Oeuvres de Turgot – 163 – L’industrie et le commerce intérieur

1774

163. — L’INDUSTRIE ET LE COMMERCE INTÉRIEUR.

I. Règlements[1].

(Vente du goémon).

Lettre à Dupleix au sujet de la défense de vendre du goémon faite par ordonnance de 1681, 12 novembre.

(On ne pouvait savoir pourquoi cette défense avait été faite, probablement sur la demande de quelques verriers. Elle était nuisible à l’agriculture, et il était regrettable que l’amirauté de Brest l’eut renouvelée. Il en devait être conféré avec le Ministre de la Marine.)

II. Jurandes[2].

Arrêt du Conseil au sujet des dettes des communautés.

[Anciennes lois Françaises, XXIII, 41. — Foncin, 118.]

22 octobre.

(Les créanciers des communautés ne pourront poursuivre le paiement de leurs dettes par voie de contrainte, mais le paiement aura lieu désormais par imposition d’office et après vérification par les commissaires départis.)

III. Foires.

Lettre au Garde des Sceaux.

(Les droits de marché renchérissent les prix de vente.)

22 novembre.

J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 21 du mois dernier avec l’avis de M. l’intendant de Dauphiné que vous avez consulté sur la demande de M. de Combles tendant à obtenir la permission d’établir deux foires par an dans sa terre d’Authon et d’y percevoir des droits. Puisque vous désirez savoir ce que je pense sur ces deux objets, j’aurai l’honneur de vous observer qu’en général les établissements de foires et de marchés ne peuvent être que très avantageux en ce qu’ils multiplient les moyens de se défaire de ses marchandises et de ses denrées et de se pourvoir des autres choses dont on peut avoir besoin. Mais je pense en même temps que ce serait aller contre son but que d’autoriser une perception de droits quelconques dans ces foires et marchés ; ces droits, quelques modiques qu’ils soient, renchérissent toujours la marchandise et ne peuvent que dégoûter l’acheteur de s’y rendre. Ainsi, quoique M. Pajot de Marcheval[3] propose une modération considérable sur les droits demandés par M. de Combles, je ne suis point d’avis qu’on lui permette d’en percevoir aucun. J’ai l’honneur de vous renvoyer la lettre de M. l’Intendant, comme vous le désirez[4].

IV. Le commerce intérieur.

Arrêt du Conseil autorisant le commerce de l’huile d’œillette.

(Lettres Patentes, de Versailles, 20 décembre, registrées au Parlement le 25 janvier 1775.)

[Recueil des Édits, 1774, 2e sem. — D. P., VII, 75. — D. D. II, 224.]

28 novembre.

… Le Roi s’étant fait rendre compte en son Conseil des différents mémoires donnés sur l’usage de l’huile de pavot, dite d’œillette[5], et de la requête des maîtres et gardes du corps des épiciers de la ville et faubourgs de Paris et S. M. étant informée qu’il s’en fait, sans aucun inconvénient, une consommation journalière dans ses provinces de Beaujolais, Picardie, Franche-Comté, Alsace et Flandre, même dans l’Allemagne, la Russie, l’Angleterre et autres États ; vu les Décrets de la Faculté des 26 juin 1717 et 29 janvier 1774, desquels il résulte que cette huile ne contient rien de narcotique, ni de contraire à la santé :

Le commerce d’huile de pavot, dite d’œillette, sera et demeurera libre. Permet S. M. aux épiciers, échoppiers, graissiers et autres, de quelque condition et état qu’ils soient, ayant le droit de faire venir à Paris, vendre et débiter des huiles d’olives et autres espèces d’huiles, de recevoir et retirer également chez eux et dans leurs magasins, vendre et débiter des huiles de pavot, dites d’œillette, pures et sans être mélangées et ce nonobstant les Lettres patentes du 22 décembre 1754 et tous règlements contraires…

V. Procédés Industriels.

Lettre à Duhamel[6].

(Conversion du fer en acier.)

[A. N., F12, 151. — Foncin, 577.]

6 octobre.

Il m’a été rendu compte, M., du travail que vous avez commencé à faire dans les forges de M. de Buffon pour la conversion du fer en acier ; j’approuve que vous alliez continuer cet ouvrage ; vous vous transporterez ensuite dans les différentes manufactures qui vous seront désignées où il se fait des ouvrages de fer et d’acier, et dans les forges, pour donner vos avis aux entrepreneurs de ces manufactures et les conseils dont ils auront besoin pour porter leurs ouvrages à la perfection dont ils peuvent être susceptibles. Il vous sera payé, à cet effet, trois mille livres d’appointements des deniers à ce destinés à compter du 1er janvier dernier.

Lettre au secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences (Grandjean de Fouchy.) 

(Rouissage du chanvre.)

[A. N., F12, 151. — Foncin, 578.]

29 novembre.

Je désirerais, M., avoir l’avis de l’Académie Royale des Sciences sur la question importante de savoir si la coutume de rouir le chanvre dans les rivières peut gâter les eaux au point de les rendre malsaines pour les bestiaux, et peut-être aussi pour les hommes, et si l’usage contraire de la faire rouir dans les mares d’eaux non courantes, n’a pas l’inconvénient de rendre l’air encore plus malsain. Je vous prie, en conséquence, d’engager cette Académie à nommer deux commissaires à l’effet de donner cet avis ; lorsqu’il sera rédigé, vous voudrez bien me l’envoyer.

VI. Expropriations.

Lettre au Prince de Condé lui refusant le pouvoir d’expropriation pour l’établissement d’une forge.

[A. N., F12 151. — Foncin, 578.]

29 novembre.

Monseigneur,

J’ai rendu compte au Roi de la demande contenue dans la requête que Votre Altesse Sérénissime a présentée au Conseil, tendante à être autorisée, entre autres choses, à prendre tous les terrains nécessaires pour l’établissement d’une forge qu’elle se propose de former dans le Clermontois. J’ai également remis sous ses yeux le Mémoire en réponse aux objections qui ont été faites sur cet objet. Si, d’un côté, S. M. est persuadée de l’utilité qui pourra résulter d’un pareil établissement, elle pense bien d’un autre qu’il n’en est pas d’une forge comme d’un édifice public ou d’un grand chemin. Ces derniers objets intéressant essentiellement le bien général, il y a une nécessité indispensable à s’emparer des héritages dont on a besoin ; mais si, pour un établissement particulier, il fallait assujettir des propriétaires à la vente forcée de leur patrimoine, ce serait une espèce de spoliation qu’il serait très difficile de concilier avec les principes de justice et de sûreté qui servent de fondements à tous les droits qui existent dans l’État. D’après ces raisons, S. M. a décidé qu’il n’était pas possible de contraindre la Communauté de Stenay on autres particuliers à céder les terrains qui peuvent leur appartenir, s’ils ne sont point dans l’intention de prendre des arrangements à ce sujet…

VII. Agriculture.

1. Lettres à l’Intendant d’Alençon (Jullien) au sujet de la défense qu’il a faite de laisser des charrues dans les champs.

[A. N., F12, 151.]

Première lettre.

12 novembre.

Je viens d’être informé, M., d’une ordonnance que vous avez rendue, portant défense de laisser les charrues dans les champs avec leurs coutres et plusieurs laboureurs de votre généralité se plaignant d’avoir été condamnés à l’amende pour contravention à cette ordonnance dont ils n’avaient pas connaissance, je vous prie de me mander les raisons qui peuvent vous avoir engagé à rendre une pareille ordonnance qui me paraît bien contraire aux principes de la liberté naturelle. Dans le cas même où cette disposition aurait été aussi nécessaire que je la crois inutile, elle n’aurait pu être ordonnée que par une loi générale et cette police qui tend à imposer une obligation nouvelle à la classe la plus nombreuse des sujets du Roi excède, manifestement, l’administration qui vous est confiée. Le Roi ne se porterait même pas à proscrire à tous les laboureurs de son royaume une précaution gênante et qui, en augmentant encore les frais et les fatigues des cultivateurs, retomberait au détriment de la culture. On a pensé que le principal motif qui vous y a déterminé est l’avis que vous avez eu de quelques délits commis par des voleurs avec cet instrument. Ce motif me paraît bien insuffisant pour motiver une ordonnance qui change l’état et l’habitude de tous les cultivateurs d’une province. On peut abuser de tout et, pour un motif semblable, on en viendrait à tout défendre ; l’agriculture, comme le commerce, a besoin essentiellement de liberté. On peut s’en rapporter à chacun des laboureurs pour ce qui peut lui être le plus utile ; on ne peut, sans injustice, l’en empêcher, lorsqu’il ne fait aucun tort à un autre. D’après ces réflexions, je crois que vous ne pouvez vous trop presser de retirer votre ordonnance dont il est entendu que les employés subalternes que vous avez chargés de la faire exécuter peuvent trop facilement abuser pour leur laisser plus longtemps une pareille arme entre les mains. Je vous prie aussi de faire rendre à ceux qui auront déjà été condamnés à l’amende, le montant des sommes qu’ils auront payées, les nommés Jean-Baptiste Lenard, de la paroisse de Plainsville, André Prival, laboureur de la même paroisse, Pierre Lavigne, laboureur de la paroisse du Tilleul Othon…[7]

Deuxième lettre.

13 décembre.

J’ai reçu, M., la lettre que vous m’avez écrite le 19 du mois passé contenant les motifs qui vous ont déterminé à rendre l’ordonnance portant défense de laisser les charrues dans les champs, que je n’ai pu m’empêcher de désapprouver. Le parti que vous avez pris d’écrire à toutes les brigades de maréchaussée pour qu’elles aient à cesser leurs recherches me paraît suffisant, mais je vous prie de tenir la main à ce que cette ordonnance n’ait absolument aucune exécution et que les laboureurs ne soient point inquiétés. Il serait même bon que ceux qui ont été condamnés à l’amende et que vous ne pouvez pas leur faire restituer, trouvassent, si cela est possible, quelque soulagement à leur imposition, pour les dédommager.

2. Lettre au Lieutenant du Roi à Saint-Quentin (d’Estouilly).

(Essais de culture du murier en Picardie.)

[A. N., F12 151.]

13 décembre.

J’ai reçu, M., la lettre que vous m’avez écrite au sujet des secours que vous m’avez demandés pour pouvoir continuer la culture du mûrier et l’éducation des vers à soie dont vous-vous occupez. Il résulte des éclaircissements qui ont été pris sur cet objet que le terrain et la température des saisons ne sont nullement propres en Picardie à la culture des mûriers, qu’ils lèvent assez bien en pépinières et réussissent jusqu’à ce qu’ils aient 4 à 5 pouces de circonférence, mais qu’ensuite, ils restent dans le même état, que d’ailleurs la récolte des feuilles est si modique qu’un arbre en donne à peine 2 ou 3 livres, tandis qu’il y en a en Languedoc qui en fournissent jusqu’à 60 à 80 livres. Je suis informé que M. Méliand, étant intendant à Soissons, avait voulu établir dans sa généralité l’éducation des vers à soie, qu’on y avait à cet effet planté plus de 30 000 mûriers, mais qu’ils n’ont pu y réussir et que tous les établissements qu’on y avait formés en ce genre ont été abandonnés. Il serait cependant possible qu’avec beaucoup de soins et de dépenses, on parvînt, comme vous, à faire quelques livres de soie, mais pour que cet objet devînt intéressant pour la province, il faudrait que le paysan et le peuple puissent s’en occuper. Or, comme cet avantage n’existe pas, le Conseil ne se portera certainement pas à accorder des secours à des établissements qui ne pourraient que devenir ruineux. Vous jugerez sans doute, d’après ces réflexions, qu’il n’est pas possible d’avoir égard à votre demande.

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[1] On trouve aux Archives nationales (F12 151) les pièces ci-après :

Faillites.

31 août. — Lettre à l’Intendant du Languedoc au sujet d’une demande de répit par un commerçant de Lunel. (Renvoi au duc de La Vrillère).

30 septembre. — Lettre à de Villeneuve au sujet de la banqueroute d’un courtier à Marseille.

Consuls.

20 octobre. — Lettre aux Juge et Consuls de Valenciennes pour approuver leur élection et lettre à l’Intendant de Hainaut sur le même objet.

Effets de Commerce.

22 novembre. — Lettre au Garde des Sceaux au sujet des retraites de billets à ordre. Les Consuls de Toulouse demandaient que les retraites eussent lieu dans tout le Royaume sur les billets à ordre payables à domicile de place en place. La demande fut renvoyée aux députés du commerce.

[2] On trouve encore aux Archives nationales (même recueil) les pièces ci-après :

Jurandes.

2 novembre. — Lettre au Lieutenant de police de Lyon relativement à un ouvrier chineur (approuvant une lettre de Trudaine de Montigny).

29 novembre. — Lettre au Lieutenant de police lui demandant de faire juger les affaires en cours, notamment celle des plombiers.

Subventions et secours. 

13 décembre. — Lettre à l’Intendant de Lyon accordant une pension viagère à un vieux fabricant nommé Ringuet. (Pension de 300 l.).

Inspecteurs, préposés, etc.

23 septembre. — Lettre à l’Intendant d’Alençon au sujet d’une demande d’augmentation de rémunération par un préposé à la marque des fers.

28 décembre. — Lettre à de Brissac de Forey lui refusant une place d’Inspecteur des manufactures.

Mines.

13 septembre. — Lettre à de La Pignent sur une question de mines dans le Dauphiné. (Elle est du ressort du ministre Bertin).

Manufactures de l’État.

29 novembre. — Lettre à l’Intendant de Paris au sujet d’objets détruits à la manufacture de Beauvais. (Le commissionnaire est dispensé de les représenter).

[3] Intendant de Grenoble.

[4] Turgot soutient ici les principes exposés dans son article de l’Encyclopédie, mais il commet une erreur : l’établissement des marchés entraînent des frais qu’il est légitime de faire payer aux usagers.

[5] Il s’en consommait secrètement à Paris des quantités considérables sous le nom d’huile d’olive. Il fut prescrit de vendre cette huile sous son véritable nom et l’on fit imprimer une instruction pour apprendre aux consommateurs à la distinguer de l’huile d’olive. (Du Pont, Mém. 260).

[6] Inspecteur général des arsenaux.

[7] Le même jour, une lettre sur le même objet fut adressée au Garde des Sceaux ; les deux ministres s’étaient rencontrés pour blâmer l’Intendant.

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