Histoire monétaire de l’occident médiéval. Par Etienne Fournial (1970)

histoire monétaireBeaucoup de problèmes monétaires et par conséquent, économiques restent à résoudre. L’étude de la circulation monétaire peut jeter une vive lumière sur les relations et les échanges. 

La monnaie médiévale a un double caractère. Elle est, à la fois, un instrument de mesure et une marchandise. Nicolas Oresme, évêque de Lisieux (1382), dans son Traité de la première invention des monnaies, définit la monnaie : “un instrument artificiellement inventé pour faciliter l’échange des richesses naturelles”. Définition qui a été reprise et complétée par nombre d’auteurs : hommes politiques, économistes ou historiens. La monnaie est “un objet revêtu de la confiance publique qui sert de mesure à tout ce qui se vend” (Mirabeau, Discours sur la monnaie, 1790). Elle a “une valeur intrinsèque; [elle] est une matière précieuse dont la valeur et le poids sont garantis par le poinçon de l’État” (Th. Mommsen). Elle est “un lingot de métal précieux, de forme et de dimensions variables dont l’autorité publique garantit le poids et le titre” (Léon Say). C’est une “pièce de métal servant aux échanges, frappée par une autorité souveraine et marquée au coin de cette autorité” (Littré). En somme, il s’agit d’un instrument de mesure destiné à faciliter les échanges dont les caractéristiques sont fixées et garanties par l’autorité qui l’a fabriqué.

AVANT-PROPOS

Hormis un cercle restreint de spécialistes, les questions monétaires, particulièrement celles du Moyen Age, sont mal connues. Certes, articles et ouvrages qui traitent de numismatique ne manquent  pas.  Beaucoup plus rares sont ceux consacrés à l’histoire de la monnaie et, plus précisé­ment, à l’histoire de la monnaie médiévale.  Au  vrai, il  n’existe  qu’un petit  manuel, celui de Marc Bloch, Esquisse  d’une histoire  monétaire de l’Europe paru en 1954, qui reproduit un cours professé une vingtaine d’années auparavant et dont quelques fragments avaient déjà été publiés dans les Annales (Économies, Sociétés, Civilisations).  Mais  cet ouvrage ne consacre guère que la moitié de ses pages à évoquer, dans leurs grandes lignes, les problèmes monétaires du Moyen Age, le reste traitant du “régime monétaire de l’ère capitaliste”), Certaines conceptions, certaines explications de l’auteur apparaissent  aujourd’hui périmées. Les spécialistes ont, en effet, depuis plus de trente ans, beaucoup travaillé. Telles pages, celles qui traitent, par exemple, du denier de la loi salique, sont  complètement  dépassées.  Tout en lui rendant  un hommage  mérité car en ce domaine, comme en bien d’autres, Marc Bloch a été un précurseur et un initiateur -il n’en reste pas moins que le sujet était non seulement à reprendre, mais encore à développer.

L’ouvrage  que nous présentons  n’est pas  un traité  de numismatique. Non que nous méprisions cette science sans laquelle toute histoire monétaire serait d’ailleurs impossible, mais notre préoccupation a eu un autre objet. Il ne s’est pas agi pour nous de décrire des types de monnaies ou de les classer, mais de retracer l’histoire de la monnaie, d’étudier son statut juridique et économique, ses variations, d’en rechercher les causes et d’en déterminer les conséquences. Et, somme toute, comme la monnaie est  l’instrument  de  mesure  des  échanges,  n’avons-nous,  en  définitive, émit qu’un chapitre d’histoire économique.

Ce livre, essentiellement destiné  aux étudiants de l’Enseignement Supérieur, se propose un double but. Il veut, en premier lieu, être un ouvrage d”initiation. Il veut dégager les grandes lignes de l’histoire monétaire de  l’Occident médiéval et tenter de présenter une  synthèse, toute provisoire d’ailleurs, de nos connaissances actuelles sur  ce sujet. En second lieu, il veut être une invitation, une incitation à la recherche. Aussi bien, le chercheur débutant trouvera-t-il en Appendice une biblio­graphie que d’aucuns trouveront peut-être un peu ample, mais qui est nécessaire comme point de départ pour de futures recherches.

Le sujet à traiter était vaste. Il convient d’en préciser les limites dans le temps et dans l’espace.

Dans le temps d’abord. Comme tout ouvrage d’histoire médiévale, il commence avec les invasions barbares. Il faut toutefois observer que le monnayage barbare n’est qu’une survivance du système monétaire romain et qu’il n’y a apparition d’une  monnaie  nettement  originale  qu’au VIIe siècle avec le denier. Mais cette nouvelle espèce ne s’explique que par   une  étude préalable  de  la  monnaie  depuis  les  derniers  temps  de  la domination  romaine, autrement  dit  depuis  le début  du  Ve siècle.  En  ce qui concerne le terme de notre étude -et nous rejoignons ici encore les historiens du Moyen  Age  – l’événement  capital dont  la portée  est immense  est  la  découverte  de  l’Amérique.  Le  Nouveau  Monde,  en déversant sur le vieux continent des quantités considérables de métaux précieux, a provoqué des changements considérables dans l’économie et la monnaie.  Ce livre va jusqu’en  1514, date à laquelle apparaît  en France et ce, à l’imitation des Italiens, une nouvelle espèce  d’argent, pièce très lourde, au flan épais et dont le type est caractérisé par l’effigie du souverain. C’est ce que les contemporains ont appelé le teston dont la frappe  a été rendue possible  par  l’afflux du métal blanc américain. En résumé, le cadre  chronologique  de cet ouvrage va du début  du Ve siècle au début  du XVIe.

Les limites dans l’espace sont plus  difficiles à préciser.  Il s’agit, bien sûr, de l’Occident  européen. Mais doivent en être écartées les zones où circulèrent les espèces byzantines, comme l’Italie méridionale, ou les monnaies arabes, comme l’Espagne ou, suivant les époques, certaines parties de l’Espagne, et également de l’Italie du Sud. Il reste en somme la partie  de l’Europe  occidentale  qui, au  VIIIe siècle, a abandonné  la frappe de l’or  pour ne la reprendre qu’au XIIIe siècle. En gros, ce territoire correspond à l’empire carolingien dans sa plus grande extension, auquel il faut ajouter les Iles Britanniques. La pièce maîtresse de cet ensemble est donc la Gaule. Et comme dans un manuel  élémentaire  il n’est pas possible de tout étudier, notre travail est  resté centré sur la France. Bien entendu, nous ne nous sommes pas interdit des incursions dans les pays voisins.

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