Oeuvres de Turgot – 173 – Les impôts indirects

1775

173. — LES IMPÔTS INDIRECTS.

I. — Les Gabelles.

1. Arrêt du conseil sur le franc salé des officiers de la Chambre des comptes.

[Transformé en Lettres patentes et registré en la Chambre des comptes le 7 mars.]

(Maintien du privilège.)

[D. P., VII, 139.]

7 janvier.

… S. M. ayant fait examiner plus particulièrement, en son Conseil, les titres et privilèges de sa Chambre des Comptes et désirant donner à ses officiers des témoignages de sa satisfaction de leur zèle et de l’application qu’ils donnent continuellement au travail de ses Domaines et finances, a résolu d’expliquer sur ce ses intentions…

Nonobstant les dispositions des Arrêts du Conseil des 24 février et 18 juillet 1773, les officiers de sa Chambre des Comptes de Paris demeureront dans la jouissance de 2 165 minots, 2/4 et 1/8, de franc-salé qui leur étaient précédemment attribués et qui continueront de leur être attribués comme par le passé…, en présence des Commissaires de la dite Chambre des Comptes sur le bateau à ce destiné, en payant seulement le droit de marchand…[1]

2. Arrêt du Conseil maintenant à des paroisses du Soissonnais un privilège pour leur approvisionnement en sel.

(Privilège motivé par l’éloignement des raffineries.)

[D. P., VII, 311.]

30 mars.

Sur la requête présentée au Roi en son Conseil, par les habitants du Sart de Nouvion en Thiérache, Bergues, Boué et Barsy, expositive que, depuis un temps immémorial, ils jouissent, par la concession et la bonté des Rois prédécesseurs de S. M., du privilège de s’approvisionner dans le pays exempt de gabelles, du sel nécessaire pour leur consommation, à la charge seulement par eux de payer annuellement à la recette des Gabelles de Guise une somme de quarante livres parisis, lequel privilège leur a été confirmé, entre autres, par lettres du Roi Henri IV du mois de juillet 1599, de Louis XIII du moins d’octobre 1612, de Louis XIV du mois de décembre 1644, et du feu Roi Louis XV… du mois de février 1716 ; qu’en conséquence, ils désireraient obtenir les mêmes lettres de confirmation de S. M. Vu le mémoire de l’Adjudicataire des fermes unies… Vu aussi l’avis du commissaire départi de S. M. dans le Soissonnais…

Maintient et confirme S. M. les habitants des paroisses du Sart de Nouvion en Thierache, Bergues, Boué, et de la portion de celle de Barzy, qui dépend de la Picardie, dans la faculté de tirer le sel blanc nécessaire à leur consommation, des villes de Flandres, Artois ou Hainaut, où il y a des raffineries établies, à leur choix, à la charge par eux de continuer à payer annuellement à la Recette des Gabelles de Guise une somme de quarante livres parisis ; ordonne en conséquence que les Lettres Patentes qui leur ont été accordées par les Rois prédécesseurs de S. M. auront leur plein et entier effet, en ce qui n’y est dérogé par le présent règlement.

II. — Les aides.

Arrêt du Conseil modifiant celui du 30 octobre 1774 sur le commerce des eaux-de-vie de la généralité d’Amiens. 

[D. P., VII, 202.]

(Restriction supprimée.)

4 mars.

Le Roi, s’étant fait représenter en son Conseil l’Arrêt rendu en icelui, le 30 octobre 1774, par lequel elle avait fait défenses à tous marchands détailleurs ou autres, établis dans les Paroisses des généralités de Paris et de Soissons qui sont situées dans les trois lieues limitrophes des extrémités de la généralité d’Amiens, de tenir en magasin aucune eau-de-vie en pipes, busses, muids, demi-muids, quarts de muids et autres tonneaux ; et leur aurait permis seulement de s’en approvisionner en barils de 60 pintes et au-dessous, ayant acquitté les droits avant l’enlèvement, et dont ils ne pourraient avoir qu’un seul à la fois ; voulant S. M. qu’ils n’en fissent la revente qu’à pot et à pinte, ou autres moindres mesures et seulement pour la consommation des lieux qu’ils habitent. Et S. M., étant informée que la fixation de l’approvisionnement des détailleurs d’eau-de-vie, qui n’a été déterminé par cet arrêt à 60 pintes que dans la vue d’arrêter dans quelques lieux suspects la fraude, destructive du produit des droits de Picardie, qui s’y commettait, fait craindre aux commerçants qui fournissent en gros ces détailleurs que la consommation de cette liqueur ne soit gênée dans les paroisses considérables où cet approvisionnement leur paraît insuffisant, et que leur commerce n’en souffre beaucoup, qu’il serait nécessaire d’y pourvoir par un règlement qui fixerait l’approvisionnement de chaque paroisse, relativement à sa consommation annuelle, appréciée sur le nombre de ses habitants ; mais que ce règlement ne pouvant être formé que d’après des connaissances détaillées qui ne peuvent être rassemblées assez promptement, et qu’en attendant, la consommation de l’eau-de-vie dans beaucoup de lieux, et le commerce en gros de cette liqueur, pourraient en souffrir, S. M. s’est déterminée à y pourvoir provisoirement…

Tous marchands détailleurs d’eau-de-vie, établis dans les paroisses des généralités de Paris et de Soissons, qui sont situées dans les trois lieues limitrophes des extrémités de la généralité d’Amiens pourront s’en approvisionner en pièces de 60 à 70 veltes et au-dessous, dont ils ne pourront avoir qu’une seule à la fois : Veut au surplus S. M., que l’Arrêt du Conseil du 30 octobre dernier et les autres règlements rendus sur le commerce de l’eau-de-vie qui se fait dans les trois lieues limitrophes de la Picardie, soient exécutés, en conséquence, sous les peines y portées[2].

III. — Les Sols pour livres.

Arrêt du Conseil sur la perception des droits de sol pour livre sur les bestiaux vendus pendant le Carême au marché de Sceaux. 

[D. P., VII, 194.]

(Conséquence de la Déclaration du 25 décembre sur le commerce de la viande pendant le carême.)

31 janvier.

Le Roi, s’étant fait représenter en son Conseil la Déclaration du 25 décembre dernier, concernant le commerce de la viande pendant le Carême à Paris, par l’article IV de laquelle S. M. a ordonné que la perception des droits au marché de Sceaux, sera continuée pendant le Carême, à l’effet d’assurer à l’Hôtel-Dieu le même secours qu’il a retiré jusqu’à présent de l’exercice de son privilège ; vu aussi la soumission du 27 dudit mois de décembre, des cautions de Martin Bouchinet, fermier des droits des marchés de Sceaux et de Poissy, de faire la perception desdits droits pendant le Carême au marché de Sceaux, et de fournir les fonds nécessaires sans demander aucune rétribution et voulant régler la perception desdits droits et la manière dont il en sera rendu compte :

I. En exécution de l’article IV de la Déclaration du 25 décembre dernier, il sera perçu le droit de sol pour livre du prix de tous les bestiaux qui seront vendus au marché de Sceaux pendant le Carême, et les quatre sols pour livre d’icelui, de la même façon et dans la même forme qu’ils le sont ou doivent l’être dans ledit marché pendant les autres temps de l’année, ainsi que les autres droits usités dans ledit marché.

Les articles II, III, IV, chargent Bouchinet de remplir les mêmes fonctions dont la caisse de Poissy était chargée le reste de l’année. Cette régie passagère, dit Du Pont, donnait l’avantage d’acquérir les idées plus exactes sur la perception dont il s’agissait.

IV. — Le tabac.

1. Lettres patentes sur la contrebande du tabac à Paris.

(Registrées en la Cour des Aides le 1er septembre 1775.)

[D. P., VIII, 32.]

(Répression des fraudes.)

Versailles, 29 août.

Louis… La conservation des droits de nos fermes et les moyens de prévenir la contrebande qui, en diminuant les revenus de l’État, expose la vie et la fortune de nos sujets, ont dans tous les temps mérité l’attention des rois nos prédécesseurs. Notre auguste aïeul, instruit qu’il s’introduisait dans la ville de Paris et dans celle de Versailles, une quantité considérable de tabacs mélangés et falsifiés dont le débit est aussi nuisible à la santé des citoyens que préjudiciable à nos droits, a, par Arrêts de son Conseil des 30 mai 1771 et 7 juin 1772, attribué au Sr lieutenant général de police de la Ville de Paris, la connaissance par voie de police et d’administration, et le jugement en dernier ressort, de tous les délits relatifs à l’introduction, au débit et au colportage des tabacs, tant en poudre qu’en bouts et des poudres factices exposées en vente, sous la dénomination de tabacs, tant dans les villes de Paris et de Versailles que dans l’étendue des Prévôtés et vicomtés en dépendantes ; nous avons reconnu que cette attribution a produit les plus prompts et les meilleurs effets. Les moyens faciles et multipliés que fournit au lieutenant général de police l’administration dont il est chargé, ont diminué une espèce de contrebande si dangereuse, prévenu les excès et les peines auxquels ceux qui s’y livrent sont malheureusement exposés. Elle a d’ailleurs l’avantage de diminuer les frais de procédure par la promptitude des jugements.

D’une autre part, notre Cour des Aides de Paris ayant, par ses remontrances à nous présentées au mois de mai dernier, réclamé contre cette attribution, nous nous sommes fait rendre compte desdits Arrêts des 30 mai 1771 et 7 juin 1772, des motifs qui les ont déterminés et des circonstances dans lesquelles ils ont été rendus et, voulant donner à notre Cour des Aides une nouvelle preuve de la confiance que nous avons dans son zèle et dans ses lumières, nous avons pris le parti qui nous a paru le plus propre à concilier les droits de la compétence qu’elle réclame, l’intérêt des lois, et celui de nos sujets, avec la nécessité où nous nous trouvons d’opposer à la fraude des moyens que rien ne pourrait suppléer. À ces causes…

Nous avons formé et établi, formons et établissons une commission de notre conseil qui sera composée du sieur d’Albert, maître des requêtes ordinaire de notre hôtel, lieutenant général de police de notre bonne ville de Paris, et de cinq conseillers de notre cour des Aides qui seront par nous nommés, à l’effet de connaître par voie de police et d’administration, et de juger en dernier ressort des introductions, vente, débit, et colportage des tabacs de toute espèce, en bouts et en poudre et de poudres factices, sous la dénomination de tabacs, dans la ville de Paris et celle de Versailles, et dans l’étendue des prévôtés et vicomte en dépendantes, leurs circonstances et dépendances, et des prévarications commises par les employés des fermes et débitants, dans l’exercice de leurs fonctions ; dérogeant à cet égard à tous Édits, Règlements et Arrêts qui pourraient y être contraires…

2. Lettre à l’intendant de Bordeaux (Esmangard) sur des plantations de tabac en Corse.

[A. Gironde, C. 74. — Foncin, 590.]

1er novembre.

Vous m’avez envoyé, M., de la graine de tabac de Clairac que je vous avais demandée pour vous en faire essayer la culture en Corse. On s’en occupe et on m’en promet du succès ; mais M. de Boucheporn me marque qu’en ayant chargé plusieurs personnes dans différents cantons, il devient nécessaire de les diriger par une instruction uniforme et il désire d’en avoir une qui ait été dressée avec intelligence dans le lieu même d’où vient la graine qu’il fait essayer. Je vous serai obligé de me mettre en état de lui procurer ce secours le plus tôt qu’il vous sera possible en faisant donner cette instruction par une personne exercée dans ce genre de culture.

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[1] Voir p. 315 les projets de Turgot relatifs à la gabelle.

[2] Une lettre de Turgot au Garde des Sceaux (A. N. F12 151) communiqua aux fermiers généraux une plainte du président de la Cour des Aides de Bordeaux (Du Luc) du 17 janvier. Un arrêt rendu par cette Cour en 1773, portant défense aux marchands commissionnaires d’eau-de-vie de retenir sur le vendeur un droit d’entrée de 10 livres par pièce, droit supprimé par Arrêt du Conseil du 3 octobre 1652, n’était pas appliqué.

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