L’expansion coloniale

Dans cette court texte inséré dans la Revue économique de Bordeaux, Frédéric Passy rappelle la portée et la signification de son anti-colonialisme, dont la ferveur lui a inspiré par exemple un grand et célèbre discours à l’occasion du Tonkin, en 1885. Sa conviction centrale, c’est, comme il le répète, « la supériorité des moyens pacifiques sur les moyens violents, et, par conséquent, de la pénétration graduelle, par le commerce et par les entreprises privées, sur l’occupation, en apparence plus rapide, en réalité plus longue, parce qu’elle reste contestée, par les armes ». 

Frédéric Passy, « L’expansion coloniale », Revue économique de Bordeaux, novembre 1897.


VARIÉTÉS

L’expansion coloniale.

J’avais dernièrement, à propos de la colonisation, une discussion aussi sérieuse que courtoise, dans le Siècle, avec un officier supérieur qui, sous cette signature, traite dans ce journal, avec beaucoup de distinction, les questions militaires.

Je ne voudrais pas reprendre ici cette discussion. Je me bornerai à dire que j’y soutenais la supériorité des moyens pacifiques sur les moyens violents, et, par conséquent, de la pénétration graduelle, par le commerce et par les entreprises privées, sur l’occupation, en apparence plus rapide, en réalité plus longue, parce qu’elle reste contestée, par les armes.

Je trouve dans les journaux de ces derniers jours trois confirmations de cette manière de voir qui me paraissent dignes d’être notées.

La première, c’est l’opinion du général Faidherbe, reproduite dans le discours qu’a prononcé à Saint-Louis le ministre des colonies, M. Lebon. Opinion toute favorable à la nécessité de ménager et de respecter les indigènes, et de fonder sur leur éducation et leur bien-être la prospérité des territoires occupés.

La seconde, c’est le passage du discours de M. le Président de la République à la Bourse du commerce, dans lequel, déclarant que ce serait une utopie de penser que, dans les entreprises coloniales, l’action de l’État doive être substituée aux initiatives individuelles, le Président observait que c’est de ces dernières que nous devons tout attendre, réservant à l’État le soin de donner aux Français à l’étranger, en retour de leur hardiesse intelligente, l’appui dont ils ont besoin.

La troisième, enfin, c’est une conversation de M. de Bismark, rapportée entre autres par la revue l’Étranger, de laquelle j’extrais simplement ces mots :

« … Quant à la politique de conquêtes coloniales, l’ex-chancelier ajoute à la mode de France, — je n’y ai jamais eu aucun goût quand j’étais ministre, et il me semble que les temps actuels y seraient particulièrement défavorables. Notre commerce doit être partout suffisamment protégé ; mais le drapeau doit suivre le commerce, et non le précéder. »

Il parle d’or quelquefois le chancelier de fer.

Frédéric Passy.

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