Esquisse d’une politique rationnelle (Partie 2 sur 2)

Dans cette longue étude en deux parties, Jean-Gustave Courcelle-Seneuil pose les bases d’une politique rationnelle. Il examine tour à tour le fondement des constitutions, le mécanisme des lois, l’organisation des gouvernements et le recrutement des fonctionnaires. Il remplace l’abus des mots par la précision des principes, et l’égarement de la routine par un programme de réforme ambitieux mais à opérer dans le temps et sans révolution. 


 

ESQUISSE D’UNE POLITIQUE RATIONNELLE

 

par Jean-Gustave Courcelle-Seneuil 

(La Nouvelle Revue, 1889.)

 

ESQUISSE D’UNEPOLITIQUE RATIONNELLE[1]

 

§ 12. L’élection. — L’élection est la forme sur laquelle reposent les gouvernements des pays libres. Sur quelles considérations rationnelles est-elle fondée ?

Ce n’est pas, comme on l’a cru, sur un droit naturel inné de l’électeur ou sur un droit de souveraineté qui lui soit propre.

Ce n’est pas parce qu’on attribue à l’électeur une capacité législative qu’il n’a pas :

C’est pour que le gouvernement, fondé sur la majorité des suffrages, obtienne, autant que possible, l’assentiment du peuple et rencontre dans son action la moindre opposition possible. Comme on ne connaît d’ailleurs aucune voie pour constater la capacité législative là où elle se rencontre, on a pensé que le meilleur moyen de la découvrir était de confier ce soin à un corps d’électeurs. La fonction de l’électeur est de choisir les hommes qu’il croit les plus capables d’être de bons législateurs et de bien conseiller le gouvernement, ou tout au moins des hommes honnêtes, prudents, sensés, de bon conseil. S’il était permis de prendre dans le droit civil une comparaison, nous dirions que l’électeur est un mineur incapable de gérer ses affaires auquel la loi remet cependant le soin de choisir son tuteur.

La loi doit refuser la fonction d’électeur à ceux qui sont présumés incapables de la bien remplir. De là les dispositions relatives aux incapacités, qui peuvent être plus ou moins étendues.

La fin de l’élection est le choix de l’homme supérieur, plus capable de bien remplir les fonctions de gouvernement que tous les électeurs.

Lors donc que l’électeur prétend imposer sa volonté à l’élu sous la forme d’un programme, il méconnaît les devoirs de sa fonction et entreprend d’usurper celle de législateur. Il usurpe plus ouvertement encore lorsqu’il prétend conférer un mandat à l’élu, comme s’il le chargeait de donner ses soins à un intérêt privé. La fonction du législateur, comme celle du juge, est de s’appliquer aux soins de l’intérêt public, de la justice. Le législateur doit faire des lois justes et le juge doit les appliquer avec justice. Que dirait-on de l’électeur qui, dans une élection de juges consulaires, dirait à un candidat : « Je voterai pour vous, mais à la condition que, dans les procès que j’aurai, vous opinerez pour moi » ? On dirait que cet électeur abuse de la fonction que la loi lui confie et qu’il en est indigne. On doit tenir le même langage lorsqu’il s’agit d’une élection législative. La loi vous charge de désigner l’homme le plus juste et vous cherchez le plus injuste. Vous êtes indigne de la fonction d’électeur.

Il est naturel que l’électeur, avant de faire son choix, veuille connaître l’opinion du candidat sur les questions pendantes dont la solution doit être prochaine. Ces questions ne sont jamais bien nombreuses et il est bon que chacune d’elles soit mûrement discutée devant l’opinion publique afin que chacun puisse être éclairé. L’électeur choisit selon ses préférences, en se plaçant au point de vue de l’intérêt national.

Voilà les devoirs de l’électeur : la loi électorale doit lui en faciliter l’accomplissement et, puisque le choix de l’élu est l’essentiel, permettre à l’électeur, autant qu’il est possible, de connaître les candidats.

§ 13. La loi électorale. — Il ne s’agit point d’une étude des divers systèmes électoraux pratiqués en divers pays, en diverses époques, ou qui peuvent être imaginés, mais seulement de ceux qui ont été proposés ou pratiqués chez nous et depuis peu de temps : encore, dans ces systèmes, ne considérons-nous pas le détail.

Le vote direct par département se prépare par le groupement de candidats sur des listes, et sans que la masse des électeurs ait aucune part à cette préparation. Au vote, il s’agit de choisir entre deux listes de candidats dont la plupart des électeurs ne connaissent pas un seul, même de nom ou de vue. Dans ces conditions l’électeur est dominé par les quelques meneurs qui ont préparé les listes : il n’est pas éclairé sur ce qu’il fait et, à parler proprement, il ne sait ce qu’il fait, ni ne peut le savoir. Il est difficile d’imaginer un mode d’élection plus mauvais.

Le vote direct par circonscription et sur un seul nom rapproche l’électeur du candidat et lui permet de le mieux connaître. À ce point de vue, il est préférable au scrutin de liste. D’ailleurs il présenteà peu de chose près les mêmes inconvénients : l’élection est préparée par un certain nombre de meneurs actifs, habiles, sans scrupules, dont les vues n’ont rien de commun avec l’intérêt public : Il faut que l’électeur choisisse entre des candidats qu’il connaît peu, dont aucun, le plus souvent, n’a sa confiance.

Dans les deux formes d’élection que nous venons de viser, ce n’est pas le commun des électeurs qui choisit, ce sont quelques personnes dont l’électeur homologue le choix. Le vote n’est direct que pour la forme : en fait, il y a deux degrés de suffrage, et il ne peut en être autrement. On a donc pensé, en s’autorisant des élections de 1789, 1791 et 1792, qu’on pourrait utilement régulariser par la loi la préparation de l’élection, de manière à obtenir des choix meilleurs. Dans ce système les électeurs actuels choisiraient, soit par département, de 50 à 100 électeurs par député à nommer : ces électeurs se réuniraient 10 jours après, plus ou moins, en un seul collège qui nommerait les députés. Il importerait que les deux élections fussent très rapprochées l’une de l’autre, afin de ne pas laisser de temps aux intrigues et aux trafics des intérêts privés.

Avec ce système, l’électeur du premier degré choisit des hommes qu’il connaît, qui vivent et continueront de vivre auprès de lui : l’électeur du second degré a sa confiance et portera dans le pays la responsabilité du choix des députés. Ce choix sera fait par une élite, et on peut espérer qu’il sera le meilleur possible. Peut-être donnerait-il une large part aux influences sociales préexistantes, mais c’est làun inconvénient peu redoutable, si même c’en est un. Il n’est jamais bon que les influences sociales soient supplantées dans la fonction du gouvernement par des influences adventices et factices.

Il est vrai que ce système pourrait bien mettre fin à l’influence des meneurs du suffrage direct, ou la diminuer et la transformer. Le meneur se nomme et se délègue lui-même, c’est celui qui parle le plus et le plus haut, qui se remue le plus et agit le plus. Or l’homme qu’anime le sentiment du bien public, s’il n’a une vocation tout exceptionnelle, n’agira jamais avec une énergie comparable à celle que soutient une espérance d’intérêt privé. C’est donc l’intérêt privé qui anime le grand nombre des meneurs et il n’y aurait aucun mal à ce que leur influence fût réduite.

On assure que le nombre des votants serait moindre, parce qu’on ne voudrait pas se déranger pour choisir des électeurs. Nous en doutons beaucoup et en douterons tant que l’expérience n’aura pas été faite et répétée. D’ailleurs, une élection dans laquelle un grand nombre d’électeurs s’abstiennent n’est pas nécessairement mauvaise. On le voit bien par celle des juges consulaires.

Nous ne parlons pas du vote à deux degrés pour le choix de chaque député : ce serait une complication absolument inutile, qui donnerait les mêmes résultats que le suffrage direct, comme on le voit aux États-Unis pour l’élection du président de la république.

Quelle que soit la loi électorale, ce n’est pas elle qui décide de l’élection, c’est la sagesse ou la folie de l’opinion publique dans l’appréciation d’une situation politique donnée. On peut avoir de bonnes élections avec une mauvaise loi électorale, et de mauvaises élections avec la meilleure des lois ; mais la loi a son influence et son importance.

§ 14. Des législateurs élus.— Une fois élus, les législateurs ne sont contenus dans leurs écarts par aucune loi, si ce n’est par celle qui porte le nom de « constitution ». Mais ils peuvent s’imposer des règlements et des usages pour exercer leurs fonctions le mieux possible. Ces règlements et usages ont une importance qui n’est pas assez appréciée. Ils peuvent compléter et même suppléer des dispositions constitutionnelles. Citons-en quelques exemples.

Le droit d’initiative est un droit précieux et honorable. Mais son usage peut donner lieu à des abus graves. Il est peu de personnes qui n’aient envie de réformer quelque chose : il y en a bien moins encore qui n’aient pas envie de se faire connaître en signant, souvent sans en avoir pris lecture, un projet de loi plus ou moins étudié. C’est une manière de se recommander aux électeurs et de se donner de l’importance. C’est pour cela que les propositions de loi se multiplient. Le danger de cette façon de procéder est évident. Les projets improvisés ne tiennent nul compte de la législation existante et excluent toute idée d’ensemble : ils tendent bien souvent à une véritable désorganisation. Il importe donc d’être défiant à leur égard et même sévère, parce qu’ils peuvent être nuisibles par leurs dispositions, nuisibles aussi par le moment où ils sont discutés.

Il est toujours prudent de laisser aux ministres le soin de diriger l’ordre des délibérations. C’est une attribution rationnelle du gouvernement, parce que c’est un acte de gouvernement, qui engage une responsabilité.

Cependant nous ne proposerions pas de dispositions réglementaires sur le droit d’initiative, ni sur l’ordre des discussions, ni même sur le droit d’interpellation dont on a tant abusé. Ce sont matières à réserver à la prudence des assemblées législatives.

Nous en dirons autant d’une réforme plus importante, qui consisterait à abréger la durée des sessions législatives. Les nations n’ont pas besoin d’un très grand nombre de lois. Encore moins ont-elles besoin que les lois se succèdent les unes aux autres, d’un courant continu en quelque sorte, se rectifiant, se modifiant et se contredisant entre elles, comme on semble le croire de notre temps. Cette croyance est contraire à la conception rationnelle de la loi, qui doit être mûrement préparée et coordonnée avec la législation existante. En réalité, les peuples se contenteraient sans peine d’un petit nombre de bonnes lois.

Il n’est donc pas utile que les Chambres législatives siègent longtemps.

Les longues, les interminables sessions ont d’ailleurs des inconvénients considérables. En s’habituant à exercer ensemble la fonction souveraine, les membres des assemblées se lient promptement entre eux par une espèce d’esprit de corps, qui constitue bientôt des coteries lors desquelles on ne voit plus rien. On oublie vite la nation et les électeurs pour mesurer le pouvoir qu’on peut exercer et les résistances qu’on peut rencontrer dans la Chambre. De là naît une infatuation que l’on pourrait appeler « parlementaire », qui enlève, à ceux qui en sont atteints, même le jugement et la volonté propres. Combien de votes ont été émis, contraires à l’opinion personnelle du plus grand nombre de ceux qui votaient ! Les assemblées une fois atteintes de cette infirmité ressemblent à la cour de nos derniers rois : tout y devient objet de cabale et d’intrigue : on n’y est occupé qu’à combiner et pousser des projets d’ambition privée, à faire et défaire des ministères, sans le moindre souci de la chose publique. C’est ce qui discrédite le régime parlementaire et en fait une cause de trouble.

On ne peut remédierà cet inconvénient en peu de temps et radicalement, parce qu’on ne change pas en quelques jours des habitudes séculaires. Toutefois, il est certain qu’avec des sessions d’une durée moindre, les législateurs seraient moins tentés de s’isoler de leurs électeurs et de l’opinion en général : ils sentiraient mieux que, s’ils sont temporairement gouvernants, ils n’ont pas cessé d’être gouvernés, et il est certain que la paix publique y gagnerait.

Toutefois, il est un point sur lequel il conviendrait de poser des limites réglementaires. Toute proposition tendant à une augmentation de dépenses devrait être enlevée à l’initiative parlementaire et réservée au gouvernement. Les motifs de cette exception sont faciles à comprendre. Il y a toujours des gens disposés à prendre sous un prétexte quelconque dans le Trésor public, et ces gens, très vigilants, très actifs, très entreprenants, très bruyants, ont toujours des avocats dans la presse et dans les Chambres. Quel moyen facile d’obtenir de la notoriété et de la popularité que de demander de l’argent pour une catégorie de personnes ! Mais autant ce moyen est facile, autant il est dangereux pour le bon état des finances, dont le maintien est une des obligations les plus étroites du gouvernement. Toute demande d’augmentation de dépenses publiques, quelle qu’elle soit, est un empiétement sur ses attributions et sur sa responsabilité.

Ce principe incontestable est incompatible avec les habitudes actuelles en matière de discussion du budget. Le budget proprement dit devrait être fixe et voté en bloc. Les changements qu’on voudrait y introduire, soit en recette, soit en dépense, devraient être l’objet de lois spéciales mûrement étudiées. On débarrasserait ainsi le vote du budget de toute complication financière.

Il serait facile de donner une forme réglementaire à ces changements dans les habitudes des assemblées législatives.

Il n’en est pas de même des aspirations ambitieuses des gens qui prétendent devenir ministres. Ces aspirations ne peuvent être contenues et réglées que par l’opinion des Chambres législatives sur les conditions du gouvernement. Si cette opinion est honnête et correcte, le gouvernement est facile ; il est d’autant plus difficile que cette opinion manque davantage d’honnêteté ou de correction. Mais l’opinion des Chambres peut dépendre en grande partie du caractère et de la conduite des ministres.

§ 15. Des ministres. — Il est d’intérêt public que les mêmes ministres gouvernent le plus longtemps possible, afin que l’action gouvernementale ait de la suite et la force que donne la suite, afin aussi que les ministres acquièrent par l’expérience une plus grande capacité. Sur ce point, la volonté de tous les ministres est bien conforme à l’intérêt public, mais si tous désirent durer longtemps, peu d’entre eux ont été capables de réaliser ce désir. Cependant, avec des institutions libres, la stabilité ministérielle ne semble pas si difficile ; mais il faut, chose très rare, que le ministre soit un homme de gouvernement.

L’homme de gouvernement se sent né pour commander ; il a le sentiment de la justice et une indomptable fermeté. Il ne consent à gouverner qu’avec la plénitude des conditions de gouvernement. Les autres qualités sont accessoires.

Dans un pays où les principes directeurs du gouvernement sont reconnus, la tâche de l’homme d’État est relativement facile. Dans un pays où ces principes sont inconnus ou contestés, la tâche est plus difficile. Mais on peut encore s’en acquitter, ou du moins le tenter et, avant tout, avoir, non sur les lèvres, mais dans le cœur, un principe de direction juste, une volonté ferme et savoir résister à toute tentative d’empiétement.

Considérons le cas le plus difficile : le ministère se trouve en présence d’hommes dont un grand nombre sont animés de préjugés hostiles irréductibles, et un plus grand nombre au service d’intérêts privés plus ou moins obstinés et aveugles.

Dans cette situation presque désespérée, un œil clairvoyant peut apercevoir un grand, un très grand nombre d’hommes de bonne volonté, sans ambition privée excessive, sans engagements trop étroits avec les intérêts privés. Tous ces hommes, tiraillés en sens contraire et un peu flottants, se réuniront assez facilement sous la direction d’une volonté forte et éclairée, lors même que cette volonté serait servie par une éloquence médiocre. Mais il faut que le ministre qui la possède, soit intelligent, connaisse les hommes et sache les grouper en mettant chacun à sa place. Qu’on sente cette volonté, et l’ordre s’établira de lui-même par la subordination spontanée des ambitions rivales. Peu de temps peut suffire à la constitution d’une autorité durable.

Seulement, même avec des assemblées plus gouvernables que nous ne l’avons supposé, il y a une tentation et un danger. Les intérêts parlent haut et l’intérêt public parle bas, si bas qu’on a de la peine à l’entendre. On peut alors être tenté d’entreprendre de se soutenir dans la possession du pouvoir par une combinaison d’intérêts privés qui détermine une majorité. Mais lorsqu’on commet cette faute, la stabilité est impossible, parce que si on satisfait quelques particuliers, leurs désirs et leurs exigences augmentent, tandis que les intérêts lésés s’exaspèrent. D’ailleurs toute injustice nuit à l’autorité de celui qui la commet : ceux mêmes qui en profitent le méprisent et l’abandonnent sans peine, tandis que celui qui défend la justice conquiert et garde une incontestable autorité.

L’homme né pour le gouvernement se sent à sa place lorsqu’il gouverne : il agit, selon le précepte de Vauvenargues, « comme s’il ne devait jamais mourir ». L’homme né pour la vie privée et ignorant est timide, hésitant, toujours pénétré de la fragilité de sa situation ; il vit piteusement, au jour le jour, se dérobant le plus possible à la responsabilité, aux soucis du pouvoir qui, tout naturellement, lui échappe.

§ 16. Du rôle de l’opposition.— Il est naturel et inévitable que les hommes aient sur la direction du gouvernement des idées différentes et souvent opposées. De là naît la formation de deux partis entre lesquels la majorité choisit celui qui est chargé de gouverner. Le parti qui se trouve en minorité forme l’opposition.

Le but de l’opposition est d’acquérir la majorité et d’être à son tour appelée à gouverner. Son premier devoir est d’avoir un système de gouvernement, de le faire connaître, de le recommander par tous les moyens honnêtes et de le comparer au système appliqué par les hommes en possession du pouvoir : elle doit donc suivre de très près les actes du gouvernement et les critiquer sans cesse avec franchise et bonne foi. C’est là, on peut le dire, la principale et très utile fonction de l’opposition ; en la remplissant, elle concourt à la bonne direction du gouvernement ; elle tient ceux qui gouvernent en éveil, signale leurs fautes et, s’ils s’y obstinent, leur succède légitimement. C’est le prix du concours ouvert pour que la direction du gouvernement soit toujours la meilleure possible.

Voilà le rôle normal et rationnel d’une opposition honnête. Une opposition malhonnête peut en jouer un autre tout différent, dès qu’elle prend pour but unique de son activité, non de gouverner en appliquant des idées avouables et discutables, mais de s’emparer, avec des vues dissimulées, inavouables ou même coupables, des fonctions de gouvernement.

Alors elle dissimule son but ou le couvre, au moyen de formules mensongères ou vagues, assez obscures pour se prêter à des interprétations diverses. Elle ne se livre pas à la critique des actes du gouvernement et ne se donne pas même la peine de chercher à les connaître : elle préfère s’attaquer aux personnes et les accuser de toutes les fautes, de toutes les bassesses et de tous les crimes, sans aucun égard pour la vérité ou même pour la plus simple vraisemblance. Il y a tant d’hommes crédules, toujours disposés à penser mal du prochain, sans aucun examen, et à répéter avec conviction le mensonge qu’ils ont entendu !

Cette opposition est coupable, parce qu’au lieu de viser à l’amélioration du gouvernement, elle vise à le renverser par une révolution dont elle ignore les conséquences possibles. C’est en réalité une conspiration dont le but est de tromper l’opinion et d’égarer les peuples pour les conduire à leur ruine. On ne saurait la surveiller avec une vigilance trop sévère, ni la flétrir avec assez d’énergie.

Une opposition de ce genre n’est d’ailleurs dangereuse que là où le gouvernement et le peuple ignorent complètement les choses de la politique et manquent de la clairvoyance que donne le patriotisme.

§ 17. De l’usage de la constitution. — Il y a dans toute constitution la lettre des lois ou coutumes établies qui la formulent et l’esprit dans lequel elle est appliquée, les habitudes qui peu à peu se forment autour d’elle. La lettre des lois n’a pas une très grande importance ; mais la manière de les comprendre et de les appliquer en a beaucoup : c’est, à parler proprement, la vie de l’État qui se développe par une suite d’actes presque imperceptibles.

Ainsi on a pu constater en France la puissance exorbitante des meneurs électoraux, qui empiètent à la fois sur l’électeur et sur l’élu. Cette puissance, qui n’est contraire à aucune loi et qu’une loi peut seulement diminuer, vicie le jeu de la constitution, parce que les candidats la subissent ou même la recherchent trop souvent et la font ensuite peser sur les ministres, qui s’y soumettent avec trop d’empressement. Cette disposition vicieuse est aggravée par la coutume qui s’est introduite, qu’un ministère se retire dès qu’un vote de la Chambre lui est contraire, quelles que soient les circonstances et les causes de ce vote. On a fait de cette retraite des ministres une question de point d’honneur dans laquelle la raison n’aurait rien à voir.

Cependant la raison devrait avoir quelques droits. Pourquoi veut-on qu’en matière législative et aussi en matière exécutive le ministère et la Chambre soient d’accord ? Pour éviter des conflits dangereux. Soit. Encore y a-t-il là une question de mesure. Qu’un ministre se retire lorsqu’il est en désaccord sur une question grave avec la Chambre et lorsque la direction générale des actes du ministère déplaît à celle-ci, on le comprend et l’approuve. Mais on ne saurait comprendre qu’un ministère se retire devant la première interpellation, devant la moindre critique particulière acceptée par la Chambre. Cette facilité avec laquelle les ministères se retirent fomente les guerres de chicane suscitées par les ambitions privées ; elle favorise les empiétements du législatif sur les fonctions de l’exécutif, c’est-à-dire le désordre dans l’administration ; elle nuit à l’indépendance des législateurs qui, approuvant la conduite générale du ministère, n’osent cependant formuler un blâme quelconque, de peur de le renverser ; elle seconde les vues de ceux qui renversent les ministères pour leur agrément personnel et celles des aspirants sans titre quelconque. C’est grâce à cette habitude qu’on a vu des changements de ministère qui n’avaient aucun motif raisonnable et venaient uniquement de caprices personnels.

Des ministres qui auraient des projets sérieux ne se retireraient pas si facilement, et des législateurs sérieux ne renverseraient un ministère que lorsqu’ils désapprouveraient la direction du gouvernement, et désireraient en adopter une autre, formulée par les opposants.

L’opposition n’est utile qu’à la condition de formuler une politique : elle est nuisible lorsqu’elle ne sait proférer que des blâmes vagues et des injures.

III

DE LA DIRECTION DU GOUVERNEMENT

 

Les fonctions du gouvernement étant désignées par deux mots : paix et justice, ne sont point subordonnées à sa forme. Les besoins des peuples sont les mêmes sous un régime républicain que sous un régime monarchique ou dictatorial. Les difficultés de direction sont les mêmes.

§ 1er. État du peuple. — En tout temps et en tout pays, la masse du peuple se compose de particuliers qui désirent travailler et jouir en paix des fruits de leur travail, en payant le moins d’impôts possible. Au-dessus d’elle s’élève une classe de politiciens qui fait profession de s’occuper de la direction du gouvernement. Les uns le dirigent effectivement ; les autres aspirent à le diriger. Le roi dans les monarchies absolues, ou le dictateur, les électeurs dans les républiques, décident entre les prétentions opposées des uns et des autres, avec plus ou moins de lumières et de clairvoyance.

À côté des politiciens d’opposition, et souvent confondus avec eux, se trouvent un certain nombre d’hommes dont les aspirations sont contraires au fonctionnement régulier de tout gouvernement. Ce sont, en tout temps, ceux qui vivent en contravention avec la loi pénale, souvent aussi les débiteurs qui se débattent avec les rigueurs de la loi civile et commerciale ou qui ont des motifs de les redouter. Ces diverses sortes d’hommes, dont l’étude et la classification mériteraient d’être l’objet d’un travail spécial, forment ce qu’on peut appeler la population révolutionnaire. Les politiciens d’opposition, lorsque, au lieu d’avoir des vues de réforme, ils visent seulement à conquérir le pouvoir pour jouir des avantages qu’il procure, deviennent aussi assez facilement révolutionnaires.

C’est dans cette situation que les gouvernements vivent et s’acquittent de leurs devoirs, dont le premier est de se conserver.

§ 2. De la conservation du pouvoir. — L’opposition, quel que soit d’ailleurs son caractère, crie haut et ne craint jamais d’exagérer les griefs réels ou supposés dont elle se plaint. Aussi les hommes faibles, lorsqu’ils sont appelés au gouvernement, fixent-ils trop exclusivement leurs regards sur elle et s’appliquent avec une ardeur excessive, soit à la combattre, soit à la gagner.

S’ils la combattent, ils s’exposent à dépasser la mesure des lois et de la justice, à commettre des actes d’une rigueur exagérée, en un mot, à devenir tyrans. S’ils veulent la gagner, ils disposent des places à un point de vue tout autre que celui des besoins du service ou gaspillent indûment les deniers des contribuables. Le résultat est toujours mauvais, car les actes de rigueur excessive révoltent la conscience d’un certain nombre de citoyens qui, sans être politiciens, vont grossir l’armée des opposants ; si on gagne quelques opposants par des faveurs lucratives, le public apprend que le métier d’opposant est un moyen de gagner, et alors mainte personne devient opposante par l’espoir d’un profit quelconque. L’une et l’autre voie est injuste et, si on s’y jette à fond, conduit à la ruine.

Application exacte et sévère des lois avec égalité, voilà le devoir de ceux qui gouvernent et le meilleur moyen de conserver le pouvoir.

Un gouvernement éclairé doit savoir que l’opposition n’a jamais par elle-même une force suffisante pour le renverser et ne peut acquérir cette force que par les fautes qu’il commettra : ces fautes seules grossissent le nombre des opposants. Il aura toujours les yeux fixés sur la masse du peuple, qui parle peu et parle bas, mais qui décide en définitive de la vie et de la mort des gouvernements. C’est cette multitude patiente jusqu’à la résignation, presque toujours silencieuse et habituellement discrète qu’il faut satisfaire. Elle ne connaît pas bien quelle doit être la direction du gouvernement et est presque toujours incapable de l’indiquer ; mais elle sent fort bien qu’une direction est bonne ou mauvaise, juste ou injuste.

Le meilleur moyen de combattre avec succès toute opposition et de conserver longtemps le pouvoir, c’est de bien gouverner et d’y appliquer toutes ses forces, de se diriger de façon que les peuples obtiennent chaque jour une justice plus grande, une liberté plus étendue : la justice d’abord, la liberté ensuite, comme résultat de la justice.

§ 3. Immobilité. Progrès. La plupart des hommes se font de la société, et par suite du gouvernement, un idéal immobile. Quelques-uns, en assez petit nombre, voudraient conserver l’état présent sans altération d’aucune sorte : le grand nombre voudrait des réformes diverses et généralement contradictoires dans telle ou telle partie de l’organisation sociale : quelques-uns n’hésiteraient pas à entreprendre la refonte de la société tout entière. Entre ces tendances diverses, le gouvernement doit faire un choix, adopter une direction et mesurer son action.

Les hommes qui sont appelés au gouvernement, sans être propres à gouverner, inclinent volontiers vers l’immobilité, parce que, sollicités en sens contraire, ils ne savent que choisir et n’osent choisir. Ils avouent rarement leur désir, qui serait de rester en possession du pouvoir et d’en jouir sans rien faire. Mais l’immobilité est impossible, jusqu’au jour désigné par Marot.

Quand on verra tout le monde content.

Il y a des gouvernants qui, sans connaître exactement la direction juste, sentent qu’ils sont attirés dans une direction injuste et se croient fort habiles en temporisant, en faisant, comme ils disent, des concessions, en prodiguant des promesses vagues qu’ils savent très bien ne pouvoir tenir. Enfin, il y en a qui n’hésitent pas à promettre les réformes les plus impossibles pour obtenir la possession du pouvoir, sans savoir au juste où ils veulent et peuvent aller.

En suscitant des espérances insensées ils travaillent, autant qu’ils le peuvent, à rendre les peuples ingouvernables.

Tout gouvernement doit être réformateur, parce que la vie des sociétés, comme celle des individus, est un changement, une réforme continue. Mais cette réforme doit être lente, comme la vie elle-même ; elle doit aussi être partielle et successive, parce qu’elle doit être étudiée avec soin, en tâtonnant ; parce qu’aucune intelligence n’est capable de comprendre dans son ensemble la vie d’une société. Toute réforme doit être partielle pour un autre motif : c’est que les hommes répugnent à changer brusquement toutes leurs habitudes. C’est pourquoi l’idée d’une refonte complète et soudaine de la société est une conception absolument chimérique. Elle séduit quelquefois les jeunes gens, disposés à croire que le monde a commencé avec eux, et qui ignorent la puissance des habitudes : mais elle est dangereuse et on ne saurait trop en détourner les esprits.

§ 4. Progrès et gouvernement. — Toute société change ; mais, abandonnée à elle-même, elle change d’un mouvement lent, par la succession des générations : les idées, les sentiments s’y modifient sans cesse, peu à peu, presque imperceptiblement, en dehors de toute loi connue. On aperçoit ces changements en voyant naître tout à coup, sur tel ou tel point donné, une « question ». Le gouvernement doit attendre qu’elle naisse, vérifier si elle existe et, lorsqu’il la reconnaît, l’étudier avec soin et d’avance, s’il est prévoyant, sans jamais la provoquer, puis la résoudre avec résolution et fermeté. Le progrès doit s’accomplir par une suite non interrompue de réformes partielles.

Un assez grand nombre d’écrivains et la plupart des hommes ont une idée très différente de la direction du gouvernement. Les uns croient qu’il doit maintenir à tout prix tout ce qui existe ; les autres veulent qu’il soit l’initiateur de tout progrès, qu’il conduise les peuples dans la paix comme il les conduit dans la guerre, jusqu’à un état immobile où tout le monde serait heureux, vers lequel il faudrait se précipiter au plus vite en brisant toutes les résistances.

Cette conception de la fonction du gouvernement nous semble absolument fausse. Les gouvernants sont des hommes comme tous les autres, sujets à l’erreur et d’autant plus exposés à y tomber qu’ils y sont poussés sans cesse par les intérêts particuliers et ne peuvent s’en préserver que par des efforts soutenus. D’ailleurs on n’a pas encore imaginé, pour une société d’hommes, un moule qui la contienne tout entière et, chaque fois qu’on a essayé d’y introduire tout d’un coup des changements considérables, l’expérience a montré bien vite que les innovations proposées ne s’adaptaient pas aux peuples, qu’en voulant trop briser les résistances, on se brisait soi-même et que le résultat définitif de la lutte était de ralentir et d’ajourner toutes les réformes qui dépendent du gouvernement. L’expérience du siècle dernier devrait avoir enseigné ces vérités.

La fonction essentielle du gouvernement est de juger entre les prétentions opposées et presque toujours mal formulées des particuliers. Comme tous les juges, il doit attendre les procès et les terminer avec justice. Toutes les attributions inutiles ou simplement accessoires qu’on lui confère multiplient les difficultés de sa tâche, déjà difficile. C’est pourquoi on ne doit pas les lui imposer.

§ 5. Difficulté capitale.Indiquons ici la difficulté capitale du gouvernement. Il s’agit, à propos de toute réforme et de toute question qui se présente, de décider entre des intérêts privés et l’intérêt public. Les premiers sont toujours fortement défendus et de toutes manières ; le second n’est, au contraire, jamais ou presque jamais défendu. Le gouvernement qui ne fait pas sien l’intérêt public est très exposé à se tromper et, s’il cherche à se concilier un intérêt privé qu’il juge puissant, il se trompe toujours. On peut dire qu’il doit marcher comme sur le faîte d’un toit dont la pente fortement inclinée l’attirerait sans cesse vers l’abîme. Il faut beaucoup de force et de volonté pour résister à cette pente vers laquelle on se trouve souvent tenté d’incliner le pied.

Prenons un exemple dans notre histoire. Louis XVI, racontant une entrevue qu’il venait d’avoir avec un courtisan atteint par une réduction de pension, disait : « Nous nous sommes querellés, M. de Coigny et moi, querellés tout de bon ; mais je crois que s’il m’avait battu je le lui aurais pardonné. » Si Louis XVI avait senti en roi l’importance et la justice de la mesure prise par son gouvernement, il n’aurait pas éprouvé ce sentiment d’indulgence qui l’a conduit à sa perte.

La défense des finances publiques exige particulièrement vigilance et fermeté. Elle est un des premiers devoirs du gouvernement ; car les revenus de l’État, composés de deniers levés par contrainte pour le service public, ne peuvent être appliqués à un autre usage sans un véritable détournement. Ce détournement est sollicité par mille intérêts privés sous une infinité de prétextes, par prières, par cajoleries, par menaces. On est populaire un moment si l’on cède, et impopulaire si l’on résiste. Mais l’histoire a loué Sully d’avoir tiré l’épée contre le duc d’Épernon et Colbert d’avoir fait froide mine aux solliciteurs, méritant ainsi le sobriquet de « Nord » que lui donnait, avec tous les courtisans, Mmede Sévigné.

Un gouvernement, quel qu’il soit, rencontre à tout instant cette difficulté. S’agit-il de remplir une place vacante, les solliciteurs affluent et se recommandent de mille manières. La pente du plan incliné porte à choisir celui qui plaît ou qui est soutenu par des protecteurs accrédités. Mais si on le choisit par ces considérations, on peut nommer un indigne, ou un incapable, ou même un ennemi : le service public souffrira de cette injustice commise envers les contribuables. Le devoir commande de préférer le candidat propre à la fonction et même, au besoin, de l’aller chercher. Il serait facile de multiplier des exemples qui prouveraient l’exactitude de cette doctrine.

Toute réforme grande ou petite, si elle est bien conçue, est utile à l’État, mais froisse plus ou moins des intérêts particuliers, qui résistent à grands cris et de toutes leurs forces. Là est l’obstacle que le gouvernement doit vaincre. Si, au contraire, le gouvernement trompé ou pervers veut abuser au profit d’un intérêt privé, il ne rencontre que peu ou point de résistance, mais il prépare des difficultés à ses successeurs et des révolutions à l’État.

Si le peuple était éclairé, l’homme qui gouverne bien serait populaire, et l’homme qui gouverne mal impopulaire. Avec un peuple ignorant, c’est le contraire qui arrive, non par hasard, mais nécessairement. En effet, les intérêts particuliers célèbrent celui qui leur sacrifie l’intérêt public et diffament celui qui leur résiste. Celui-ci n’est défendu par personne. Car l’ignorance politique du peuple consiste précisément en ceci : qu’il ne comprend guère que les intérêts privés et n’est pas capable de s’éleverà la notion de l’intérêt public. C’est pour cela que le peuple a vu partir Sully sans regret, a détesté Colbert et s’est réjoui du renvoi de Turgot.

§ 6. Des divers moyens de gouvernement. — Ici se présente un préjugé sur lequel il faut s’arrêter. On dit tous les jours que les ministres des rois absolus avaient le gouvernement facile et que ceux de la république sont accablés par les difficultés. Lorsqu’on examine l’histoire avec soin, on a de la peine à partager cette opinion. Les anciens ministres dépendaient d’un roi autour duquel les oppositions les plus variées, les plus ardentes et les moins scrupuleuses concentraient tous leurs efforts. Sully a rencontré un roi exceptionnellement ferme et éclairé, Richelieu un roi hésitant, mais qu’on pouvait convaincre, Colbert un roi peu éclairé, dépensier, bigot et vaniteux, Turgot un roi d’une faiblesse incomparable, Machault le plus méprisable des rois. Combien ces hommes, dont l’âme était grande, eussent été heureux de pouvoir manifester leur pensée en public devant le peuple et une assemblée élue par lui ! Si pour un jour ils n’avaient pas réussi à convaincre cette assemblée, il leur eût suffi d’attendre un peu leur heure : elle serait venue et ils auraient disposé d’une autorité personnelle supérieure à celle qu’ils ont eue et bien moins contestée. Ils auraient préféré la lutte à ciel ouvert à celle qu’il fallait soutenir au petit coucher de Louis XIII, dans le confessionnal de Louis XIV, dans le boudoir de Mme de Pompadour ou de Marie-Antoinette. Mais, dit-on, personne n’a réussi ou échoué comme ces grands hommes auprès des Chambres françaises ! — Quoi donc, si personne, absolument personne, ne l’a tenté?

§ 7. Des réformes.Revenons. Tout gouvernement, étant une œuvre d’art, a le sort des œuvres d’art, toutes minées par les forces naturelles et ne pouvant durer qu’au prix des efforts d’un entretien constant. En politique, les travaux d’entretien s’appellent des réformes : elles ont le plus souvent pour objet de réparer les ravages causés par les hommes qui, chargés de gouverner, se sont laissé plus ou moins entraîner par la pente que nous avons signalée, la pente des intérêts privés. Toute réforme est difficile et d’autant plus que les fautes commises ont été plus nombreuses et plus étendues, qu’elles ont créé des intérêts plus puissants contraires à l’intérêt public. Quand les abus deviennent trop forts, les gouvernements pusillanimes n’osent résister et s’abandonnent. C’est ce que faisait Louis XV lorsqu’il disait : « Cela durera bien autant que moi. Je ne sais comment s’en tirera mon successeur ; il s’arrangera comme il pourra. » Calonne pensait de même, et il y a des gens qui s’étonnent de la Révolution !

Mais une révolution n’est pas une solution rationnelle. Elle fait quelquefois tomber les abus par trop énormes ; le plus souvent les intérêts injustes se courbent, se dissimulent, se sauvent par des diversions qui détournent l’attention publique, et se reconstituent peu à peu : alors tout est à recommencer.

Il vaut donc mille fois mieux entreprendre les réformes le plus tôt possible. L’art de l’homme d’État est de les faire successivement, chacune à son heure, et on doit convenir que sa tâche n’est point facile, car il ne dispose pas d’une force suffisante pour tout réformer à la fois et, lorsqu’il entreprend une réforme partielle, les intérêts atteints appellent tous les autres à l’aide. Il faut, dans des circonstances aussi difficiles, étudier et préparer chaque réforme avec grand soin, l’exécuter avec résolution et vigueur, puis se reposer et attendre avant d’en entreprendre une nouvelle. Il faut surtout se garder des programmes de réforme générale qui soulèvent toutes les résistances, favorisent toutes les coalitions et augmentent les obstacles. Quel gouvernement d’ailleurs peut compter sur une durée assez longue pour accomplir toutes les réformes ? Les abus sont des ennemis qu’il faut diviser et dont on ne peut venir à bout qu’à l’aide du temps.

D’ailleurs, même lorsqu’elles sont nécessaires et urgentes, les peuples ne sont jamais avides de réformes, ils les accueillent toujours avec défiance tout au moins. Ils semblent accueillir avec plus de faveur les changements contraires à l’intérêt public, le développement des abus existants, sollicités par les clameurs des intérêts privés. Si des ambitieux cherchent à obtenir la faveur populaire en ameutant ces intérêts par des programmes généraux qui appellent de nombreuses et nouvelles entreprises, ils peuvent obtenir quelques manifestations temporaires, mais ces manifestations n’ont pas de profondeur et passent. Les peuples sont patients et l’homme d’État ne doit pas s’y tromper.

§ 8. Des finances. — La question des finances a une importance capitale, et on peut juger par la gestion financière de la valeur d’un gouvernement. En effet, les revenus publics, propriété commune des contribuables, sont l’objet de convoitises nombreuses et ardentes, qui tentent incessamment de détourner ces revenus à leur profit sous les prétextes les plus ingénieux et les plus variés. Le devoir du gouvernement est de résister, de manière que l’impôt, le moindre possible, soit employé tout entier à satisfaire les besoins du service public. Avec des finances obérées, le gouvernement devient difficile et presque impossible ; avec des finances puissantes, il peut pourvoir sans peine aux besoins extraordinaires et imprévus ou tenter de grandes entreprises. Toutes ou presque toutes les réformes bien dirigées ont des conséquences financières heureuses : les changements mal conçus, concessions faites à des intérêts privés, ont de mauvaises conséquences financières ; ce sont des injustices commises au préjudice des contribuables.

La bonne gestion des finances publiques augmente la puissance du gouvernement et du peuple : la mauvaise gestion affaiblit et ruine l’un et l’autre.

La mauvaise gestion a quelquefois, mais rarement, pour cause la rapacité personnelle et les malversations de ceux qui administrent les finances : elle vient quelquefois d’une bienveillance naturelle peu éclairée, de la faiblesse indifférente et plus souvent d’un calcul inepte et coupable, inspiré à ceux qui gouvernent par le désir d’augmenter le nombre de leurs partisans.

Ce désir est évidemment injuste. Disposer des deniers des contribuables dans l’intérêt de la popularité de sa personne ou de son parti, c’est commettre un véritable détournement. Lorsque ce détournement est commis par le législateur, et prend une forme légale, il n’est pas punissable ; mais il n’en reste pas moins un détournement, un acte injuste et blâmable. Cet acte est en même temps une sottise, parce qu’il est commis dans l’espérance que les bénéficiaires en seront reconnaissants, et ils ne le sont jamais. Il y a pour cela plusieurs raisons : 1° la reconnaissance est une vertu rare, très rare, un fruit tardif de la civilisation, tout à fait inconnu dans les premiers âges, dans lesquels vivent plus ou moins, même de notre temps, la plupart des hommes ; 2° il n’y a pas lieu d’avoir de reconnaissance pour qui dispose en votre faveur du bien d’autrui : on profite de l’injustice qu’il commet, mais on le méprise parce qu’il a manqué à ses devoirs ; 3° en matière d’acquisition, la satisfaction d’un désir crée aussitôt un désir nouveau, celui d’acquérir encore. Comme d’ailleurs les hommes s’attachent, non par les bienfaits, mais par l’espérance, ils courent toujours après celui qui leur promet davantage, fût-il reconnu pour un charlatan sans foi. Chacun se dit : « J’ai obtenu ou mon voisin a obtenu, pourquoi n’obtiendrais-je pas ? » Toute dilapidation de ce genre en appelle un plus grand nombre, et un nombre qui croît à mesure que les détournements se multiplient. Ainsi s’accroît en quelque sorte la pente qui pousse le gouvernement à la ruine de l’État !

Dès que les détournements de ce genre prennent de l’importance et que la gêne se fait sentir, les opposants et ceux qui désirent le plus ardemment de dilapider, traitent de « voleurs » les hommes qui gouvernent, et les multitudes ajoutent foi à cette accusation. Elles se disent : « S’il y a gêne, c’est qu’il y a eu détournement, et s’il y a eu détournement, quelqu’un l’a commis : ce quelqu’un est un voleur. » Ce raisonnement manque de justesse, parce qu’il qualifie un homme d’après le résultat de ses actes, sans tenir compte de son intention, mais il est certainement spécieux pour les esprits légers ou prévenus, et l’envie l’accepte sans difficulté. On ne peut nier d’ailleurs que, pour le patient, qui est le contribuable, peu importe que les fonds aient été volés ou remis à qui n’y avait pas droit, puisque, pour lui, le résultat est le même.

L’homme d’État ne saurait trop éviter le calcul que nous venons de signaler. Que les finances soient en bon état, et le gouvernement comme l’État sera puissant : il inspirera le respect qu’il aura mérité, et pourra négliger la guerre que lui feront les solliciteurs injustes.

§ 9. Du choix des hommes. — Le choix des individus qui doivent collaborer ensemble dans les divers emplois du gouvernement est une des fonctions importantes, sinon la plus importante de l’homme d’État ; car s’il les choisit bien, le gouvernement est fort et fonctionne sans peine, et s’il les choisit mal, le gouvernement manque de force. Le chef ne peut d’ailleurs s’occuper des détails de l’administration d’un grand État : il faut qu’il délègue l’autorité, et toute délégation use de la force. Le choix des fonctionnaires inférieurs et leur conduite ont d’autant plus d’importance que l’État est plus considérable, et les attributions du gouvernement plus étendues.

Il convient d’abord que les principaux fonctionnaires, les chefs, partagent les vues de direction du gouvernement, ou n’y soient pas opposés. Ils doivent avoir en outre le sentiment du devoir, de la sincérité, du patriotisme, et surtout être aptes à la fonction dont ils sont chargés. Toute fonction de gouvernement est une fonction de justice et de résistance : il serait bon, par conséquent, d’avoir partout des hommes d’un caractère ferme.

Ces hommes sont rares et ne sont jamais très recherchés, parce qu’ils manquent parfois de souplesse et n’hésitent pas à exprimer une opinion qui déplaît bien souvent. Mais en politique, comme en mécanique, on ne s’appuie que sur ce qui résiste. Un causeur aimable et sceptique ne contredit jamais et se garde d’exprimer une opinion désagréable. Flatter plus ou moins a toujours mieux réussi, non seulement auprès des rois, mais auprès de la plupart des chefs de gouvernement, et personne ne flatte si volontiers que les ignorants et les incapables. Mais à l’user et dans les moments critiques, ils se courbent comme les roseaux au souffle du vent, et on regrette alors la faiblesse qu’on a eue de s’en servir.

On connait assez vite la valeur de l’homme d’État au choix de ses collaborateurs. S’il a des vues sérieuses, il apporte un grand soin dans ce choix ; s’il se laisse aller aux recommandations et aux intrigues, il sera presque assuré de mal choisir, car les liaisons privées et les recommandations qu’elles inspirent sont fondées sur des considérations tout autres que celles du service public.

On a reproché à certains hommes d’État anciens de s’être guidés par les conseils de leurs amis ou de leurs subalternes. On ne saurait imaginer un reproche plus ridicule. En effet, il y a autant de mérite, tout au moins, à suivre un bon conseil qu’à le trouver soi-même. L’ignorant d’ailleurs ne comprend guère le conseil de l’homme éclairé ; l’insensé ne comprend jamais les conseils du bon sens, ni le pusillanime les conseils d’un homme de cœur. Que le gouvernement soit bien dirigé, voilà ce qui importe : il n’importe en aucune façon que ce soit par conseil ou par inspiration propre.

On a choisi des ministres pour leur honnêteté, comme Louis XIV choisit Chamillart et en fut mal servi. Il est bon qu’un homme de gouvernement soit honnête et estimable comme homme privé, mais cela ne suffit pas, comme on le croit vulgairement ; il faut qu’il soit apte à son métier et il est certain que la probité lui en rendra l’exercice plus facile, tandis qu’un vice quelconque le lui rendra plus difficile ; mais rien ne peut suppléer à la capacité, à ce qu’on appelait « suffisance » au XVIsiècle.

§ 10. Du travail des subalternes. — L’administration d’un grand État exige toujours la collaboration d’un certain nombre de fonctionnaires subalternes classés selon leurs occupations et leurs aptitudes. On ne saurait observer pour leur recrutement et leur avancement de meilleures règles que celles suggérées par la pratique des maisons de commerce bien tenues. Ces maisons : 1° ne prennent un employé que lorsqu’elles en ont besoin ; 2° elles s’informent de son aptitude et de ses qualités diverses avec soin, et l’essaient avant de l’engager ; 3° elles l’avancent d’après la valeur des services qu’il a rendus et de ceux qu’on attend de lui.

L’administration française ne veut observer ni même connaître aucune de ces règles ; aussi chacun de ses employés rend des services médiocres et médiocrement payés qui coûtent très cher. Elle choisit son personnel sur recommandation et l’avance de même ; elle cherche à l’avoir le plus nombreux possible ; enfin elle a rendu chaque employé presque indépendant de ses chefs au moyen de deux procédés presque inconnus dans le commerce, l’avancement à l’ancienneté et la pension de retraite, aussi à l’ancienneté.

Au point de vue rationnel, quel titre donne l’ancienneté de services ? Aucun, absolument : tout service est payé, intégralement payé, par les appointements du jour et du mois. Si le sujet s’est rendu, par de longs travaux, plus expérimenté, plus capable de bien servir, on l’avance, et c’est tout ce qu’on lui doit. Quant à la pension, introduite dans l’administration civile par une loi de 1853, nous savons d’où elle vient, mais nous ne découvrons pas sur quel principe on s’est fondé pour l’introduire, la continuer et l’étendre.

Que chaque individu désire s’assurer une vieillesse tranquille, rien n’est plus naturel ; qu’il s’efforce d’y arriver en épargnant sur ses revenus, sa prévoyance est digne d’éloges. Mais nous ne découvrons ni à quel titre, ni même sous quel prétexte rationnel, on prend sur les deniers publics fournis par les contribuables la pension qu’il n’a pas su ou qu’il n’a pas voulu se constituer. Cette pension fait de lui un privilégié dont le privilège est injuste. Et l’on s’étonne que tout le monde veuille devenir employé d’une branche quelconque de l’administration !

On a cherché à écarter la pression des sollicitations pour entrée ou pour avancement à la faveur, en établissant ce qu’on appelle bien improprement des « garanties ». On a constitué des privilèges pour les sujets qui auraient satisfait à certaines épreuves d’examen ou concours ; on a prétendu suppléer par ce moyen aux renseignements que le commerçant prend ou fait prendre sur ceux qui viennent lui offrir leurs services. Mais quel examen, quel concours peut vous apprendre si le candidat qui se présente a du jugement ou même du sens commun, s’il est laborieux ou paresseux, honnête et franc ou dissimulé, etc. ? Les chefs n’en savent rien et n’ont guère le temps d’y penser. L’unique résultat des examens et concours, c’est de créer et d’entretenir des établissements de préparateurs et de faire perdre aux jeunes gens un temps précieux.

Les pensions ont une raison d’être pour les militaires, non pour ancienneté de services, mais pour blessures reçues à l’ennemi. Ces pensions devraient être plus considérables qu’elles ne le sont aujourd’hui; mais pour être juste envers ceux qui méritent, il ne faudrait pas dépenser et gaspiller les revenus publics en faveur de ceux qui ne méritent pas, et on est allé à cet égard jusqu’à des abus incroyables. Citons-en un exemple, la loi du 21 août 1881, qu’on ne peut imputer à aucun parti, car on n’a rencontré contre elle dans les deux Chambres ni une observation défavorable ni un vote contraire.

Le législateur avait élevé le tarif des pensions militaires. Ceux dont les pensions avaient été liquidées d’après les anciens tarifs demandaient à jouir de l’avantage des nouveaux tarifs. Sur quoi fondaient-ils leurs prétentions ? Sur ce qu’il leur était dur de voir à côté d’eux des hommes qui n’avaient pas rendu de services plus grands que les leurs jouir de pensions plus élevées. Le principe d’égalité était violé, disaient-ils.

En fait, aucun principe n’avait été violé. Le législateur avait cru devoir élever les tarifs dans l’espérance plus ou moins fondée d’obtenir de meilleurs services militaires. Mais qu’avaient à réclamer en bon droit des hommes retirés du service dont les pensions avaient été liquidées d’après les lois en vigueur à l’époque de leur retraite ? Rien absolument. Cependant on n’éleva contre cette prétention exorbitante aucune objection ; on invoqua en leur faveur le « triple sentiment humanitaire, égalitaire, démocratique dont chacun s’honore dans le Parlement » et on obtint une largesse qui se chiffre par une annuité de 9 325 000 francs pendant une durée évaluée à 40 ans, soit 373 millions ! Cette largesse avait-elle pour objet de réparer une injustice ou d’améliorer en quoi que ce soit le service public ? Ni l’un ni l’autre. Si l’on avait considéré les millions de pauvres contribuables auxquels on imposait le paiement de cette somme, on aurait peut-être reculé devant une injustice évidente. Mais la vérité était cachée par une habitude de langage vicieuse. On imposait cette charge à un être abstrait, l’État : l’État, c’est ici le contribuable, c’est vous, c’est moi !

§ 11. Qualités de l’homme d’État. — L’homme d’État ou de gouvernement doit considérer comme siennes les affaires de la nation, lors même qu’il n’en serait chargé qu’à titre provisoire et pour peu de temps. Il doit connaître et vouloir la justice, être assez laborieux pour en chercher l’application dans les cas particuliers et la soutenir avec une indomptable fermeté. La fermeté lui est indispensable ; l’homme irrésolu, soit par caractère, soit par ignorance, est impropre au gouvernement et peut y être très dangereux.

On se figure vulgairement qu’un honnête particulier, moyennement éclairé, estimable dans la vie privée et consciencieux, est, par ces seules qualités, propre au maniement des affaires publiques. C’est une erreur dangereuse. On excuse sans peine dans un homme privé la faiblesse de caractère et on le loue volontiers d’une certaine négligence de ses intérêts. On lui sait gré également d’une certaine bonté d’âme, d’une disposition aumônière, d’une indulgence même excessive. Toutes ces qualités, qu’on recommande facilement lorsqu’on les rencontre dans la vie privée, sont des vices énormes dans un homme d’État. On peut en juger par l’exemple de Louis XVI.

L’opinion a été indulgente, souvent plus qu’indulgente pour les défauts et même pour les vices privés des hommes d’État. Elle est peut-être allée un peu loin dans cette voie ; mais il eût été plus dangereux d’aller en sens contraire. Que l’homme d’État s’acquitte bien des devoirs de sa charge, c’est là l’important et l’essentiel. Si quelques qualités lui manquent (et quel est l’homme parfait ?), il vaut mieux que ce soient celles de l’homme privé que celles de l’homme public.

§ 12. Dangers de l’ignorance.— Dans l’exercice de tout art, l’ignorance a des effets fâcheux, et dans l’art de gouverner plus qu’en tout autre. L’art de l’homme d’État consiste à discerner le juste de l’injuste. La connaissance des mathématiques des sciences physiques et naturelles, des lettres et des interminables récits de l’histoire, n’a rien ou à peu près rien de commun avec cet art : si l’homme d’État n’est pas capable de discerner le juste de l’injuste, possédât-il d’ailleurs toutes les connaissances humaines, il est ignorant.

S’il est ignorant, il ne peut discerner, au milieu de mille manifestations divergentes, s’il en est une qui exprime un véritable besoin des peuples et quelle est celle-là. Il lui est d’autant plus facile de se tromper que les intérêts privés, comme nous l’avons déjà dit, parlent haut, très haut, tandis que l’intérêt public parle bas ou se tait. Dans cette situation, l’ignorant porté au gouvernement hésite, s’il est honnête, reste immobile autant qu’il le peut, ne s’engage qu’avec répugnance et toujours timidement. Alors il a bien vite mécontenté tout le monde, lors même qu’il aurait de l’habileté et même des qualités éminentes.

Si l’ignorant est hardi et peu scrupuleux, c’est bien pis encore : il s’engage vite et franchement avec les intérêts privés et se laisse entraîner par eux. Alors il commet des injustices qui sont des fautes ; les résistances s’élèvent et se multiplient par les efforts mêmes auxquels il se livre pour les surmonter jusqu’à ce qu’il soit renversé.

De l’ignorance des supérieurs naît l’influence des bureaux et de la routine, influence fâcheuse en elle-même, mais utile et légitime, à défaut d’une meilleure. Elle maintient au moins la suite indispensable dans les affaires publiques.

C’est l’ignorance qui rend impossible des réformes utiles, qui ne présentent, par elles-mêmes, aucune difficulté sérieuse. C’est l’ignorance qui fait promettre vingt réformes à la fois et qui empêche d’en effectuer une seule.

Longtemps on a ignoré comment on pouvait discerner le juste de l’injuste et l’on a gouverné à tâtons. Aujourd’hui il est plus facile de distinguer l’un de l’autre, mais il faut avoir la conviction qui inspire le courage de résister aux réclamations qui s’élèvent devant l’homme d’État et le troublent comme les bruits et les cris troublaient le paladin timide qui tentait de couper le bois de la forêt enchantée du Tasse.

§ 13. Direction extérieure. — Le but de la politique extérieure est le même que celui de la politique intérieure : paix par la justice. On y marche en laissant agir le penchant qui porte les hommes de tous les pays à se rapprocher les uns des autres et à étendre les liens de leur collaboration industrielle : on y marche en cherchant, par des négociations opportunes, prudentes et bien dirigées, à constituer une confédération qui, laissant à chaque nation l’indépendance de sa législation civile et de son administration intérieure, mettrait fin à l’état de guerre habituel et ruineux dans lequel vivent les peuples, comme vivaient autrefois dans leurs châteaux forts les seigneurs féodaux.

Un grand pouvoir est réservé à l’intérieur aux gouvernements et, dans le monde, aux peuples qui prendront la justice pour but.

COURCELLE-SENEUIL,

de l’Institut.

____________________

[1] Voir la Nouvelle Revue du 1er décembre 1889.

A propos de l'auteur

Jean-Gustave Courcelle-Seneuil a défendu toute sa vie la liberté des banques, ce qui lui a valu d'être redécouvert par les partisans récents de ce système. Il a aussi apporté une contribution novatrice sur la question de l'entreprenariat avec son Manuel des affaires (1855), le premier vrai livre de gestion. Émigré au Chili, il y fut professeur et eut une grande influence sur le mouvement libéral en Amérique du Sud.

2 Réponses

  1. Lahuche

    La première partie se terminait sur un paragraphe 10 et la seconde commence avec un numéro 12.
    Ne manque-t-il pas quelque chose?

    Répondre
    • Benoît Malbranque

      Cette numérotation fautive se trouve dans l’orignal (Nouvelle Revue). Mais merci pour votre signalement.

      Répondre

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