La liberté des banques et l’agriculture

En décembre 1866, après une communication sur les bons effets de la liberté des banques sur l’agriculture dans l’île de Jersey, une discussion s’engage à la Société d’économie politique sur ce thème. Face à Louis Wolowski, leur éternel ennemi sur ce sujet, les « libre-banquistes », comme ils s’appellent — Horn, Léonce de Lavergne, notamment — font valoir que la liberté des banques revitaliserait l’agriculture et servirait au progrès économique de la France.

Les statistiques douanières indiquent-elles avec fiabilité le développement et la décadence du mouvement commercial d’un pays ?

En 1892, certes, les économistes n’en sont plus à scruter les chiffres de la douane pour savoir si leur pays gagne ou perd aux échanges internationaux : mais l’utilité de ces statistiques pose question, comme l’illustre cette discussion de la Société d’économie politique. Ces données, d’abord, sont et resteront sans doute longtemps lacunaires. Pour cette raison, les indications qu’elles donnent sur le volume et la destination des échanges commerciaux doivent être considérées avec précaution. À cette condition, elles peuvent peut-être guider les réformes ou confirmer des mouvements de tendance. 

La profession d’avocat est-elle constituée en France en conformité des principes de l’économie politique ?

En 1887, la Société d’économie politique examine la question de la liberté du métier d’avocat, pour savoir s’il relève d’une activité économique comprise dans la sphère privée, ou si c’est un ministère tenant de si près à la magistrature, que des règles spéciales doivent impérativement l’encadrer. Selon certains membres, comme Alphonse Courtois ou Frédéric Passy, les justifiables auraient tout avantage à tirer parti de la liberté du métier d’avocat ; d’autres membres, cependant, tiennent pour le maintien des règles, qui permettent, disent-ils, d’éviter qu’un avocat libre, sans mœurs ni savoir, ne vienne perturber le fonctionnement de la justice, bien public par excellence.

L’amortissement de la dette est-il préférable à la réduction des impôts?

En matière de finances publiques, le plus sage et le plus juste est de s’abstenir de faire des dettes, et de payer celles qu’on a contractées. Seulement, dans la situation où la France  et les principales nations de l’Europe se sont placés, d’une dette considérable jointe à une fiscalité déjà très forte, la question de la marche à suivre n’est pas aisée à clarifier. Pour Frédéric Passy et quelques autres, parlant à la Société d’économie politique (janvier 1877), c’est surtout affaire de circonstances et de mesure : quand le système fiscal est défectueux, par exemple, sans doute il serait maladroit de s’appuyer dessus pour réduire drastiquement la dette, et il convient donc dans ce cas de réformer l’impôt, avant d’amortir la dette.

La science subventionnée par l’État

En septembre 1888, Gustave de Molinari propose à la Société d’économie politique une question légère, une « question d’été » : celle de savoir si les institutions scientifiques, littéraires et artistiques, fondées et subventionnées par l’État, sont favorables au progrès ou si elles lui font obstacles. Pour lui, l’affaire est claire : l’intervention de l’État fausse en ce domaine la concurrence des idées et entrave la marche en avant de la société. La majorité des membres de la Société d’économie politique, cependant, ne se retrouvent pas de son avis : quelques-uns, surtout, tels Léon Say, étant membres de l’Institut, n’admettent pas les critiques portées contre ce corps savant.

De la liberté des professions médicales

En 1884, Arthur Mangin défend devant la Société d’économie politique une position audacieuse et controversée. Il soutient que les professions de médecin ou de pharmacien devraient pouvoir être exercées librement, sans diplôme officiel ni monopole. Si quelques-uns de ses collègues, comme Yves Guyot, se rangent à ses arguments, la plupart protestent devant ce qu’ils considèrent être une exagération et une impraticabilité.

Les avantages et les inconvénients de l’inégalité des conditions d’existence

En 1895, Gustave de Molinari, Frédéric Passy, Paul Leroy-Beaulieu et quelques autres sont présents à la réunion mensuelle de la Société d’économie politique pour discuter de la question des inégalités. Pour autant que ces inégalités proviennent de la nature et des efforts individuels, ils sont d’avis que le législateur aurait tort d’intervenir. Le fît-il, il provoquerait nécessairement une plus grande inégalité encore que celle qu’il aurait voulu combattre, en affaiblissant le vrai ressort du progrès, qui est dans l’initiative individuelle.

Des limites du droit de grève

Après une première discussion de la question en mai 1909, la Société d’économie politique réexamine le 4 juin 1910 le problème des grèves. Depuis plusieurs années, des grèves paralysaient l’activité économique, elles étaient accompagnées de violences graves, quoique rarement sanctionnées, et touchaient même des services publics ou des entreprises d’utilité publique. Ces développements récents nécessitaient l’attention des économistes et des pouvoirs publics.

Des effets économiques de la réglementation et de la limitation du travail

Dans sa réunion du 5 décembre 1890, la Société d’économie politique se penche sur l’utilité présumée des règlements sur le travail, notamment ceux qui déterminent une durée de travail légale. Ses membres estiment que lorsqu'il ne s'agit pas de mineurs, mais d'adultes en possession de leurs droits, l'État n'a pas à intervenir, et qu'il doit respecter la liberté des contrats.

Des mesures propres à développer les progrès de la colonisation en Algérie

En mars 1857, quand la question de la colonisation en Algérie est placée à l’ordre du jour de la Société d’économie politique, après être restée depuis plusieurs mois parmi les sujets proposés, des tensions se manifestent. Auteur de la question spéciale qui doit être discutée, un fervent colonialiste fait face à différentes sensibilités contraires, du scepticisme de Léonce de Lavergne à l’anti-colonialisme radical de Joseph Garnier. Comme ce sera le cas à d’autres occasions, le compte-rendu officiel de la réunion tâche toutefois d’adoucir les frictions ; il résume ou mentionne à peine des controverses importantes, et donne, malgré la vérité, l’apparence d’une discussion banale, sans grands remous.

Les lois prohibitives de la chasse

La discussion sur la liberté de la chasse donne lieu, en 1864, à une grande diversité d’opinion à la Société d’économie politique. Si pour les uns, le droit de propriété sur un bois ou une forêt emporte le droit de chasse sur les animaux qui s’y trouvent, d’autres critiquent cette idée comme peu satisfaisante au point de vue du droit, voire repoussent la chasse elle-même comme une pratique barbare.

Mesures propres à favoriser les progrès de la colonisation en Algérie

En juillet 1856, la Société d’économie politique examine deux thèmes distincts. Tout d’abord, suite à l’émeute et aux incendies de Valladolid, Marie-Garcias Quijano, réfugié espagnol, membre de la Société d’économie politique depuis 1850, prend la parole pour évoquer la situation politique locale. Ensuite, Joseph Garnier, Alphonse Courtois et quelques autres examinent si le législateur a raison de chercher à encadrer la fondation et la vie des sociétés par actions, en fixant des modalités ou des responsabilités. Pour la plupart, les associations ne peuvent prospérer que dans la liberté.

De l’utilité et de l’inutilité des colonies (deuxième partie)

Malgré l’affirmation enthousiaste de Paul Leroy-Beaulieu, selon lequel la colonisation est une question jugée, et que tout le monde admet son utilité, le débat soulevé à la Société d’économie politique sur cette question fait apercevoir de vraies divisions. Face à Paul Leroy-Beaulieu, le plus affirmatif et résolu dans sa défense de la colonisation, Frédéric Passy et Émile Levasseur soutiennent que la conquête du monde par la race européenne ne mérite d’être faite que par le commerce et une colonisation non-violente, ou dans des territoires très rares où les conditions sont extrêmement propices. Yves Guyot rejette même tout idée de colonisation, et se lance dans un réquisitoire implacable, fondé sur les faits.

Le régime douanier qui serait favorable à l’Algérie

En août 1858, lorsque la Société d’économie politique s’occupe une nouvelle fois de la question de l’Algérie, le malaise est perceptible, et le compte-rendu très bref de cette séance en donne la mesure. Même étudiée du point de vue de la liberté des échanges, la colonie algérienne ne peut manquer de faire naître des controverses. Il y a des opinions, soutiennent certains orateurs, qui n’ont peut-être pas leur place soit dans le Journal des économistes, soit à la Société d’économie politique. La discussion, de ce point de vue, n’était pas aisée, et l’opinion anti-coloniale française, à cette époque, devait subir des circonstances provisoirement contre elle.

Y a-t-il des impôts moralisateurs, et, dans le cas de l’affirmative, à quels caractères les reconnaît-on ?

En décembre 1888, Frédéric Passy, Léon Say, Henri Baudrillart et quelques autres examinent à la Société d’économie politique la question des impôts moralisateurs. Ce n’est pas à proprement un objectif légitime pour l’impôt, disent-ils généralement, que de moraliser : s’il est justement réparti, et instauré pour de bons motifs, il donne un bon exemple ; mais au-delà, l’objectif de dissuader par ce moyen la consommation d’alcool ou de tabac, par exemple, n’est pas légitime. Entre deux impôts, celui qui moralise vaut mieux que celui qui démoralise, mais ce n’est pas l’objectif premier de la fiscalité : celle-ci doit pouvoir aux dépenses collectives, et non régenter et régénérer l’humanité.

D’une union douanière de la France avec l’Algérie

En mai 1850, la discussion de la réunion mensuelle de la Société d’économie politique s’engage d’abord sur la question controversée de l’Algérie. De cela, pourtant, le compte rendu officiel dresse un portrait assez discret. « M. Wolowski et quelques autres membres », lit-on, « ont échangé diverses observations au sujet de l’annexion économique de l’Algérie. » La défense du libre-échange en Algérie fait l’objet d’un rapport plus circonstancié. De même, quand la discussion bifurque ce jour-là sur le point précis de la marque obligatoire sur les produits de l’industrie, on sent un soulagement général, et le compte-rendu peut ainsi achever un rapport très court sur cette séance, par des considérations enfin un peu consensuelles.

De l’utilité et de l’inutilité des colonies (première partie)

Malgré l’affirmation enthousiaste de Paul Leroy-Beaulieu, selon lequel la colonisation est une question jugée, et que tout le monde admet son utilité, le débat soulevé à la Société d’économie politique sur cette question fait apercevoir de vraies divisions. Face à Paul Leroy-Beaulieu, le plus affirmatif et résolu dans sa défense de la colonisation, Frédéric Passy et Émile Levasseur soutiennent que la conquête du monde par la race européenne ne mérite d’être faite que par le commerce et une colonisation non-violente, ou dans des territoires très rares où les conditions sont extrêmement propices. Yves Guyot rejette même tout idée de colonisation, et se lance dans un réquisitoire implacable, fondé sur les faits.

Du meilleur mode de constituer la propriété en Algérie

En 1863, la Société d’économie politique s’occupe, après avoir validé une élection interne, du sujet controversé de la colonisation en Algérie. Le point de vue adopté est assez consensuel, il s’agit du régime de la propriété, où les libéraux peuvent élaborer leurs idées dans un cadre assez commun. La discussion, cependant, ne sera jamais publiée. Le Journal des économistes du même mois invoque un manque de place, rejette la discussion au mois suivant, et finalement n’y reviendra jamais. De toute évidence, la discussion ne fut pas plaisante, et il fut jugé que sa publication et une publicité donnée à certaines idées était à éviter.

De l’intervention de l’État dans les questions d’hygiène publique

Face à l’insalubrité, aux maladies et aux épidémies, l’intervention de l’État est parfois légitime, considèrent les membres de la Société d’économie politique examinant cette question en 1892. L’État est parfaitement dans son rôle, par exemple, lorsqu’il assure l’écoulement des eaux ménagères. Mais qu’il ne tâche pas, dit Frédéric Passy, de nous protéger nous-mêmes contre nos propres fautes, au risque d’affaiblir la puissance de la responsabilité individuelle. Qu’il ne se comporte pas non plus dans ce mandat, dit un autre, comme un pompier qui inonde et détruit tout un mobilier pour éteindre un feu de cheminée. Car son intervention a ses bornes.

L’idée de paix chez les économistes libéraux

À la toute fin du XIXe siècle, à une époque marquée par la montée en puissance du militarisme, du bellicisme et du protectionnisme, les économistes libéraux restent profondément fidèles à l’idéal pacifiste porté par leurs prédécesseurs du XVIIIe siècle et par certains de leurs grands représentants d’alors, comme Frédéric Passy, bientôt Prix Nobel de la paix. Lors d’une réunion de la Société d’économie politique, Gustave de Molinari et quelques autres reviennent sur cet attachement indéfectible et sur les moyens que le libéralisme promeut pour garantir la stabilité de la paix internationale.