Les multiples faillites du keynésianisme

John Maynard Keynes

Malgré les faillites successives qu’a engendré la domination du keynésianisme jusqu’aux années 70, nous assistons aujourd’hui au retour de Keynes. C’est l’occasion de revenir sur les enseignements que nous ont apporté la période de la stagflation, en matière de réflexion économique sur les relations entre chômage et inflation, et sur la nécessité ou non de recourir à des politiques économiques contra-cycliques.


Les multiples faillites du keynésianisme

Par Llewellyn H. Rockwell, Jr.

Cet article a été traduit par 24hGold, vous pouvez retrouver l’article sur leur site.

 

À l’exception des partisans keynésiens les plus dévoués, il est évident aux yeux de tous que la relance prônée par Keynes n’est jamais parvenue à ses fins. La combinaison des dépenses faites par le Congrès, de l’état actuel du marché immobilier, des tentatives de sauvetage d’entreprises en péril par le recours à l’injection de monnaie, et de l’impression monétaire se chiffrant à des billions de dollars n’a en rien été bénéfique à l’économie des États-Unis.

En réalité, tous ces efforts ont empêché l’ajustement des forces économiques au monde moderne. Toutes les ressources ayant été consommées par le biais de ces relances proviennent du secteur privé, du simple fait que l’État ne possède pas ses propres ressources. Tout ce qu’il fait doit donc provenir de producteurs privés, ou des citoyens en général.

Je trouve fastidieux que nous ayons encore une fois à apprendre cette leçon à nos dépens, alors qu’il y a tout juste 38 ans, nous faisions l’expérience d’un premier effondrement de l’idéologie keynésienne. Cependant, la situation était alors quelque peu différente. Les opérations de relance menées par l’État étaient supposées être en accord avec un modèle d’action fixe basé sur un compromis entre taux d’inflation et taux de chômage. Si le taux de chômage connaissait une trop forte hausse du fait d’une croissance économique en déclin, l’action publique appropriée aurait dû être la suivante : relancer l’économie avant de se soucier des coûts.

L’objectif d’une telle procédure était de recourir au keynésianisme selon sa définition la plus simplifiée en évitant tout un fatras législatif. Les keynésiens ont longtemps critiqué les expérimentations de politiques contra-cycliques de Roosevelt comme n’étant ni bien réfléchies ni scientifiquement administrées pour justifier le fait que ses opérations n’ont pas rencontré le succès avancé. Grâce à la nouvelle théorie keynésienne d’après-guerre, tout aurait dû selon eux se passer pour le mieux.

En 1971, Richard Nixon abolissait les derniers vestiges de l’étalon-or, délivrant le dollar de toute relation avec le métal physique, lui permettant de flotter tel un cerf-volant – auquel on aurait peut-être coupé les ficelles. Ceci était supposé être en parfaite conformité avec l’idéologie keynésienne. Plus aucune chaîne. Plus de relique barbare. Plus de limitations en termes d’opérations étatiques. L’État se voyait ainsi en mesure de mettre en place un équilibre parfait entre inflation et taux de chômage. Le Nirvana !

Gardez à l’esprit que c’était une proposition vérifiable. Si un compromis avait pu être géré par l’État, nous ne verrions pas par exemple d’augmentation du taux de chômage dans le même temps qu’une augmentation du taux d’inflation. Nous n’avions encore jamais assisté à une telle situation par le passé, du moins pas en de telles proportions. Durant la Grande Dépression, les prix n’ont cessé de chuter. Il y eu une légère inflation au milieu des années 1950, mais cette dernière ne fut pas assez soutenue pour s’avérer alarmante.

Vinrent ensuite les années 1973-74, durant lesquelles le taux de chômage était de plus en plus élevé, de l’ordre de 4 à 6% – oui, ce chiffre était dès lors considéré comme trop important. Dans le même temps, le taux d’inflation s’affichait à deux chiffres. Était alors née la récession inflationniste. Cet animal étrange était censé ne pas exister, selon le modèle keynésien tel qu’on le comprenait à l’époque.

Dans un essai publié dans sa collection Economic Controversies, Murray Rothbard écrit :

Ce curieux phénomène d’une inflation faisant son apparition en période de récession n’aurait jamais dû se produire selon l’idéologie keynésienne. Les économistes ont toujours cru que l’économie pouvait se trouver soit en phase de dépression, ou de récession, marquée par un taux de chômage élevé, soit en phase de boom marquée par une augmentation significative des prix. Durant cette phase de boom, l’État keynésien était supposé diminuer l’excès de pouvoir d’achat en augmentant les impôts. Dans le cas contraire, dans une phase de récession, il était supposé augmenter ses dépenses et son déficit dans le but d’injecter de la monnaie dans l’économie. Mais dans le cas d’une économie frappée par un fort taux de chômage dans le même temps qu’une inflation, qu’était-il supposé mettre en œuvre ? Comment pouvait-il stimuler l’économie tout en la freinant ?

La réaction la plus appropriée aurait bien sûr été que l’État et ses hommes politiques ne fassent rien. La panique a cependant fini par s’installer, et chaque théorie farfelue connue de l’homme s’est vue donner une chance d’être mise en place pour le salut de l’économie. Mais il y avait un problème. Les hommes politiques ne savent pas admettre leurs erreurs, quelles qu’elles soient. La politique monétaire n’est pas à blâmer, mais plutôt la cupidité des hommes d’affaires, la voracité des consommateurs, la panique de la population – autrement dit, tout le monde mis à part l’État lui-même.

Alors que l’idéologie keynésienne a sans conteste été prouvée indigne de fiabilité, qui, au sein de l’État, devait porter la responsabilité de cet échec ? Personne. Les problèmes n’ont bien sûr fait qu’empirer, jusqu’à ce que la récession inflationniste devienne la norme aux États-Unis jusqu’à la fin des années 1970, jusqu’à ce que Ronald Reagan fasse son apparition au Bureau ovale.

La campagne de Reagan était toute entière fondée sur un refus du keynésianisme. Il parlait même de remettre en place l’étalon-or. Il promettait une diminution des impôts. Ces promesses n’ont jamais vu le jour, mais il a semblé pendant quelques temps que l’État prenait conscience de son incapacité à se tenir face aux vents des marchés. Tout le crédit revient à cette époque à Paul Volcker. En tant que directeur de la Fed, il a mis en œuvre une réelle réduction de la masse monétaire afin de sortir le pays de la crise. Prenez-le comme une sorte d’anti-Greenspan ou d’anti-Bernanke.

Le Greenspanisme-Bernankisme règne de nos jours, ce qui, nous devons le dire, est une réelle tragédie. La Fed, le Trésor, le président, les régulateurs et le Congrès ont tout tenté afin de stimuler, de stabiliser et de contrer les forces du marché. Bien sûr, ils ont perdu la bataille. Le taux de chômage est toujours outrageusement élevé, et l’inflation est encore une fois en hausse. Cependant, il existe aujourd’hui un problème encore plus sérieux. Dans sa course à la relance de l’économie, la Fed a créé d’incroyables quantités de fausse monnaie désormais entassée dans les coffres de ses meilleures amies les banques. Et ces fausses réserves sont désormais sur le point d’inonder l’économie, causant sur leur passage de terribles vagues d’inflation.

Ceux qui blâment Obama pour cela devraient considérer le fait que tout autre politicien, excepté Ron Paul, aurait agi de la même manière. Les actions entreprises par Obama dans le but de redresser l’économie ont en réalité été mises en place sous l’administration George Bush. Le problème est bien sûr le fruit de l’homme de la Maison Blanche, mais pas uniquement. La source du problème est que (1) nous possédons un système monétaire et bancaire socialiste utilisé par les élites dans le but de s’enrichir à nos dépens, et que (2) ces élites, adeptes du keynésianisme, continuent de prétendre que l’État a le pouvoir de contrer les forces du marché. Voilà les vraies raisons pour lesquelles notre histoire dangereuse et pathétique ne cesse de se répéter. Dans l’économie de marché, il existe une tendance sur le long-terme à réparer ses erreurs en les remplaçant par d’autres actions permettant de les corriger. Au sein de l’État, il existe une fâcheuse tendance à réitérer ses erreurs encore et encore sans se soucier des retombées qu’elles peuvent avoir. L’idéologie keynésienne est, après tout, comme le dit Joseph Salerno, « l’économie du pouvoir ». Cela nous amène au problème principal : l’entité monopolistique qui règne sur la société et la dévaste pour son bénéfice propre.

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