Par Kenli Schoolland – 10 avril 2014. Initialement publié sur le site de l’ISIL
traduit par B. Malbranque pour l’Institut Coppet
Dans de nombreux pays à travers la planète, nous apprenons que l’utilisation des réseaux sociaux et des applications mobiles aide les gens à communiquer entre eux pour s’opposer à l’Etat ou aux normes établies. De l’Egypte au Vénézuela, les réseaux sociaux ont joué un rôle fondamental dans l’organisation des manifestations.
Craignant une contagion, le gouvernement chinois a depuis longtemps tâché de bloquer l’usage de certains réseaux sociaux, de sorte que Facebook et Twitter ont une présence mineure dans le pays. Néanmoins, ici à Shanghai, j’ai découvert quelques-unes des manières innovantes par lesquelles les applications mobiles locales sont utilisées pour diffuser l’idée de liberté.
Tandis qu’il est risqué de discuter politique ou de critiquer ouvertement le gouvernement chinois, le domaine de la science économique est d’une certaine façon un terrain tranquille pour parler de l’idée de liberté. Mais même dans ce cas, il vous faudra rester attentif aux mots que vous employez, car les mots « marché libre » ou « capitalisme » sont encore mis à l’index, alors que le terme « économie de marché » est parfaitement acceptable.
Le mois dernier un groupe de professeurs disciples de l’Ecole autrichienne d’économie (dont plusieurs ont donné une conférence à notre Sommet en Économie autrichienne à Shanghai) se sont réunis et ont décidé de créer un cours par internet, entièrement fondé sur les travaux de Hayek.
Ce qu’il y a d’exceptionnel dans leur approche c’est que les cours entiers sont diffusés sur Weixin (les utilisateurs anglais nomment cette application WeChat), qui est une sorte de version chinoise de Whatsapp. Les cours sont donnés en direct, ce qui permet aux étudiants d’écouter et de répondre en temps réel, tandis que ceux qui ne peuvent pas être présent à l’heure peuvent toujours se rattraper après.
Le cours a commencé, par messages vocaux
Le professeur donne son cours en envoyant des messages vocaux au groupe. Chaque enregistrement est limité par l’application à une minute, bien qu’on puisse en laisser plusieurs consécutivement. Parallèlement, les étudiants peuvent écrire leurs questions, auxquelles le professeur peut répondre instantanément.
Cette méthode d’enseignement crée une expérience d’apprentissage tout à fait nouvelle, dans laquelle le professeur doit être aussi concis et clair que possible, pour que les étudiants puissent facilement s’insérer dans la discussion.
345 étudiants qui assistent au cours
Même si les coûts qu’implique la réalisation de tels cours sont incroyablement faibles, la demande reçue est si forte que le prix a été fixé assez haut ?surtout par rapport au niveau de vie chinois ? à 5,000 RMB (800$). On compte déjà 345 étudiants qui sont inscrits, dont la plupart sont des entrepreneurs.
Et ils ne sont pas les seuls….
L’Institut Babel, qui accueille aussi des cours d’économie autrichienne en ligne, reçoit près de 100 étudiants chaque semaine sur QQ (une plateforme de chat), pour étudier les classiques autrichiens, chapitre par chapitre. Entre deux sessions les étudiants reçoivent une liste de lectures conseillées, allant plus loin que les clubs de lecture traditionnels. En ce moment, ils étudient l’un des ouvrages de Carl Menger.
L’une des co-fondatrices de l’Institut Babel
La publication numérique de l’Institut Babel, The Bether Review, est diffusée deux fois par semaine sur une application mobile qui offre des articles traduits provenant du Mises Daily, Ron Paul, etc., et a près de 20 000 followers. À ceux-ci s’en ajoutent 4000 autres sur leur compte qui publie des versions traduites d’ouvrages et d’articles d’Economie Autrichienne.
Seulement depuis le Nouvel An Chinois (31 janvier), ils ont déjà traduit et publié en ligne :
- Deflation and Liberty par Guido Hulsman,
- A Study Guide to Human Action,
- After the Welfare State (publié en ebook et en version papier),
- 15 Great Austrian Economists, une compilation d’essais par Huerta De Soto, Peter Klein, et d’autres
- Introduction to Austrian Economics par Thomas Taylor
Ils prévoient d’organiser un séminaire de traduction intensive cet été, après le Sommet en Économie autrichienne à Shanghai de cette année, pour lequel 60 étudiants ont déjà fait leur réservation.
« C’est comme cela que nous pouvons vaincre la censure d’Etat » affirme Tyler Xiong, co-fondateur de l’Institut Babel.
C’est indubitable, à une époque où le monopole du gouvernement sur l’édition, la télévision, et la radio, ont été rendus inutiles par les innovations rapides d’internet. Et nous voyons ceci évoluer partout dans le monde, dans les pays les plus développés comme dans les pays du tiers-monde, à un rythme si rapide qu’aucun Etat ne peut suivre.
Il est temps de repenser les manières traditionnelles de s’opposer à l’Etat, car nous vivons aujourd’hui dans un monde radicalement nouveau, où l’ordre spontané issu d’internet est devenu la norme. Et vous, comment en ferez-vous usage ?
Kenli Schoolland