Une critique de la banque libre à réserve fractionnaire. Par Jesús Huerta de Soto

Jesus Huerta de Soto

Cet article universitaire majeur sur la critique autrichienne de la banque libre à réserve fractionnaire a été publié dans The Quaterly Journal of Austrian Economics, vol. 1, no. 4, hiver 1998, pp. 25-49. Vous pouvez le consulter en version originale sur le site du Mises Institute.

Jesús Huerta de Soto est un économiste espagnol représentant de l’école autrichienne, également docteur en droit, qui enseigne l’économie politique à l’Université Juan Carlos à Madrid, en Espagne. Cet article expose sa vision critique de la théorie de la banque libre à réserve fractionnaire, développée par une certaine littérature de l’école autrichienne qui a émergé après la parution de l’ouvrage de Friedrich von Hayek, Pour une vraie concurrence des monnaies (récemment traduit en français par Guillaume Vuillemey et disponible sur Amazon ici). Jesús Huerta de Soto développe ici son approche critique, sur une plan à la fois juridique, économique et historique, pour défendre l’idée qu’un tel système est théoriquement et économiquement impossible à mettre en œuvre, et défend l’idée de l’obligation d’un ratio à 100 % de réserves par rapport aux dépôts à vue des banques. 

Traduit par Marc Lassort, Institut Coppet


Dans les quinze dernières années nous avons assisté à la renaissance des doctrines économiques développées par l’école classique de la banque libre. Les partisans de cette renaissance défendent l’idée que la banque libre à réserve fractionnaire conduirait non seulement à une diminution du nombre de crises financières et des altérations générées par le système actuel de banque centrale, mais qu’elle aurait également tendance à éliminer les récessions économiques. Nous regrouperons ces théoriciens autour de la dénomination de l’école de la banque libre à réserve fractionnaire.[1] Cette école est formée par une coalition de théoriciens aux origines hétérogènes.[2] Ainsi, ses éléments incluent des membres distingués de l’école autrichienne tels que White (1984 ; 1993)[3], Selgin (1987 ; 1988 ; 1994) et plus récemment Horwitz (1989 ; 1992 ; 1994) ; des membres de l’école anglaise subjectiviste tels que Dowd (1989 ; 1993a,b) ; et enfin des monétaristes tels que Glasner (1989 ; 1992), Yeager (1983 ; 1986) et Timberlake (1984 ; 1987 ; 1989). Même Milton Friedman (Friedman et Schwartz, 1986), bien qu’il ne peut être considéré comme faisant partie de cette nouvelle école, s’est progressivement rapproché de celle-ci, notamment après sa déception d’avoir constaté l’échec des banques centrales à mettre en pratique sa proposition bien connue de la règle monétaire.

En outre, certains théoriciens modernes de la banque libre à réserve fractionnaire, sous l’impulsion de Selgin, ont proposé une théorie de l’offre monétaire dans le cadre de la banque libre qui, en utilisant le cadre analytique de l’équilibre-déséquilibre monétaire développé par les écoles monétariste et keynésienne durant le premier tiers du siècle actuel[4], vise à montrer que la banque libre à réserve fractionnaire ajusterait simplement la création de moyens fiduciaires (billets de banque et dépôts) à la demande publique. Ainsi, ils soutiennent que la banque libre à réserve fractionnaire tendrait à réaliser un meilleur « équilibre monétaire » que les autres systèmes alternatifs, puisqu’elle adapterait plus efficacement l’offre monétaire à sa demande.

En d’autres termes, cet argument est basé sur l’étude de ce qu’il se produirait s’il y avait un accroissement de la demande pour des moyens fiduciaires par les agents économiques, supposant une offre inaltérable des réserves bancaires de la monnaie-marchandise (Selgin 1988, p. 34).[5] Le raisonnement est que, si cela se produit, le flux d’échange de moyens fiduciaires pour les réserves des banques diminue, ce qui signifie que ces réserves augmentent et que les banques, avides d’obtenir davantage de profits et conscientes qu’elles ont maintenant besoin de moins de réserves « prudentielles », développent le crédit et l’émission de billets de banque, donnant ainsi naissance à un accroissement de l’émission de moyens fiduciaires répondant et s’adaptant à l’augmentation antérieure de leur demande. Le contraire se produit lorsqu’on assiste à une réduction de la demande pour des moyens fiduciaires : les agents économiques augmentent le flux d’échange de moyens fiduciaires pour les réserves bancaires, c’est-à-dire que les banques sentent leur solvabilité menacée et sont forcées de réduire le crédit et de réduire l’émission de dépôts et de billets de banque. Ainsi, la réduction dans l’offre de moyens fiduciaires suit la réduction antérieure de la demande supplémentaire pour des moyens fiduciaires.

Cette analyse de l’équilibre monétaire rappelle certains arguments de l’ancienne école de la banque (la Banking school) sur les besoins du commerce. Selon eux, la création de moyens fiduciaires par les banques privées ne serait pas néfaste si elle répond à une augmentation des « besoins » des commerçants.[6] Selon la nouvelle théorie de « l’équilibre monétaire » dans la banque libre, la création de moyens fiduciaires (billets de banque et dépôts) par les banques privées ne génère pas de cycles économiques parce qu’elle tend seulement à répondre à l’augmentation de la demande pour de tels instruments de la part du public. Bien que l’embryon de cette nouvelle version raffinée de la théorie des « besoins du commerce » ait déjà été exposée dans l’ouvrage de White, Free Banking in Britain[7], elle n’a néanmoins pas été développée par cet auteur, mais par un de ses étudiants les plus distingués, George A. Selgin. Nous allons maintenant apporter une étude critique de la théorie de Selgin de « l’équilibre monétaire » dans le cadre de la banque libre à réserve fractionnaire.

L’étude des changements dans la demande de moyens fiduciaires comme variable exogène

Les théoriciens modernes de la banque libre à réserve fractionnaire fondent leur analyse sur l’idée que la demande pour de la monnaie sous la forme de moyens fiduciaires est une variable qui est exogène au système et accroît ou décroît selon la volonté des agents économiques. Par conséquent, pour Selgin et White, la principale vertu du système de banque libre est qu’il adapte l’émission de dépôts et de billets de banque à l’augmentation et à la diminution de leur demande.[8] Cependant, cette demande ne serait pas toujours exogène au système de banque libre, mais elle pourrait être déterminée de manière endogène par le système lui-même.

Il est compréhensible que les théoriciens de l’école de la banque libre à réserve fractionnaire commencent généralement leur analyse de l’équilibre monétaire en supposant qu’il y a eu des variations soudaines de la demande pour les moyens fiduciaires, bien qu’ils expliquent rarement leur origine et leur étiologie.[9] C’est comme s’ils étaient conscients que, du côté de l’offre, l’analyse autrichienne avait démontré que l’expansion du crédit causait d’importations distorsions de l’économie qui semblent justifier un système monétaire rigide[10] qui empêche les expansions et les contractions monétaires générées par leur système de banque libre à réserve fractionnaire. Du côté de l’offre monétaire, par conséquent, il semble que les arguments théoriques des Autrichiens soutiennent l’établissement d’un système monétaire relativement inélastique comme l’étalon-or pur avec une obligation de 100 % de réserves pour les dépôts à vue des banques.[11] Par conséquence, il est aisé de comprendre que quiconque souhaitant justifier théoriquement un système de banque libre à réserve fractionnaire, qui peut donner naissance à des augmentations et des réductions significatives dans l’offre de moyens fiduciaires, doit inévitablement en venir à la partie « demande monétaire » du problème, afin de pouvoir comprendre que, lorsque ces modifications de l’offre de moyens fiduciaires se produisent (et elles se produiront, dans un système de banque libre à réserve fractionnaire), c’est parce qu’elles satisfont toujours des variations antérieures et entièrement indépendantes de la demande pour des moyens fiduciaires. Ainsi, un hypothétique « équilibre monétaire » qui existait précédemment et qui aurait été altéré par une variation exogène de la demande pour les moyens fiduciaires serait rétabli.

Cependant, l’évolution des événements peut souvent être différente de ce qu’indiquent ces théoriciens. Cela pourrait commencer, non par des mouvements autonomes ou initiaux dans la demande pour des moyens fiduciaires, mais plutôt par la manipulation de l’offre monétaire (expansion du crédit) que, dans une mesure variable, tous les systèmes de banque libre à réserve fractionnaire peuvent générer de manière autonome et exogène. Ces accroissements de l’expansion du crédit vont distordre la structure productive et provoquer un cycle économique qui conduira à des variations soudaines de la demande pour des moyens fiduciaires et de la monnaie, en particulier lors des dernières étapes de l’expansion et lors des périodes de crise et de récession.

Il est vrai que si la banque centrale n’était pas le prêteur en dernier ressort et la garantie de la plupart des banques, l’expansion du crédit cesserait longtemps avant qu’elle ne le ferait dans un environnement où l’expansion du crédit serait orchestrée et conduite par la banque centrale, utilisant ses liquidités pour soutenir les banques en danger. C’est l’argument principal en faveur de la banque libre à réserve fractionnaire : il a été originellement développé par Parnell (1827) et a été également considéré plus tard par Mises comme une solution de remplacement.[12] Cependant, c’est une chose d’affirmer qu’une banque complètement libre limiterait l’expansion du crédit plus tôt, mais c’est une chose très différente de dire que l’expansion du crédit générée par un système de banque libre à réserve fractionnaire ne viendrait en aucun cas distordre la structure productive parce qu’elle tendrait également à rétablir un hypothétique « équilibre monétaire ». En fait, Mises lui-même est très clair sur le fait que toute expansion de crédit distord le système productif, rejetant ainsi l’essence de la théorie moderne de l’équilibre monétaire. Mises soutient que « la notion d’une expansion ‘normale’ du crédit est absurde. L’émission de moyens fiduciaires supplémentaires, quoique leur quantité puisse être, met toujours en mouvement ces changements dans la structure des prix, dont la description est la tâche de la théorie du cycle économique » (Mises 1998, p. 442 ; italiques ajoutés par l’auteur). [13]

La théorie de l’équilibre monétaire dans le cadre de la banque libre à réserve fractionnaire ne reconnaît pas que l’offre de moyens fiduciaires peut générer, dans une large mesure, sa propre demande. En d’autres termes, la théorie moderne de la banque libre reprend l’erreur principale de l’ancienne école bancaire qui repose, comme Mises l’a montré, sur l’incompréhension que la demande de crédit par le public est une magnitude qui dépend précisément de la capacité des banques à prêter. Ainsi, les banques qui ne sont pas trop concernées par leur solvabilité future sont dans une situation où elles peuvent étendre le crédit et placer de nouveaux moyens fiduciaires dans le marché en réduisant simplement les intérêts qu’elles demandent sur les nouveaux prêts qu’elles créent et en facilitant les autres conditions contractuelles qu’elles requièrent normalement pour l’octroi de nouveaux crédits.[14] En outre, l’accroissement monétaire auquel donne naissance l’expansion du crédit tend, au moins pendant une période initiale, à accroître la demande de moyens fiduciaires. En fait, ces agents économiques qui ne sont pas complètement conscients qu’un processus inflationniste d’expansion a commencé verront comment les prix de certains biens et services commencent à croître relativement plus vite et, gardant l’espoir que ces prix retourneront à leur niveau « normal », décideront probablement d’accroître leur demande pour des moyens fiduciaires. Pour citer Mises à nouveau, alors que persiste la première étape de ce processus inflationniste,

« les prix de nombreux biens et services ne sont pas encore ajustés à la relation monétaire altérée. Il y a toujours des gens dans le pays qui ne sont pas encore conscients du fait qu’ils sont confrontés à une révolution des prix qui résultera finalement dans une hausse considérable de tous des prix, bien que l’étendue de cet accroissement ne sera pas la même dans les différents biens et services. Ces gens penseront toujours que les prix vont baisser un jour. En attendant ce jour, ils vont restreindre leurs achats et de manière concomitante augmenter leur détention d’espèces. » (Mises, 1998, pp. 427-28)

Par conséquent, non seulement les banques d’un système de banque libre à réserve fractionnaire peuvent initier une expansion du crédit de manière unilatérale ; mais sur des périodes étendues, l’accroissement de l’offre de moyens fiduciaires peut également produire un accroissement de sa propre demande, qui va persister jusqu’à ce que le public comprenne et commence à se méfier de la situation d’expansion économique et réalise qu’une augmentation générale des prix va se produire. Après quoi, durant les dernières étapes de l’expansion et lorsque la confiance aura été ébranlée pendant la récession, les gens vont également tendre à accroître leur demande pour de la monnaie scripturale.

Nous pouvons conclure que si l’origine des changements dans la demande pour de la monnaie est dans l’offre de moyens fiduciaires par la banque libre, le fondement essentiel de la théorie de l’équilibre monétaire dans le cadre de la banque libre à réserve fractionnaire, selon laquelle l’offre de moyens fiduciaires s’ajuste simplement à leur demande, disparaît. En fait, ce pourrait être la demande pour des moyens fiduciaires qui, au moins sur des périodes étendues, tendrait à s’ajuster à une plus grande offre monétaire générée par les banques sous la forme de crédits.

Les sources possibles des expansions unilatérales de crédit dans les systèmes réels de banque libre à réserve fractionnaire

Il y a plusieurs raisons qui peuvent permettre à un système réel de banque libre à réserve fractionnaire de générer des expansions de crédit qui ne correspondent pas aux variations précédentes dans la demande pour des moyens fiduciaires.

Tout d’abord, l’analyse de l’équilibre monétaire dans un système de banque libre partage de nombreuses limites de l’analyse néoclassique traditionnelle qui, à la fois dans le champ microéconomique et dans le champ macroéconomique, explique à peine comment un état final hypothétique de repos des processus sociaux (équilibre monétaire) est atteint en conséquence du comportement maximisateur strict des agents économiques (les banquiers privés). L’analyse économique autrichienne, d’un autre côté, met l’accent sur le processus entrepreneurial dynamique qui se produit continuellement dans le marché, plutôt que sur l’équilibre. Chaque action entrepreneuriale sert à coordonner et à établir une tendance vers l’équilibre qui, cependant, n’est pas atteinte car, durant ce processus, de nouvelles informations sont continuellement générées par les entrepreneurs et d’autres changements se produisent dans les circonstances de marché, rendant l’équilibre impossible à atteindre. En appliquant ce schéma théorique bien connu au processus entrepreneurial dynamique étudié par les Autrichiens dans le modèle de l’équilibre monétaire, il est clair que, dans un système réel de banque libre à réserve fractionnaire, un ajustement parfait entre l’émission de moyens fiduciaires et leur demande, inclus si mécaniquement dans le modèle, ne peut être accepté, si ce n’est d’une manière très imparfaite voire au mieux approximative.

Dans la vie réelle, de nombreux entrepreneurs bancaires, qui ont chacun leur propre vigilance personnelle, leur interprétation subjective de l’information du monde extérieur (dont l’évaluation, optimiste ou non, de l’évolution des événements économiques, de ce qui est peut être considéré comme un niveau prudent de réserves et de solvabilité) et leur créativité entrepreneuriale, vont prendre des décisions quotidiennes sur le volume de moyens fiduciaires à être émis dans un environnement d’incertitude tenace. Il est évident que de nombreuses erreurs seront commises lors de ce processus entrepreneurial sous la forme d’émissions unilatérales de moyens fiduciaires qui vont distordre l’économie productive réelle. La vérité est que ces erreurs auront tendance à être découvertes et éliminées, mais uniquement dans un processus de longue durée durant lequel certains volumes de moyens fiduciaires seront produits par erreur et causeront des préjudices réels à la structure productive. Si nous ajoutons à cela les relations intimes qui existent entre l’offre de moyens fiduciaires et leur demande par le public, que nous avons mentionnées dans le chapitre précédent, nous pouvons comprendre l’immense problème que pose l’objectif d’atteindre l’équilibre monétaire dans le monde réel de la banque libre à réserve fractionnaire : les entrepreneurs bancaires, à travers un processus d’essais et d’erreurs, essaieront d’adapter l’émission de moyens fiduciaires à une demande qu’ils ne connaissent pas, et qui a tendance à varier en conséquence des erreurs inévitables commises par les banquiers sous la forme « d’émissions indues » de moyens fiduciaires durant le processus d’ajustement. Cela est discutable, et cela dépendra avant tout des circonstances historiques de chaque cas particulier, notamment si le processus entrepreneurial de coordination des banquiers converge dans la direction d’un certain équilibre ; mais ce qui ne peut pas à notre avis être contesté est que, au moins dans le processus de coordination, des erreurs seront commises, des moyens fiduciaires seront indument émis sous la forme d’une expansion de crédit, et la structure productive sera soumise à une distorsion, ainsi que le montre la théorie autrichienne des cycles économiques (Hülsmann, 1996, esp. pp. 40-41).

La même chose pourrait être dite, en deuxième lieu, de la possibilité d’une expansion « en concertation » des moyens fiduciaires organisée simultanément par un groupe plus large ou plus restreint de banquiers, ou de l’idée que des fusions-acquisitions puissent se produire au sein des banques libres, afin de « mettre en commun » et de mieux gérer les réserves « prudentielles » qu’elles détiennent, accroissant ainsi leur capacité à créer des moyens fiduciaires afin d’augmenter leurs profits (Laidler 1992, p. 197). À moins que les avocats d’un système de banque libre souhaitent éviter l’adoption de ces types de stratégies entrepreneuriales en appliquant une législation anticoncurrentielle stricte dans l’industrie bancaire (ce dont nous doutons), il semble possible que ce genre de phénomènes se produisent dans un système de banque libre à réserve fractionnaire. En relation avec l’expansion préétablie, Selgin soutient que les « expansions spontanées en concertation seront auto-correctrices » parce que la croissance des liquidations va accroître la variance des liquidations des débits et des crédits (Selgin 1988, p. 82). Cependant, en dehors du fait que, dans son modèle, Selgin suppose toujours un montant fixe de réserves bancaires, et qu’un certain nombre d’auteurs doutent que ce mécanisme est efficace (Schwartz 1993, p.3), même si, pour des raisons dialectiques, nous supposons que Selgin a raison, on peut toujours défendre que l’ajustement ne serait jamais parfait ou immédiat et que, durant leur processus de réajustement et de coordination, les expansions en concertation et les fusions pourraient faciliter l’émission unilatérale de volumes significatifs de nouveaux moyens fiduciaires qui pourraient donner naissance à un cycle économique.

Finalement, en troisième lieu, un système de banque libre à réserve fractionnaire conduit à des accroissements unilatéraux d’émission de moyens fiduciaires qui ne correspondent pas aux accroissements précédents de leur demande lorsqu’un accroissement dans le stock mondial de monnaie-marchandise (or) utilisé par les banques comme réserves prudentielles se produit. Si nous nous souvenons que, historiquement, le stock mondial d’or a augmenté à un taux annuel compris entre 1 et 5 % (Skousen 1990, ch. 8, pp. 269 et 359), il est clair qu’un système de banque libre pourrait permettre, même s’il était uniquement une conséquence de la production annuelle mondiale d’or, une croissance significative (également entre 1 et 5 % annuellement) de l’émission de moyens fiduciaires qui n’aurait pas comme origine l’augmentation de leur demande.[15]

Nous pouvons donc conclure que, même dans un système de banque libre à réserve fractionnaire, des processus inflationnistes significatifs[16] et des crises économiques sérieuses[17] peuvent se produire. 

La théorie de « l’équilibre monétaire » dans la banque libre à réserve fractionnaire est basée sur une analyse exclusivement macroéconomique

Une attention doit être portée au fait que l’analyse moderne de l’équilibre monétaire dans un système de banque libre à réserve fractionnaire ignore les effets microéconomiques qui émergent de l’accroissement ou de la réduction de l’offre de moyens fiduciaires générée par le système bancaire. En d’autres termes, même en acceptant pour des raisons dialectiques que l’origine de tous les maux consiste, comme le supposent les théoriciens de la banque libre à réserve fractionnaire, dans des changements inattendus dans la demande pour de la monnaie scripturale par les agents économiques, il est évident que l’offre de moyens fiduciaires générée par le système bancaire pour s’adapter à ces changements dans la demande de monnaie n’arrive pas instantanément aux agents économiques dont les appréciations en regard de la détention de nouveaux moyens fiduciaires ont été modifiées. Ils se répandent plutôt dans le marché dans des endroits très spécifiques et d’une manière très précise : étape par étape dans un processus temporel et sous la forme de crédits accordés en réduisant les taux d’intérêt et reçus par certains entrepreneurs et investisseurs qui tendent ainsi à initier de nouveaux projets d’investissement qui concourent à la distorsion de la structure de production.

Il n’est donc pas surprenant que les théoriciens modernes de l’école de la banque libre à réserve fractionnaire tendent à ignorer certains éléments essentiels de la théorie autrichienne des cycles économiques. Cette théorie autrichienne est difficile à intégrer dans leur analyse de l’émission des moyens fiduciaires dans un système de banque libre à réserve fractionnaire. Cela s’explique par le fait qu’ils prennent normalement refuge dans une analyse exclusivement macroéconomique et utilisent des instruments qui, comme l’équation de l’échange ou le concept de niveau des prix, tendent précisément à dissimuler les phénomènes microéconomiques importants qui prennent place dans une économie où il y a une expansion de crédit et où la quantité de moyens fiduciaires change (variation dans les prix relatifs et incoordination intertemporelle).

Dans des processus normaux de marché, l’offre de biens et de services de consommation tend à varier en fonction de leur demande et la nouvelle production de ces types de biens tend à atteindre précisément les consommateurs dont l’appréciation subjective de ces biens s’est accrue. Cependant, la situation en regard des moyens fiduciaires est très différente : l’offre de moyens fiduciaires ne va généralement pas immédiatement et directement dans les poches des agents économiques dont la demande pour ces moyens fiduciaires peut s’être accrue ; ils n’arrivent auprès d’eux qu’à la suite d’un long processus, après être passé à travers les poches de nombreux autres agents économiques, distordant ainsi l’ensemble de la structure productive durant cette longue phase transitive.

Lorsque les banquiers dans un système de banque libre à réserve fractionnaire créent de nouveaux moyens fiduciaires, ils ne les passent pas directement aux agents économiques qui ont une plus grande demande pour de la monnaie scripturale. Ils accordent des crédits aux entrepreneurs, qui les reçoivent et les investissent entièrement sans prendre du tout en compte la proportion dans laquelle les derniers détenteurs des nouveaux moyens fiduciaires désirent consommer et investir. Et ainsi, il est très possible que, si les préférences sociales de consommation et d’investissement n’ont pas été changées, les nouveaux moyens fiduciaires créés par les banques pour compenser la demande déjà accrue pour de la monnaie scripturale vont au moins être partiellement utilisés pour accroître les dépenses de biens de consommation, forçant les prix relatifs de ces types de biens à augmenter. Ainsi que le disait Hayek,

aussi longtemps qu’une partie du revenu supplémentaire ainsi créé est dépensée dans des biens de consommation (i.e., à moins que ce revenu soit épargné dans son intégralité), les prix des biens de consommation doivent croître de manière permanente en relation à ces genres variés de facteurs. Et cela ne peut à l’évidence pas être durablement sans effet sur les prix relatifs des genres variés de facteurs et sur les méthodes de production qui apparaîtront profitables. (Hayek 1976, p. 378)

Hayek clarifie plus loin notre position lorsqu’il conclut que

Tout ce qui est nécessaire pour rendre notre analyse applicable est que, lorsque les revenus augmentent par l’investissement, la part de revenu supplémentaire dépensée dans les biens de consommation durant chaque période devrait être plus grande que la proportion dans laquelle le nouvel investissement ajouté à la production de biens de consommation durant la même période. Et il n’y a bien sûr aucune raison d’attendre que plus d’une fraction du nouveau revenu [créé par l’expansion de crédit], et certainement pas autant qu’il a été nouvellement investi, soit épargnée, car cela signifierait que pratiquement tout le revenu gagné grâce au nouvel investissement devrait être épargné. (Ibid., p. 394)[18]

Afin d’illustrer notre argument, nous supposerons qu’il y a un accroissement de la demande pour les moyens fiduciaires sans aucune variation de la proportion dans laquelle les agents économiques voudront consommer ou investir.[19] Si ces conditions existent, les agents économiques seront forcés de réduire leur demande monétaire pour les biens de consommation, de vendre des actifs obligataires et des actifs de placement et, par-dessus tout, de décroître leur réinvestissement dans les différentes étapes du processus de production, jusqu’à ce qu’ils soient capables d’accumuler un volume supérieur désiré de monnaie scripturale. Nous supposons que la préférence temporelle n’a pas varié, en utilisant les diagrammes triangulaires bien connus de Hayek (Hayek 1967, pp. 32-62 ; Skousen 1990, pp. 133-214) pour décrire les changements qui se seraient produits dans la structure productive. Nous voyons, dans la figure 1, comment l’accroissement de la demande pour les moyens fiduciaires contraint l’hypoténuse du triangle à se déplacer vers la gauche, ce qui indique qu’il y a une demande monétaire moindre pour la consommation et l’investissement, bien que la proportion entre elles reste intacte. Dans cette figure, la zone A représente la nouvelle « thésaurisation » des moyens fiduciaires par les individus.

La conclusion essentielle de la théorie de l’équilibre monétaire dans un système de banque libre à réserve fractionnaire est que les banques vont répondre à l’accroissement qui se produit dans la demande pour les moyens fiduciaires en les accroissant par un volume identique (représenté par la zone A) ce qui laissera intacte la structure productive, comme le montre la figure 2.

Figure 1 et 2

Cependant, il faut se rappeler que le nouveau volume de moyens fiduciaires créé par les banques n’est pas distribué directement à ses utilisateurs finaux (les agents économiques qui ont accru leur stock de monnaie scripturale par une quantité de A dans la figure 1), mais est, d’abord, octroyé comme un prêt aux entrepreneurs qui dépensent la totalité du volume représenté par la zone A dans des biens de placement, donnant naissance, au début, à une structure productive comme celle montrée par la figure 3.

Cependant, cette structure plus intensive en capital ne peut pas être maintenue sur le long terme puisqu’une fois que les moyens fiduciaires nouvellement créés atteignent leurs utilisateurs finaux (qui ont déjà accumulé la nouvelle monnaie bancaire qu’ils souhaitaient depuis le début, montrée dans la figure 1), ils les dépensent, selon notre hypothèse, dans des biens de consommation et d’investissement dans une proportion identique à celle montrée dans les figures 1 et 2. Si nous plaçons la figure 3 au-dessus de la figure 2 (le résultat est montré dans la figure 4), il est aisé d’observer la distorsion qui se produit dans la structure productive. La zone grisée B représente les projets d’investissement entrepris de manière erronée comme une conséquence du fait que la totalité de l’émission de nouveau crédit réalisée par la banque libre afin de compenser l’accroissement précédent dans la demande pour des moyens fiduciaires est utilisée pour l’investissement.[20] La zone grisée C (avec une surface égale à B) représente la part que les détenteurs finaux de moyens fiduciaires dépensent dans les biens les plus près de la consommation. Cela laisse la structure productive dans les mêmes proportions comme dans la figure 4, mais seulement après que le réajustement inévitable et douloureux indiqué dans la théorie autrichienne des cycles économiques, que le système de banque libre à réserve fractionnaire a été incapable d’éviter, se soit produit. Nous pouvons conclure que, dans ce cas, au contraire de ce que Selgin et White suggèrent[21], même si l’accroissement de moyens fiduciaires est exactement égal à un accroissement précédent de la détention de moyens fiduciaires par les agents économiques, cela met en mouvement le cycle économique autrichien.

Figure 3 et 4

La confusion possible entre le concept d’épargne et le concept de demande monétaire

La tentative de récupérer au moins l’essence de la doctrine des « besoins du commerce » et de démontrer que la banque libre à réserve fractionnaire ne donnera pas naissance aux cycles économiques a conduit Selgin à défendre une thèse relativement similaire à celle décrite par John Maynard Keynes lorsqu’il discutait des dépôts bancaires. Nous devrions nous rappeler comment, pour Keynes, l’homme qui détient la monnaie supplémentaire correspondante au nouveau crédit bancaire est dit épargner :

En outre, l’épargne qui résulte de cette décision est juste aussi véritable que toute autre épargne. Personne ne peut être contraint de détenir la monnaie supplémentaire correspondante au nouveau crédit bancaire, à moins qu’il préfère délibérément détenir plus d’argent plutôt que certaines autres formes de richesse. (Keynes 1936, p. 83)

La position de Selgin semble être parallèle à celle de Keynes lorsqu’il considère que la demande publique pour détenir de l’encaisse sous forme de billets de banque et de comptes de dépôt simultanément reflète le désir d’émettre des « prêts » de court terme pour un montant identique à travers le système bancaire. La seule différence entre les deux auteurs sur la question est que Selgin (1994, p. 54) semble limiter sa conclusion aux « ajustements dans l’offre de fonds prêtables, visant à préserver l’équilibre monétaire ». En fait, Selgin affirme que

détenir de la monnaie interne est s’engager dans de l’épargne volontaire. . . . Dès lors qu’une banque étend ses passifs dans le processus de création des nouveaux prêts et investissements, ce sont les détenteurs des passifs qui sont les prêteurs ultimes de crédit, et ce qu’ils prêtent sont les ressources réelles qu’ils pourraient acquérir si, au lieu de détenir de la monnaie, ils la dépensaient. Lorsque l’expansion ou la contraction des passifs des banques procèdent d’une manière à être à tout moment en accord avec l’évolution de la demande pour la monnaie interne, la quantité de fonds de roulement réels fournis aux emprunteurs par les banques est égale à la quantité volontairement offerte aux banques par le public. Sous ces conditions, les banques sont simplement des intermédiaires de fonds prêtables. (Selgin 1988, pp. 54-55)[22]

Cependant, un accroissement dans le solde des moyens fiduciaires que le public souhaite détenir est parfaitement compatible avec un accroissement simultané de la demande pour des biens et des services de consommation si le public décide de réduire ses dépenses d’investissement. La vérité est que tout agent économique peut utiliser son solde monétaire dans chacune des trois façons suivantes : il peut les dépenser dans des biens et des services de consommation ; il peut les dépenser pour des investissements ; ou il peut les conserver sous la forme d’encaisses ou de moyens fiduciaires. Il n’y a aucune autre alternative. La décision quant à la proportion qui sera dépensée pour la consommation ou l’investissement est différente et indépendante de la décision prise sur les moyens fiduciaires et les encaisses que l’on souhaite conserver. Ainsi, on ne peut pas conclure que toutes les encaisses monétaires sont équivalentes à « l’épargne » à laquelle les crédits bancaires et l’investissement correspondants devraient correspondre, comme il est parfaitement possible que, comme nous l’avons vu plus tôt, une partie des nouveaux moyens fiduciaires créés par les banques ne soit pas investie mais consommée par les détenteurs finaux.

Pour dire que « tout détenteur de passifs à vue émis par une banque libre alloue à cette banque un prêt pour la valeur de ses détentions » (Selgin 1987, p. 440) est la même chose que de dire que toute création de monnaie bancaire en réponse à un accroissement de la demande pour des moyens fiduciaires implique, finalement, un octroi a posteriori d’un prêt pour le même montant à la banque. Cependant, la banque génère des crédits à partir de rien et offre du pouvoir d’achat aux entrepreneurs, qui le reçoivent sans prendre en compte du tout les désirs réels de consommation et d’investissement des agents économiques qui, en fin de compte, deviendront les détenteurs finaux des moyens fiduciaires qu’elle crée. Et donc il est très possible que, comme nous l’avons déjà vu, si les préférences sociales de consommation et d’investissement n’ont pas changé, au moins une partie des nouveaux moyens fiduciaires créés par les banques vont finalement être utilisées pour accroître les dépenses de biens de consommation, forçant les prix relatifs à ce type de biens à croître.

Normalement, le théoricien de la banque libre à réserve fractionnaire considère que tous les billets de banque ou les dépôts émis par une banque sont des actifs financiers, c’est-à-dire des prêts. Juridiquement, il y a des problèmes sérieux avec cette idée, que nous expliquerons plus tard. Économiquement, cela implique que la monnaie bancaire est un actif financier qui représente l’épargne volontaire d’un agent économique qui prête des biens actuels (généralement de la monnaie) en échange de biens futurs (généralement également de la monnaie).[23] Cependant, la monnaie est en elle-même un bien présent qui est parfaitement liquide (O’Driscoll 1986) et détenir des soldes de moyens fiduciaires ne donne aucune indication pour le comportement de l’agent économique qui détient la monnaie en relation à la proportion dans laquelle il souhaite consommer ou investir. Pour l’ensemble du système bancaire, l’ensemble des stocks de moyens fiduciaires ne sont pas des actifs financiers, puisqu’ils ne sont pas normalement retirés du système, mais circulent plutôt indéfiniment, passant de main à main, puisqu’ils sont de la monnaie (ou mieux, un substitut monétaire parfait). Au contraire, un actif financier représente la distribution de biens présents en échange de biens futurs qui doivent être toujours restitués à une certaine date future (même si c’est après une période courte) et sa création résulte d’un accroissement réel et antérieur d’épargne par les agents économiques. En outre, l’actif financier est généralement un certificat qui nous fait remarquer qu’on a renoncé aujourd’hui à une monnaie présente en échange de l’obtention d’un montant monétaire supérieur demain. Si l’actif financier lui-même est converti à son tour en monnaie, une duplication inflationniste des moyens de paiement est créée à partir de rien sans besoin d’une épargne réelle.

La nouvelle épargne requiert toujours une réduction du taux de consommation réel qui a existé (i.e., un sacrifice). Ce n’est pas la différence entre la consommation réelle et la consommation « potentielle » hypothétique dont on peut bénéficier si tous les soldes de moyens fiduciaires ont été dépensés en biens de consommation. Selgin apparaît soutenir la seconde idée lorsqu’il propose de changer la définition de Machlup de « crédit créé » car ce dernier considère, de manière correcte selon notre avis, qu’il y a du « crédit créé » lorsque l’octroi expansionniste de crédits peut apporter un pouvoir d’achat qui n’a pas été précédemment sacrifié à la consommation (i.e., épargné) par quiconque, même si, comme nous l’avons montré, la création de crédit tend à compenser un accroissement antérieur de la demande pour des moyens fiduciaires. Le crédit devrait toujours venir d’une épargne antérieure si on souhaite éviter la distorsion de la structure productive. Si ce sacrifice de consommation ne se produit pas, mais que l’investissement est plutôt financé par un crédit nouvellement créé, la structure de production peut, comme nous le savons, être distordue.[24]

Quelques commentaires sur les illustrations historiques des systèmes de banque libre à réserve fractionnaire

Les théoriciens de la banque libre à réserve fractionnaire ont fait un effort intellectuel significatif à illustrer les éléments essentiels de leur théorie avec des exemples historiques réels. Jusqu’ici, quelques 60 exemples historiques spécifiques où s’est formé un système de banque à réserve fractionnaire dans un degré considérable de liberté ont été identifiés et étudiés à des niveaux variables de profondeur (Dowd 1993b, pp. 39-46). La conclusion générale (Schuler et White 1992, p. 198) habituellement tirée de ces études historiques est que « les taux de faillite bancaire étaient plus faibles dans les systèmes non soumis à des restrictions sur le capital, les succursales et la diversification (par exemple l’Écosse et le Canada), que dans les systèmes restrictifs dans ces domaines (l’Angleterre et les Etats-Unis). » En fait, même si l’on accepte l’idée qu’un système de banque libre puisse donner naissance, en termes relatifs, à moins de crises bancaires que celles qui se sont produites dans certains systèmes de banque centrale, pour le bien de cet article, cette conclusion est pratiquement hors de propos pour les raisons suivantes.

Tout d’abord, les études historiques réalisées à ce jour, au lieu de se concentrer sur une analyse qui chercherait à savoir si le système de banque libre éviterait des expansions unilatérales de crédit, des expansions et des récessions économiques, ont en pratique été limitées à étudier si les paniques bancaires étaient plus ou moins fréquentes et sérieuses que dans un système de banque centrale (ce qui est évidemment une question très différente). Nous avons expliqué plus haut les raisons théoriques pour lesquelles nous pensons qu’un système de banque libre à réserve fractionnaire peut donner naissance à des processus significatifs d’expansion unilatérale de moyens fiduciaires et comment le fait que la nouvelle création de monnaie bancaire est toujours injectée dans le marché sous la forme de crédits, quoique soient les désirs de consommation et d’investissement des agents économiques, distord la structure productive et donne naissance aux cycles d’expansion et de récession. Bien qu’il y ait encore un long chemin à faire dans le champ de la recherche historique quant à l’impact cyclique de la banque libre à réserve fractionnaire, il y a un certain nombre d’études qui analysent les systèmes de banque libre à réserve fractionnaire avec aucune (ou très peu) restriction légale, banque centrale ou barrière institutionnelle. Toutes semblent confirmer la thèse que les systèmes de banque libre à réserve fractionnaire peuvent générer d’importations expansions de crédit capables de provoquer des récessions économiques. Ainsi, Carlo M. Cipolla a réalisé une étude qui interprète la crise économique de la seconde moitié du XVIe siècle en Italie, dans laquelle l’expansion de monnaie bancaire a joué un rôle de premier plan (de Soto 1996, pp. 62-63 ; Cipolla 1990). Et même le système de banque libre à réserve fractionnaire écossais a été sujet à des phases récurrentes d’expansion et de contraction du crédit, qui ont conduit à des cycles économiques correspondants d’expansion et de récession, au moins pendant les années 1770, 1772, 1778, 1793, 1797, 1802-1803, 1809-1810, 1818-1819, 1825-1826, 1836-1837, 1839 et 1847 (Checkland, 1973). De la même façon, il y a des pistes de phénomènes similaires dans les exemples restants des systèmes de banque libre à réserve fractionnaire qui ont existé historiquement.[25]

En second lieu, le fait que les études historiques semblent indiquer que, dans les systèmes de banque libre à réserve fractionnaire, il y ait eu moins de paniques bancaires que dans les systèmes avec une banque centrale, ne veut pas dire que les premiers ne connaissaient jamais de crises bancaires. Selgin (1993, p. 27) lui-même donne au moins trois exemples significatifs : celles qui se sont produites en Écosse en 1797, au Canada en 1837 et en Australie en 1893. Et bien que, comme nous l’avons dit plus haut, la problématique pertinente pour notre propos est le volume d’expansion du crédit et les cycles généraux d’expansion et de récession induits par les banques dans le système économique, plutôt que les crises et les paniques bancaires per se, il y a un certain nombre de raisons institutionnelles qui, en plus de la « moindre » capacité expansionniste du système de banque libre en comparaison avec un système de banque centrale, peut aider à expliquer ce résultat. Ainsi, Rothbard (1995a, p. 491) indique comment, dans le cas de l’Écosse, les banques ont « promu » l’utilisation de leurs billets dans les transactions économiques dans une mesure telle que presque personne ne demandait à être payé en or et que toute personne qui souhaitait occasionnellement retirer des espèces au guichet de leur banque recevait une désapprobation générale et était sujet à une pression des banquiers, qui décrivaient habituellement ce comportement comme « déloyal » et menaçaient de rendre plus difficile pour le consommateur d’obtenir des crédits dans le futur.[26]

En tout cas, je ne pense pas que l’élimination des crises bancaires est le critère historique définitif pour évaluer quel système bancaire est le meilleur. Si c’était le cas, même les théoriciens de la banque libre à réserve fractionnaire devraient admettre que le système bancaire idéal est un système de banque libre à 100 % de réserves en or, puisque Selgin (1993, p. 2) lui-même reconnaît qu’ « une crise bancaire avec 100 % de réserves est une impossibilité. »

Troisièmement, il y a un fait historique incontestable : aucun des 60 exemples de banque libre à réserve fractionnaire n’a survécu. Tous ont été remplacés par des systèmes de banque centrale, la plupart d’entre eux durant la période (de la seconde partie du XIXe siècle au début du XXe siècle) où le monde vivait dans une situation de laissez-faire relatif et n’avait pas encore évolué vers un niveau élevé d’intervention économique caractéristique du siècle actuel. Le fait est que la connaissance de la nature humaine nous permet d’expliquer, dans une large mesure, les raisons pour lesquelles la banque libre à réserve fractionnaire a donné naissance aux systèmes de banque centrale avec une intervention intense comme nous la connaissons aujourd’hui. Une fois que le principe de banque libre avec 100 % de réserves a été violé et abandonné, et étant données les tentations systématiques auxquelles les différents agents économiques, sociaux et politiques ont été soumis, les résultats étaient pratiquement irrésistibles. Certains de ces agents économiques, les banquiers, ont succombé en abusant de leur capacité à émettre des moyens fiduciaires, même si cela mettait en danger leur propre solvabilité. Les déposants ont ensuite, de manière enthousiaste, fait des dépôts, avec intérêts, jusqu’à ce que leur banque fasse faillite, pour ensuite se joindre à une énorme agitation en demandant l’aide et l’intervention de l’État. Par-dessus tout cela, l’État, essayant toujours d’obtenir du financement facile et indolore, a trouvé la mythique « pierre philosophale » qu’il avait longtemps cherché dans le contrôle et la manipulation de la banque à réserve fractionnaire. Et finalement, les hommes d’affaire, les théoriciens économiques, et le public général, ont succombé pour des siècles à l’idéologie expansionniste et inflationniste de la banque à réserve fractionnaire. Dans un graphique synthétique intéressant, Dowd (1993b, pp. 40-45, 46) décrit les raisons dominantes (crise bancaire, théorie-idéologie et seigneuriage) qui ont abouti sur les systèmes connus de banque libre à réserve fractionnaire et conclut que « bien sûr, la banque libre n’est pas parfaite ; dans un monde peuplé par des gens imparfaits, aucune institution ne l’est. »[27] Je dirais, plutôt, qu’étant donné l’imperfection des êtres humains et leur abandon des principes moraux et juridiques les plus élémentaires qui devraient guider leurs actions (parmi lesquels j’inclus le besoin de pratiquer une banque libre avec un ratio de couverture de 100 %), l’évolution des événements historiques à ce jour dans le champ bancaire ne devrait pas venir comme une surprise pour quiconque.

Les arguments juridiques

L’analyse des émissions bancaires doit être essentiellement multidisciplinaire car il y a une connexion intime théorique et pratique entre les aspects juridiques et économiques de tous les processus sociaux en général et de ceux liés à la banque en particulier.[28] Selon la tradition juridique d’Europe continentale qui trouve son origine dans le droit romain, la tâche du juriste classique est un art véritable, visant à chercher et à trouver l’essence (das Wesen) des institutions juridiques qui émergent du réseau d’interactions sociales. Dans cette tâche, les juristes n’entretiennent jamais l’intention d’être « originaux », « imaginatifs », ou d’avoir des « idées brillantes », mais cherchent plutôt à « servir un certain nombre de principes fondamentaux, ce qui est, ainsi que l’a montré Savigny, le mérite de leur grandeur » (Iglesias, 1972). Leur entreprise fondamentale est de découvrir les principes juridiques universaux qui sont immuables et inhérents à la logique des relations sociales, bien qu’il soit vrai, qu’en conséquence de l’évolution sociale elle-même, le besoin émerge souvent d’appliquer ces principes intrinsèquement immuables à de nouveaux problèmes et à de nouvelles situations que l’évolution sociale exige. Dans cette tâche continue d’exégèse et de raffinement des principes juridiques généraux, les juristes appliquent non seulement la logique de leur discipline aux différents cas qu’ils analysent, mais reçoivent également souvent une aide importante d’autres disciplines, comme la théorie économique et l’histoire, qui peuvent illustrer les champs des interactions sociales qui fonctionnent avec un fondement juridique imparfait ou contradictoire.

Un des exemples les plus pertinents montrant comment un fondement juridique confus et contradictoire peut donner naissance à des exemples historiques sérieux d’incoordination et de détérioration sociale est la banque à réserve fractionnaire. Elle trouve son origine et se développe en conséquence de la volonté de fusionner deux contrats, le contrat de dépôt et le contrat de prêt, qui, comme l’eau et le pétrole, sont essentiellement incompatibles l’un avec l’autre.

Tableau 1

Les différences essentielles entre deux types de contrats radicalement différents

Dépôt à vue de monnaie Prêt de monnaie
Différences économiques
1. Les biens présents ne sont pas échangés contre des biens futurs. 1. Les biens présents sont échangés contre des biens futurs.
2. La disponibilité en faveur du déposant est complète et continue. 2. La disponibilité est entièrement transférée à l’emprunteur et perdue par le prêteur.
3. Il n’y a pas d’intérêts, puisque les biens présents ne sont pas échangés contre des biens futurs. 3. Il y a des intérêts, puisque les biens présents sont échangés contre des biens futurs.
Différences juridiques
1. L’élément essentiel qui domine est la conservation ou la détention du tantundem (i.e., équivalent en quantité et qualité) qui constitue la motivation fondamentale du déposant. 1. L’élément essentiel est le transfert de la disponibilité des biens présents en faveur de l’emprunteur.
2. Il n’y a pas d’échéance pour restituer le dépôt et le contrat est plutôt « à vue ». 2. Le contrat requiert la fixation d’une échéance pour la restitution du prêt et un calcul pour le paiement des intérêts.
3. L’obligation du dépositaire est de conserver le tantundum disponible pour le déposant à tous les temps (ratio de couverture à 100 %). 3. L’obligation de l’emprunteur est de restituer le tantundem lorsque l’échéance expire, en payant en même temps les intérêts consentis par les parties contractuelles.

Chaque fois que l’on tente de violer ou d’imposer ensemble des principes juridiques généraux qui sont incompatibles, de nombreuses conséquences néfastes non initialement prévues se produisent, dont certaines ont été discutées du point de vue économique dans les pages précédentes.[29] Les différences essentielles entre les contrats (qui diffèrent radicalement) pour le dépôt irrégulier de monnaie (comme un bien fongible) et le prêt de monnaie sont synthétisées dans le tableau 1, qui nous aide à comprendre les questions et les problèmes juridiques qui peuvent émerger des contrats fondés sur la banque à réserve fractionnaire.[30]

Ainsi, en premier lieu, on devrait noter que la pratique de la banque à réserves fractionnaires implique une impossibilité logique du point de vue juridique. En fait, dès lors qu’une banque octroie des prêts contre de la monnaie qui a été déposée auprès d’elle à vue, une détention de monnaie qui n’existait pas précédemment est créée de nulle part pour un montant identique à celui qui a été prêté par la banque. Le déposant conserve sa monnaie sous la forme d’un dépôt et cela forme une partie de ses encaisses monétaires. Simultanément, la personne recevant le prêt de la banque reçoit un montant monétaire qui, à son tour, devient une partie de ses encaisses monétaires. Ce résultat montre une irrégularité juridique extrêmement sérieuse puisque les contrats ne peuvent de toute façon qu’être la matérialisation d’un transfert croisé de biens (do ut des) mais ne peuvent pas créer des biens ex nihilo. En fait, un nouveau montant de monnaie physique (par exemple l’or) n’a pas été créé mais les deux acteurs (le déposant et l’emprunteur) pensent et agissent comme s’ils détenaient le même or physique. Ce résultat, au moins dans les étapes initiales de la formation du système bancaire moderne, a émergé comme la conséquence de l’appropriation indue et de la fraude commise par de nombreux banquiers qui ont utilisé la monnaie qui leur a été donnée en dépôts pour des prêts.[31]

Dès que les banquiers ont obtenu de l’État le privilège d’agir sur la base des réserves fractionnaires, leur statut criminel a disparu, au moins du point de vue du droit positif. Mais ce privilège ne dote en aucune manière le contrat monétaire de dépôt bancaire avec un fondement juridique adéquat. Au contraire, ce contrat apparaît, dans la plupart des cas, comme un contrat nul et non avenu du point de vue des principes juridiques généraux, puisque l’objectif prédominant de l’une des parties, le déposant, est de réaliser un dépôt, alors que l’autre partie, le banquier dépositaire, le reçoit comme un prêt. Et, selon la plupart des principes juridiques classiques, lorsque chacun des participants à l’échange croît qu’il prend part à un contrat différent, ce contrat est nul et non avenu. Si cette théorie juridique de l’objectif subjectif prédominant[32] du contrat (principale causa du contrat dans le droit romain) est appliquée aux millions de contrats bancaires actuellement appliqués, il serait très facile de constater que l’immense majorité des déposants pensent qu’ils ont en fait pris part à un contrat dans lequel la nature du dépôt prédomine, afin qu’un tel dépôt forme la partie des encaisses monétaires qui peuvent être transformées en monnaie à tout moment. Au contraire, les banquiers reçoivent la monnaie comme un prêt, comme le démontre le fait qu’ils le remettent à leurs emprunteurs, qui accroissent ainsi leurs encaisses monétaires. Je pense que personne ne peut nier l’ambiguïté juridique sérieuse des contrats de dépôt à vue des banques qui ont été réalisés à ce jour.[33] Ils sont appelés « dépôts » commercialement et contractuellement et, en fait, ce nom correspond à l’objectif principal réel que les clients des banques cherchent à réaliser. Cependant, les banquiers reçoivent les dépôts et les utilisent comme s’ils étaient des prêts qui, comme nous l’avons vu dans le tableau 1, sont des contrats radicalement différents.[34] En outre, il est clair que si la majorité des déposants trompent (ou sont trompés) en regard de la nature véritable du contrat qu’ils ont signé et sont en outre tentés par la promesse de l’intérêt[35], ou par l’offre des services de la banque libre, on ne peut pas accepter que le fait que ce type de transaction réalisé massivement soit une démonstration prima facie montrant ou révélant la préférence réelle du public pour ce type de contrat, ou bien moins qu’il n’est socialement nécessaire.

Troisièmement, même si les deux parties, les déposants et les banquiers, tombaient exactement d’accord dans l’idée que l’objectif prédominant de la transaction était le prêt (ce qui ne semble pas être le cas pour la majorité des gens), la nature juridique du contrat monétaire de dépôt bancaire ne serait pas résolue. C’est le cas car, d’un point de vue juridique, il est impossible que les banques puissent se conformer à l’obligation de restituer les dépôts qu’elles ont reçus pour un montant dépassant les réserves qu’elles détiennent. Cette impossibilité est, en outre, aggravée dans la mesure où la pratique de la banque à réserve fractionnaire peut générer des crises bancaires et des récessions économiques qui mettent en danger la confiance du public dans les banques. Et les contrats qui sont impossibles à mettre en pratique dans certaines circonstances sont également nuls si on suit les principes juridiques généraux. Ce n’est qu’en maintenant 100 % de réserves qui garantissent que les supposés « prêts » octroyés (par les déposants) puissent être rachetés (par les banques) à tout moment, ou en assurant l’existence et le soutien d’une banque centrale qui fournisse toute la liquidité nécessaire dans les moments de difficulté, que ces contrats de « prêt » hypothétiques avec un engagement pour le remboursement de la valeur nominale à tout moment pourront être rendus possibles et donc valides.

Quatrièmement, même si on peut défendre l’idée que l’impossibilité de la conformité des contrats monétaires de dépôt bancaire ne se produit qu’un certain nombre d’années pour certaines banques spécifiques, leur nature juridique ne serait toujours pas résolue, car la pratique de la banque à réserve fractionnaire est une violation de l’ordre public et est dommageable aux parties tierces.[36] En fait, la banque à réserve fractionnaire, puisqu’elle génère des crédits expansionnistes sans le soutien d’une épargne réelle, distord la structure de production et conduit les entrepreneurs qui reçoivent les prêts, trompés par la plus grande facilité des conditions de crédit, à entreprendre des investissements qui ne seront finalement pas profitables. Lorsque la récession économique inévitable se produira, leurs projets d’investissement devront être interrompus et liquidés, avec un coût élevé du point de vue économique, social et personnel, non seulement pour les entrepreneurs et les investisseurs eux-mêmes, mais aussi pour le reste des agents économiques impliqués dans le processus de marché (travailleurs, fournisseurs, consommateurs, déposants, banquiers, etc.). Nous ne pouvons donc pas accepter l’argument que, dans une société libre, les banques et leurs clients devraient être libres d’établir les obligations contractuelles qu’ils considèrent les plus adaptées.[37] En fait, lorsque des accords mutuellement satisfaisants entre deux parties sont réalisés avec des dommages pour les parties tierces et constituent donc une violation de l’ordre public, les « contrats » correspondants sont entièrement nuls et non avenus.

Hoppe (1994, pp. 70-71) explique que ce type de contrat nuit aux parties tierces de trois manières différentes : d’abord, dans la mesure où l’expansion de crédit accroît l’offre monétaire et abaisse le pouvoir d’achat des unités monétaires des autres détenteurs d’encaisses monétaires, une partie de la valeur qu’auraient leurs unités monétaires si l’expansion du crédit ne s’était pas produite est expropriée ; deuxièmement, les déposants en général sont lésés car, en conséquence du processus d’expansion du crédit, la probabilité, qu’en l’absence d’une banque centrale, ils soient en mesure de retrouver leurs unités monétaires intactes décroît ; et, si une banque centrale existe, dans la mesure où, même si le rendement de leurs dépôts nominaux peut être garanti, le pouvoir d’achat de leurs unités monétaires sera significativement réduit ; et troisièmement, le plus grand préjudice va au reste des emprunteurs et des agents économiques sous la forme de malinvestissements généralisés, de crises financières, de chômage, et d’inquiétudes, de stress et de souffrance humaine significatifs.

Toute manipulation de monnaie, qui est le moyen généralisé d’échange accepté dans la société, implique toujours, selon la définition même du concept de monnaie, que les participants tiers soient affectés. Nous ne parlons bien entendu pas des supposées externalités pécuniaires qui sont transférées au marché à travers le système des prix en conséquence des changements dans les appréciations subjectives et dans les actions humaines sujettes aux principes juridiques généraux. Au contraire, nous faisons référence aux interférences sociales majeures qui trouvent leur origine dans le fondement juridique irrégulier des contrats bancaires de dépôt à vue qui rendent possible l’anomalie de la multiplication de la quantité de monnaie, indépendamment des volontés des parties, sans que de l’épargne soit accumulée ou que toute nouvelle chose se produise.[38] En fait, économiquement parlant, les effets de l’expansion du crédit sont, d’un point de vue qualitatif, identiques à ceux de la falsification criminelle des pièces et des billets de banque que le code pénal espagnol sanctionne dans les articles 283-90.[39] Les deux impliquent la création de monnaie, la redistribution des revenus en faveur de quelques personnes au détriment des autres citoyens, et la distorsion générale du système productif. Cependant, d’un point de vue quantitatif, seule une expansion du crédit est susceptible d’accroître l’offre monétaire par un volume suffisant et à un taux capable d’alimenter une expansion artificielle et de causer une récession. En comparaison avec l’expansion du crédit de la banque libre à réserve fractionnaire et la manipulation monétaire des États et des banques centrales, la falsification criminelle de la monnaie est un jeu d’enfant et est presque imperceptible.

Les considérations précédentes ont eu leur influence sur certains théoriciens modernes de la banque libre à réserve fractionnaire, qui ont proposé, afin de garantir la stabilité du système, que les banques établissent une clause de sauvegarde de leurs billets et de leurs dépôts, informant leurs clients que la banque peut décider, à tout moment, de suspendre ou de différer la restitution des dépôts ou le paiement des billets correspondants en espèces.[40] Il est clair que l’introduction de cette clause optionnelle va contre la nature du concept de monnaie, dont l’essence est précisément la disponibilité d’une liquidité parfaite, i.e., immédiate, complète et totalement inconditionnelle. La clause optionnelle signifie que les déposants et les porteurs de billets, dans des conditions de crise, peuvent être transformés en prêteurs forcés, plutôt que de rester des déposants détenant des unités monétaires parfaitement liquides ou des substituts monétaires parfaits. Ainsi, le contrat de dépôt traditionnel serait converti en une forme particulière de contrat aléatoire ou de loterie, dans laquelle le recouvrement des dépôts correspondants dépendrait de la chance, de l’influence, et d’autres circonstances spécifiques de chaque moment. Aucune objection ne peut être faite au fait que certaines parties décident de participer à un tel contrat aléatoire irrégulier. Mais, dans la mesure où en dépit de l’existence de cette clause et de la connaissance parfaite de ses implications par tous les participants (les banquiers et leurs clients), ils se comporteraient, de même que tout le reste des agents économiques, comme s’ils considéraient, d’un point de vue subjectif, que pour des objectifs pratiques leurs dépôts à vue sont parfaitement liquides, et que le système bancaire pourrait entraîner de manière identique une expansion du crédit. Les clauses optionnelles n’éviteraient donc pas la reproduction des processus d’expansion, de crise, et de récession économique que la pratique de la banque libre à réserve fractionnaire peut entraîner. Les clauses optionnelles peuvent au moins protéger les banques, mais pas la société ni le système économique, des préjudices produits par les phases successives d’expansion du crédit, de croissance et de récession. Ainsi, l’argument des clauses optionnelles est seulement une dernière ligne de défense qui ne résout en aucune façon le problème que la banque libre à réserve fractionnaire peut produire des préjudices systématiques sérieux aux parties tierces, constituant ainsi une violation de l’ordre public.

Il est surprenant qu’en dépit de tous les arguments précédents, la plupart des théoriciens de la banque libre à réserve fractionnaire, au lieu de proposer l’abolition de la banque à réserve fractionnaire, proposent seulement l’élimination des banques centrales et la privatisation complète du système bancaire, sans faire aucune référence à ce que serait la meilleure solution pour tous les problèmes économiques et juridiques discutés dans cet article : un système de banque libre avec un ratio de réserve de 100 %. Il est vrai que cette privatisation tendrait à mettre un arrêt précoce à la plupart des abus illimités que les autorités monétaires commettent aujourd’hui dans le champ financier, mais cela n’empêcherait pas la possibilité que les abus puissent aussi être commis (dans une échelle plus réduite) dans le champ privé. Ce serait similaire à la situation qui se produirait si on donnait aux États le droit de systématiquement tuer, voler ou commettre tout autre crime. Le préjudice social que cela générerait serait considérable, en considérant le pouvoir énorme et la nature monopolistique de l’État. Et, sans aucun doute, la privatisation de ces activités criminelles (éliminant leur pratique systématique par l’État) tendrait à « améliorer » sensiblement la situation : au moins le grand pouvoir criminel de l’État disparaîtrait et les agents économiques privés pourraient développer la prévention et des procédures de défense contre ces crimes. Cependant, la privatisation des activités criminelles n’est pas la solution finale au problème qu’elles posent et elles seraient seulement complètement éliminées si elles étaient anéanties par tous les moyens juridiques possibles, même si elles étaient commises par des agents privés dans un environnement entièrement privé. En fait, toutes les banques centrales, toute la confusion actuelle et tous les problèmes économiques qui peuvent être générés par la banque libre à réserve fractionnaire, pourraient être résolus par un simple article dans le code pénal de la future société libertarienne qui énoncerait ce qui suit : « Tout banquier qui s’approprie la monnaie déposée à vue auprès de lui pour son propre bénéfice et qui ne maintient pas une réserve de 100 % en relation avec ce dépôt à tout temps doit être puni par l’emprisonnement et obligé à indemniser les victimes. »[41]

La forme traditionnelle dans laquelle la controverse entre les défenseurs des banques centrales et les défendeurs de la banque libre à réserve fractionnaire est posée est essentiellement erronée. En fait, les avocats de la banque libre à réserve fractionnaire ne réalisent pas que leur proposition déclenche une tendance inévitable vers l’émergence, le développement et la consolidation d’une banque centrale. L’expansion du crédit qui peut être générée par tout système bancaire à réserve fractionnaire donne naissance à des processus d’inversion, sous la forme de possibles crises bancaires et de récessions économiques, qui contraignent presque inévitablement les citoyens affectés et les banquiers à demander l’intervention de l’État, autant que la réglementation publique de l’activité. En outre, les banquiers eux-mêmes découvrent bientôt qu’ils réduisent le risque de solvabilité s’ils concluent des accords entre eux, s’ils fusionnent, ou même s’ils demandent la création d’un prêteur de dernier ressort (la banque centrale), qui leur fournit la liquidité nécessaire à des temps d’adversité et institutionnalise, orchestre officiellement et coordonne la croissance de l’expansion du crédit. Finalement, les États ne peuvent éviter de céder à la tentation, pour leur propre bénéfice, d’utiliser ce pouvoir énorme de créer de la monnaie, permis par la banque à réserve fractionnaire.

Nous pouvons donc conclure que la pratique de la banque à réserve fractionnaire est le facteur principal responsable de l’émergence et du développement de la banque centrale. Pour cette raison, la discussion théorique et pratique doit être soulevée, non en termes traditionnels, mais entre les deux seules alternatives possibles,  radicalement opposées l’une à l’autre, que sont : soit un système de banque libre soumis aux principes juridiques traditionnels (i.e., avec un ratio de couverture à 100 %), dans lequel toutes les transactions dépendant d’une réserve fractionnaire, qu’elles soient « volontaires » ou autre, sont considérées comme illégales et comme une violation de l’ordre public ; ou un système qui permet la pratique de la banque à réserve fractionnaire, qui verra inévitablement l’émergence d’une banque centrale comme prêteur à dernier ressort et contrôleur de l’ensemble du système financier. Ce sont les deux seules alternatives viables théoriquement et pratiquement.

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[1] Nous considérons que cette classification en quatre écoles – école de la banque : libre et centrale, et école de la monnaie : libre et centrale – par Vera C. Smith (1990, pp. 144-45) est plus pertinente et apporte une plus grande clarification que la classification en trois écoles d’Anna J. Schwartz (1992, pp. 148-52). Étant donné que selon Smith, la grande majorité des théoriciens de l’école de la banque – avec les rares exceptions de Tooke, Bonamy Price, Cairnes et Collet – défendaient aussi un système de liberté bancaire totale, on pourrait considérer qu’il ne saurait manquer de pertinence d’appeler l’école de la banque libre l’école néo-bancaire.

[2] Comme l’a souligné Laidler (1992, pp. 196-97), l’intérêt récent dans la banque libre et le développement de l’école de la banque libre à réserve fractionnaire repose sur Hayek (1978). Avant Hayek, Klein (1974) avait fait une proposition similaire.

[3] Voir également Selgin et White (1994 ; 1996). White (1993) a d’ailleurs compilé en trois volumes les travaux les plus importants de l’école..

[4] Selgin inclut également Haberler (1931), Machlup (1940), et, avec des restrictions, Hayek (1935) au sein des théoriciens d’Europe continentale qui ont soutenu le cadre analytique de l’équilibre monétaire. À propos de Keynes, Selgin (1988, pp. 56 et 59) conclut que « en dépit […] de différences importantes entre l’analyse keynésienne et la vision des autres théoriciens de l’équilibre monétaire, de nombreux keynésiens peuvent accepter la prescription de l’équilibre monétaire apportée » dans son ouvrage.

[5] Ibid. (chapitres 4, 5 et 6, et esp. pp. 64-69) pour une analyse détaillée de cette théorie.

[6] En fait, ces doctrines bancaires (et d’autres) ont déjà été exposées à un stade embryonnaire par les théoriciens anti-bullionistes dans la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle. Voir Rothbard (1995 b, c, d) et Hayek (1991).

[7] Selon Horwitz, White

« rejette expressément la doctrine des effets réels et soutient une version différente de l’idée des « besoins du commerce ». Pour lui les « besoins du commerce » se traduisent par la demande de billets de banque. Selon cette interprétation, la doctrine énonce que l’offre de billets de banque devrait varier en fonction de la demande de billets. C’est aussi acceptable que l’idée que l’offre de chaussures devrait varier pour satisfaire leur demande. » (Horwitz 1994, p. 169)

[8] « La banque libre va à l’encontre du déséquilibre monétaire de court terme et de ses conséquences sur le cycle économique » (Selgin et White 1996, pp. 101-2).

[9] Il est curieux d’observer que les théoriciens modernes de l’école de la banque libre, comme les keynésiens et les monétaristes, semblent obsédés par les changements unilatéraux de court terme de la demande monétaire. Cependant, de tels changements se sont historiquement produits dans le cycle économique – durant les dernières étapes des expansions et des crises – et commencent presque toujours à la suite de changements antérieurs dans l’offre de nouvelle monnaie créée par le système bancaire. En dehors de cela, seuls des désastres exceptionnels comme les guerres et d’autres catastrophes – naturelles ou autres – pourraient expliquer un changement soudain de la demande monétaire. Des variations saisonnières de la demande monétaire sont comparativement d’une importance mineure et un système de banque libre à 100 % de réserves pourrait aisément s’ajuster à elles en fonction de certains mouvements saisonniers de l’or et des variations de prix. En outre, pour Mises, un accroissement de la demande monétaire ne pose aucun problème de coordination, même si les banques n’essaient pas de s’adapter en créant de nouveaux crédits. Ainsi, même dans le cas où un accroissement de l’épargne (en d’autres termes, une baisse de la consommation) se matérialise entièrement sous la forme d’un accroissement du solde monétaire – thésaurisation – et non en prêts directs sous la forme de dépenses en biens d’équipement, il y aura une épargne réelle des biens et services de la communauté et un processus par lequel la structure productive se prolongera et deviendra plus intensive en capital. Si cela se produit, l’accroissement des soldes monétaires donnera simplement naissance à un accroissement du pouvoir d’achat de la monnaie et donc à une baisse des prix nominaux des biens et des services de consommation des différents facteurs de production qui générera parmi eux, en termes relatifs, les disparités de prix qui sont typiques des périodes dans lesquelles l’épargne croît et la structure de production devient plus intensive en capital. Voir Mises (1998, pp. 520-23) et aussi le commentaire correspondant de Salerno (1993).

[10] Hayek (1967, p. 108) écrivait qu’afin d’être neutre, « l’offre monétaire devrait être invariable ». Souvenez-vous également que le but de Hayek dans Prix et production était de « démontrer que l’appel pour une monnaie « élastique » qui s’étende ou se contracte avec toute fluctuation de la « demande » est fondé sur une erreur sérieuse de raisonnement » (1931, p. xiii).

[11] Skousen note qu’un système de banque libre à 100 % et un étalon-or pur est plus élastique que la proposition de Hayek et répond aux « besoins du commerce » : la déflation des prix stimulerait les nouvelles découvertes aurifères et pourrait finalement entraîner une expansion de l’offre de monnaie-or sans créer un cycle expansion-récession. Skousen (1990, p. 359) conclut que « l’histoire nous montre que l’offre monétaire (le stock d’or) sous un système d’étalon-or pur aurait une croissance comprise entre 1 et 5 %. Et, plus important encore, il n’y aurait pratiquement aucune chance d’avoir une déflation monétaire avec une couverture monétaire de 100 % d’or. »

[12] « La défense de Mises de la banque libre est fondée en partie sur son accord avec Cernuschi, qui (avec Modeste) croyait que la liberté de l’émission de billets conduirait automatiquement à une banque avec 100 % de réserves » (Selgin 1988, p. 62). Une interprétation différente de la position de Mises a été donnée par White (1992, pp. 517-33). Salerno critique White pour sa défense de la thèse que Mises était le prototype de l’école de la banque libre à réserve fractionnaire sans réaliser que Mises a toujours critiqué les positions principales de l’école de la banque et que, s’il défendait la banque libre, c’était une procédure indirecte pour atteindre l’objectif final d’un système bancaire avec une obligation de réserve à 100 %. Salerno conclut que

« dans la mesure où Mises soutenait la liberté des banques d’émettre des moyens fiduciaires, il le faisait seulement car son analyse le conduisait à la conclusion que cette politique résulterait dans une offre monétaire strictement réglementée selon le principe de circulation [Currency principle]. Le desideratum de Mises était d’éliminer complètement les influences destructrices des moyens fiduciaires sur la circulation monétaire et le processus dynamique de marché » (Salerno 1993, pp. 137ff. et 146).

[13] Mises ajoute que « la banque libre […] n’empêcherait pas une expansion lente du crédit » (1998, p. 443). Nous pensons que Mises était, dans son ouvrage Action humaine, probablement trop optimiste lorsqu’il évaluait le rôle de la banque libre dans la limitation de l’expansion du crédit. Mises en 1924, cependant, dans la seconde édition allemande de son ouvrage La Théorie de la monnaie et du crédit, avait déjà énoncé que « il est clair que la liberté bancaire per se ne peut pas rendre impossible un retour à une politique inflationniste brute » (1981, p. 436).

[14] Voir Mises (1998, pp. 439–40) :

« L’école bancaire a entièrement manqué à résoudre ces problèmes. Elle a été fourvoyée par une idée fausse, d’après laquelle les besoins du commerce fixent rigidement la limite du montant maximum des billets qu’une banque peut émettre. Ses membres n’ont pas vu que la demande du public en matière de crédit est fonction de la facilité avec laquelle les banques sont disposées à prêter et que les banques qui ne se soucient pas de leur propre solvabilité sont en mesure d’accroître la masse des crédits de circulation en abaissant le taux de l’intérêt au-dessous du taux du marché. […] Abaisser le taux de l’intérêt est l’équivalent d’augmenter la masse de ce qui est considéré à tort comme les besoins normaux du commerce. »

[15] La possibilité d’une expansion du crédit induite par les chocs d’offre de monnaie-marchandise ne devrait pas être non plus écartée, bien que Selgin (1988, pp. 129-33) tend à minimiser son importance.

[16] Nous devrions nous souvenir (voir note 13) que, pour Mises, « il est clair que la liberté bancaire per se ne peut pas rendre impossible un retour à une politique inflationniste brute », en particulier si une idéologie inflationniste domine dans le monde économique :

« De nombreux auteurs croient que la raison du comportement des banques vient de l’extérieur, que certains événements les conduisent à mettre davantage d’instruments fiduciaires en circulation et qu’elles se conduiraient différemment si ces circonstances n’apparaissaient pas. J’étais également favorable à cette analyse dans la première édition de mon livre sur la théorie monétaire. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi les banques n’apprenaient pas par la pratique. Je pensais qu’elles suivraient certainement une politique de prudence et de retenue si elles n’avaient pas été forcées de l’abandonner par les circonstances extérieures. Ce n’est que plus tard que je me convainquis qu’il était inutile de chercher une raison extérieure au changement de conduite des banques. . . . Nous pouvons comprendre immédiatement que les banques émettant des instruments fiduciaires en vue d’améliorer leurs chances de profit sont prêtes à accroître le volume des crédits accordés et le nombre des billets émis. Ce qui nécessite une explication particulière, c’est la raison pour laquelle on essaie d’améliorer sans cesse la situation économique générale par l’expansion du crédit de circulation malgré l’échec spectaculaire de ces efforts par le passé. La réponse est la suivante : d’après l’idéologie dominante de l’homme d’affaires et de l’économiste-politicien, la réduction du taux d’intérêt est considérée comme un objectif important de la politique économique et l’expansion du crédit de circulation est supposé constituer le moyen adéquat pour parvenir à cet objectif. » (Mises 1978, pp. 135-36)

[17] « Les crises sont réapparus à quelques années d’intervalles depuis que les banques émettant des instruments fiduciaires ont commencé à jouer un rôle plus important dans la vie économique des gens. » (Ibid., p. 134).

[18] Cela semble être le cas extrême de l’accroissement de l’épargne, qui se matérialise entièrement sous la forme de nouveaux avoirs, de la monnaie bancaire utilisée par Selgin et White pour illustrer leur théorie. Voir Selgin et White (1996, pp. 104-5).

[19] Cette hypothèse est parfaitement possible, comme le reconnaissent eux-mêmes Selgin et White (Ibid., p. 104) lorsqu’ils disent que « un accroissement de l’épargne n’est ni nécessaire ni suffisant pour assurer un accroissement des moyens fiduciaires. »

[20] Selgin et White (1996, p. 94) reconnaissent implicitement cela lorsqu’ils disent que « Les bénéfices reviennent aux emprunteurs de la banque qui jouissent d’une offre plus ample de crédit intermédié, et à quiconque travaille avec un stock de biens d’équipement conséquemment plus large. »

[21] « Nous nions qu’un accroissement des moyens fiduciaires égal à une demande accrue pour la détention de moyens fiduciaires est déséquilibrante ou met en mouvement le cycle économique autrichien » (Ibid., pp. 102-3).

[22] La thèse de Selgin nous rappelle l’identification tautologique de l’épargne et de l’investissement qui repose sur les travaux de Keynes et qui est, selon Benjamin Anderson, équivalent à considérer l’inflation comme identique à l’épargne :

« On doit protester ici contre l’identification dangereuse de l’expansion bancaire à l’épargne, qui fait partie de la doctrine keynésienne. Cette doctrine est particulièrement dangereuse aujourd’hui, quand on constate que notre vaste accroissement de monnaie et de dépôts bancaires émergeant de la finance de guerre est décrit comme de « l’épargne », simplement parce que quelqu’un se trouve les détenir à un moment donné du temps. Selon cette doctrine, plus l’inflation est grande, plus l’épargne l’est aussi ! » (Anderson 1976, pp. 391-92)

Selgin (1988, p. 59) reconnaît lui-même que les keynésiens « qui ne voient pas la trappe à liquidité comme une possibilité factuelle importante accepteraient probablement [le cadre d’équilibre monétaire de Selgin] comme totalement acceptable. »

[23] Comment peut-on concevoir qu’un billet de banque ou un dépôt bancaire, c’est-à-dire de la monnaie, constitue un actif financier et donc représente à son tour pour le détenteur la livraison d’une monnaie actuelle à une tierce personne en échange d’une monnaie future ? La conception de la monnaie bancaire comme un actif financier montre clairement que les moyens de paiement dupliqués sont créés à partir de rien : la monnaie qui est prêtée, appréciée et détenue par une tierce personne, et l’actif financier que le prêt représente, sont également dits être de la monnaie.

[24] Voir Selgin (1988, p. 184). Dans l’exemple de nos diagrammes, pour Selgin, la surface totale A de notre triangle serait du « crédit de transfert » car c’est du « crédit accordé par la banque en reconnaissance du désir des gens de s’abstenir de dépenser de la monnaie interne avec les soldes des avoirs » (Ibid., p. 60), tandis que pour moi (et Machlup) la surface B au moins représenterait du « crédit créé » puisque les agents économiques n’ont pas restreint leur consommation par le volume représenté par la surface C.

[25] Ainsi, par exemple, Selgin, en discutant de la période de la banque libre à réserve fractionnaire au Chili entre 1866 et 1874, énonce que cela a donné naissance à « une ère de remarquable croissance et de progrès sans crise monétaire. » Et il ajoute que, durant cette période, « le chemin de fer et le télégraphe ont été développés, le port de Valparaiso a été amélioré et élargi, et les revenus fiscaux ont crû d’un quart. » Tous ces phénomènes suggèrent, selon la théorie autrichienne des cycles économiques, que durant ces huit années, c’était une période d’expansion aigüe du crédit, comme Rothbard (1989) le souligne. Selgin, cependant, considère que la crise bancaire ultérieure n’était pas due au système de banque libre à réserve fractionnaire mais au fait que l’État a maintenu une parité artificielle entre l’or et l’argent qui signifiait, alors que l’or était sous-évalué, une fuite massive des réserves d’or du pays. Voir Selgin (1990, pp. 5-6, p. 7n3).

[26] Rothbard a aussi soutenu que le fait qu’en termes relatifs, il y ait eu moins de faillites bancaires dans le supposé système bancaire à réserve fractionnaire écossais que dans le système anglais, ne veut dire en aucune façon que le système écossais était supérieur. En fait, les faillites bancaires ont été presque complètement éliminées dans les systèmes actuels fondés sur une banque centrale et cela ne veut pas dire qu’ils sont supérieurs à un système de banque libre soumis au droit, mais plutôt le contraire. L’existence de faillites bancaires, loin d’indiquer que le système fonctionne mal, peut être le signe d’un progrès social sain de réaction économique qui se produit dans le marché contre l’agression impliquée par la pratique privilégiée de la banque avec réserve fractionnaire. Ainsi, là où il y a eu un système de banque libre à réserve fractionnaire et où les faillites bancaires et les suspensions de paiement ne se produisent pas régulièrement, on suspecte inévitablement qu’il y a des raisons institutionnelles qui protègent les banques des conséquences normales de la pratique de leurs activités avec une réserve fractionnaire et qui sont capables de jouer un rôle similaire à celui actuellement joué par une banque centrale moderne. En résumé, l’exemple historique allégué n’est pas un véritable système de banque libre et donc, sa supposée plus grande stabilité ne pourrait être considérée comme une illustration historique pour soutenir les conclusions de la théorie de l’équilibre monétaire dans un régime de banque libre (Rothbard 1988). La thèse de Rothbard apparaît être confirmée par Raymond Bogaert (1968, p. 392n513) lorsqu’il souligne que, des 163 banques connues pour avoir émergé à Venise depuis la fin du Moyen Âge, il y a une preuve documentaire qu’au moins 93 d’entre elles ont fait banqueroute.

[27] On doit reconnaître que dans la plupart des cas, toutes ces causes ont coïncidé. C’était le cas, par exemple, au Chili, où les mauvais éléments et les banquiers peu scrupuleux se sont alliés avec les politiciens, et ces derniers ont exploité à leur tour le système pour des raisons budgétaires et fiscales. Voir Selgin (1990, pp. 5-7).

[28] La nature multidisciplinaire de l’analyse critique du système de banque libre à réserve fractionnaire et donc l’importance des considérations juridiques, ainsi que les considérations économiques, ont été mises en relief par Block (1988, pp. 24-32). Block souligne également qu’il est très curieux de noter qu’aucun des théoriciens de l’école moderne de la banque libre n’ait fait d’analyse critique systématique de la proposition d’établir un système bancaire avec 100 % de réserves. En fait, à part quelques commentaires isolés de Horwitz, les théoriciens de l’école de la banque libre à réserve fractionnaire n’ont toujours pas essayé de montrer qu’un système bancaire avec 100 % de réserves ne pourrait pas garantir « l’équilibre monétaire » contre les cycles économiques. Voir Horwitz (1989, pp. 431-32, n. 18). Les critiques possibles d’un système de banque libre à 100 % de réserves ont été traitées systématiquement et réfutées par Hülsmann (1996, pp. 10-17).

[29] En outre, que toute cette controverse autour de la banque libre à réserve fractionnaire ait lieu est aussi une indication que quelque chose d’étrange réside dans les fondements juridiques de cette institution.

[30] Ces problèmes ont été traités par le droit jurisprudentiel européen à plusieurs occasions au cours de ce siècle. Voir les décisions citées dans de Soto (1995, pp. 29-32 ; 1998, pp. 16-17).

[31] L’origine historique légalement invalide (c’est-à-dire criminelle) de la banque à réserve fractionnaire me semble indiscutable. À propos de la disponibilité économique duale de la même quantité de monnaie générée de nulle part par la banque libre à réserve fractionnaire, voir Hoppe (1994, p. 67).

[32] La conception subjectiviste sur laquelle est basée la théorie économique autrichienne est complètement parallèle au point de vue juridique présenté qui considère, avant tout, les causes et les objectifs différents des parties afin de réaliser un type de contrat ou un autre. Cette approche subjectiviste (typiquement autrichienne) est négligée par Selgin lorsqu’il critique la distinction de Mises entre les engagements à terme et les dépôts à vue car, selon Selgin, « Mises fait une confusion entre une différence de degré [la durée des « prêts à vue » n’est pas spécifiée] et de substance ». Cependant, la distinction de Mises est totalement correcte du point de vue subjectif des clients de la banque, il y a une différence extrêmement importante de substance : tandis que les dépôts à vue sont considérés comme des substituts monétaires, les engagements à terme sont de véritables prêts qui impliquent une perte monétaire disponible pour les clients durant la période de maturation. Voir Selgin (1988, p. 62).

[33] Le grand juriste espagnol Felipe Clemente de Diego (1936, pp. 370-71) a décrit ce type de contrat comme monstrueux ou comme un avortement juridique, puisqu’il inclut les causes et les objectifs des parties qui se contredisent essentiellement l’un l’autre.

[34] En règle générale, les banquiers, dans les contrats, les conditions générales et les formes des transactions dans lesquelles ils s’engagent, n’expliquent jamais la nature exacte du contrat, l’obligation de détention et la conservation qu’ils acquièrent, ou si le déposant les a autorisés ou non à investir les fonds déposés. Tout est habituellement exprimé vaguement et de manière confuse, et donc ce n’est pas une allégation irréfléchie que de dire que le consentement contractuel réel des déposants manque à l’appel.

[35] Le fait que les déposants reçoivent parfois un intérêt ne change en aucune manière l’objectif principal du dépôt (détention ou conservation de la monnaie). « Personne ne dit non à un peu de chance », et donc le déposant naïf à qui l’intérêt est offert l’acceptera immédiatement si sa confiance dans le banquier est maintenue. La réception de l’intérêt contra naturam (c’est-à-dire contre la nature principale du contrat de dépôt) ne diminue pas la cause fondamentale du contrat (la disponibilité continue de l’encaisse) ou le convertit en prêt. Cela montre simplement que le banquier fait un usage indu de la monnaie déposée auprès de lui. L’intérêt sur les contrats de dépôt est un avantage contra naturam qui nous rappelle grandement les bénéfices qu’obtiennent les escrocs obtiennent en tentant les victimes avec des astuces pour attirer la confiance, qui finissent toujours dans un traquenard à cause de leur désir illégitime d’obtenir quelque chose qui ne leur reviendrait pas de droit.

[36] Peu d’actes criminels de conduite négligente causent des accidents ou des préjudices aux parties tierces, mais tous sont des délits puisqu’ils impliquent une violation de l’ordre public.

[37] Ainsi, de manière similaire, un contrat entre un membre de la mafia et un tueur professionnel peut être : (a) complètement volontaire, et (b) basé sur un accord parfait en relation avec la nature juridique de l’accord. Cependant, même dans une société entièrement libre et libertarienne, c’est un contrat totalement nul et non avenu car il cause un préjudice à une partie tierce (la victime potentielle).

[38] Nous ne sommes pas d’accord avec les commentaires de Selgin et de White (1996, pp. 92-93).

[39] « Les personnes suivantes seront condamnées à de l’emprisonnement pour une période comprise entre 12 ans et 1 jour et 20 ans, avec perte des droits civiques pour la durée de la sentence : (1) Ceux qui fabriquent de la fausse monnaie », art. 283 du code pénal espagnol. On devrait noter que, dans une expansion du crédit, comme c’est le cas pour la contrefaçon monétaire, le préjudice social est très dilué et donc, il sera très difficile pour ce délit d’être traduit en justice à la suite de la preuve amenée en requête de la partie lésée. Pour cette raison, le délit est décrit en termes de conduite (contrefaçon de billets de banque) et non en termes de l’identification des préjudices personnels spécifiques auxquels il conduit. La même procédure devra être suivie si, à tout moment, il est décidé d’appliquer le même traitement d’une infraction pénale à la création monétaire par les banques.

[40] Ces « clauses optionnelles » étaient déjà appliquées dans les banques écossaises entre 1730 et 1765 et elles réservaient le droit de suspendre temporairement le paiement en espèces des billets qu’elles avaient émis. Ainsi, se référant aux paniques bancaires, Selgin (1994, p. 1455) dit que « Les banques dans un système de banque libre peuvent cependant éviter un tel destin en émettant des dettes sujettes contractuellement à une « restriction » des paiements en monnaie centrale. En restreignant les paiements les banques peuvent isoler le stock monétaire et les autres magnitudes nominales des effets relatifs à la panique. »

[41] Une conclusion similaire est atteinte par Rothbard (1995e. pp. 80–81).

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