Diversité et tolérance chez Montaigne

L’œuvre de Montaigne, pleine d’audace, de franchise et d’individualisme, et dont les grandes leçons de tolérance n’ont certainement pas perdu de leur force, reste paradoxalement mal connue et faiblement étudiée par les libéraux de notre temps. La faute, peut-être, à quelques interprétations éculées, et à un langage d’antan, qui jette un fossé entre lui et nous.

Diversité et tolérance chez Montaigne

par Benoît Malbranque

 

(Extrait du livre Les théoriciens français de la liberté humaine, Institut Coppet, 2020, pages 35-49.)

La doctrine de Montaigne, sur laquelle nous nous arrêterons tout particulièrement, pour son caractère fondateur, désarçonnera peut-être : non tant par l’orthographe extravagante dans laquelle elle est exprimée, car c’est celle du temps, mais par une ouverture d’esprit extrême, qui ne semble plus de mise. La philanthropie et le cosmopolitisme qu’il revendique paraîtront incongrus, en des temps où ces notions jouissent d’un médiocre crédit. Toutefois la confusion des idées et des mots, sur ce sujet précis, ne date pas d’aujourd’hui, et cent Confucius ne suffiraient pas pour accomplir la rectification des noms. Qu’on appelle encore un misanthrope, haïsseur de l’espèce humaine, celui qui, comme chez Molière, se désintéresse d’autrui et le laisse tranquille, est absurde et blessant, quand nous faisons la révérence et plions les genoux devant ceux qui veulent régir l’espèce entière et la courber sous un joug d’uniformité, en régentant jusqu’aux loisirs et à la vie intime.

Contre ces travers, la véritable philanthropie nous enseigne l’acceptation de l’autre, en tant qu’il est autre, c’est-à-dire différent, et l’amélioration de chacun par l’exemple de tous. Parmi les penseurs qui ont particulièrement eu à cœur de défendre ces principes, Montaigne nous intéresse particulièrement : à une époque charnière, il exprima la quintessence du relativisme et de la diversité, et prépara l’épanouissement de la doctrine de la liberté dans la voie de la tolérance, qui est un autre grand combat des Lumières.

Michel de Montaigne (1533-1592) apparaît toutefois déprisé par les défenseurs modernes des libertés, c’est-à-dire par ceux-là même avec lesquels il partage tant, et à qui il aurait tant à offrir. Tourné en ridicule pour un chapitre célèbre et fort court, qui a pour titre : « Le profit de l’un est dommage de l’autre », il est rejeté injustement comme mercantiliste, qui est un autre terme pour dire archaïque, inepte et absurde. Cette représentation qui, comme nous allons le démontrer, est sans fondement, doit beaucoup à Ludwig von Mises, lequel, étudiant l’idée reçue qui fait du commerce un jeu à somme nulle, la rapporte à Montaigne, et l’appelle même « le sophisme de Montaigne ». [1] Plutôt que de souscrire au dogme rabougri de l’auteur des Essais, il conviendrait d’après lui et les libéraux qui ont entonné la même musique, de suivre la voie tracée par Henri de Boulainvilliers, lequel écrivait : « Qui dit commerce dit un trafic réciproque où le vendeur et l’acheteur trouvent leur compte »[2], ou par l’abbé de Saint-Pierre, chez lequel on trouve ces mots similaires : « Quand il se fait une vente entre marchands, le vendeur y gagne et l’acheteur aussi : car sans un gain réciproque et réel ou apparent, ni le vendeur ne vendrait à tel prix, ni l’acheteur de son côté n’achèterait à tel prix. »[3] À l’opposé de ces tendances, de concorde et de paix, le dogme de Montaigne enfanterait les guerres de commerce, les haines nationales et le nationalisme économique. Cette proposition, que l’on ne s’enrichit qu’au détriment d’autrui, serait même, selon Bastiat, le « sophisme type, sophisme souche, d’où sortent des multitudes de sophismes, sophisme polype, qu’on ne peut couper en mille que pour donner naissance à mille sophismes, sophisme anti-humain, anti-chrétien, anti-logique ; boîte de Pandore d’où sont sortis tous les maux de l’humanité, haines, défiances, jalousies, guerres, conquêtes, oppressions ; mais d’où ne pouvait sortir l’espérance. » [4]

C’est pourtant forger une interprétation délirante d’un petit chapitre de quelques lignes, dont la doctrine est toute autre. Revenons-en au texte de Montaigne :

« Demades, Athenien, condemna un homme de sa ville, qui faisoit mestier de vendre les choses necessaires aux enterremens, soubs tiltre de ce qu’il en demandoit trop de profit, et que ce profit ne luy pouvoit venir sans la mort de beaucoup de gens. Ce jugement semble estre mal pris ; d’autant qu’il ne se faict aucun profit qu’au dommage d’autruy, et qu’à ce compte il faudroit condamner toute sorte de guein. Le marchand ne faict bien ses affaires, qu’à la débauche de la jeunesse : le laboureur à la cherté des bleds : l’architecte à la ruine des maisons : les officiers de la justice aux procez et querelles des hommes : l’honneur mesme et pratique des ministres de la religion se tire de nostre mort et de nos vices. Nul medecin ne prent plaisir à la santé de ses amis mesmes, dit l’ancien Comique Grec, ny soldat à la paix de sa ville : ainsi du reste. Et qui pis est, que chacun se sonde au dedans, il trouvera que nos souhaits interieurs pour la plus part naissent et se nourrissent aux despens d’autruy. » [5]

Il est difficile de trouver ici trace d’un quelconque antilibéralisme, non plus que la source du nationalisme, du bellicisme, etc. Bien au contraire, Montaigne critique distinctement le rejet que la morale traditionnelle fait de certaines professions, et il les absout pour ainsi dire de leurs pêchés. C’est ce qu’il semble que dans chaque civilisation un penseur courageux ait eu à faire, tant l’opinion publique mésestimait la collection d’artisans et de commerçants qui ne prospéraient qu’à mesure que certains vices, la boisson, le jeu, etc., se développaient dans la population. En Chine, le Han Fei Zi, datant du IIIsiècle avant notre ère, enseigne cette même leçon : « Le fabricant de carrosses souhaite à tous les hommes de devenir riches et importants ; le fabricant de cercueils espère qu’ils seront nombreux à mourir jeunes. Cela ne signifie pas que le premier soit bienveillant et le second malveillant… Ce dernier trouve seulement son intérêt dans la mort d’autrui. » [6] Et lisons, dans notre civilisation, dans le libéralisme même, ce que les auteurs ont trouvé à dire sur ce point, nous les trouverons tous en accord avec Montaigne. Bastiat même écrit précisément la même chose : « En tant que producteurs, il faut bien en convenir, chacun de nous fait des vœux antisociaux. Sommes-nous vignerons ? nous serions peu fâchés qu’il gelât sur toutes les vignes du monde, excepté sur la nôtre… Sommes-nous médecins ? nous ne pouvons nous empêcher de voir que certaines améliorations physiques, comme l’assainissement du pays, le développement de certaines vertus morales, telles que la modération et la tempérance, le progrès des lumières poussé au point que chacun sût soigner sa propre santé, la découverte de certains remèdes simples et d’une application facile, seraient autant de coups funestes portés à notre profession. » [7] Cessons donc d’excommunier Montaigne, en le répudiant dans le camp des mercantilistes, avec lequel il n’a rien de commun, et ouvrons plutôt son livre, qui est l’un des plus individualistes qui soient, et qui contient, en son cœur, la leçon de la tolérance.

Rien n’impressionne plus que l’ambition proprement et étonnamment libérale et individualiste de ses Essais. Certainement Rousseau a dit fermement, en commençant des mémoires destinés à le peindre, lui-même et par lui-même : « Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de sa nature ; et cet homme ce sera moi »[8] ; mais la profession de foi était mensongère. Deux siècles plus tôt, Montaigne avait conçu et réalisé un projet parfaitement identique. « Me trouvant entierement despourveu et vuide de toute autre matiere, dit-il, je me suis presenté moy-mesmes à moy pour argument et pour subject. C’est le seul livre au monde de son espece, et d’un dessein farousche et extravaguant. »[9] Et en tête, comme avertissement au lecteur, il écrivit donc : « C’est moy que je peins », et encore : « je suis moy-mesmes la matiere de mon livre »[10]. Cette profession de foi n’était ni feinte, ni exagérée ; l’expression du moi dans les Essaisest la plus pure, la moins sophistiquée que l’on puisse concevoir, suivant en cela le vœu même de l’auteur. « Je veux qu’on voye mon pas naturel et ordinaire ainsi detraqué qu’il est, écrit Montaigne. Je me laisse aller comme je me trouve. »[11] On peut dire qu’il y a réussi.

Les Essaispeignent ce moi de toutes les façons, l’auteur ne se lassant jamais de parler de lui, et ne répugnant nullement à partager ses expériences les plus personnelles. Aujourd’hui s’occuper de soi est un travers, et depuis deux siècles on use pour cela de ce mot d’individualisme. Chez Montaigne, l’intérêt porté à soi est revendiqué, pensé, et il fait le fond d’une morale et d’une philosophie qu’on devrait dire individuelle, plutôt qu’individualiste, car les mots en -isme sont suspects, ils sentent trop la haine de ceux qui les ont conçus.

L’être humain ne regarde pas son semblable sans émotion, et beaucoup passent leur existence dans la contemplation malsaine et le jugement critique des autres. Montaigne prend les choses au rebours. « Le monde regarde tousjours vis à vis : moy, je replie ma veuë au dedans, je la plante, je l’amuse là. Chacun regarde devant soy, moy je regarde dedans moy : Je n’ay affaire qu’à moy, je me considere sans cesse, je me contrerolle, je me gouste. Les autres vont tousjours ailleurs, s’ils y pensent bien : ils vont tousjours avant : moy, je me roulle en moy-mesme. » [12] Et si l’auteur des Essais préfère s’occuper ainsi de lui-même, se scruter, s’étudier, ce n’est guère par un gonflement d’estime et un amour-propre délirant, mais essentiellement dans des fins d’amélioration personnelle. « Il y a plusieurs années que je n’ay que moy pour visée à mes pensées, que je ne contrerolle et n’estudie que moy. Et si j’estudie autre chose, c’est pour soudain le coucher sur moy, ou en moy, pour mieux dire. » [13] Car « chacun est à soy-mesmes une tres bonne discipline, pourveu qu’il ait la suffisance de s’espier de pres. Ce n’est pas icy ma doctrine, c’est mon estude : et n’est pas la leçon d’autruy, c’est la mienne. » [14]

C’est qu’au-delà d’affirmer le primat de l’individu, la philosophie de Montaigne emporte avec elle une leçon de vie et une morale, porteuse de sens et de fruit, s’en revenant au sens premier de la philosophie, qui est la cultivation de la sagesse. « Quand j’oy reciter l’estat de quelqu’un, je ne m’amuse pas à luy, écrit-il : je tourne incontinent les yeux à moy, voir comment j’en suis. Tout ce qui le touche me regarde. Son accident m’advertit et m’esveille de ce costé-là. Tous les jours et à toutes heures, nous disons d’un autre ce que nous dirions plus proprement de nous, si nous sçavions replier aussi bien qu’estendre nostre consideration. »[15] Ainsi, quoiqu’en homme de bien, ma première préoccupation et charge soit et doive être moi-même, autrui m’est précieux dans la mesure où il me fournit l’occasion de m’améliorer. Or la philosophie du temps est toute opposée : au lieu de chercher dans l’autre un exemple et des leçons, l’on y projette nos propres résolutions, dans la folie de ce que l’amélioration humaine, qui est notre tâche et notre but de chaque jour, doive être entendue comme l’amélioration d’autrui, sans lui et malgré lui : « comme qui oublieroit de bien et saintement vivre ; et penseroit estre quitte de son devoir, en y acheminant et dressant les autres ; ce seroit un sot »[16].

Face aux prêcheurs de vertu et aux scrutateurs d’autrui, Montaigne défend l’individualité, entendant que l’homme se concentre davantage sur lui-même. « Si le monde se plaint dequoy je parle trop de moy, je me plains dequoy il ne pense seulement pas à soy » affirme-t-il.[17] Car ceci est selon la nature, et conforme à la morale. En outre, la procédure apporte aussi la clé de la connaissance, et son fondement, étant remarqué que « qui ne s’entend en soy, en quoy se peut il entendre ? » [18]

Cette individualité radicale, développée en morale et en philosophie, aboutit aussi à ne pas dépendre d’autrui. « J’ay prins à haine mortelle, écrit Montaigne, d’estre tenu ny à autre, ny par autre que moy. J’employe bien vivement, tout ce que je puis, à me passer : avant que j’employe la beneficence d’un autre, en quelque, ou legere ou poisante occasion ou besoing que ce soit. » [19] Ce qui pourrait s’exprimer de même, en usant du fameux serment individualiste d’Ayn Rand, dans Atlas Shrugged : « Je jure sur ma vie et l’amour que j’ai pour elle, de ne jamais vivre pour les autres ni demander aux autres de vivre pour moi ». [20]

Autrui est un ami, un frère ; par ses fautes, il peut m’aider à me réformer moi-même et à me perfectionner. Mais ma vocation sur cette terre n’est pas de contrôler ses actions, ni de dépendre de ses louanges ou de ses bienfaits. L’homme accompli, qui prend lui-même pour base, ne prétend pas régenter les autres. « Je ne me mesle pas de dire ce qu’il faut faire au monde, d’autres assés s’en meslent » écrit bien Montaigne. [21] Et pour illustration de cette attitude, lui aimant tant les exemples tirés de son expérience, il nous explique comment, recevant des lettres destinées à d’autres que lui, il se fit toujours toute sa vie un plaisir de les maintenir closes et inviolées. « Jamais homme ne s’enquit moins, écrit-il avec fierté, et ne fureta moins és affaires d’autruy. » [22]

Car encore une fois, autrui n’est pas, chez Montaigne, un ennemi à dompter : c’est un partenaire extérieur, une aide, dans la voie du perfectionnement individuel.

À l’échelle des nations ou des nationalités, l’altérité et la diversité apportent des services semblables. Et si, à travers les Essais, Montaigne abonde autant en descriptions des usages étrangers, il n’en faut pas chercher ailleurs la raison. « Je veux icy entasser aucunes façons anciennes, que j’ay en memoire, explique-t-il : les unes de mesme les nostres, les autres differentes : à fin qu’ayant en l’ima-gination cette continuelle variation des choses humaines, nous en ayons le jugement plus esclaircy et plus ferme. » [23] Cette justification est très claire : il ne s’agit ni de jouer avec les faits, de les tourner et retourner de tant de façon, qu’on en obtienne la conclusion que les mœurs et valeurs de France valent mieux que les autres ; pas plus qu’il n’est question de forcer les peuples barbares à adopter des mœurs plus raisonnables : Montaigne n’a d’autre ambition que de se servir de l’exemple des autres pour s’améliorer soi-même.

Pour cela, il convient cependant de repousser la préférence innée, mais maladroite, que chacun conçoit pour les usages auxquels il est accoutumé. Les impressions que laisse l’usage sont profondes, elles s’infiltrent en nous dès la naissance et se renforcent au contact prolongé du petit monde entre lequel nous vivons. L’accord unanime des préférences emporte la conviction et nous persuade que nous sommes dans le vrai, quand le nombre, en ces matières, ne devrait nous convaincre de rien. « Il y a du mal’heur d’en estre là, écrit Montaigne, que la meilleure touche de la verité, ce soit la multitude des croyans, en une presse où les fols surpassent de tant, les sages, en nombre. »[24]

À regarder le monde, la diversité des pratiques et des coutumes humaines paraît infinie. L’auteur des Essaisse plaît à les rappeler et à les placer les unes au regard des autres, comme en une fresque picturale. Il est des régions, rappelle-t-il, où « les femmes vont à la guerre quand et leurs maris, et ont rang, non au combat seulement, mais aussi au commandement », tandis qu’il en est d’autres « où l’on estime si mal de la condition des femmes, que l’on y tuë les femelles qui y naissent, et achepte l’on des voisins, des femmes pour le besoing ; où les maris peuvent repudier sans alleguer aucune cause, les femmes non pour cause quelconque ; où les maris ont loy de les vendre, si elles sont steriles. »[25] De même, « il est des nations, qui noircissent les dents avec grand soing, et ont à mespris de les voir blanches : ailleurs ils les teignent de couleur rouge. »[26] Ou encore cet exemple d’apparence triviale : « Nous portons les oreilles percées, les Grecs tenoient celà pour une marque de servitude. »[27] Et de tels exemples paraissent sans fin.

Si nous ne nous enquerrons guère des usages étrangers, l’habitude de nos propres usages nous enferme et nous pousse à croire naturelles des choses qui ne sont en nous que parce que nous sommes nés en un siècle et en un lieu qui les avaient adoptées, de sorte que ce que nous tenons très fermement comme une vérité, n’est peut-être que le fruit d’une longue et bien enracinée erreur. « Par où il advient, note Montaigne, que ce qui est hors les gonds de la coustume, on le croid hors les gonds de la raison : Dieu sçait combien desraisonnablement le plus souvent. » [28] Tel est bien l’effet de l’habitude. « Le principal effect de sa puissance, c’est de nous saisir et empieter de telle sorte, qu’à peine soit-il en nous, de nous r’avoir de sa prinse, et de r’entrer en nous, pour discourir et raisonner de ses ordonnances. De vray, parce que nous les humons avec le laict de nostre naissance, et que le visage du monde se presente en cet estat à nostre premiere veuë, il semble que nous soyons nais à la condition de suyvre ce train. Et les communes imaginations, que nous trouvons en credit autour de nous, et infuses en nostre ame par la semence de nos peres, il semble que ce soyent les generalles et naturelles. » [29] Or la réflexion que nous pouvons faire en nous-mêmes sur les sources et la valeur de nos usages, peut permettre de nous en dégoûter, quand nous les verrons étranges, et plus étranges que les étrangères, comme aussi fondées sur rien d’autre qu’un accord accidentel. Montaigne raconte qu’ayant une fois l’envie de convaincre un étranger de la valeur d’une habitude qu’il avait contractée et qui était d’usage en son pays, « j’y trouvay le fondement si foible, qu’à peine que je ne m’en degoustasse, moy, qui avois à la confirmer en autruy. »[30]

Dans le même but d’amélioration de soi qui, au niveau individuel, aboutissait à l’utilisation des erreurs d’autrui comme guide à notre propre perfectionnement, Montaigne recommande le commerce des hommes et la visite des pays étrangers, dans le but de policer notre nation, encore barbare, quoi qu’on en dise. Car encore une fois, ce n’est pas pour juger autrui en rapportant ses usages aux nôtres, qu’on doit l’observer, mais « pour en rapporter principalement les humeurs de ces nations et leurs façons : et pour frotter et limer nostre cervelle contre celle d’autruy ».[31] Le monde est vaste et divers ; c’est de ce point de vue une école précieuse. « Il se tire une merveilleuse clarté pour le jugement humain, de la frequentation au monde » car « nous sommes tous contraints et amoncellez en nous, et avons la veuë racourcie à la longueur de nostre nez. »[32] De ce point de vue, le voyage dessille les yeux. « Le voyager me semble un exercice profitable, lit-on dans les Essais. L’ame y a une continuelle exercitation, à remarquer des choses incogneuës et nouvelles. Et je ne sçache point meilleure escole, comme j’ay dict souvent, à façonner la vie, que de luy proposer incessamment la diversité de tant d’autres vies, fantasies, et usances : et luy faire gouster une si perpetuelle varieté de formes de nostre nature. »[33] C’est l’éloge de la diversité, écrit par un homme et à une époque où celle-ci ne déplaisait encore que modérément, de sorte qu’on pouvait encore l’ex-primer sans prendre la peine de l’accompagner de son pendant, aujourd’hui nécessaire : la tolérance.

Toutefois, pour jouir, dans les voyages, des leçons de la diversité humaine, il est impératif de voyager pour connaître, et non pour y médire des mœurs qu’on ne veut pas même comprendre, contre la pratique courante de l’époque, et de tous les temps, que les Essais vilipendent fortement : « J’ay honte de voir nos hommes, enyvrez de cette sotte humeur, de s’effaroucher des formes contraires aux leurs. Il leur semble estre hors de leur element, quand ils sont hors de leur village. Où qu’ils aillent, ils se tiennent à leurs façons, et abominent les estrangeres. Retrouvent ils un compatriote en Hongrie, ils festoient ceste avanture : les voyla à se r’alier, et à se recoudre ensemble ; à condamner tant de moeurs barbares qu’ils voyent. Pourquoy non barbares, puis qu’elles ne sont Françoises ? Encore sont ce les plus habilles, qui les ont recognuës, pour en mesdire : La pluspart ne prennent l’aller que pour le venir. Ils voyagent couverts et resserrez, d’une prudence taciturne et incommunicable, se defendans de la contagion d’un air incogneu. »[34] Et Montaigne indique en peu de mots ce qu’est, à l’inverse, sa pratique : « Au rebours, je peregrine très saoul de nos façons : non pour chercher des Gascons en Sicile, j’en ay assez laissé au logis : je cherche des Grecs plustost, et des Persans : j’accointe ceux-la, je les considere ». [35]

L’homme qui a vocation à s’améliorer n’examine pas autrui pour en rire, mais pour se réformer par cet exemple. Et de même qu’au niveau individuel, le fou peut encore donner des leçons au sage, de même les peuples qui nous paraîtraient les plus étrangers, et dont les mœurs sembleraient incompatibles aux nôtres, doivent être jugés et médités sainement. C’est l’exemple fameux des cannibales de l’Amérique : là comme ailleurs, l’étranger n’est pas étrange. Montaigne avoue courageusement sa foi : « Je trouve qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté : sinon que chacun appelle barbarie, ce qui n’est pas de son usage. Comme de vray nous n’avons autre mire de la verité, et de la raison, que l’exemple et idée des opinions et usances du païs où nous sommes. Là est tousjours la parfaicte religion, la parfaicte police, parfaict et accomply usage de toutes choses. »[36] Dès lors les Essais vont rapportant les usages des cannibales, et, sans préjugé, en donnent les fondements. Ainsi la pratique cruelle et inhumaine pour nous de manger le corps d’un défunt, est accomplie dans la vue de s’approprier ses qualités, pour faire de notre corps un réceptacle et le plus beau des tombeaux. « Il n’est rien si horrible à imaginer, que de manger son pere. Les peuples qui avoyent anciennement ceste coustume, la prenoyent toutesfois pour tesmoignage de pieté et de bonne affection, cherchant par là à donner à leurs progeniteurs la plus digne et honorable sepulture : logeants en eux mesmes et comme en leurs moelles, les corps de leurs peres et leurs reliques : les vivifiants aucunement et regenerants par la transmutation en leur chair vive, au moyen de la digestion et du nourrissement. Il est aysé à considerer quelle cruauté et abomination c’eust esté à des hommes abreuvez et imbus de ceste superstition, de jetter la despouïlle des parens à la corruption de la terre, et nourriture des bestes et des vers. »[37] Et à ce sujet il ajoute en outre, avec une certaine audace : « Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant, qu’à le manger mort, à deschirer par tourmens et par geénes, un corps encore plein de sentiment, le faire rostir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens, et aux pourceaux (comme nous l’avons non seulement leu, mais veu de fresche memoire, non entre des ennemis anciens, mais entre des voisins et concitoyens, et qui pis est, sous pretexte de pieté et de religion) que de le rostir et manger après qu’il est trespassé. »[38] Ce thème de la comparaison des barbaries étrangères avec les nôtres lui inspire encore cette pensée, que « nous les pouvons donc bien appeller barbares, eu esgard aux regles de la raison, mais non pas eu esgard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie. Leur guerre est toute noble et genereuse, et a autant d’excuse et de beauté que cette maladie humaine en peut recevoir : elle n’a autre fondement parmy eux, que la seule jalousie de la vertu. Ils ne sont pas en debat de la conqueste de nouvelles terres : car ils jouyssent encore de cette uberté naturelle, qui les fournit sans travail et sans peine, de toutes choses necessaires, en telle abondance, qu’ils n’ont que faire d’agrandir leurs limites. » [39] Néanmoins, la plus remarquable, à n’en pas douter, de ces leçons discrètes, que la comparaison de nos usages avec ceux des nations présentées comme les plus barbares produit dans l’esprit de Montaigne, est celle qui concerne le pouvoir. Les peuplades cannibales de l’Amérique ne reconnaissent pas, en matière d’autorité, les principes de l’hérédité à tout prix, qui fondent la constitution de la France d’alors. Moins d’un siècle après la mort de l’auteur des Essais, Louis quatorzième, comme on disait en ce temps là, héritera du trône à l’âge de quatre ans et demi ; et au siècle suivant, son arrière-petit-fils lui succèdera à l’âge de cinq ans. On arrangea le droit avec les faits, en instaurant une régence, et le fait parût bon an mal an normal. Dans ses Essais, Montaigne rapporte qu’à l’inverse de l’hérédité pure, la pratique des peuplades cannibales est de placer l’autorité dans les mains de ceux qui sont les plus capables et les plus respectés, souvent les plus forts, parfois aussi des anciens ; et il note qu’en apprenant la pratique française, ils paraissaient fort étonnés. « Ils dirent qu’ils trouvoient en premier lieu fort estrange, que tant de grands hommes portans barbe, forts et armez, qui estoient autour du Roy (il est vray-semblable qu’ils parloient des Suisses de sa garde) se soubmissent à obeir à un enfant, et qu’on ne choisissoit plustost quelqu’un d’entre eux pour commander. »[40]

Certainement Montaigne n’est pas ethnographe, et ses observations ne sont pas toujours justes, quand il juge des peuplades éloignées ; mais n’étaient-ils pas plus ridicules encore ces héritiers de Rousseau qui traversèrent l’Atlantique, imaginaient y retrouver l’homme bon et sain d’esprit, et y trouvèrent nos mêmes vices, de lucre, de rapacité, tout à fait établis ?

La grande richesse de Montaigne, c’est son regard curieux et cosmopolite sur le monde. « J’estime tous les hommes mes compatriotes, clame-t-il : et embrasse un Polonois comme un François ; postposant cette lyaison nationale, à l’universelle et commune. Je ne suis guere feru de la douceur d’un air naturel. »[41] Il tire d’ailleurs de ces sentiments des leçons politiques pratiques, en faisant l’éloge de la diversité et de la liberté. « Je n’ay point cette erreur commune, de juger d’un autre selon que je suis. J’en croy aysément des choses diverses à moy. Pour me sentir engagé à une forme, je n’y oblige pas le monde, comme chascun fait, et croy, et conçoy mille contraires façons de vie : et au rebours du commun, reçoy plus facilement la difference, que la ressemblance en nous. Je descharge tant qu’on veut, un autre estre, de mes conditions et principes : et le considere simplement en luy mesme, sans relation, l’estoffant sur son propre modelle. »[42] Et de la reconnaissance de la diversité, Montaigne passe sans difficulté à son intégration dans les lois. « Les hommes sont divers en goust et en force ; il les faut mener à leur bien selon eux, et par routes diverses. »[43] Grande leçon pour toutes les époques.

Esprit libre et indépendant, Montaigne estimait peu la contrainte ; sa propension à applaudir et glorifier les puissants était faible. Il demandait distinctement à ce que la postérité soit sans indulgence pour les défauts des rois quand ils avaient cessé de vivre, car toute faute devait être blâmée, même dans un roi. [44] « Toute inclination et soubsmission leur est deuë, sauf celle de l’entendement : Ma raison n’est pas duicte à se courber et fleschir, ce sont mes genoux. »[45] Les rois, disait-il encore, sont faits de même pâte que les hommes, ils ont les mêmes vices et les mêmes passions, de sorte qu’il est inutile de faire reposer notre obéissance sur autre chose que sur des motifs politiques. En vrai, seuls les effets pratiques des actions des rois les font distinguer de nous. « Les ames des Empereurs et des savatiers sont jettees à mesme moule. Considerant l’importance des actions des Princes et leur poix, nous nous persuadons qu’elles soyent produictes par quelques causes aussi poisantes et importantes. Nous nous trompons : ils sont menez et ramenez en leurs mouvemens, par les mesmes ressors, que nous sommes aux nostres. La mesme raison qui nous fait tanser avec un voisin, dresse entre les Princes une guerre : la mesme raison qui nous fait fouëtter un laquais, tombant en un Roy, luy fait ruiner une Province. Ils veulent aussi legerement que nous, mais ils peuvent plus. »[46]

Les vices des rois ne méritent pas l’approbation, par une provenance supérieure qui en changerait la nature, pas plus que l’arbitraire, en prétextant ses raisons, ne s’absout de ses vices au regard du sage.

Adversaire de l’arbitraire sans but et sans substance, Montaigne laissa une critique substantielle de la torture, qu’on employait encore couramment dans les affaires criminelles, mais aussi religieuses. « C’est une dangereuse invention que celle des gehennes, et semble que ce soit plustost un essay de patience que de verité. Et celuy qui les peut souffrir, cache la verité, et celuy qui ne les peut souffrir. Car pourquoy la douleur me fera elle plustost confesser ce qui en est, qu’elle ne me forcera de dire ce qui n’est pas ? Et au rebours, si celuy qui n’a pas faict ce dequoy on l’accuse, est assez patient pour supporter ces tourments, pourquoy ne le sera celuy qui l’a faict, un si beau guerdon, que de la vie, luy estant proposé ? Je pense que le fondement de cette invention, vient de la consideration de l’effort de la conscience. Car au coulpable il semble qu’elle aide à la torture pour luy faire confesser sa faute, et qu’elle l’affoiblisse : et de l’autre part qu’elle fortifie l’innocent contre la torture. Pour dire vray, c’est un moyen plein d’incertitude et de danger. »[47] À rebours de l’opinion commune, qui prétextait que la torture détournait les âmes faibles du mauvais chemin, Montaigne souligne à quel point elle paraît fortifier les résolutions de ceux qui auraient peu tenu à leurs résolutions, les eût-on laissé tranquille. « Voire je ne sçay si l’ardeur qui naist du despit, et de l’obstination, à l’encontre de l’impression et violence du magistrat, et du danger, ou l’interest de la reputation, n’ont envoyé tel homme soustenir jusques au feu, l’opinion pour laquelle entre ses amys, et en liberté, il n’eust pas voulu s’eschauder le bout du doigt. »[48]

L’observation en rejoignait d’autres, à travers les Essais, pour convaincre du démérite, en général, de l’emploi de la contrainte. À titre personnel même, Montaigne avait, on le sait, peu de goût pour elle. « Je fuis le commandement, l’obligation, et la contrainte. Ce que je fais aysément et naturellement, si je m’ordonne de le faire, par une expresse et prescrite ordonnance, je ne sçay plus le faire. »[49] Dans l’un des chapitres qu’il consacre à la question de l’éducation des enfants, il reprend ce thème, et condamne l’usage des voies de contrainte. « J’accuse toute violence en l’education d’une ame tendre, qu’on dresse pour l’honneur, et la liberté. Il y a je ne sçay quoy de servile en la rigueur, et en la contraincte : et tiens que ce qui ne se peut faire par la raison, et par prudence, et addresse, ne se fait jamais par la force. »[50] La prescription, d’usage général, s’accompagnait, dans le cas de l’éducation, de justifications particulières, l’auteur insistant sur la petitesse d’esprit de celui qui a appris par cœur, sait bien répéter ce qu’ont dit ses maîtres, et ne sort de l’école qu’avec l’habilité d’un automate.

Sceptique face à l’usage de la contrainte, en quelque domaine que ce soit, Montaigne abordait la question politique armé d’une conviction originale. Ses commentaires sur les lois s’en ressentent. « La plus part des choses du monde se font par elles mesmes »[51] écrivait-il, anticipant des développements futurs, sur lesquels nous reviendrons. « Il ne nous faut guere non plus d’offices, de reigles, et de loix de vivre, en nostre communauté, qu’il en faut aux grues et formis en la leur. Et neantmoins nous voyons qu’elles s’y conduisent tres ordonnément, sans erudition. »[52] À rebours de cet idéal négatif, dans lequel donna aussi Rabelais, la nation française connaissait une profusion de lois et de règlements, incapables de régler correctement la marche des affaires humaines. « Nous avons en France, plus de loix que tout le reste du monde ensemble ; et plus qu’il n’en faudroit à reigler tous les mondes d’Epicurus » [53] — on se rappelle qu’Épicure soutenait que par suite de l’assemblage d’une infinité d’atomes, il existait une infinité de mondes. « Et encore crois-je, continue Montaigne, qu’il vaudroit mieux n’en avoir point du tout, que de les avoir en tel nombre que nous avons. »[54] Ce qui semble avoir été une tentation fréquente à l’âge de l’hyper législation, comme nous le montreraient les exemples de Rabelais, puis, au XVIIIsiècle, des premiers économistes, dont laissez-faire sera le credo. Avant ces derniers, l’idéal négatif d’un roi qui règne mais ne gouverne passe développera, s’étendra, solfié sur tous les tons. Nous le retrouverons bien-tôt dans sa maturité : tâchons alors de retrouver les traits qu’il avait en naissant ; et en lisant Boisguibert, Turgot, Tocqueville, Constant, n’oublions pas leur ancêtre, qui disait aussi, dans sa langue : « Les Princes me donnent prou, s’ils ne m’ostent rien : et me font assez de bien, quand ils ne me font point de mal : c’est tout ce que j’en demande. »[55]

 


[1] Ludwig von Mises, L’Action Humaine, partie IV, chap. XXIV.

[2] Henri de Boulainvilliers, État de la France, etc., 1727, vol. II, p. 339.

[3] Projet pour perfectionner le commerce de France; Ouvrages de politique de l’abbé de Saint-Pierre, vol. V, 1733, p. 173.

[4] Ébauche de 1847 ; Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, t. VII, p. 327.

[5] Essais, 1580, liv. I, chap. xxi ; éd. Pléiade, 2007, p. 110.

[6] Han Fei Zi ; trad. fr., éd. du Châtelet, 2010, p. 101.

[7] Sophismes économiques, 1845 ; Œuvres, t. IV, p. 9.

[8] Les Confessions ; Œuvres complètes, éd. Pléiade, t. I, 1959, p. 5.

[9] Essais, II, xviii ; éd. Pléiade, p. 404.

[10] Essais ; éd. Pléiade, p. 27.

[11] Essais, II, x ; éd. Pléiade, p. 429.

[12] Essais, II, xvii ; éd. Pléiade, p. 697.

[13] Essais, II, vi ; éd. Pléiade, p. 397.

[14] Essais, II, vi ; éd. Pléiade, p. 396.

[15] Essais, II, viii ; éd. Pléiade, p. 415.

[16] Essais, III, x ; éd. Pléiade, p. 1052.

[17] Essais, III, ii ; éd. Pléiade, p. 845.

[18] Essais, II, xii; éd. Pléiade, p. 590.

[19] Essais, III, ix; éd. Pléiade, p. 1014-1015.

[20] I swear — by my life and my love of it — that I will never live for the sake of another man, nor ask another man to live for mine. — Ayn Rand, Atlas Shrugged, 1957, p. 1139.

[21] Essais, I, xxvii; éd. Pléiade, p. 199.

[22] Essais, II, iv; éd. Pléiade, p. 383.

[23] Essais, I, xlix ; éd. Pléiade, p. 317.

[24] Essais, III, xi; éd. Pléiade, p. 1074.

[25] Essais, I, xxii; éd. Pléiade, p. 115, 116.

[26] Essais, II, xii; éd. Pléiade, p. 508.

[27] Essais, II, xii ; éd. Pléiade, p. 618.

[28] Essais, I, xxii ; éd. Pléiade, p. 119.

[29] Essais, I, xxii ; éd. Pléiade, p. 119.

[30] Essais, I, xxii ; éd. Pléiade, p. 120.

[31] Essais, I, xxv ; éd. Pléiade, p. 158.

[32] Essais, I, xxv ; éd. Pléiade, p. 163.

[33] Essais, III, ix; éd. Pléiade, p. 1018-1019.

[34] Essais, III, ix ; éd. Pléiade, p. 1031-1032.

[35] Essais, III, ix ; éd. Pléiade, p. 1032.

[36] Essais, I, xxx ; éd. Pléiade, p. 211.

[37] Essais, II, xii ; éd. Pléiade, p. 616-617.

[38] Essais, I, xxx ; éd. Pléiade, p. 216.

[39] Essais, I, xxx ; éd. Pléiade, p. 216-217.

[40] Essais, I, xxx ; éd. Pléiade, p. 221.

[41] Essais, III, ix ; éd. Pléiade, p. 1018.

[42] Essais, I, xxxvi ; éd. Pléiade, p. 234.

[43] Essais, III, xii; éd. Pléiade, p. 1098.

[44] Essais, I, iii ; éd. Pléiade, p. 39.

[45] Essais, III, viii ; éd. Pléiade, p. 980.

[46] Essais, II, xii; éd. Pléiade, p. 500.

[47] Essais, II, v; éd. Pléiade, p. 387.

[48] Essais, II, xii ; éd. Pléiade, p. 600-601.

[49] Essais, II, xvii ; éd. Pléiade, p. 688.

[50] Essais, II, viii ; éd. Pléiade, p. 408.

[51] Essais, III, viii; éd. Pléiade, p. 978.

[52] Essais, II, xii; éd. Pléiade, p. 513.

[53] Essais, III, xiii ; éd. Pléiade, p. 1112.

[54] Essais, III, xiii ; éd. Pléiade, p. 1112.

[55] Essais, III, ix ; éd. Pléiade, p. 1013.

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