Exposition des produits de l’industrie. Coup d’œil général sur l’exposition de 1844

Exposition des produits de l’industrie. Coup d’œil général sur l’exposition de 1844, par Joseph Garnier (Journal des économistes, juillet 1844).


EXPOSITION DES PRODUITS DE L’INDUSTRIE

COUP D’OEIL GÉNÉRAL SUR L’EXPOSITION DE 1844

I.

C’est, depuis quarante-six ans, la dixième fois que la France assiste à cette grande solennité nationale qui attire des visiteurs du monde entier. Trois expositions ont eu lieu sous la République, une seule sous l’Empire, trois sous la Restauration, et trois depuis la révolution de Juillet. Les trois premières seraient comparativement insignifiantes si l’on n’y rattachait pas cette auréole historique de toute institution qui commence. Elles furent annuelles, et avaient principalement pour but de montrer aux étrangers que la France ne serait pas la dernière dans l’ordre industriel, quand elle voudrait s’en donner la peine. D’ailleurs, la société française venait de traverser une époque terrible, et dix ans s’étaient à peine écoulés depuis que Turgot avait délivré le travail des règlements désastreux et des entraves ridicules que le système des corporations faisait peser sur presque toutes les branches de l’industrie française. L’unique exposition de l’Empire, en 1806, vit décupler le nombre des exposants qui s’étaient présentés en 1798 ; mais alors la France possédait une partie de la Belgique, de la Suisse, de l’Italie, et l’on ne peut guère comparer le chiffre complexe de cette exposition avec celui des expositions précédentes. Les préoccupations militaires ne permirent plus au gouvernement de cette époque de songer à cette institution ; et cet oubli est assez curieux, car la politique industrielle qui imagina le blocus était, comme celle de la République, imbue des préjugés du système mercantile, et aurait dû, ce semble, provoquer aussi ce genre de manifestations. Ce n’est qu’en 1819 qu’on songea à faire revivre les expositions générales de l’industrie. Cette cinquième exposition, alors que la France était rentrée dans ses limites actuelles, eut encore plus d’exposants que celle de 1806. Mais ce dernier chiffre se maintint à peu près le même aux trois expositions de la Restauration. Après la révolution de Juillet, le nombre des exposants était déjà doublé dès la seconde exposition. Un élan général s’est manifesté de toute part ; il a réagi sur l’industrie, et ce n’est plus par haine de l’étranger qu’on expose, c’est par suite de l’expansion générale que provoquent toujours la liberté, la paix et l’abondance[1].

En parcourant la liste des exposants aux différentes époques, il est intéressant de suivre le sort de certains noms. Les uns brillent une ou deux fois pour ne plus reparaître, par suite des mille et un accidents de la vie ; d’autres, au contraire, qu’on voit poindre, pour ainsi dire, à l’horizon des premières expositions, décrivent une longue phase lumineuse et jettent un vif reflet sur toute l’industrie française. Le premier rapporteur, Chaptal, signalait surtout en 1798 l’horlogerie de Breguet, les instruments de mathématiques de Lenoir, la typographie de Didot et Erhan, les aciers de Clouet, les tableaux en porcelaine de Dilh et Gérard, les cheminées de Désarnod, les crayons de Conté, les toiles peintes de Gremontet Barré à Bercy, la faïence de Potter à Chantilly, la bonneterie de Payen à Troyes, la tôle vernie de Dehorme, et le coton filé à la mécanique de Jullien à Luat (Seine-et-Oise). Plusieurs producteurs bien connus n’avaient pu exposer ; Boyer-Fonfrède, ses cotons ; Didot jeune, ses belles éditions et son magnifique papier vélin ; Larochefoucauld, ses cotonnades ; Delattre, ses fils de coton, etc., etc., etc. Lyon, Rouen, Amiens, Sedan, Elbeuf, Louviers, n’avaient pas envoyé de représentants. C’est que cette exposition imprévue n’était qu’une fête de circonstance, improvisée pour célébrer l’anniversaire de la République ; et puis, les cités et les classes industrieuses de la France n’avaient et ne pouvaient encore avoir de la révolution que les désastres inséparables de pareils événements. Dans l’année suivante, sous le ministère de Chaptal, on vit apparaître les noms de Ternaux frères, fabricants de draps et casimirs à Reims, à Sedan, à Louviers, à Ensival ; de Montgolfier, fabricant de papier à Annonay. Carcel venait aussi d’inventer sa lampe et obtint une médaille de bronze. Jacquart reçut la même récompense : « Jacquart de Lyon, disait le rapporteur, inventeur d’un mécanisme qui supprime, dans la fabrication des étoffes brochées, l’ouvrier appelé tireur de lacs. » Personne ne comprenait encore ce trait de génie qui devait faire la célébrité de l’inventeur, la fortune de ses compatriotes et contribuer à la gloire de la France moderne, par les nombreuses applications qui en ont été faites dans le tissage. L’exposition de 1802 fut plus intéressante. Fox n’y remarqua, dit-on, que les eustaches à deux sous ; mais on y vit briller d’un vif éclat deux industries nées de la veille pour ainsi dire : la fabrique des produits chimiques qui s’engendraient, comme par enchantement, à la voix des Berthollet, des Chaptal, des Cuyton-Morvaux, des Molard, des Fourcroy ; l’industrie des châles, dont les héros d’Égypte venaient de rapporter des échantillons, et auxquels la mode donnait un prix extraordinaire. En 1806, il y eut, comme nous l’avons dit, un concours presque européen. Les différentes villes de France exposèrent. On constatait les progrès des industries des laines, des soies et des cotons. Lyon se présentait avec ses riches soieries ; Tarare et Saint-Quentin avec leurs mousselines légères ; Mulhouse avec ses toiles peintes. On remarquait encore les machines de Douglas, et les cristaux de Dartigues. Enfin Thomire, Gall et Ravrio venaient de créer l’industrie toute parisienne du bronze.

Longtemps après, lorsqu’on revint à cette institution, la France n’était plus guerrière ; la plupart de ses soldats demandaient au travail le calme et le repos ; aussi put-on remarquer un progrès général, surtout dans l’industrie des laines, en tête de laquelle se trouvait encore l’illustre Ternaux. Les châles de cachemire brillaient en 1827 d’un éclat nouveau, et la fabrique de Paris avait déjà grandement établi sa réputation en ce genre. Les verres, les cristaux, les tapis, les meubles, les pianos, les instruments de musique, les armes, la papeterie, toutes les industries, en un mot, étaient dignement représentées.

À partir de ce moment, il devient impossible de signaler en quelques mots tous les progrès, toutes les découvertes, toutes les inventions que l’on a pu admirer aux trois dernières expositions. De 1827 à 1834 l’industrie française avait fait un pas immense. Nos usines s’étaient multipliées et agrandies ; nos machines perfectionnées ; les productions avaient baissé de prix ; les relations étaient étendues ; plusieurs arts nouveaux avaient pris naissance. En 1839, la filature de la laine se rapprochait de la perfection ; cinquante usines construisaient des machines à vapeur ; le public admirait les machines à papier continu, les produits inattendus du métier à la Jacquart, les chronomètres d’une étonnante précision, les outils des puits artésiens, la perfection des aiguilles, des cristaux et des glaces, la création des bougies stéariques, la nouvelle soudure du plomb, la galvanisation du fer, la perrotine, etc., etc. La richesse et l’abondance, on le voit, ont ici leurs inconvénients ; elles nécessiteraient une énumération fort longue, et encore incomplète, que nous remplacerons, pour 1844, par une description sommaire de produits plus nombreux et plus remarquables encore.

 

II.

Dès les premiers jours de mai, l’exposition de 1844 a dû être considérée comme supérieure à celle de 1839 ; mais l’imposant spectacle qu’elle présentait n’a pu apparaître dans toute sa solennité que depuis que ces milliers de produits se sont organisés, tant bien que mal, dans l’espace mesuré à chacun d’eux, sur quelques points par un peu de faveur, et sur beaucoup d’autres par le hasard et la conquête. Là, comme partout, les absents ont eu tort, et les présents ne se sont pas fait faute d’user et d’abuser du droit du premier occupant. Soit que le temps ait manqué, soit pour tout autre motif qu’il est inutile de rechercher, il y a eu dans la disposition logique des produits et dans la place affectée aux diverses industries, une grande insuffisance de classification ; et l’on y voyait les contrastes les plus choquants. C’est là un grave inconvénient. Lorsque tous les produits similaires ne peuvent point être soumis à un examen pour ainsi dire synoptique, il en résulte pour l’esprit une incertitude pénible. L’étude n’est pas complète, et les jugements qui en découlent manquent de cette précision qui seule peut leur donner de l’importance. Or, cette étude était un besoin, non seulement pour les divers membres du jury central, mais encore pour les organes de la presse, pour tous les producteurs intéressés à tout voir, à tout connaître, pour les consommateurs qu’il faut éclairer aussi, et surtout peut-être pour le flot de visiteurs que chaque jour a vus se répandre dans les galeries des Champs-Élysées. Qui pourrait dire combien d’idées nouvelles se révèlent au sein de ces masses profondes ? Qui pourrait compter les étincelles lumineuses qui sillonnent cette nue que les hommes ont tous plus ou moins condensée dans une partie de leur tête ?

Si tous les produits étaient bien classés, si chaque exposant avait sur ce qu’il présente une note claire et précise, à combien de cours publics, à combien de lectures la revue de l’Exposition n’équivaudrait-elle pas ! Si donc, comme les a bien caractérisées M. Théodore Fix dans ses considérations générales, ces solennités nationales ont surtout pour but de fournir un grand enseignement, à la fois industriel et artistique, il faut que l’expérience de cette année soit mise à profit, et que dans cinq ans, l’harmonie intérieure du palais de l’industrie remplisse, aussi bien que possible, le but qu’on doit atteindre. Cette tâche est surtout celle de l’administration ; et elle parviendra à la rendre moins difficile, si elle veut en 1849 prendre ses dispositions plus tôt, établir son plan, et si elle parvient à imprimer aux départements une juridiction uniforme. Jusqu’à présent, les prescriptions ministérielles, l’organisation des jurys départementaux, et les attributions du jury central n’ont eu rien d’arrêté, rien de bien précis. Cette année, par exemple, la circulaire de M. le ministre du commerce et de l’agriculture ayant été strictement suivie dans certains cas, et méconnue dans d’autres, il en est résulté des inégalités choquantes, par suite desquelles plusieurs producteurs n’ont pas eu la faculté d’exposer des produits dont les analogues ont cependant obtenu une place. Ainsi, la circulaire ministérielle ayant proscrit, et bien à tort, les boissons, il s’est passé un fait singulier : on a pu voir à l’extrémité de la salle des machines, dos à dos avec des chaussures, si je ne me trompe, du vin mousseux de Saumur et du vin de Champagne de je ne sais quel autre pays, en même temps que le créateur du délicieux tokai-princesse était repoussé du concours. La réclamation faite à quelques membres du jury n’a point eu de succès, parce qu’on a craint d’aborder la question de savoir si le jury central doit se borner à juger les produits admis, ou bien s’il peut se constituer en cour d’appel des jurys départementaux. Dans les deux cas, que c’eût été le jury ou l’inspecteur de l’exposition qui eût prononcé, il aurait fallu ou admettre le tokai-princesse et méconnaître la circulaire du ministre, ou bien repousser ce liquide généreux, et chasser les vins mousseux, en cassant ainsi les jugements de plusieurs jurys départementaux. Mais le temps est un grand maître ; pendant qu’on discutait, il passait, et l’exposition a fini sans qu’on écoutât les réclamations de l’auteur du tokai-princesse.

Plus nous avançons, plus l’institution se développe et s’étend, plus elle touche à un grand nombre d’intérêts, et plus les questions qui s’y rattachent prennent de la gravité. Aussi devient-il urgent de les fixer d’une manière positive, afin que l’administration n’ait plus les embarras de l’incertitude, et que les exposants, à leur tour, sachent bien les limites de leurs droits et de leurs devoirs. Ce serait donc, ce nous semble, le moment de nommer une commission spéciale capable de préparer un projet de loi ou d’ordonnance royale pour proposer l’organisation des jurys, la nature de leurs travaux, et les bases sur lesquelles doit se fonder l’appréciation des produits qui ont droit aux récompenses. C’est peut-être là une constitution qu’il y aurait lieu de demander à la réunion de tous les savants et de tous les industriels qui ont fait jusqu’à présent partie des jurys d’examen, ou qui ont reçu les récompenses les plus signalées. Une enquête ne serait donc pas hors de propos, en ce moment surtout que les premiers intéressés sont à Paris, et qu’ils ont bien présents à l’esprit et leurs besoins et leurs griefs. Cette réunion de notables serait fort bien accueillie, et il en jaillirait, nous le pensons, des données nouvelles qu’on cherchera en vain plus tard, alors que hommes et choses auront repris le cours de la production.

Une des questions les plus difficiles à résoudre est celle du prix, dont l’abaissement, à qualité égale, peut seul indiquer le progrès. Lors des dernières expositions, l’indication des prix a toujours été demandée, mais en termes vagues. En 1834, M. Thiers voulait « essentiellement les prix auxquels la marchandise est établie » ; en 1839, M. Martin (du Nord) ajoutait « que le prix, qu’il est important de pouvoir indiquer à côté de chaque produit, est le prix auquel il peut être livré au consommateur » ; enfin, M. Cunin-Gridaine, pour l’exposition de 1844, parlait dans sa circulaire aux préfets « de la valeur industrielle et commerciale des produits. » Il y a, on le voit, beaucoup de vague dans ces formules. Peut-on leur donner un sens plus précis ? Y a-t-il lieu d’espérer cette confidence des fabricants ? Faut-il d’ailleurs n’inscrire sur le produit que le prix de revient sur le lieu de production, ou les prix intermédiaires des commissionnaires, des expéditeurs, ou le prix sur le lieu de consommation ? Et dans tous les cas il faut trouver le moyen de préciser ces lieux. Ou bien encore faut-il renoncer à cette indication ? Et si l’on n’y renonce pas, comment, par quel système d’enquête peut-on et doit-on contrôler la déclaration des exposants ? Faut-il que ce prix soit donné en bloc, ou bien avec ses éléments, le prix de la matière première, le coût de la main-d’œuvre, le profit du capital et de l’entrepreneur ? Il est temps de sortir de la discussion générale qui n’a rien appris, et d’aborder positivement le problème, afin de constater, au pis-aller et d’une manière positive, l’impossibilité de se procurer ce renseignement. Au reste, dans les deux expositions qui ont précédé celle-ci, la plupart des prix ont été plus ou moins postiches, et cette année on n’en trouvait presque nulle part, bien qu’on lise ce qui suit dans la circulaire organique du 15 décembre 1843 : « Lors des dernières expositions, mes prédécesseurs avaient demandé que le prix de chaque article fût soigneusement indiqué ; le jury central avait vivement appuyé cette mesure. Je vous invite, monsieur le préfet, à insister particulièrement sur ce point. Sans la connaissance exacte des prix, le mérite relatif des produits et leur véritable valeur commerciale ne peuvent être sainement appréciés, et le jury central, se trouvant à leur égard sans moyens de remplir la mission qui lui est confiée, pourrait être obligé de les mettre hors concours. »

Voilà qui est clair. Si c’était faisable, le jury central serait, à l’heure qu’il est, tiré d’un grand embarras ; car il a entrepris un travail d’Hercule en appréciant, comme il l’avait décidé en 1839 :

1° L’invention et les perfectionnements utiles, classés d’après l’importance manufacturière de leurs résultats ;

2° L’étendue des fabriques et leur situation topographique ;

3° La qualité réelle et commerciale des produits ;

4° Le bon marché acquis par les progrès de la fabrication.

Il n’y a pas assez de membres dans son sein ; car ceux qui travaillent ne peuvent certainement pas consacrer plusieurs heures par jour à cette fatigante besogne ; la plupart d’entre eux ayant d’ailleurs à remplir d’autres fonctions importantes, particulières ou publiques. Ajoutez que le jury a sagement admis un principe qu’il n’a point encore pu réaliser ; à savoir, qu’il mettait au nombre de ses attributions de rechercher, sous la raison commerciale, le nom du véritable inventeur, du principal travailleur, du dessinateur, du chimiste, du mécanicien qui donnent l’impulsion et l’originalité à la fabrication. Cette recherche est en effet indispensable, si l’on veut que les expositions se dépouillent peu à peu de ce qu’elles ont pu avoir, jusqu’ici, de trop mercantile.

En observant ces puissantes compagnies qui mettent en œuvre les métaux, qui font ou font faire des glaces, des verreries, des poteries, des cristaux, des machines, des tissus, etc., vous trouvez en nom un tel et compagnie, et, le plus souvent, un tel n’est plus qu’un simple capitaliste, qui ne pense à l’usine que lorsqu’il y a lieu de toucher le résultat de l’inventaire. Que la maison soit distinguée, rien de mieux ; mais que l’homme qui a provoqué cette distinction le soit aussi, sans quoi, il faudra bien avouer que le capital seul est récompensé. L’enquête dont nous parlons est encore indispensable quand les produits, et la plupart sont dans ce cas, deviennent le résultat de la collaboration de plusieurs travailleurs. Voilà un meuble correctement dessiné, finement sculpté ; voilà des vases d’une coupe parfaite, chargés d’ornements pleins de goût ; voici des châles et des tapis d’un nué sans reproche : si ce n’est pas l’exposant qui a tout fait, il faut que la récompense soit partagée ; il faut que la mention du jury soit délivrée en autant d’expéditions qu’il y a d’associés dans la production de cette œuvre ; que si l’exposant n’a eu qu’un mérite, celui de bien choisir ceux qui ont travaillé pour lui, ce mérite est assez grand pour que vous le distinguiez, car, il faut le dire aussi, ce n’est pas un mince mérite que celui de l’entrepreneur intelligent. Administrer productivement un capital, lutter contre les événements et les circonstances, et trouver, au milieu des soucis inhérents à ces périls, le talent de comprendre des artistes, de s’inspirer du désir de les aider à produire, c’est remplir les conditions de tout bon capitaine, c’est aussi avoir droit à la gloire, puisqu’il y a eu intelligence et péril. Des considérations de cette nature, si elles étaient plus connues, auraient amené à l’exposition une plus grande quantité de producteurs, qui, pour ne mettre en œuvre que l’industrie des autres, n’en sont pas moins des travailleurs dignes de figurer au milieu des industriels fabricants dont la France s’honore, et qui rentrent fort légitimement dans l’une des trois catégories de travailleurs admis par l’analyse économique : le savant ou l’inventeur, l’entrepreneur, et l’ouvrier, dont les rôles sont ou séparés, ou remplis par une seule personne.

Des considérations analogues tranchent encore la question qui s’est élevée au sujet du droit d’exposer entre fabricants de même ordre : les producteurs de livres, par exemple. On rencontre dans cette industrie fort considérable, le fondeur de caractères, l’imprimeur et l’éditeur. Quel est celui qui a droit d’exposer ? Selon nous, tous les trois. En effet, il y a dans ces trois industries création de produits très distincts. L’imprimeur se sert bien des caractères exposés par le fondeur, mais il les met en œuvre, mais il peut tendre ses facultés vers l’abaissement des prix et donner, par exemple, mille pages d’une revue avec gravures pour 5 francs. Là est le progrès. L’éditeur se sert aussi des produits des deux autres ; mais c’est pour en faire un produit complexe nécessitant un talent spécial qui se manifeste par le choix des matériaux, des gravures, etc. On a l’habitude de dire que ce n’est là qu’une question d’argent ! Cette assertion n’est pas toujours exacte : il n’est pas donné à tout le monde de surveiller l’emploi d’un capital avec économie, de diriger une œuvre avec intelligence, avec goût ; tel éditeur en effet sait créer des ouvrages justement recherchés, quand, avec les mêmes éléments, son voisin ne sort pas du médiocre.

Tout le monde sait que le progrès s’opère en industrie de deux manières : ou bien le producteur invente le moyen de tirer parti d’un agent naturel qui n’est pas employé, ou bien il tire un meilleur parti des instruments généraux, la terre, le capital, le travail, en diminuant ses frais de production.

Dans la première catégorie se rangent tout naturellement les nouvelles applications des propriétés physiques, mécaniques et chimiques des corps. C’est dans cette catégorie qu’il faut placer les inventions et les perfectionnements qui sont faits dans les procédés de fabrication, dont l’examen sommaire fera l’objet de notre attention. Bien qu’il importe à l’économiste de suivre le développement des arts, qui sont un des points les plus attrayants du phénomène de la production, ce qui l’intéresse cependant davantage, ce qui est bien plus de son essence, ce qui fait pour ainsi dire partie intégrante de sa science, ce sont les progrès de la seconde catégorie, pour la constatation desquels il pénètre dans la constitution intime des industries, afin de saisir, quand il le peut, tout ce qu’il y a d’artificiel en elles, tout ce qu’il y a de parasite, tout ce qui gêne leur développement naturel. Malheureusement, pour faire une pareille étude, il faudrait pouvoir s’appuyer sur des documents statistiques précis et irréprochables, sur des prix surtout, et nous venons de voir que ces documents nous manquent totalement. Il faudrait aussi pouvoir, à propos de chaque industrie, apprécier les phases qu’elle a traversées, et l’évolution dans laquelle elle se trouve en ce moment. Or, ce travail nous conduirait à une revue générale de toutes les questions économiques que soulèvent les diverses branches de l’industrie, et l’on comprend que nous ne pouvons faire ici et en peu de mots ce qui est l’objet des études suivies de plusieurs économistes. Ainsi donc, après avoir bien mesuré l’étendue et la portée des problèmes que soulève l’exposition des produits, nous nous circonscrivons et nous abordons l’appréciation des inventions et des perfectionnements que nous présente l’exposition de 1844. Encore faudra-t-il que nous nous bornions à jeter un coup d’œil sur les produits de premier ordre au point de vue de la production française.

 

III. — MACHINES.

La partie la plus intéressante de l’exposition était sans contredit la vaste salle des machines ; c’est là que se trouvaient les mécanismes, les appareils et les outils de toute espèce : machines à vapeur, machines à fabriquer les outils, métiers à filer, à tisser, machines à imprimer, turbines, outils de sondage, appareils pour la fabrication du sucre, pompes, calorifères, une partie des machines agricoles, etc., etc., tous les produits des usines métallurgiques et des arts chimiques. C’est là que l’on rencontrait le plus souvent les hommes sérieux, les véritables industriels de tout rang, entrepreneurs, ingénieurs, ouvriers. On les trouvait bien aussi dans les autres galeries, brillant par l’éclat de mille produits ; mais c’était au milieu de leurs puissants collaborateurs qu’ils revenaient méditer plus volontiers. Cette salle avait un aspect froid pour le promeneur vulgaire : ce n’était qu’une grande page noire pour ceux qui ne savaient pas lire ; mais quel attrayant et magnifique spectacle quand on cherchait à pénétrer dans le travail de la création humaine !

Si l’ensemble de cette vaste collection offrait un aspect à la fois simple et grandiose, il n’y avait pourtant rien d’inattendu, aucune de ces inventions qui frappent par leur spontanéité ; mais aussi des milliers de ces perfectionnements qui complètent les découvertes antérieures. Ces grands résultats sont dus à l’action combinée de la paix qui permet le travail, et des grandes commotions qui ont électrisé, pour ainsi dire, l’intelligence humaine. Ainsi, quand les formidables événements qui ont terminé le dix-huitième siècle se préparaient au sein des destinées françaises, la science et l’industrie participaient à cette mystérieuse fermentation. La chimie a grandi au milieu de l’orage révolutionnaire. C’est dans les ardeurs de la lutte aussi que s’est étendue l’application de ce moteur par excellence des temps modernes, sans lequel, au dire du célèbre Huskinson, jamais l’Angleterre n’aurait pu produire assez pour solder les soldats de la Sainte-Alliance.

Aux machines à vapeur associez par la pensée, le métier à filer, le métier de notre illustre Jacquart, et vous aurez l’explication et le point de départ mécanique de toute l’industrie moderne. À qui devons-nous encore tous nos procédés chimiques, si ce n’est au génie qui démontra, par l’étude de l’oxygène, la composition des neuf lieues d’atmosphère qui nous entourent, celle de l’eau qui forme les trois cinquièmes de la terre, celle des plantes qui y croissent, des animaux qui y vivent et des minéraux qu’elle recèle dans son sein ; au génie qui indiqua la lumière, aux Berzelius, aux Gay-Lussac, et à toute cette brillante pléiade de travailleurs dont les veilles et les efforts ont fécondé tous les arts. Il y a vraiment du merveilleux dans cette accumulation d’événements qui ont inauguré notre époque. Comment s’étonner, après avoir constaté des changements si vastes et si inattendus, non seulement dans l’ordre moral, mais encore dans l’ordre matériel, que les publicistes aient plus d’une fois cherché à s’orienter à travers cette masse de phénomènes nouveaux réagissant les uns sur les autres ? Si donc, et pour ne parler que de ce qui regarde le travail, nous cherchons encore quelquefois la meilleure route à suivre ; si donc cette route est encore parsemée de difficultés qui gênent notre marche et notre vue, nous ne devons pas perdre courage, car il faut que les temps s’accomplissent : il faut surtout que les doctrines de Turgot et d’Adam Smith, contemporaines aussi de ces grandes découvertes fondamentales, pénètrent plus avant dans l’esprit des masses ; qu’elles soient méditées, comprises, poursuivies et appliquées ; car, nous le savons, depuis que nos pères ont acquis la liberté, bien souvent, l’influence des préjugés et l’ignorance de la nature des choses dans l’ordre économique ont fait tourner à mal, ou tout au moins ont rendu inutile le triomphe de nos travailleurs sur la matière.

Les inventions, les machines surtout sont vues de mauvais œil par les classes ouvrières. Il faut avouer que l’aversion est légitime ; car, malgré leurs avantages sans nombre, incontestables et incontestés, de remplacer l’homme pour les travaux durs ou répugnants, de multiplier leur puissance, et de mettre les produits à la portée de toutes les classes, les machines ont l’inconvénient déplorable de supprimer, en un instant donné, le travail de plusieurs ouvriers. On a dit, et cela est vrai, qu’au bout d’un certain temps une machine produit à si bon marché, ouvre tant de débouchés, qu’elle finit par occuper bien plus d’ouvriers qu’elle n’en a déplacé ; mais cet avantage social ne détruit pas l’inconvénient que nous venons de signaler. Des publicistes ont énuméré avec complaisance tous les inconvénients des machines, d’autres n’ont parlé que de leurs avantages. En faisant la balance, il est évident que la société gagne à l’introduction de toute nouvelle découverte ; mais le problème n’est pas suffisamment résolu pour les victimes, qui méritent le plus vif intérêt et auxquelles nous nous bornons à donner des consolations puisées dans la doctrine de l’intérêt général, doctrine un peu trop large quand la faim frappe à la porte. Celui-là donc aurait droit à une belle récompense nationale, qui indiquerait le remède à ce mal, et parviendrait ainsi à calmer directement la sombre frayeur des classes ouvrières. Plût à Dieu qu’on pût extraire quelque chose de ces mécanismes sociaux dont on nous entretient si souvent ! Mais c’est sans doute là une solution à laquelle on n’arrivera, comme en médecine, que par des dérivatifs indiqués avec intelligence et probité, et capables de faire refluer la vie du corps social sur l’organe menacé. D’ailleurs, l’introduction des machines est forcée. Une idée brise toujours les obstacles qui la compriment, si ce n’est en deçà, ce sera au-delà de la Manche ; avec cette différence que, quand on ne sait pas l’accueillir, elle laisse ses inconvénients dans sa patrie et porte à l’étranger sa bienfaisante fécondité. Et puis si nous voulions, iconoclastes modernes, remonter vers la nuit des temps, à quel appareil, à quel outil s’arrêterait notre proscription ? Les machines consomment-elles donc la plus petite parcelle de substance alimentaire ? Et alors n’est-il pas évident que si les machines amènent des souffrances parmi les hommes, c’est que ceux-ci ne savent pas s’arranger entre eux, et que le mal n’est point dans les productions de leur génie, mais dans leurs institutions sociales ?

Les machines-outils ont eu les honneurs de cette session industrielle, et les noms de MM. Calla, de Coster, Pihet, Schneider, etc., en ont reçu un nouvel éclat. Ces machines qui ont fixé à si juste titre l’attention publique, frappent tout d’abord par leurs énormes proportions. Par des combinaisons à la fois simples et puissantes, elles peuvent raboter la fonte, percer des plaques de fer, tarauder, aléser les métaux, comme ferait l’outil le plus affilé avec le bois le plus tendre. Avec ces formidables effets, il faut admirer aussi la difficulté vaincue dans la fusion de ces masses de fonte, la précision et l’ajustage de toutes les pièces, enfin le poli extérieur qui embellit à l’œil ce que l’intelligence admire. C’est en cinq ans que nos constructeurs sont parvenus à faire presque aussi bien que l’Angleterre ; et il est à peu près sûr maintenant qu’avec la fonte, le fer, et le combustible à prix égal, ils produiraient à aussi bon marché. Cependant, par la suite de commandes plus nombreuses, le travail est plus divisé en Angleterre ; et il en résulte encore pour ce pays une grande supériorité. Rendons justice à l’administration de la marine, car c’est aux commandes qu’elle a faites que sont dus les remarquables progrès que nous constatons.

M. Calla, représenté aussi par des moulages en fonte et en cuivre, et surtout par la statue monumentale de saint Louis, a exposé : un tour parallèle de cinq mètres et demi propre à former des filets de vis et des écrous ; une machine à planer et une autre machine non moins puissante, capable de percer des tôles de deux centimètres d’épaisseur ; enfin un gigantesque tour à plateau, capable de surmonter les vibrations, même quand on lui fait travailler les arbres de deux mètres de diamètre. MM. Pihet avaient aussi un tour parallèle de dix mètres, qui a été raboté avec un engin plus formidable encore et que ces constructeurs n’ont pu exposer à cause de sa dimension : quatorze mètres de long sur quatre de large. Signalons encore, entre autres outils-machines, leur grande machine à diviser les engrenages, et rappelons que MM. Pihet ont les premiers fabriqué en France de gros outils d’origine anglaise.

C’est encore dans cette famille d’outils herculéens qu’il faut placer l’énorme bielle de MM. Schneider frères, du Creuzot, destinée à une machine de 225 chevaux ; leur puissante machine à river et un marteau dit cyclopéen. Ces deux outils ont cela de particulier, que la vapeur agit directement sans engrenage, sans aucun intermédiaire, et qu’il en résulte beaucoup de précision dans les mouvements. M. de Coster, que nous retrouvons à propos des machines à filer le lin, exposait une douzaine d’outils-machines intéressants et bien exécutés, mais d’une dimension moindre. Enfin, pour compléter cette revue des outils à puissants effets, il est juste de citer une machine de M. Pladis, qui, sous un petit volume et avec la force d’un seul homme, cintre à froid et sans efforts des plaques de 17 centimètres de large sur 55 centimètres de haut. Il est encore plus juste de signaler l’exposition si curieuse à divers titres de MM. Degousée et Mulot, dont l’intelligence anime ces gigantesques tuyères qui vont chercher au sein des terres, à plusieurs centaines de mètres, une nappe jaillissante et féconde.

Les machines à vapeur étaient très nombreuses, cela se conçoit ; ce moteur est le plus docile ; il se plie à toutes les exigences de localité, et se met toujours à l’œuvre, qu’il y ait gel, sécheresse ou inondation. Celles de cette année, de formes et de dimensions très variées, ne présentent d’autres nouveautés que divers systèmes de variabilité dans la détente, circonstance qui permet de ménager l’élément productif de la force, et d’économiser en dernière analyse le combustible. Nécessité est mère d’industrie. Les Anglais ont du charbon à bas prix, et ils s’inquiètent peu d’en consommer plus ou moins ; nous, nous le payons cher, et nous cherchons tous les moyens imaginables de l’épargner. L’un modifie le tirage, l’autre le foyer, celui-ci la grille, celui-là un autre organe. Il n’y avait qu’une seule locomotive, belle et irréprochable dans tous ses détails, à essieux non coudés, etc. ; elle sort des ateliers de MM. Allcard, Buddicom et compagnie, fournisseurs de la compagnie du chemin de fer de Rouen. Avec les routes ordinaires, il y a des maîtres de poste qui louent des chevaux ; avec les rails-ways, il y aura des fournisseurs de locomotives. Le système est le même, il n’y a que le cheval de changé ; mais que de tiraillements avant que toutes ces choses aient été régularisées ! Ainsi procède le progrès, et l’esprit de l’homme ne devient fécond que par la lutte. Les machines rotatives ont fait grand bruit il y a cinq ans ; nous n’en avons vu qu’une, à laquelle on attribuait une force de 55 chevaux. Les machines rotatives tournent, c’est prouvé ; mais ont-elles un effet utile, convenablement utile ? c’est ce que se demandent encore les industriels. En dernière analyse, les machines à vapeur prises en bloc se perfectionnent, se simplifient, se consolident, et se rapprochent tous les jours des conditions d’une bonne industrie.

Les constructeurs reportent leur attention sur cette variété de moteurs hydrauliques qu’on appelle turbines, roues à axe vertical dont l’origine se perd dans la nuit des temps, et dont MM. Burdin et Fourneyron sont parvenus de nos jours à tirer presque tous l’effet utile, au point d’inventer, pour ainsi dire, une nouvelle machine. L’avantage des turbines est d’avoir une forte puissance sur un petit volume, et de pouvoir marcher, même lorsqu’elles sont complètement noyées. Les opinions des constructeurs sont fort partagées sur les résultats utiles qu’on peut en obtenir ; nous nous bornons donc à citer les auteurs des quatre nouveaux systèmes exposés. Ce sont MM. André Koechlin, Fontaine-Baron, de Chartres, Passot, de Paris, et Mellet frères, de Lodève.

L’exposition de 1844 ne nous donne aucune nouvelle de la machine à air comprimé de M. Andraud ; sans doute que cet ingénieur ne veut produire son œuvre que parachevée. Le vide serait donc aussi, pour ainsi dire, un moteur puissant et docile ; mais nous n’avons rien vu qui pût s’y rapporter. En général la plupart des perfectionnements qui intéressent les chemins de fer ne se sont pas donné rendez-vous au palais de l’industrie.

Comme touchant de près l’industrie des machines à vapeur, il y a lieu de citer les belles chaudières de MM. Durenne et Lemaitre. La chaudronnerie de ces deux exposants est magnifique ; elle annonce un bon outillage, un travail suivi et bien entendu. M. Lemaitre se sert, dit-on, aussi d’une ingénieuse machine à river.

Nous sommes un peu embarrassés pour mettre de l’ordre dans une énumération qu’il nous est impossible de rendre méthodique, tant les objets que nous avons à signaler sont variés. Nous continuerons donc l’appréciation sommaire au fur et à mesure que les objets se présenteront à la pensée.

Quatre constructeurs frappaient surtout la curiosité publique par l’étendue de leurs mécanismes : M. Chapelle, par sa papeterie mécanique encore perfectionnée, à côté de laquelle les connaisseurs n’ont pas tardé à découvrir de magnifiques engrenages ; MM. Nillus et Mazeline, du Havre, MM. Derosne et Cail, par les moulins à sucre et les machines à vapeur, qu’ils destinent à la grande exploitation sucrière des colonies. On remarquait surtout les appareils en cuivre de MM. Derosne, tubes et chaudières destinés à cuire, à condenser, à évaporer le sirop de canne. Ainsi l’industrie française, en portant dans les Tropiques ses combinaisons et ses forces, rendra le bien pour le mal ; car qui pourrait calculer les sacrifices que la mère-patrie a faits à l’énorme préjugé qu’on appelle le système colonial ? On se plaît du reste à prévoir les grandes conséquences que vont produire ces nouveaux moyens de travail, ces machines qui doivent apporter la solution de ce problème à la fois économique et moral, nous voulons dire l’émancipation des esclaves et des colonies. Maintenant, une fois l’indolence créole remplacée par le génie de la chimie et de la mécanique, croyez-vous que la production du sucre indigène se maintienne ? Tout porte à croire que non, puisque la canne est si riche ! Et cependant, n’a-t-on pas vu les fabriques de sucre de betterave prospérer avec le sucre à 1 franc, quand elles étaient restées stationnaires avec le prix du blocus, 8 et 6 francs ? L’un de ces constructeurs des colonies, M. Nillus, avait en outre cette belle hélice destinée au Napoléon. Il a fallu une grande habileté pour mouler sans modèle cette énorme pièce nouvelle en bronze, qu’on dirait formée de quatre queues de baleine opposées. L’expérience donne déjà une haute idée de l’avenir de cette conception élégante et originale. Le nom de M. Sauvage a été prononcé avec éclat ; mais d’autres noms ont été prononcés aussi devant cette pièce comme devant le marteau cyclopéen, et nous ne sommes pas assez renseignés pour juger de délicates questions de propriété intellectuelle.

La filature du lin à la mécanique, récemment introduite en France, était surtout représentée par la machine à peigner de M. Philippe de Girard, construite par M. de Coster ; par deux magnifiques cardes de MM. Nicolas Schlumberger et de Coster ; par une machine à teiller de ce dernier, et par un métier à filer de M. Schlumberger. Tous ces appareils présentent des combinaisons ingénieuses, et montrent que la filature du lin ne tardera pas à rivaliser avec la filature de la laine et du coton. En ce moment, les machines à lin se fabriquent fort bien en France, et nos constructeurs baissent leurs prix. L’Allemagne et l’Italie leur font des commandes ; mais les filateurs français s’adressent encore à l’Angleterre. Ce n’est point ici le lieu d’examiner les résultats économiques du nouveau mode de travail qui a remplacé les fileuses des campagnes, et le plus ou moins de raison qu’on a pour protéger les filateurs à la mécanique ; mais ce qui trouve tout naturellement sa place, puisque c’est de l’histoire et de l’histoire toute faite[2], c’est la restitution de l’honneur de la découverte à l’infatigable M. de Girard, auquel les événements de 1814 ont enlevé le prix d’un million que Napoléon avait promis à l’inventeur de la filature de lin à la mécanique. C’est bien à M. de Girard que l’industrie est redevable de la solution des deux difficultés que présentait le problème : par un système de peignes continus il a conduit le lin aux cylindres cannelés, en maintenant toujours le parallélisme des fibres, ce qui donne un fil uniforme ; il a dissous dans une eau convenablement chaude et alcaline, sous le cylindre étireur, la matière résineuse, de sorte que les fibres glissent, se ressoudent, et permettent de filer des numéros très élevés. Certes les Anglais ont perfectionné les premières machines de M. de Girard ; mais rappelons-nous que M. de Girard inventait il y a bientôt quarante ans, quand nos ouvriers étaient dans les camps, et notre outillage dans l’enfance. Suivant notre louable habitude, nous avons dit et répété que la filature de lin à la mécanique était d’origine anglaise. Or, voici ce qui s’est passé : M. de Girard, privé de ressources en 1814[3], alla établir son industrie aux environs de Vienne ; puis le génie mobile qui domine les inventeurs le poussa en Pologne, où il fut successivement filateur de lin aux environs de Varsovie, et directeur des mines de zinc de Dembrowa. Pendant ce temps, ses anciens associés vendaient en Angleterre son procédé, que nous avons trouvé excellent quand nous avons vu qu’il fonctionnait sur les bords de la Tamise.

La salle des machines ne présentait qu’un intérêt comparativement secondaire pour les travaux de filature du coton et de la laine ; on eût dit que ces deux grandes industries, tant fêtées aux expositions précédentes, avaient senti que l’intérêt général ne serait pas pour elles puisqu’elles n’avaient rien de très saillant à montrer. Cependant il paraît que plusieurs perfectionnements introduits en France dans la construction des machines à coton seraient disséminés dans les ateliers. Aux Champs-Élysées il n’y avait guère de remarquable que deux bancs à broches et un métier continu. Ce dernier, construit pour la maison André Kœchlin, aurait, par suite de plusieurs perfectionnements, un mouvement accéléré double. L’exposition de l’industrie de la laine, qui a également suivi le progrès, présentait à peu près le même caractère. On remarquait surtout une laveuse simple et ingénieuse de M. Desplanques, un système complet de préparation pour la laine peignée, envoyé par M. Rruneaux aîné, de Rethel, un banc à broches de M. A. Kœchlin, et l’élégante peigneuse de feu Collier, un peu froidement considérée aujourd’hui. Cependant M. Dezeimeris exposait, au milieu des lainages, les résultats d’une carde peigneuse de son invention, résultats assez beaux pour qu’on ait hésité d’y croire avant d’avoir pris des renseignements positifs qui semblent mettre la question hors de doute. Il nous suffira de dire que M. Dezeimeris peigne mieux, plus vite, et ne trouve que 2 à 5% de déchet, au lieu de 25, 30, 40% comme par le procédé ordinaire, et avec la plus belle laine. Ce serait une révolution.

L’industrie des soies est toujours stationnaire ; elle n’était guère représentée que par un tour à filer, de M. Michel ; par de petits mécanismes pour juger de la force et du titre des soies gréges, de M. Robinet, et un tour à main du même agronome. Le tour de M. Michel a cinq bassines ; il est fort bien monté et c’est le meilleur que nous ayons ; mais on lui reproche d’être cher. Il est, en effet, coté à 1500 fr. pour cinq bassines.

Le tissage exposait des idées nouvelles ; et d’abord l’élégant métier de M. A. Kœchlin, pouvant par des dispositions fort simples donner le coup double à l’instar du tisserand. Ce métier entièrement neuf, dû à l’un des plus habiles ingénieurs de l’Alsace, M. Saladin, et destiné aux étoffes larges, donne quatre-vingts coups doubles par minute. Jusqu’à ce jour le tissage mécanique n’était point utilisé manufacturièrement pour la laine, à cause du peu d’avantages qu’on y trouvait ; cela tenait surtout à la faiblesse de la chaîne qui résistait difficilement aux efforts du métier. M. Croutelle neveu, de Reims, a annoncé qu’il était parvenu à trouver un encollage capable de donner à la chaîne précisément cette force qui lui manquait. Ce filateur obtiendrait donc aujourd’hui 20 mètres de tissu fin par jour, quand les plus habiles tisseurs n’en obtiennent que 5 avec le métier à bras. Cette préparation a une grande portée ; elle a vivement attiré l’attention de ceux qui s’occupent de la production des tissus. L’on peut mettre à côté de ces découvertes le changement apporté par M. Lepoitevin, de Paris, à la fameuse tricoteuse de Ternaux, métier circulaire travaillant avec des aiguilles en dehors et un mécanisme assez compliqué, comme les visiteurs de cette année ont pu en juger par deux métiers exposés par deux fabricants de tricots de Troyes. M. Lepoitevin est parvenu à mettre les aiguilles en dedans et à beaucoup simplifier le mécanisme. Il a appliqué son métier à la confection d’un tricot qui, une fois foulé, est tout à fait semblable au drap. Si ce tricot résiste à l’expérience, voilà encore un mécanisme donnant 15 à 20 mètres par jour ; et comme la vapeur pourra en faire marcher plusieurs sous la surveillance d’un ouvrier, on peut dès à présent apprécier la portée de ce nouveau moyen de tissage continu qui ne nécessite pas le montage de la chaîne. On coupe où l’on veut le manchon qui, fendu sur sa longueur, forme la pièce. Déjà en Angleterre il y a des usines de ce genre montées avec l’ancien métier circulaire. — C’est encore ici qu’il y a lieu de citer les progrès obtenus dans l’industrie des châles. M. Deneirouse, l’un des créateurs de cette fabrication, a présenté des châles tissés sans envers ; MM. Boas frères, et MM. Barbé-Proyart et Bosquet, des châles tissés doubles et séparés mécaniquement. Les successeurs de M. Deneirouse n’indiquent pas son perfectionnement du mécanisme dans le métier à la Jacquart ; MM. Boas frères n’avaient point apporté non plus leurs machines. MM. Barbé-Proyart et Bosquet seuls ont sur ce point une exposition complète. En faisant un châle double on économise la façon d’un châle et l’on emploie le déchet du premier à la confection du second. Mais fabriquer un tissu broché double, c’est faire une chose ordinaire depuis Ternaux, et la difficulté était dans la séparation des deux tissus. MM. Barbé-Proyart et Bosquet emploient une seule mécanique, une seule mise en cartes, un seul jeu de cartons, et de plus ils obtiennent deux tissus pareils de coloris et de dessins ; ce qui n’a pas lieu avec le mécanisme de MM. Boas, obligés de nuer le second châle un peu différemment du premier. La machine que MM. Barbé-Proyart et Bosquet emploient à refendre les châles se compose de couteaux circulaires mus horizontalement et sur lesquels le tissu se présente. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que l’industrie des châles n’est pas la seule qui ait cherché à faire des tissus doubles et à les refendre ensuite. On a pu voir des velours, des pluches, des draps-feutres ainsi refendus. La fabrique des châles et du tissage à la Jacquart avait encore quelques perfectionnements dans le lisage, le perçage des cartons, etc. Un métier à ruban, dit de Saint-Étienne, présentait quelques nouvelles dispositions. M. Pascal jeune proposait de remplacer, par une toile métallique convenablement enduite, ces interminables cartons qui sont évidemment le défaut du métier Jacquart.

Du tissage nous arrivons assez naturellement aux machines à imprimer. Deux systèmes étaient en présence à l’exposition comme dans les ateliers d’Alsace et de Rouen : la perrotine et la machine à rouleau, chassant peu à peu l’impression à la main. La perrotine pose les planches avec plus de précision que l’ouvrier le plus intelligent, avec une rapidité inouïe (280 coups par minute) ; et elle applique une, deux, trois, quatre, cinq, six couleurs différentes à la fois, suivant le goût et les caprices de la mode. C’est merveilleux, et pourtant l’usage de cet instrument intelligent ne s’est un peu répandu que dans ces dernières années. En ce moment, l’Alsace avec le même nombre d’ouvriers, cinq ou six mille, produit quatre fois plus, grâce à l’emploi du rouleau et de la perrotine. La machine à rouleau, qui date de 1802, s’est successivement perfectionnée, et cette année celle de MM. Huguenin et Ducommun, fort bien construite, peut imprimer à quatre et même à cinq couleurs. La planche se chargeant de plus de couleur donne une teinte mieux nuancée, plus nourrie, plus éclatante. Le rouleau est plus léger, plus délicat ; il permet des détails plus fins. Ainsi, ces deux machines, loin d’être rivales, doivent s’associer pour satisfaire les besoins de la consommation. L’habile M. Perrot, que notre industrie citera un jour avec ce respect qu’inspirent les noms de Watt, de Jacquart, de Vaucanson, etc., a exposé aussi cette année une nouvelle machine pour l’impression mécanique de la typographie. C’est probablement encore une révolution dans cet art, à en juger par les épreuves fournies par cette nouvelle perrotine.

Ce serait ici le moment de signaler tous les perfectionnements que présentaient aussi les machines typographiques de l’exposition ; la presse à imprimer en relief pour les aveugles, par M. Gaveaux ; la fonte et la gravure des rouleaux, etc., etc. ; mais l’espace nous manque, et nous nous bornerons à dire quelques mots des nouvelles machines à composer et à distribuer. On s’était beaucoup entretenu, avant l’ouverture de l’exposition, de ces machines qui doivent peut-être, d’un moment à l’autre, compléter dans la fabrication des livres la révolution commencée par la presse mécanique que la vapeur a rendue si puissante. Le public s’arrêtait dès le premier jour près du compositeur de MM. Young et Delcambre, qui a l’aspect d’un piano droit et qui présente à l’œil un ensemble élégant. Les touches du clavier correspondent à des tubes-réservoirs pleins de lettres, qui s’écoulant alors par des rigoles confluentes, viennent se ranger en une longue ligne qu’un ouvrier coupe à l’aide d’un petit mécanisme, pour en former les pages d’un livre ou les colonnes d’un journal. On a beaucoup parlé de ce mécanisme, mais rien de précis n’a été articulé. Marche-t-il régulièrement ? Fait-il assez de besogne pour que, vu le prix d’achat (8 à 10 000 francs), il ait un résultat utile ? Nous laissons la question en suspens. Toujours est-il que M. Chaix, prote de l’imprimerie Dupont, qui a expérimenté cette machine pendant un an, a cru mieux faire. Malheureusement sa propre machine n’est pas venue à temps. Il annonçait un système de rigoles mieux disposées et une série d’améliorations rendant la composition véritablement économique ; problème qui est resté sans solution depuis un siècle qu’on s’occupe de le résoudre. Ce compositeur ne doit coûter que 1 500 francs. M. Chaix a pu présenter un laveur-typographe qu’il estime 800 fr., et dont il attend 50% d’économie sur l’usure du caractère ; car il le nettoie par le jet d’une eau moins corrosive que la potasse, ne nécessitant pas l’emploi de la brosse qui use tant aussi. M. Chaix a pu présenter encore un distributeur mécanique. C’est toujours un ouvrier qui distribue ; mais par le rapprochement des cassetins et par l’effet d’un mouvement d’horlogerie, les lettres se disposent rapidement dans des composteurs destinés à remplir les tubes de la machine compositeur. M. Chaix croit éviter les pâtés, les mélanges des sortes, l’usure des caractères, tout en se servant d’ouvriers de second ordre. Nous nous attendions à trouver aussi à l’exposition la machine de M. Gobert et celle de M. Pierre Leroux, dont on a déjà beaucoup parlé ; mais notre espoir a été trompé. On sait que M. Gobert s’est proposé de résoudre le problème de la distribution avec une grande hardiesse. Sa machine doit débrouiller elle-même les formes, au moyen d’un système d’ouvertures spéciales à chaque lettre, qui rejetteraient celles de ces lettres qui ne leur seraient pas destinées, ou même qui se seraient retournées en route. Reste la question de l’usure des vives arêtes, qui nous semblent compromises dans ces évolutions mécaniques. Quant à M. Pierre Leroux, il aurait concentré ses recherches sur une machine à fondre les caractères, reprenant ainsi l’idée que M. Didot avait expérimentée il y a trente ans.

Les amis de l’agriculture ont dû constater avec joie le progrès des machines rurales, dix fois plus nombreuses qu’en 1839 ; mais la discordance dans toutes ces recherches annonce encore que les constructeurs des machines agricoles ne se posent pas bien les problèmes, et qu’ils n’en donnent pas toujours la solution rationnelle. Tout inventeur de charrue doit avoir labouré, et labouré avec une intelligence capable de faire de saines observations ; nous en dirons autant de celui qui cherche des semoirs, des machines à battre, des pressoirs, etc. Sur tant de charrues, deux ou trois seulement n’ont pas paru ridicules ; la plupart semblaient, par leur forme et l’abondance du fer employé, destinées à d’autres quadrupèdes que ceux que l’on connaît dans les campagnes.

Sur ce point, comme sur tous les autres de la mécanique agricole, nous avons cru reconnaître une grande confusion, tant parmi les théoriciens que parmi les praticiens. En ce moment, agronomes de cabinet et cultivateurs des champs ont grand besoin que la lumière se fasse sur toutes les nouveautés qu’on leur offre. Cela tient à ce que la division du travail n’est point assez établie dans cette industrie ; que tous produisent un peu de tout, et que l’exploitation agricole est encore dans l’enfance. Peut-être que si l’on cherchait bien on trouverait que cela tient encore au trop grand nombre de bacheliers fabriqués dans notre pays. L’exposition présentait en outre un nombre considérable de coupe-racines, de hache-paille, de cribles, de décortiqueurs, de râpes, de concasseurs, d’appareils pour la féculerie, de moulins à bras, une tonnellerie mécanique, par M. Manneville, un appareil à cuire les aliments des bestiaux, par Mme Lemare, etc., etc.

Nous ne dirons rien non plus des machines à faire les briques, des grues, des ponts, des balances, des séchoirs et de mille et un métiers, mécanismes et appareils (y compris même l’horlogerie), qui, tout en ayant une importance réelle dans la grande production de la France, n’ont pas donné à l’exposition de cette année un caractère spécial. C’est pour cela que nous croirons avoir terminé notre tâche en signalant, au milieu des pompes fort nombreuses que renfermait la salle des machines, le système de M. Letestu, dont la puissance a vivement intéressé tous les visiteurs. Il faut à M. Letestu un tube comme à tout le monde pour aller chercher l’eau, tube d’autant plus long et plus coûteux que le liquide est plus éloigné et qu’on emploie une substance plus durable ; mais il a imaginé un moyen de faire le vide et d’amener l’eau, étonnant de simplicité. Il introduit dans le corps de pompe un cône en cuivre percé de trous ; il applique à l’intérieur de ce cône une doublure mobile en feutre ou en cuir : c’est là son piston. En descendant, le feutre se contracte et laisse passer l’eau ; en montant, il se déploie, bouche les trous et contient l’eau qu’il amène. Cette pompe est simple, facile à faire, facile à raccommoder : la marine, l’agriculture, l’économie domestique, la sûreté des villes ont en elle un instrument précieux. Telle est jusqu’à présent l’opinion qu’on peut en avoir après l’avoir vue fonctionner à l’exposition et après la lecture des procès-verbaux des ingénieurs de la marine, des ponts et chaussées et du génie. D’autres systèmes de pompe se recommandent évidemment par des qualités spéciales ; nous ne voulons rien préjuger, et nous nous bornons à constater un des points saillants de l’exposition de 1844. Une autre idée simple et de cette nature s’est traduite par une courroie en étoffe qui, plongeant dans l’eau et ramenée sous deux cylindres pressés, donnait une certaine quantité de liquide : c’est la pompe patriarcale.

 

IV. — MÉTAUX. — PRODUITS CHIMIQUES. — ARTS CHIMIQUES.

Le roi des métaux, le métal précieux par excellence, c’est le fer, qui, sous la triple forme de fonte, de fer ou d’acier, est l’auxiliaire de toutes les industries quand il n’en est pas l’agent principal. Tous les outils, depuis le croc du chiffonnier jusqu’au burin de l’artiste ; toutes les machines, depuis le soc du laboureur jusqu’à la puissante création de Watt, sont en fer, en fonte ou en acier. Et qui pourrait nommer tous les usages de ce métal, que la nature a répandu avec profusion ? Qui pourra les nommer, surtout le jour où, par le progrès des extractions de la houille et du traitement du minerai, par l’amélioration des voies de transport et aussi par l’abaissement des droits de douane, l’industrie se procurera toutes les qualités de cette matière première au prix le plus naturel ?

Il y avait à l’exposition de cette année fort peu d’échantillons de fonte, et notre attention n’a pu être attirée que par les échantillons de fer et d’acier marchands, ou bien encore par des objets de fer et d’acier travaillés. Presque tous les produits que les maîtres de forges ont exposés sont remarquables et annoncent une fabrication progressive. Nous ne pourrions donc faire ici qu’une litanie d’approbations ; car, outre les tours de force, les barres colossales, etc., il y avait un choix remarquable de pièces courantes. La palme était encore donnée, pour l’acier, à M. Jackson d’Assailly (Loire) ; c’est lui sans contredit qui fait le mieux en France. Mais ces produits valent-ils les aciers anglais ? Dans le doute, nous faisons comme le sage, nous nous abstenons. Deux expositions dans les fers méritent surtout d’être signalées : celles de M. d’Andelarre de Treveray (Meuse), et de M. Traxler, de Dessous (Vienne). Ces deux maîtres de forges présentaient des fers obtenus au moyen d’un nouveau procédé qui doit être très économique, et qui consiste à faire brûler les gaz des hauts-fourneaux perdus sans profit, et à employer la chaleur de cette combustion à la production du fer. Il y a là le germe d’une révolution très désirable au point de vue général, car l’industrie du fer est encore dans l’enfance. Au point de vue des maîtres de forges, c’est une pénible innovation qui les forcera sous peu à renouveler le capital engagé. Dans cette industrie, c’est par millions que l’on procède ; voilà pourquoi les forges anglaises, qui comptent par 8 et 10 millions, n’ont point encore pris les devants. Le nouveau procédé est d’ailleurs en étude en Bohême, en Hongrie, en Styrie, mais nulle part il n’y a du fer marchand ainsi obtenu. M. d’Andelarre produit depuis trois ans. Nous avons appris que M. Traxler obtenait déjà une économie de 120 fr. par tonne de métal ! — C’est un magnifique résultat. Les belles expériences de M. Ebelmen, ingénieur des mines, ont d’ailleurs démontré que, dans nos meilleurs fourneaux, il y a au moins 67% de charbon qui se perd dans l’atmosphère à l’état de gaz combustible.

Au nombre des pièces les plus remarquables en fer, nous citerons un énorme arbre coudé destiné à une machine de 220 chevaux, et fabriqué par MM. Patin et Gardet, de Rive-de-Gier ; une cornue en fonte pesant 1 029 kilogrammes, de M. Vorux, de Nantes, pour la calcination de la houille ; les superbes enclumes de MM. Chamouton, de Paris, Dorival, de Sedan, et celles tout à fait gigantesques de M. Chauffart, dont l’une pèse plus de 4 000, et servirait tout aussi bien si elle était plus petite. Le fer galvanisé a pris une position régulière, et constate tous les jours son utilité pour mille et un objets de bâtiment, pour les grillages, les tuyaux des cheminées et la toiture, maintenant surtout qu’on est parvenu à obtenir de la tôle douce. M. Ledru vient de découvrir à ce produit un nouveau débouché en imaginant une ingénieuse petite filière au moyen de laquelle il arrive à agrafer et à souder des tubes en tôle de toute dimension, et dont les usages peuvent être si considérables.

La métallurgie du cuivre avait moins de représentants. L’usine de Givet se faisait encore cette année remarquer par la finesse extraordinaire de ses feuilles, qui annoncent un laminage supérieurement monté ; 150 feuilles de 44 centimètres de long sur 25 de large pèsent un demi-kilogramme ! La fonderie de Romilly avait une magnifique plaque de 5 mètres carrés, une bassine de 343 kilogrammes et un foyer de locomotive épais de 2 centimètres. Le cuivre n’était exposé qu’à l’état laminé ; il en est de même du zinc et du plomb. À l’état de saumon, ces métaux n’offriraient pas le même intérêt que le fer en fonte, qui d’ailleurs, nous l’avons dit, était fort rare à l’exposition. Il n’y a pas trente ans, les objets en zinc étaient des objets de curiosité. Aujourd’hui, les usages de ce métal sont innombrables, et grossissent la fortune d’opulents capitalistes. Deux usines seulement ont exposé : la Vieille-Montagne et l’usine de Stolberg, l’une ayant ses mines en Belgique, l’autre dans la Prusse rhénane, et toutes deux, leurs laminages en France. La première est en renom depuis longtemps ; la seconde a livré déjà plus de 4 millions à la consommation, bien qu’elle n’ait que quatre ans d’existence. Il y avait aussi de beaux plombs étirés à la machine appartenant encore, et sous des noms différents, à de grandes associations.

L’exposition des produits chimiques, en apparence si modeste, indiquait pourtant à celui qui voulait l’étudier de nombreux progrès. Au point de vue de l’histoire naturelle, il y avait là une belle collection de produits récemment découverts ou mieux étudiés, et d’admirables cristallisations. Les gros produits aussi annonçaient des perfectionnements notables, même après correction faite de toutes les pièces d’exposition. La science attend des révélateurs et des apôtres pour tout ce qui concerne la teinture et les matières colorantes ; de sorte que dans la fabrication de cette matière et dans l’application aux arts qui en dépendent, c’est en général l’empirisme, les traditions de fabrique, ou la bonne inspiration du producteur qui dominent. Mais en attendant la lumière, plusieurs fabricants réussissent d’utiles produits, et c’est là surtout qu’il faut venir chercher l’explication de ces belles nuances dans les tissus. Cette année, les extraits de bois, ceux de M. Charles Meissonier surtout, étaient encore plus beaux qu’à l’exposition précédente. Nous avons remarqué aussi le carmin d’orseille de M. Jannet : c’est un produit nouveau dont on fait déjà une consommation considérable. M. Jannet emploie maintenant l’orscille d’Afrique. MM. Bergcron fils et Couput avaient des prussiates jaunes et rouges obtenus avec l’azote de l’air atmosphérique. Ce serait une grande affaire. Nous n’avons point entendu parler cette année du bleu de France ; il est vrai que l’indigo est à bon marché. La théorie des engrais est encore à faire aussi ; en attendant, les agriculteurs demandent de l’azote, et MM. les fabricants de produits chimiques cherchent à leur en vendre à l’état solide et à l’état liquide, sous des noms plus ou moins intelligibles et dont ils indiquent, au besoin, le rapport d’énergie avec la poudrette, prise pour mesure de ce genre de valeur. C’est encore un étalon difficile à saisir ! Quoi qu’il en soit, nous aimons à constater une certaine impulsion dans ce genre de recherches ; les engrais sont le nerf de l’agriculture, et jamais on n’en aura trop pour cette branche de l’industrie, qui nous vêtira et nous nourrira toujours assez bien si nous savons lui en donner en quantité suffisante. Que de choses encore à faire ! Paris perd, dit-on, par jour sept cents hectolitres d’urine. À ce point de vue, nous avons étudié avec le plus grand intérêt les horribles bocaux de M. Krafft et compagnie, qui annoncent une composition capable de désinfecter sur-le-champ les fosses les plus sulfurées, les plus ammoniacales, pour utiliser ensuite solide et liquide, en recueillant en outre, tout naturellement et sans grande préparation, des sulfates d’ammoniaque en abondance. Ce serait là un grand perfectionnement de tous les moyens connus, dont la salubrité publique serait redevable à M. Krafft. S’il faut en croire MM. Rousseau et Rnolz, la céruse aurait trouvé un concurrent dans l’oxyde d’antimoine. Mais l’antimoine est-il bien innocent ? Et, d’autre part, couvre-t-il et conserve-t-il autant que la céruse ? Et puis, couvrirait-il, que la céruse n’a rien à craindre de longtemps ; les peintres sont fidèles à la céruse, et à la céruse de Hollande ; M. Roard, avec sa belle céruse de Clichy, l’a bien éprouvé.

La chandelle épurée mérite vraiment le nom de bougie ; la fabrication en est parfaite aujourd’hui, et l’honorable M. Chevreul doit être fier de penser que cette industrie est le fruit de ses analyses. La bougie de cire disparaît peu à peu de la consommation ; l’église elle-même, après quelques hésitations, a accepté le cierge en suif. En fait, les magnifiques échantillons d’acide stéarique pouvaient rivaliser avec la cire la plus blanche. — MM. les savonniers de Paris, car les Marseillais semblent dédaigner l’exposition, se montrent fidèles à leur habitude d’exposer ce qu’ils ne fabriquent pas ordinairement, ce qu’ils ne vendent pas : des pains de toutes les couleurs, qu’ils raclent tous les matins, pour montrer au public de neuf heures une surface toujours fraîche. À l’exception du savon de M. Menotti, propre à rendre les étoffes imperméables, et dont on parle avec éloge, nous ne pensons pas qu’il y ait progrès depuis dix ans dans cette industrie. Les savons de toilette eux-mêmes restent stationnaires depuis l’oléate transparent de M. Laugier, et qu’on décore de tous les noms imaginables pour offrir du nouveau au public, toujours un peu innocent. Cette industrie a sa pierre philosophale ; c’est le savon de Naples. — Dans l’industrie des colles, si précieuses pour les apprêts et tant d’autres usages, M. Grenet de Rouen semble maintenant avoir atteint le nec plus ultrà de cette fabrication. En général, l’industrie des produits chimiques s’étend de plus en plus, et elle commence à ne plus être exclusivement parisienne. Des hommes intelligents la transportent dans les divers centres industriels : M. Kulhmann dans le Nord, M. Houzeau-Muiron dans la Champagne, M. Delaunay à Tours, etc. Rouen et l’Alsace ont plusieurs fabriques.

Nous avons fort peu de chose à dire des substances alimentaires exposées. C’est une partie négligée dont il faudrait provoquer la présence une autre année. Il serait profitable de constater les nouvelles espèces de céréales et toutes les productions et fabrications qui peuvent offrir de l’intérêt. Déjà quelques producteurs intelligents ont donné l’exemple, et entre autres M. Magnin de Clermont, qui fabrique aujourd’hui une bonne partie des pâtes de Gênes et de Naples qu’on nous vend à Paris, et qui expédie même en Italie. À côté de lui, M. Porcheron de Dijon avait du pain fait avec un mélange de pommes de terre : comme en cas de guerre et de famine, c’est un produit à encourager ; mais que Dieu nous garde de ce genre de philanthropie ! La pomme de terre a triplé la population de l’Irlande. Hélas ! ne vaudrait-il pas mieux trois fois moins d’Irlandais qui dîneraient trois fois mieux ? — La glucose se cachait dans deux endroits différents. Personne n’accusera la glucose de désobéir à la loi, et pour notre compte, nous déclarons qu’elle cristallise de moins en moins.

Au nombre des forces naturelles que l’industrie parvient de temps à temps à enchaîner et à faire travailler pour son compte, celles qui paraissent les plus fécondes, par les services que l’homme en a déjà tirés, sont le calorique et l’électricité. La période quinquennale qui vient de s’écouler parait avoir été très féconde en combinaisons capables d’économiser le combustible, matière première du calorique, encore fort chère en France, nous l’avons dit, soit à cause du monopole de fait dont jouissent les propriétaires de bois, soit à cause de l’absence en France des meilleures qualités de houilles dont les analogues sont repoussés par des droits, soit à cause de nos procédés secondaires d’extraction, soit enfin à cause de l’infériorité relative de nos voies de transport. L’une de ces combinaisons a porté, nous l’avons vu, sur la manière de régler la dépense de la vapeur. Une autre combinaison, non moins importante, semble destinée à faire une révolution dans la préparation des fers. Plusieurs efforts ont été tentés aussi dans les appareils de chauffage et dans les appareils culinaires, surtout pour rechercher des moyens de profiter le plus possible du combustible ; moyens fort difficiles à apprécier, et dont l’efficacité ne pourra être constatée que par l’expérience. Jusqu’à présent, tout le monde semblait penser qu’il suffisait d’être chaudronnier, monteur de poêles de faïence, ou même simple maçon, pour faire un appareil de chauffage, et il serait impossible de dire à combien d’essais monstrueux de prétendus inventeurs ont été conduits. Maintenant les hommes d’art et de science, les ingénieurs se mêlent un peu plus de cet art difficile et qui nécessite des observations si délicates et si fines. C’est une heureuse tendance, qui serait sans doute fécondée par d’utiles observations chez les peuples qui savent se chauffer, les Anglais, les Belges, les Russes, par exemple. Il y a beaucoup à faire chez nous ; car certainement après l’Italie et l’Espagne, qui n’ont pas besoin de feu, nous sommes le peuple dont les moyens de chauffage soient le plus ridicules.

La force électrique qui paraît si féconde aussi, mais qu’il ne nous a été donné de maîtriser que plus difficilement, a fourni son contingent. Citons d’abord, pour mémoire seulement, un petit appareil en cuivre, dans lequel le jeu des électricités faisait mouvoir un piston de papier, dans la galerie des arts divers ; ce n’est point encore une invention. L’irisation et la coloration des métaux, du cuivre surtout, par le procédé électrique de M. Becquerel, et sans couleurs, a fourni des essais mieux constatés ; mais ce n’est point encore là une industrie. Ce qui est déjà une industrie, et une industrie féconde, c’est le procédé de MM. Ruolz et Elckington, si habilement mis en couvre par MM. Christophe et Compagnie pour la dorure et l’argenture, et qui semble promettre d’autres résultats encore ; invention admirable, non pas tant pour ses résultats industriels que parce qu’elle délivre les travailleurs du fléau du mercure. Mais le bien arrive rarement sans peine. Voilà maintenant ce procédé qui permettrait de faire avec plus de facilité et la fausse monnaie et la fraude en orfèvrerie, et de plus, qui donnerait naissance à des contrefaçons de toute nature.

M. Deleuil, fabricant d’instruments de physique, est parvenu à faire servir l’appareil de Bunsen à l’éclairage, dont un essai tenté il y a un an sur une des statues de la place de la Concorde, faisait augurer un bon avenir. L’appareil de Bunsen est une pile voltaïque dans laquelle l’un des éléments est remplacé avec avantage par le charbon, au moyen d’une disposition économique à la fois, simple et ingénieuse. En en réunissant plusieurs, M. Deleuil obtient deux grands courants de fluide positif et de fluide négatif, qui, en se rejoignant sur un cône de charbon convenablement disposé dans un ballon vide, produisent une série non interrompue d’étincelles lumineuses, qui ne tardent point à rougir, à blanchir même ce cône incombustible dans le vide, et à donner une puissante clarté. Des difficultés de toute nature se sont présentées ; M. Deleuil en a vaincu quelques-unes, sa persévérance et son habileté triompheront peut-être des autres. Mais ce n’est encore là qu’un essai. Dieu seul peut savoir s’il est donné aux hommes d’avoir bientôt la lumière électrique pour le service des villes, ou s’il a jugé d’en ajourner indéfiniment la clarté. Que sont devenues toutes les lumières plus ou moins sidérales dont on nous entretenait il y a quelques années[4] ? Une seule, quoique déchue, brille encore et cherche à convaincre de ses rayons l’administration des phares de la marine ; c’est le gaz hydro-oxygène de M. Gaudin, brûlant sur un cône de chaux. Un instant il avait la prétention d’éclairer les capitales ; il ne lui manquait plus qu’un monument assez élevé. L’exposition ne nous donne aucune nouvelle du moteur électrique de M. Jacobi, ni du merveilleux télégraphe électrique. — Il y a à peine cinq ans que l’appropriation de la lumière à l’un des travaux les plus délicats de l’homme a été faite par M. Daguerre, désormais célèbre, et déjà cent découvertes accessoires sont venues féconder cet art nouveau. Sans doute que si l’inventeur n’avait pas eu une récompense spéciale, il eût demandé cette année au jury central et la médaille et la croix, car, en effet, le daguerréotype et tous les procédés qui s’y rattachent appartiennent à l’exposition de 1844, et nous avons voulu le rappeler ici, pour grouper ensemble toutes les grandes idées qui appartiennent à cette période quinquennale.

Maintenant c’est tout un monde que nous avons devant nous. Allons-nous en faire la description ? C’est impossible ; il nous faudrait un volume. Montons sur une hauteur, et parcourons à vol d’oiseau ces quatre galeries ; mais avant de sortir de cette encyclopédie vivante, encourageons les efforts de M. Vauquelin, qui, au dire de MM. Dumas, Gautier de Claubryet autres savants, assurément bien compétents, a doté l’industrie d’un nouveau système de tannage. En quatre mois, en deux mois même, M. Vauquelin prépare des cuirs que le tannage ordinaire travaille deux ans. C’est l’axiome des tanneurs qu’il leur faut du temps et du tan : M. Vauquelin ne demande plus que du tan, en faisant subir à ses cuirs une manutention qui abrège le travail. Ce ne sont plus des essais, car il y a là des produits. Que manque-t-il encore à M. Vauquelin ? l’un des instruments généraux de l’industrie : il a le travail. Mais sortons, le temps presse ; et pourtant, saluons en passant cette belle horlogerie de Paris, d’Orléans, de la Sarthe, du Jura, d’Agen, de Beauvais ; et ces magnifiques phares de MM. Lepaute et François. Que d’exclamations ce triomphe de la science de Fresnel a tirées de la poitrine de nos campagnards ! C’était comme l’expression d’une reconnaissance intuitive.

 

V. — TISSUS. ARTS DIVERS.

Deux mots seulement sur les matières premières, elles en valent bien la peine. Les laines fines seules étaient représentées à l’exposition ; mais ces toisons indiquent je ne sais quelle insuffisance dans la production. — Vos toisons sont assez fines, vous entendez le mérinos ; mais vous n’en faites pas assez, et vous n’arriverez à ce résultat que stimulés par la concurrence de la Saxe, de la Prusse, de la Russie. Voyez les plaines de la Crimée se couvrir de troupeaux ; et déjà la consommation demander des laines au Septentrion, puisque l’Espagne n’en sait plus faire de bonnes et que vous n’en faites point assez. Cependant M. Graux de Mauchamps exposait deux moutons d’un type né par hasard dans son troupeau. Ils ont cette laine longue et soyeuse, cette belle laine de peigne indispensable pour toutes les étoffes rares, et que nous allons chercher en Angleterre qui la produit, et en reçoit des quantités notables de la Nouvelle-Hollande. Un châle fait avec cette laine de Mauchamps, par M. Fortier, tient, pour le moelleux, le milieu entre le cachemire et le châle de mérinos le plus fin. C’est une bonne découverte, si toutefois il ne prend pas à nos agriculteurs la manie de faire de ceci une autre laine nationale. Mais que dis-je ? ces laines payent aussi le droit de 22%. — La production des soies commence enfin à subir une transformation. Les quinze ans de travaux de M. Camille Beauvais ne seront pas perdus ; élèves et imitateurs l’aident à achever la belle tâche qu’il s’est donnée. Il faut le dire, cet homme d’une si rare intelligence n’est point un industriel ordinaire. Il n’a fait mystère d’aucun résultat ; il a accueilli tous les visiteurs avec une rare urbanité ; il a enseigné tous ceux qui ont voulu être ses élèves. Mais pourquoi n’a-t-il pas exposé ? Sa tâche n’est pas finie, et nous sommes sûrs que sa présence au milieu des autres producteurs eût encore fourni plus d’un enseignement. Cependant, grâce à lui, les races sont expérimentées, croisées, améliorées ; la routine méridionale fait place à l’éducation rationnelle ; le ver à soie, comme émancipé, jouit plus vite de la vie, éprouve des mortalités moindres, et donne une soie meilleure et plus abondante. Les plantations se multiplient, les mauvaises espèces disparaissent, et l’expérience apprend tous les jours quelque chose sur l’hygiène, la nourriture, et la manière de récolter la riche sépulture de ce généreux lépidoptère.

Nous avons trouvé le coton d’Alger dans la case de M. Crépet aîné, filateur de Rouen. Il ressemble au Géorgie longue soie et au jumel d’Égypte ; il se file bien et on est content de sa force. Voilà donc un sujet de culture, quand S. M. Abd-el-Kader voudra bien le permettre. Le lin, le chanvre ne se sont présentés que sous la forme de fils et de cordages, ceux-ci en concurrence avec les chaînes de fer, les câbles en fil de fer, ronds ou plats, avec ou sans âme de chanvre. Tous ces systèmes sont à l’essai. — L’aloès, le phormium tenax et autres associés sous le nom pompeux de soie végétale n’ont plus le verbe aussi haut qu’en 1839. Ils ne luttent avec personne. Mais est-ce bien leur faute, ou celle des circonstances ? le temps le prouvera[5].

Le roi des tissus, c’est le drap, produit par des cités laborieuses. Depuis cinq ans, quoi qu’on en ait dit, il n’a pas fait grand progrès. Il arrive d’ailleurs dans cette industrie ce qui arrive dans beaucoup d’autres ; une fois la qualité obtenue, il n’y a plus grand’chose à espérer, à moins qu’on ne trouve de nouveaux moyens de travail ou une baisse inattendue dans le prix de la matière première. Telle est la situation du drap, telle est celle de la plupart des tissus, des papiers peints, des tapis, etc., etc. Cette année l’exposition de MM. Bertèche-Bonjean tranchait sur toute l’exposition de Sedan par les hautes couleurs, rouge, vert, jaune, destinées aux fashionables du Céleste Empire, et celle de M. Théodore Chenevière d’Elbeuf, par une élégante collection d’étoffes de pantalons, de robes même, de nouveautés enfin dont le bon goût était vraiment remarquable. Sauf ces deux exceptions et quelques autres, la galerie des draps, comprenant Sedan, Louviers, Elbeuf, Castres, Montauban, Vienne, Châteauroux, Mazamet et l’Alsace (deux ou trois maisons), était d’un sombre parfait, pour lequel l’architecte du palais de son côté n’avait rien négligé, c’est une justice à lui rendre.

L’industrie spécialement lainière de Reims, pour mérinos, tartans, flanelles, etc., présentait le même caractère de progrès régulier ; mais témoignait aussi du peu d’empressement que la plupart des maisons avaient mis à exposer. La préoccupation de la ligne de Paris à Strasbourg aurait-elle contribué à ce peu d’empressement ? Roubaix, Lille et Turcoing fabriquent toujours et pour toutes les positions sociales des étoffes légères en laine, en laine et coton, en fil.

Beaucoup de fabricants de Turcoing manquaient à l’appel. Ils ont eu tort, selon nous. Ces tournois industriels équivalent à cent voyages ; on y puise du courage, de l’émulation, on y trouve des rivaux, et nous sommes tous ainsi faits, que les lauriers de Thémistocle, en troublant notre sommeil, contribuent à notre gloire. Voyez l’Alsace ! Les travailleurs de ce pays ne disent pas, comme tant d’autres que nous pourrions nommer, dans la zone méridionale surtout : Périssent nos industries plutôt qu’un principe ! Aussitôt que le génie alsacien, vigie attentive, leur apprend que le vent de la mode va tourner, ils se résignent et prennent, quand il en est encore temps, une autre direction. Voyez le en ce moment : les étoffes de coton sont moins demandées, ils cherchent à diminuer l’offre ; leur attention se porte sur la laine, et les voilà déjà sur le marché avec les plus jolies impressions. On dirait que ce sont eux qui sont capricieux, que ce sont eux qui ont voulu ce changement ; car maintenant, ils font accepter leurs combinaisons, leurs dessins, leurs mélanges.

L’exemple de l’Alsace, l’usage de la perrotine et les progrès de la fabrique des couleurs (de Paris surtout) poussent l’industrie rouennaise en avant. Elle aussi fait des couleurs grand teint ; et, sans abandonner sa spécialité, elle commence à s’essayer dans les qualités supérieures.

La fabrique de Paris est toujours la première pour les impressions de luxe ; c’est la grande école du goût dans les dessins et l’harmonie des couleurs. Il en est de même pour les tentures et les tissus de meubles, industrie que nous avons retrouvée à Roubaix, à Amiens, à Rouen. Une grande nouveauté se présente pour faire ses preuves dans l’industrie des tentures ; nous voulons parler de ce fameux drap-feutre qui fit un peu trop de bruit[6]. Deux fabriques sont en présence : à Paris, celle de M. Dépouilly, l’habile imprimeur, et à Bouxwiller, celle de M. Stehelin, à qui le procédé a été cédé par ce dernier. Leurs produits, qui reçoivent bien l’impression, qui se gaufrent pour imiter la tapisserie, semblent devoir s’approprier aux usages de la tenture, des meubles, des tapis, etc. M. Stebelin ne désespère pas, dit-on, de refendre assez bien les siens pour faire des paletots. La réussite est plus probable maintenant que les deux cardes qui travaillent ce feutre ne coûtent plus guère que le quart de ce qu’on les a d’abord payées (90 000 fr). — À propos de tentures, n’oublions pas les tissus de verre, qui avaient une belle exposition, et qui vont se créant des débouchés dans les modestes églises de village, pour lesquelles l’or et la soie sont inabordables.

Saint-Quentin, Tarare, Alençon, Paris, etc., font toujours bien et avec goût les mousselines, les dentelles, les broderies. Nous chanterions tant de merveilles si nous devions avoir des lectrices ; mais à quelque chose malheur est bon, et nous voilà dispensés d’argumenter sur cette interminable nomenclature de points, dominés cette année par le point d’Alençon. Disons seulement qu’il y avait un mouchoir brodé de 1 000 écus, chef-d’œuvre d’adresse, de résignation et de barbarie qui représente un château allemand et a détruit la vue d’une pauvre femme, le tout pour quelques sous par jour !

Lyon, pour la soierie de luxe, se maintient dans un statu quo de perfection assez difficile à dépasser. Mais il y a lieu de signaler les modestes velours de M. Forbin, tissés doubles, pouvant lutter par le prix (4 fr. 50 c.), avec ceux de Revelt. Ce qu’il y a de curieux comme fait commercial, c’est que ce n’est plus Lyon qui fait le mieux les peluches pour chapeaux ; c’est Metz, c’est Sarreguemines, qui fabriquent dans leurs murs et ont des dépôts à Lyon pour la vente. Il ne faut pas parler cette année des petites soieries de Nîmes et d’Avignon ; on dirait que la soierie nîmoise n’est préoccupée que de la production de ces horribles écharpes algériennes. Il ne faut plus parler non plus des soieries de Tours ; c’est de l’histoire ancienne, comme le velours d’Amiens, qui depuis… mais alors !

Nous arrivons à la fin du plan, forcément un peu trop utilitaire, que nous avons dû nous tracer, et pour les cristaux[7], les poteries, les meubles[8], les fontes[9], les sculptures mécaniques[10], l’orfèvrerie[11], les bronzes, la lithographie, la typographie[12], les vitraux[13], les tapis[14], les stores[15], les fleurs artificielles[16], les armes[17], la coutellerie, la taillanderie, la quincaillerie, etc., etc., et ces milliers d’industries qu’on appelle l’industrie parisienne, nous ne ferons qu’une réflexion.

Malgré ce défaut d’ordre encyclopédique que nous avons signalé, malgré l’éparpillement de plusieurs produits, l’exil d’une foule d’autres dans des régions hétérogènes, l’exposition de 1844 laissera une vive impression qui provoquera dans l’esprit national le sentiment d’un triomphe légitime, et sans doute aussi dans l’esprit des étrangers, une admiration sincère et profonde. L’industrie française est sans rivale pour le goût qui règne dans l’ensemble des produits qui sortent des mains de ses travailleurs ; c’était là une vérité acceptée dans le monde entier ; mais ceux de nos artistes qui se livrent aux arts libéraux affectaient encore un certain dédain pour cette industrie qui avait le singulier ridicule de s’occuper de l’utilité et de négliger le culte de ce qu’on a appelé dans un jargon spécial l’art pour l’art. Eh bien, aujourd’hui, l’aspect général de toutes les galeries, dans lesquelles ils sont d’abord entrés avec prévention, leur a fait faire l’aveu, à eux, les grands-prêtres un peu prétentieux du beau, que les industriels aussi avaient du goût, que les industriels aussi avaient le sentiment de l’harmonie, de la forme et des couleurs, et ils ont fait amende honorable à ces hommes qui, sans de grandes notions archéologiques, et avec le seul secours de leur sentiment intime, reproduisent la noble simplicité du style grec, la splendeur du gothique, la riche variété de la renaissance, et Louis X11I, et Louis XIV, et tous les siècles ; et ce n’est pas seulement dans l’orfèvrerie, les bronzes, les vitraux, les stores, les sculptures en fonte, en marbre, en chanvre ou en carton-pierre ; mais encore dans les tissus de toute espèce, dans les poteries et vitreries, etc. ; mais encore dans cette grande salle des machines, où gisent les mastodontes de l’industrie, et qui, malgré leurs colossales proportions, plaisent encore par la simplicité de la pose, la disposition naturelle de tous leurs organes et l’élégance de l’ensemble. Ainsi se trouve de nouveau constatée, aux yeux de l’Europe attentive, cette noble supériorité artistique dont M. Théodore Fix a si bien fait ressortir l’importance, dans les considérations générales qu’il a présentées sur les Expositions.

 

VI.

Bien qu’on ait souvent donné le nom de palais aux bâtiments de l’exposition, beaucoup de personnes se sont obstinées à n’y voir qu’une baraque, et émettent le vœu qu’il soit construit un véritable palais digne de l’industrie, qui servirait, dit-on, à des expositions permanentes, et dans les galeries duquel on pourrait du moins disposer, d’une manière convenable, les modèles du Conservatoire, si piteusement logés dans la vieille abbaye du carré Saint-Martin. Ce n’est pas nous qui repousserions les améliorations du Conservatoire, que nous voudrions voir enfin transformé en Sorbonne industrielle ; mais nous pensons qu’une fois ornées des modèles et des échantillons de toutes les machines et de tous les produits récompensés, ces galeries ne pourraient plus servir aux expositions générales, sous peine de voir se renouveler ici les inconvénients qui résultent pour le musée par suite de tous les remaniements auxquels donne lieu la disposition des nouveaux tableaux. Cette question du palais séparé semble aussi vidée par les chiffres. Les bâtiments de cette année ont coûté 340 000 francs ; c’est 68 000 francs par an, ou l’intérêt d’un capital de 13 à 14 cent mille francs. Or, un palais coûterait cinq ou six fois plus, nécessiterait un surcroît de dépenses à chaque exposition, et provoquerait la création d’une nouvelle et coûteuse administration. Il faut avouer que cette année les partisans d’un vaste monument en pierre de taille ont pu croire leurs arguments corroborés par les dégâts que l’orage est venu faire au sein même des galeries. Ce malheur ne prouve qu’une chose, c’est que l’architecte de ces constructions provisoires n’a pas su ou n’a pas voulu calculer quel devait être l’orifice des conduits ; qu’il s’est fort peu inquiété de savoir comment les visiteurs franchiraient les lagunes qu’il a su créer autour des bâtiments en mettant le plancher en contre-bas des flaques d’eau, dont il a d’ailleurs su empêcher l’écoulement avec le plus grand soin. De pareilles bévues peuvent être évitées une autre fois, sans qu’il soit nécessaire de jeter les fondements d’un palais. Enfin, quel ne serait pas l’embarras de l’administration si on avait donné suite à un semblable projet, mis en avant en 1827 par M. Rey, et pris, dit-on, en considération par le ministère d’alors ! La Chambre ne serait-elle pas obligée de voter les fonds d’un second palais ? Le chiffre des exposants, qui est resté stationnaire sous la Restauration, a augmenté en 1834 et en 1839 ; il a dépassé le double cette année. La question d’édilité aurait aussi son importance, car l’emplacement d’une pareille bâtisse serait fort difficile à trouver s’il fallait la rendre définitive. Provisoire, elle a pu sans inconvénient voyager du Champ-de-Mars (1798) à la cour du Louvre (1801,1802, 1806, 1819, 1823, 1829) ; de la cour du Louvre à la place de la Concorde (1834), et de la place de la Concorde aux Champs-Élysées (1839 et 1844).

Quant au système des expositions annuelles, il a été abandonné avec raison. Les progrès seraient presque insensibles d’année en année ; les fabricants se fatigueraient, leur émulation serait bientôt émoussée, et l’exposition ne serait plus cette brillante solennité à laquelle accourt de tous les points de la France et de l’Europe la foule de curieux et d’intéressés que Paris peut encore à peine loger dans ce moment.

On a aussi songé à former quatre ou cinq catégories de produits, et à organiser une rotation qui aurait pour but de rendre l’exposition annuelle. Mais ne peut-on pas faire aussi à ce système les objections que nous venons d’énumérer, de ne ramener chacune de ces catégories que tous les quatre ou cinq ans ?

JOSEPH GARNIER.

 

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[1] Voici un tableau qui résume bien toute cette partie de l’histoire de notre industrie :

(Tableau non reproduit ici).

Le chiffre des récompenses a tout naturellement suivi la progression du nombre des exposants, et il s’est toujours maintenu dans la proportion du quart environ. Le rapport entre les médailles et les brevets d’invention n’est pas aussi régulier ; c’est qu’en effet le jury est appelé à récompenser non seulement les inventions nouvelles et les améliorations brevetées, mais encore toutes les améliorations qui sont constatées par une plus belle qualité à prix égal, ou bien encore par un plus bas prix à qualité égale. Il y a lieu de penser aussi qu’une foule d’idées se font breveter sans jamais arriver à l’application, ou qu’au moins elles n’ont qu’une application tardive. En groupant, comme l’a fait M. Armengaud aîné dans sa publication industrielle (troisième volume), les brevets pris depuis que la Constituante a fixé la législation sur cette propriété délicate, on trouve qu’il a été délivré du 1er juillet 1791 à 1825, pendant ces trente-quatre ans d’orages, de luttes et de lassitude, 2 903 brevets d’invention, de perfectionnement ou d’importation, soit, en moyenne, 84 par année. Mais à partir de 1825, les chiffres annoncent une activité qui ne peut plus être comparée. Il y a eu 1 820 brevets délivrés de 1826 à 1830, soit 364 par an, un par jour. Après juillet, il y a eu 2 060 brevets de 1830 à 1836, ou 412 par an, et de 1836 à 1840, le nombre a été double de la période précédente, 4 600 en cinq ans, ou plus de 900 par an. Enfin, en 1841 et 1842, on en a déjà compté 3 180, c’est-à-dire 1 600 par an, quatre par jour, dix-neuf fois plus que pendant chacune des trente-quatre premières années. Les facilités que procure la nouvelle loi vont sans doute encore accélérer cette progression.

[2] Voir le Rapport de M. Olivier à la Société d’encouragement, du 24 août 1842 ; et le t. II, page 22, de l’industrie française, par Chaptal.

[3] Voir son Mémoire au roi, aux ministres et aux Chambres.

[4] Les lampistes étaient cette année dans le calme. Quelques idées nouvelles cependant s’élaborent. M. Rouen a entouré le palais de l’Industrie de candélabres où il brûle un liquide fait avec les huiles des usines à gaz ; d’autres ont proposé de brûler du goudron dans des lampes de ménage. Le gaz liquide (esprit-de-vin et essence de térébenthine) demande à faire ses preuves. La lampe-soleil, celle de M. Breugin, semblent être de véritables progrès ; mais l’exposition semble être venue trop tôt pour cette industrie.

[5] En 1839, une foule d’idées ont avorté dans la fièvre de la commandite. Plusieurs entreprises ont succombé, les unes faute de vie, d’autres sous le poids d’un trop grand capital, d’autres parce qu’elles n’avaient pas suffisamment cet instrument de travail. Que de bitumes qui n’ont pu traverser l’intervalle compris entre les deux expositions ! Que d’affaires qui ont eu le sort des bitumes !

[6] En 1814 les Cosaques étaient vêtus en drap-feutre.

[7] Les cristaux, les verres, les porcelaines s’élevaient en dressoirs étincelants ; la forme est bientôt irréprochable. Plusieurs procédés de coloration sont acquis ; le rouge pourtant laisse encore à désirer. Les couleurs au grand feu de M. Discry offraient le plus grand intérêt. On remarquait aussi l’or en relief de M. Rousseau. Sèvres a des émules.

[8] Les exposants étaient nombreux ; cinq ou six se faisaient remarquer par leur goût et le choix des ornements. Nous ne pouvons nous empêcher de citer : un lit d’ébène avec des ornements grecs d’un aspect angélique ; un dressoir renaissance en noyer, de M. Grobé ; un autre analogue, de MM. Fourdinoisel-Fossey ; une bibliothèque en noyer, de M.Henckel; un buffet en chêne, de M. Ringuet-Leprince. Les sculptures, le goût et la forme de ces meubles, étaient vraiment irréprochables. Il faut citer encore la marqueterie admirable de MM. Wassmuss, las mosaïques florentines (pierreries en relief), de M. Thérel, les mosaïques en morceaux imperceptibles, de M. Marcelin ; les laques, de M. Osmond. La confection était, en général, irréprochable. Les bois sombres, le palissandre, l’ébène, le noyer, semblaient dominer ; bien que le bois de rose eut fait invasion avec tous les autres accompagnements du genre Pompadour et Louis XVI. On remarquait quelques bois rares en ébénisterie ; une table en if, de M. Jeanne ; une bibliothèque, de M. Roger, en bois d’Amboine ; un petit meuble en bois de lettres, de M. Jolly ; les bois teints par le procédé Boucherie, produits bien curieux, mais au milieu desquels le hêtre et l’érable seuls avaient une coloration agréable ; l’érable simulant, à s’y méprendre, le bois satiné. Quoi qu’il en soit, ce procédé semble avoir de l’avenir. Un fabricant, M. Martin, avait des meubles en cuir repoussé. — Le fer creux se réfugie dans les lits de caserne, de pension, etc., où il rencontre un concurrent redoutable, le fer plein.

[9] MM. Eck et Durand, et qui nous rappellent M. Soyer.

[10] Une société exposait un procédé du à M. Dutel, avec lequel on obtient en ce moment des produits analogues à ceux de M. Colas. M. de Girard et autres ont des moyens semblables à ceux de M. Grimpé, décoré en 1839. On pouvait en juger par les meubles, les cadres, les ornements, etc.

[11] MM. Froment-Meurice, Morel et Rudolphi avaient des chefs-d’œuvre.

[12] M. Barbat-Thomas, de Chalons, exposait un exemplaire des Saints Évangiles, qui est un chef-d’œuvre de goût et de richesse ; chaque page a un motif différent, venu avec une pureté parfaite. — L’auteur de ce livre l’avait pourtant abandonné, et c’est le hasard qui l’a fait découvrir.

[13] Le vitrail monumental est hors de place aux Champs-Élysées ; c’est de l’art pur, et il doit être expose au Louvre. On a admiré le vitrail du quinzième siècle, de M. Bouteras. Mais Choisy-le-Roi a provoqué des concurrents bientôt dignes de lui ; MM. Karl-Hauder et André de Paris, M. Lesson fils, de Limoges. M. Bontems et M. Dinan exposaient aussi des masses remarquables de flint-glass et de crow-glass. L’optique va maintenant se mettre à l’œuvre pour nous donner des instruments d’une puissance supérieure.

[14] M. Sallandroze-Lamoinois peut lutter avec les Gobelins et Béarnais. Aubusson domine toujours, mais il surgit des émules à Abbeville, à Turcoing, à Nimes, à Paris.

[15] Ils sont en progrès. Ne visent-ils pas trop au tableau ?

[16] M. Constantin avait une exposition vraiment extraordinaire : la feuille de dalhia, la rose mousseuse, le chardon, le pissenlit disparaissant sous le souffle ! Tous objets présentant jusqu’ici des difficultés insurmontables.

[17] Paris fait aussi bien les armes de luxe que Londres. — Les systèmes qui ont fait tant de bruit en 1834, sont plus modestes. La carabine Delvigne tire à neuf cents mètres. C’est un progrès. Désormais, quelques paysans en éclaireurs perdus suffiront pour mettre en échec des forces redoutables.

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