Le seul chemin pour demain. Par Ayn Rand

Par Ayn Rand*

Traduit par Sébastien Dazy, Institut Coppet

La plus grande menace pour l’humanité et la civilisation est la propagation de la philosophie totalitaire. Sa meilleure alliée n’est pas la dévotion de ses adeptes, mais la confusion de ses ennemis. Pour la combattre, nous devons la comprendre.

Le totalitarisme est un collectivisme. Collectivisme signifie la sujétion de l’individu à un groupe – qu’il soit une race, une classe ou un État n’a pas d’importance. Le collectivisme soutient qu’un homme doit être enchaîné à l’action collective et à la pensée collective au nom de l’intérêt du « bien commun ».

Tout au cours de l’histoire, aucun tyran n’accéda jamais au pouvoir sans prétendre représenter « le bien commun ». Napoléon « servit le bien commun » de la France. Hitler est en train de « servir le bien commun » de l’Allemagne. Des horreurs qu’aucun homme n’oserait envisager pour son propre intérêt égoïste sont perpétrées en toute bonne conscience par les « altruistes » qui se justifient au nom du bien commun.

Aucun tyran n’a jamais perduré longtemps par la seule force physique. Les hommes ont été réduits en esclavage avant tout par des armes spirituelles. Et la pire d’entre elles est la doctrine collectiviste qui prétend que la suprématie de l’État sur l’individu constitue le bien commun. Aucun dictateur ne pourrait s’élever si les hommes gardaient comme une foi sacrée la conviction qu’ils ont des droits inaliénables dont ils ne peuvent être dépossédés par aucune cause quelle qu’elle soit, par aucun homme quel qu’il soit, pas plus un malfaiteur qu’un supposé bienfaiteur.

Ceci est le principe de base du concept d’individualisme opposé à celui de collectivisme. L’individualisme soutient que l’homme est une entité indépendante avec un droit inaliénable à la poursuite de son propre bonheur, dans une société où les hommes échangent les uns avec les autres en égaux.

Le système américain est fondé sur l’individualisme. Si nous voulons survivre, nous devons comprendre les principes de l’individualisme et les appliquer comme nos critères de jugement à l’égard de toute question d’ordre public, et de chaque problème auquel nous sommes confrontés. Nous devons avoir un credo positif, une foi claire et cohérente.

Nous devons apprendre à rejeter comme une abomination la conception selon laquelle le bien commun est servi par l’abolition des droits individuels. Le bonheur général ne peut pas venir de la souffrance générale et de l’auto-immolation. La seule société heureuse est celle des individus heureux. On ne peut pas avoir une forêt saine à partir d’arbres pourris.

Le pouvoir d’une société doit toujours être limité par les droits inaliénables et fondamentaux de l’individu.

Le droit à la liberté signifie le droit d’un homme à l’action individuelle, au choix individuel, à l’initiative individuelle et à la propriété individuelle. Sans le droit à la propriété privée, aucune action indépendante n’est possible.

Le droit à la poursuite du bonheur signifie le droit d’un homme de vivre pour lui-même, de choisir ce qui constitue son propre bonheur privé et personnel et de travailler à sa réalisation. Chaque individu est le seul et unique juge dans ce choix. Le bonheur d’un homme ne peut pas lui être prescrit par un autre homme ou par un groupe d’autres hommes.

Ces droits sont la possession inconditionnelle, personnelle, privée et individuelle de chaque homme, qui lui sont accordées par le fait de sa naissance et qui lui sont inaliénables. Telle était la conception des fondateurs de notre pays, qui ont placé les droits individuels au-dessus de toutes les revendications collectives. La société ne peut être qu’un agent de la circulation médiateur des relations des hommes les uns avec les autres.

Depuis le début de l’histoire, deux antagonistes se tiennent face à face, deux types opposés d’hommes : les Actifs et les Passifs. L’Homme Actif est le producteur, le créateur, l’auteur, l’individualiste. Son besoin premier est l’indépendance – pour penser et travailler. Il ne veut pas et ne recherche pas le pouvoir sur les autres hommes – il ne peut pas non plus travailler sous aucune forme de contrainte. Tous les types de bons travaux – de la pose de briques à l’écriture d’une symphonie – sont faits par l’Homme Actif. Les degrés de l’habileté humaine varient, mais le principe fondamental reste le même : le degré d’indépendance et d’initiative d’un homme détermine son talent en tant que travailleur et sa valeur en tant qu’homme.

L’Homme Passif se trouve à tous les niveaux de la société, dans les manoirs comme dans les bidonvilles, et sa marque d’identification est sa crainte de l’indépendance. C’est un parasite qui s’attend à être pris en charge par les autres, qui veut suivre des directives, obéir, se soumettre, être réglementé, être instrumentalisé. Il accueille positivement le collectivisme, qui élimine toute possibilité qu’il pourrait avoir de penser ou d’agir de sa propre initiative.

Quand une société est basée sur les besoins de l’Homme Passif, elle détruit l’Homme Actif ; lorsque l’Homme Actif est détruit, l’Homme Passif ne peut plus être pris en charge. Mais quand une société est basée sur les besoins de l’Homme Actif, il porte les Hommes Passifs par son énergie et les élève comme il s’élève, comme il élève la société dans son ensemble. Cela a été le modèle de tous les progrès de l’humanité.

Certains humanistes réclament un État collectif en raison de la pitié qu’ils ont pour l’homme incompétent ou pour l’Homme Passif. Ils souhaitent exploiter l’Homme Actif pour son bien. Mais l’Homme Actif ne peut pas agir sous la contrainte. Et une fois qu’il est détruit, la destruction de l’Homme Passif suit automatiquement. Par conséquent, si la pitié est la première considération des humanistes, alors au nom de la pitié, s’il n’y a aucune autre raison, ils devraient laisser l’Homme Actif libre d’agir, afin d’aider le Passif. Il n’y a pas d’autre moyen pour l’aider sur le long terme.

L’histoire de l’humanité est l’histoire de la lutte entre l’Homme Actif et le Passif, entre l’individuel et le collectif. Les pays qui ont produit les hommes les plus heureux, avec les meilleurs niveaux de vie et les plus grandes avancées culturelles, ont été les pays où les pouvoirs du collectif – du gouvernement, de l’État – étaient limités, et où l’individu avait la liberté d’action indépendante. À titre d’exemples : l’essor de Rome, avec sa conception juridique, basée sur les droits du citoyen, bien supérieure au barbarisme collectiviste de son temps. L’essor de l’Angleterre, avec un système de gouvernement fondé sur la Magna Carta, contre l’Espagne collectiviste et totalitaire. L’essor des États-Unis, à un degré de réalisation inégalé dans l’histoire – par la grâce de la liberté individuelle et de l’indépendance que notre Constitution a donné à chaque citoyen contre le collectif.

Alors que les hommes s’interrogent encore sur les causes de l’ascension et de la chute des civilisations, chaque page de l’histoire nous crie qu’il n’y a qu’une seule source de progrès : l’Homme Individuel en action indépendante. Le collectivisme est l’ancien principe de la sauvagerie. L’intégralité de la vie d’un sauvage est régie par les chefs de sa tribu. La civilisation est le processus de libération de l’homme de l’emprise des hommes.

Nous sommes maintenant confrontés à un choix : aller de l’avant ou revenir en arrière.

Le collectivisme n’est pas le « Nouvel Ordre de Demain ». Il est l’ordre du plus sombre obscurantisme du passé. Il existe pourtant bel et bien un Nouvel Ordre de Demain. Il appartient à l’Homme Individuel, le seul créateur de tous les lendemains dont l’humanité a jamais bénéficié.


* Source : Readers Digest, Janvier 1944, pp 88-90

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