteurs qui ont rempli effectivement cette fonction depuis un grand nombre d’années et de veiller à ce que, dans le nouveau Tableau, on les replace dans le même ordre, avec la précaution de placer avant eux, chacun dans sa colonne, tous ceux des contribuables qui, depuis le commencement de cet état, n’ont point encore passés par cette charge.

J’ai fait imprimer des états en blanc pour y écrire les noms de tous les Collecteurs qui ont rempli cette fonction dans chaque paroisse pendant les vingt dernières années. On peut remplir ces états d’après les rôles déposés aux greffes des élections, ou d’après les notes conservées dans les bureaux des recettes des Tailles. Je désire qu’après avoir fait remplir ces états pour chaque paroisse, vous les portiez avec vous dans vos chevauchées, et que vous vous chargiez dans les paroisses que vous visiterez, de faire mettre les Tableaux entièrement en règle en commençant le nouveau d’abord par ceux qui n’ont point E passé à la Collecte, et plaçant ensuite ceux qui l’ont exercée le plus anciennement, sans renverser l’ordre dans lequel ils se sont suivis, le tout sauf les changements arrivés dans l’état ou la fortune de ces particuliers que vous devez constater en présence des habitants.

Il serait très important, pour le recouvrement, que l’on put trouver toujours dans toutes les paroisses, des Collecteurs qui sussent lire et écrire. Malheureusement, cela est rarement possible dans cette province. Il est du moins à désirer que dans la confection des Tableaux, lorsque la première colonne ne peut pas être remplie en entier par des gens qui sachent lire et écrire et qu’il s’en trouve quelques-uns dans les autres colonnes, on ait soin de placer un second ou un troisième collecteur qui saura lire dans l’année où le premier collecteur ne le saurait pas. Je vous recommande d’avoir cette attention, autant qu’il sera possible sans trop déranger l’ordre du Tableau.

Il y a, dans quelques paroisses, des Préposés perpétuels pour la levée des impositions. Les autres habitants sont délivrés par cet arrangement du fardeau de la Collecte : mais, comme il est possible que quelques-uns de ces préposés quittent et qu’on n’en retrouve pas à leur place, il est toujours important que les Tableaux soient en règle dans ces paroisses, afin qu’on puisse s’y conformer si l’on manquait de préposé perpétuel.

Les Tableaux servent aussi à régler l’ordre dans lequel les particuliers passent au Syndicat[4]. J’aurais fort désiré pouvoir établir des Syndics perpétuels sachant lire et écrire. J’ai su qu’une des causes de la répugnance qu’éprouvent les habitants de la campagne à remplir les fonctions du syndicat vient de ce que les syndics sont souvent obligés de faire quelques frais pour la communauté qu’il n’est point dans l’usage de leur rembourser. Cela est injuste et très contraire à l’intérêt des communautés dont personne ne veut gérer les affaires. Mon dessein est de pourvoir avec exactitude au remboursement de toutes les dépenses faites par les syndics pour la communauté et par une suite de leurs fonctions. Pour cet effet, il sera nécessaire que les syndics me présentent un état de ces dépenses certifié des principaux habitants de la Paroisse et du subdélégué. J’en imposerai le montant à leur profit au département suivant, dans la même forme que les rejets. Je vous serai obligé de prévenir les syndics et les habitants des paroisses de cet arrangement.

Il vous sera peut-être difficile de remplir toute l’étendue de ce que je vous demande, pour toutes les paroisses comprises dans l’arrondissement de vos chevauchées ; en ce cas, vous pourrez prier les commissaires des tailles de remplir sur cela mes intentions dans les Paroisses où vous ne rendriez pas vous-mêmes.

J’ai fait imprimer cette lettre et je vous en envoie un assez grand nombre d’exemplaires, afin que vous puissiez en envoyer aux commissaires de ces paroisses, avec les états remplis des noms des collecteurs des dernières années dans chaque paroisse.

Je désire que chacun des officiers de l’élection ou des commissaires m’envoient l’état des Tableaux qu’ils auront trouvé en règle ou qu’ils y auront fait mettre.

IV. — Rébellion contre des collecteurs.

Lettre au Subdélégué d’Angoulême à l’occasion d’un recouvrement pour réparations de l’église de Saint-Saturnin[5].

[A. L., minute.]

J’étais persuadé[6], M., qu’en écrivant au lieutenant criminel d’Angoulême la lettre dont je vous envoie copie, je vous avais fait mes observations sur l’affaire dont vous m’avez rendu compte. Je suis d’autant plus fâché de cette omission que je me trouve les bras liés par la mauvaise marche qui a été suivie dans cette procédure et qui fait que je ne suis saisi de rien.

Si, sur le procès-verbal de rébellion, vous aviez sur le champ ordonné qu’il serait prêté main forte à l’huissier par la maréchaussée et fait mettre les gens en prison pour la rébellion, il est probable que toute procédure criminelle aurait été prévenue.

Quoi qu’il en soit, la requête que vous avez fait faire à l’huissier me paraît assez inutile et je ne pourrais sur cette requête ordonner qu’un communiqué, puisqu’il conclut à des dommages-intérêts.

Je ne puis actuellement rien faire, parce que je n’ai aucune connaissance juridique de l’entreprise du Présidial ; cette entreprise peut même de ne pas exister, car, si l’huissier et les collecteurs ne se sont pas présentés sur le décret et n’ont pas excipé de l’incompétence et demandé leur renvoi par devant moi, le Présidial n’a aucun motif d’abandonner la connaissance de cette affaire et sa procédure n’a rien d’irrégulier. L’huissier et les collecteurs doivent comparaître sur le décret et déclarer dans leur interrogatoire qu’il s’agissait, dans la prétendue rixe, d’une saisie exécution pour le recouvrement d’une imposition pour réparation d’église, que les poursuites, pour le recouvrement de cette imposition, circonstances et dépendances, m’étant attribuées par l’Arrêt du conseil, ils requièrent leur renvoi par devant moi. Si, d’après cette réponse, le Présidial renvoie l’affaire, il n’y aura aucune entreprise ; si, au contraire, il passe outre, alors ce sera une entreprise dont je rendrai compte à M. le Contrôleur général, qui, sans doute, cassera toute la procédure comme incompétente et la renverra par devant moi.

Comme il n’est absolument pas possible de laisser subsister une pareille procédure dont l’exemple arrêterait le recouvrement de toutes les impositions, les collecteurs feraient fort mal de s’accommoder. Il faut absolument qu’ils comparaissent. Si, malgré leur réponse, le Présidial continue la procédure, il faut qu’ils m’adressent sur-le-champ une requête, dans laquelle l’huissier et le collecteur me rendront compte des faits et de la procédure et conclueront à ce qu’il me plaise casser le tout comme incompétent et ordonner que toutes les pièces soient remises à mon greffe pour y être fait droit, ainsi que sur leurs autres fins et conclusions ainsi qu’il appartiendra.

Je n’ai pas besoin de vous dire combien il est important que vous me rendiez compte sur-le-champ de tout ce qui se passera par rapport à cette affaire.

——————

[1] Non retrouvée.

[2] Voir ci-dessus p. 165.

[3] Circulaire non retrouvée.

[4] Sorte de conseil municipal.

[5] Charente, canton d’Hiersac.

[6] Cette lettre est intéressante pour l’étude de l’administration au XVIIIe siècle. Deux collecteurs et un huissier ayant voulu percevoir un impôt pour réparations de l’Église, des contribuables les châtièrent et poursuivirent devant le lieutenant criminel « trois quidam qui étaient venus chez eux commettre des violences ». Une information fut ouverte, des témoins entendus, des procès-verbaux dressés par des chirurgiens et médecins, lesquels tendaient à établir que la femme d’un des auteurs de la rébellion était malade des coups qu’elle avait reçus. Un décret d’ajournement personnel fut lancé par le lieutenant criminel contre les collecteurs et l’huissier ; il fut suivi d’une condamnation à payer 30 livres de provision. « Je vis avec le plus grand chagrin, écrivit à Turgot le subdélégué de Boisbedeuil, le 18 janvier, que ces deux malheureux collecteurs vont être ruinés par la malice et la mauvaise foi, tant des parties plaignantes que des témoins qui ont déposé contre eux. Quoiqu’il soit difficile en pareil cas de découvrir la vérité des faits, parce que personne ne vent convenir de son tort, cependant, j’ai tout lieu de penser qu’il est exactement vrai que les deux collecteurs n’ont pas eu la moindre part à la rixe et que si l’huissier a donné des coups comme on le dépose, ce n’a été que l’effet du désespoir où l’avait réduit cette méchante femme en le saisissant par un endroit qui le mettait hors de défense. J’avais attendu jusqu’à ce jour une réponse de votre part et je l’avais toujours fait espérer aux pauvres collecteurs qui se sont livrés au désespoir quand je leur ai dit que vous ne m’aviez rien répondu à ce sujet… Outre les sentiments d’humanité qui me font m’intéresser pour ces malheureux, je regarde cette affaire comme de la plus dangereuse conséquence pour le recouvrement des deniers du Roi parce que les collecteurs et les huissiers seront tous les jours exposés à pareille aventure. Je sais que les sergents ne doivent jamais battre personne ; mais il est bien difficile de se laisser maltraiter à un certain point sans succomber à la tentation de se défendre… Les collecteurs sont venus me dire qu’ayant fait proposer un accommodement à leur partie adverse, on leur a demandé 150 livres pour les frais, et 600 livres de dommages-et-intérêts. La partie adverse a assuré que M. de Boissac, protecteur ordinaire de la paroisse d’Asnières, emploierait son crédit auprès de son confrère du Présidial pour lui faire accorder au moins cette somme… »

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