A-t-on le droit de discriminer ?

Un homme d’affaires blanc a-t-il le droit de refuser ses services à un homme noir ? Le droit d’exclure n’est pas quelque chose de fortuit. Il est au cœur du fonctionnement de la civilisation. Les libertariens ont eu raison de s’opposer à ces dispositions de la Loi sur les droits civiques de 1964. Elles frappent au cœur de la liberté, avec un coût social très élevé. Le capitalisme libéral inclut et exclut en fonction du rapport monétaire, et sans tenir compte des caractéristiques que les collectivistes de toutes sortes considèrent comme importantes.


A-t-on le droit de discriminer ?

Par Llewellyn H. Rockwell, Jr.

Traduit par Lydéric Dussans, Institut Coppet

 

Il semble incroyable que, dans les derniers jours, un droit fondamental de l’humanité tout entière, la liberté d’association, ait été dénoncé par le New York Times et par toutes les sources majeures d’opinion, alors même qu’une figure politique nationale était réticente à défendre ses propres déclarations en faveur de cette idée, et qu’elle s’est ensuite distancée de la notion. Un tel principe fondamental de la liberté serait-il devenu indicible ? [NdT : référence  à la controverse sur les propos de Rand Paul sur les Civil Rights].

Ou peut-être que cela n’est pas si incroyable. Un gouvernement démesuré, dans une ère de despotisme comme la nôtre, doit refuser un tel droit fondamental simplement parce que c’est l’une des questions fondamentales qui se pose à ceux qui sont en charge : l’État ou les individus.

Nous vivons à une époque anti-libérale, où le choix individuel est hautement suspect. L’éthique législative principale est orientée vers la prise de toutes les actions nécessaires ou interdites, avec de moins en moins de place laissée à la volonté humaine. Autrement dit, nous n’avons plus confiance en l’idée de liberté. Nous ne pouvons même pas imaginer comment elle pourrait fonctionner. Quelle distance nous avons parcourue depuis la révolution de la raison de notre époque.

En faisant référence à la grande controverse au sujet de la Loi sur les droits civiques de 1964, Karen De Coster a posé le débat en se reposant sur la manière dont Rachel Maddow avait orienté la question. Cette dernière avait exigé de savoir si un homme d’affaires blanc avait le droit de refuser ses services à un homme noir. Karen demandait donc si un homme d’affaires noir avait le droit de refuser ses services à un membre du Ku Klux Klan ?

Je ne pense pas que quiconque puisse contester ce droit. La manière dont une personne utilise le droit de s’associer (ce qui signifie nécessairement le droit de ne pas s’associer) est une question de choix individuel profondément influencé par le contexte culturel. Qu’une personne ait le droit de baser ses choix sur son propre jugement ne peut être nié par ceux qui croient en la liberté.

Le droit d’exclure n’est pas quelque chose de fortuit. Il est au cœur du fonctionnement de la civilisation. Si j’utilise un logiciel propriétaire, je ne peux pas le télécharger sans la signature d’un accord contractuel. Si je refuse de le signer, l’entreprise ne doit pas me le vendre. Et pourquoi ? Parce que c’est leur logiciel et ce sont eux qui définissent les conditions d’utilisation. Il n’y a rien de plus à dire.

Si vous avez un blog qui accepte des commentaires, vous avez conscience de l’importance de ce droit. Vous devez être en mesure d’exclure les spams ou d’interdire les adresses IP des trolls, ou bien d’inclure et d’exclure la contribution d’une personne en fonction du fait qu’elle ajoute ou non de la valeur. Chaque site sur Internet qui suscite la participation du public le sait. Sans ce droit, n’importe quel forum pourrait s’effondrer, après avoir été pris en charge par les mauvais éléments.

Nous exerçons le droit d’exclure quotidiennement. Si vous allez déjeuner, certaines personnes viennent et certaines personnes ne viennent pas. Quand vous avez du monde à dîner, vous prenez soin d’inclure certaines personnes et nécessairement d’exclure les autres. Certains restaurants attendent et exigent des chaussures, des chemises, des cravates et même des manteaux. Le New York Times inclut des articles et en exclut d’autres, inclut certaines personnes à ses comités éditoriaux et en exclut d’autres.

Lorsque les entreprises embauchent, certaines personnes font de la coupe et d’autres pas. C’est la même chose avec l’admission au collège, avec les membres de l’Église, des fraternités, des clubs civiques, et e presque toutes les autres associations. Ils exercent tous le droit d’exclure. Il est au cœur de l’organisation de tous les aspects de la vie. Si ce droit est refusé, qu’obtenons-nous à sa place ? La coercition et la contrainte. Les gens sont contraints en même temps par l’État, avec un groupe voulu à la pointe d’une arme à feu pour servir un autre groupe. C’est la servitude involontaire, expressément interdite par le 13ème amendement. On présume qu’un peuple épris de liberté sera toujours être contre cela.

Comme le dit Larry Elder : « C’est la liberté pour les nuls. »

Qu’en est-il de l’affirmation selon laquelle le gouvernement devrait réglementer les motifs de l’exclusion ? Disons, par exemple, que nous ne nions pas le droit général de la liberté d’association, mais que nous réduisons son champ d’application pour répondre à une injustice particulière. Est-ce plausible ? Eh bien, la liberté est un peu comme la vie : c’est quelque chose qui est ou qui n’est pas. Découper et trancher en fonction des priorités politiques est extrêmement dangereux. Cela perpétue la division sociale, conduit à un pouvoir arbitraire, impose une forme d’esclavage, et renverse la situation pour celui qui dispose précisément du pouvoir dans la société.

En fait, que le gouvernement prétende réglementer les « motivations » de toute prise de décision est effrayant. Cela suppose le droit et la capacité des bureaucrates gouvernementaux à lire dans les pensées, comme s’ils pouvaient connaître la véritable motivation derrière toute action, indépendamment de ce que prétend le décideur. C’est ainsi que les banques au cours des dernières décennies en sont venues à accorder des prêts hypothécaires de manière confuse : ils essayaient de se débarrasser de la réglementation à la recherche de tout signe de discrimination raciale.

Et, bien sûr, ce tour de télépathie n’est pas arbitraire. Il est dicté par des pressions politiques. Il n’est pas étonnant, dès lors, que depuis la loi adoptée en 1964, les motivations que les autorités disent discerner, et pouvoir interdire, ont proliféré et sont maintenant complètement hors de contrôle. Cette stratégie a-t-elle vraiment augmenté le bien-être social, ou a-t-elle exacerbé le conflit entre les groupes que l’État a exploité à ses propres fins ?

Mais osons-nous laisser des propriétaires fonciers prendre de telles décisions par eux-mêmes ? D’un point de vue historique, l’injustice contre les Noirs a été perpétrée principalement par les gouvernements. Les entreprises privées ne pratiquent pas de politiques fondées sur la race, car cela signifie l’exclusion des potentiels clients.

Et c’est précisément pourquoi les racistes, les nationalistes et les fanatiques purs et durs se sont toujours opposés au capitalisme libéral : car il inclut et exclut en fonction du rapport monétaire, et sans tenir compte des caractéristiques que les collectivistes de toutes sortes considèrent comme importantes. Dans les utopies imaginées par les nationaux-socialistes, les champions du commerce sont pendus aux réverbères comme des traîtres à leur race et des ennemis de la nation.

C’est parce que le marché tend vers une tapisserie de l’association en constante évolution, en constant changement, avec des motifs qui ne peuvent être connus à l’avance et ne devraient pas être réglementés par des maîtres fédéraux. En revanche, les tentatives du gouvernement de réglementer l’association conduisent au désordre et aux calamités sociales.

Comme Thomas Paine l’a expliqué : « Dans ces associations que les hommes forment entre eux pour promouvoir le commerce ou telle autre activité, associations dans lesquelles le gouvernement n’a strictement aucune part et où les individus se contentent de suivre les principes de la société, on voit bien comment les diverses parties s’unissent naturellement. Il suffit de comparer pour se rendre compte que les gouvernements, loin d’être toujours la cause ou l’instrument de l’ordre, sont souvent l’agent de sa destruction. »

C’est précisément pourquoi les libertariens ont eu raison de s’opposer à ces dispositions de la Loi sur les droits civiques de 1964. Elles frappent au cœur de la liberté, avec un coût social très élevé. Il n’y a rien de surprenant à ce que les organes irréfléchis et anti-intellectuels de l’opinion cherchent à le nier. Mais ce qui m’a surpris, c’est la rapidité avec laquelle les supposés libertariens, notamment dans le cadre de DC, ont été prompts à se distancer du principe de la liberté d’association. Je prends cela non pas comme une mesure de faillite intellectuelle, mais comme un signe de la crainte qu’ont tant de personnes, à une époque de pouvoir despotique, de dire la vérité au pouvoir.

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