Murray Rothbard – L’éducation gratuite et obligatoire (7/12)

coverRothbardEducationFin 2015, l’Institut Coppet a dirigé la première traduction française de Education: free and compulsory par Murray Rothbard. Elle a été réalisée conjointement par Nathanael Lavaly, Claude Balança et Marius-Joseph Marchetti. Ce petit livre apporte une critique vigoureuse de l’éducation nationalisée telle qu’on la connaît de nos jours, l’accusant d’être inefficace, injuste et tyrannique. Rothbard y défend la liberté de l’éducation, l’instauration d’un marché de l’éducation où écoles privées et éducation à la maison (homeschooling) pourraient enfin se développer. Le livre est sorti en format papier en mars aux éditions de l’Institut Coppet. Fidèle à notre projet de diffuser les idées, nous accompagnerons la version papier d’une version électronique gratuite (pdf, epub, mobi, doc et html)

Nous diffuserons aussi ce petit livre sur notre site, en 12 courtes parties. Dans la septième partie, la plus volumineuse, intitulée « La scolarisation obligatoire en Europe », Murray Rothbard offre un panorama historique de l’introduction de l’éducation publique obligatoire en France, en Allemagne et en Angleterre, et souligne les visées fondamentalement totalitaires de ses partisans. B.M.


Table des matières du livre :

  1. L’éducation de l’individu
  2. L’instruction formelle
  3. La diversité humaine et l’instruction individuelle
  4. Le parent ou l’État ?
  5. Les fréquentations de l’enfant
  6. Éducation obligatoire vs. éducation libre
  7. La scolarisation obligatoire en Europe
  8. Le Fascisme, le Nazisme et le Communisme
  9. L’enseignement obligatoire aux États-Unis
  10. Arguments pour et contre l’école obligatoire aux États-Unis
  11. Les objectifs de l’enseignement public : Le Mouvement éducationniste
  12. L’Instruction progressiste et la situation actuelle

 

La scolarisation obligatoire en Europe

(Murray Rothbard, L’éducation gratuite et obligatoire)

 

L’histoire du développement de la scolarisation obligatoire est l’histoire de l’usurpation par l’État du contrôle parental sur les enfants pour les prendre à sa charge ; l’imposition de l’uniformité et l’égalité afin de réprimer le développement individuel ; et le développement de techniques pour empêcher la croissance de la capacité de raisonnement et de la pensée autonome chez les enfants.

Les origines

Il est inutile de s’attarder longtemps sur le statut de l’éducation dans la Grèce et la Rome antiques. À Athènes, la pratique originale de la scolarisation étatique obligatoire a été remplacée plus tard par un système volontaire. D’un autre côté, à Sparte, une forme ancienne du totalitarisme moderne, l’État était organisé comme un vaste camp militaire, et les enfants étaient embrigadés par l’État dans des casernes et éduqués dans un idéal d’obéissance à l’État. Sparte a poussé à son terme la conclusion logique du système obligatoire : le contrôle absolu de l’État sur l’enfant ; l’uniformité et l’éducation dans l’obéissance passive aux consignes de l’État. La conséquence la plus importante de ce système était qu’il fournissait un modèle pour Platon, qui a fait de ce système éducatif la base de son État idéal, tel qu’énoncé dans La République et Les Lois. L’utopie de Platon était le premier modèle des futurs despotismes — la scolarisation obligatoire et l’obéissance étaient mises en avant, le « communisme » des enfants était pratiqué au sein de l’élite des « gardiens » qui n’avaient d’ailleurs droit à aucune propriété privée, et le mensonge était considéré par l’État comme un instrument approprié pour l’endoctrinement du peuple.

Au Moyen Âge, le problème de la scolarisation étatique obligatoire n’existait pas en Europe. L’instruction était fournie par les écoles et les universités religieuses, dans les écoles privées, et dans les écoles privées de formation professionnelle. Le premier mouvement moderne pour la scolarisation étatique obligatoire découlait directement de la Réforme. Martin Luther en était la force vive. Luther appelait les communautés à plusieurs reprises à établir des écoles publiques et à rendre leur fréquentation obligatoire. Dans sa fameuse Lettre aux conseillers de toutes les villes d’Allemagne pour l’établissement et le maintien d’écoles chrétiennes en 1524, Luther usait des prémisses étatistes pour en tirer des conclusions étatistes :

« Chers conseillers … Je maintiens que les autorités civiles sont dans l’obligation de contraindre les gens à envoyer leurs enfants à l’école … Si l’État peut obliger ces citoyens aptes au service militaire à porter la lance et la carabine, à monter des remparts, et à effectuer d’autres obligations martiales en temps de guerre, combien est plus fort son droit d’obliger les gens à envoyer leurs enfants à l’école, car dans ce cas, nous sommes en guerre avec le diable, dont l’objet est d’épuiser secrètement nos villes et nos principautés de leurs hommes forts. » 11

Dans ce combat spirituel, Luther ne parlait bien sûr pas du « diable » et de sa guerre contre lui avec légèreté. Pour lui, la guerre était bien réelle.

À la suite des demandes pressantes de Luther, l’État allemand de Gotha fondait les premières écoles publiques modernes en 1524, et la Thuringe suivait le mouvement en 1527. Luther a lui-même fondé le Plan scolaire de Saxe, qui est devenu plus tard, en substance, le système éducatif étatique de la plupart des États protestants d’Allemagne. Ce plan a été mis en vigueur pour la première fois en Saxe en 1528, via un édit conçu par un disciple important de Luther, Melanchthon, amenant la création d’écoles publiques dans chaque ville et village. Le premier système étatique obligatoire dans le monde moderne a été établi en 1559 par le duc Christophe de Wurtemberg. La participation était obligatoire, des livrets de présence étaient tenus et des amendes étaient infligées aux absentéistes. D’autres États allemands ont bientôt suivi cet exemple.

Quelle était l’intention derrière l’appel de Luther en faveur de la scolarisation étatique obligatoire ? Un point de vue communément admis est que cet appel reflétait l’esprit démocratique des Réformateurs et leur désir de voir tout le monde lire la Bible, leur intention étant d’encourager chacun à interpréter la Bible par lui-même.12 La vérité est tout autre. Les Réformateurs ont préconisé la scolarisation obligatoire pour tous comme un moyen d’inculquer à toute la population leurs opinions religieuses particulières, s’en servant comme d’une aide efficace et même indispensable dans la « guerre contre le diable » et les agents du diable. Pour Luther, ces agents constituaient une légion nombreuse : il s’agissait non seulement de Juifs, de Catholiques, et d’infidèles, mais aussi de toutes les autres sectes protestantes. L’idéal politique de Luther était un État absolu guidé par des principes et des ministres luthériens. Le principe fondamental était que la Bible, tel qu’interprétée par Luther, était le seul guide en toutes choses. Luther a fait valoir que le Code mosaïque attribuait aux faux prophètes la peine de mort, et qu’il était du devoir de l’État de réaliser la volonté de Dieu. Le devoir de l’État est de forcer ceux que l’Église luthérienne excommunie à se convertir pour rentrer à nouveau au sein du groupe. Il n’y a pas de salut hors de l’Église luthérienne, et ce n’est pas seulement le devoir de l’État de contraindre tout le monde à être luthérien, c’est là même son unique objet. Comme le grand historien Lord Acton l’affirmait à propos de Luther :

« La défense de la religion est devenue … non seulement le devoir de la puissance publique, mais l’objet de son institution. Sa seule activité était la coercition de ceux qui étaient hors de l’Église [luthérienne]. »13

Luther a mis en valeur la théorie de l’obéissance passive, selon laquelle aucun motif ni aucune provocation ne peut justifier une révolte contre l’État. En 1530, il déclarait : « Il est du devoir d’un Chrétien de souffrir du mal, et aucune violation de serment ou de devoir ne doit priver l’Empereur de son droit à l’obéissance inconditionnelle de ses sujets. » De cette façon, il espérait amener les princes à adopter et à diffuser par la contrainte le luthéranisme sur leurs domaines. Luther était vraiment inflexible sur le fait que le pouvoir de l’État devait être utilisé avec une extrême sévérité contre les gens qui refusaient de se convertir au luthéranisme. Il exigeait que tous les crimes soient punis avec la plus grande cruauté. L’objet principal de cette sévérité était bien sûr de lutter contre le crime absolu, le refus de l’adoption du luthéranisme. L’État devait exterminer l’erreur, et ne pouvait pas tolérer l’hérésie ou les hérétiques, « car aucun prince séculier ne peut permettre à ses sujets d’être divisés par la prédication de doctrines opposées. »

En résumé : « Il ne faut pas débattre avec les hérétiques, mais les condamner sans jugement et les faire périr par le feu. »

Tel était l’objectif de la force initiale derrière le premier système scolaire étatique obligatoire dans le monde occidental, et tel était l’esprit qui devait animer le système. Melanchthon, le principal allié de Luther dans la promotion de l’enseignement étatique obligatoire en Allemagne, n’était pas un despote moins ardent.

Melanchthon enseignait fermement que toutes les sectes devaient être combattues par l’épée, et que toute personne à l’origine de nouvelles opinions religieuses serait punie de mort. Cette peine devait être appliquée pour punir toute divergence, même légère, par rapport aux enseignements protestants. Tous ceux qui n’étaient pas luthériens — les catholiques, les anabaptistes, les servétiens, les zwingliens, etc. — devaient être persécutés avec le plus grand zèle.

L’influence de Luther sur la vie politique et éducative de l’Occident, et en particulier de l’Allemagne, a été considérable. Il était le premier défenseur de la scolarité obligatoire, et ses plans ont fourni le modèle aux premières écoles allemandes. En outre, il inculqua aux luthériens les idéaux de l’obéissance à l’État et la persécution de tous les dissidents. Comme Acton l’affirmait, il « imprima sur son mouvement ce caractère de dépendance politique, et de l’habitude de l’obéissance passive à l’État, ce qu’il a toujours conservé depuis. » 14 Voici une estimation succincte de l’influence de Luther sur la politique et l’enseignement obligatoire, telle que dressée par un admirateur :

« La valeur permanente et positive de la déclaration de Luther de 1524 ne réside pas tant dans ses effets directs que dans l’association sacrée qu’elle a établie dans l’Allemagne protestante entre la religion nationale d’un côté et les devoirs éducatifs de l’individu et de l’État de l’autre. Ainsi, sans aucun doute, se forma cette saine opinion publique qui a facilité l’acceptation par la Prusse du principe d’une fréquentation obligatoire de l’école à une date beaucoup plus ancienne qu’en Angleterre. »15

En dehors de Luther, l’autre influence principale dans la mise en place de l’enseignement obligatoire dans le monde moderne fut Jean Calvin, l’autre grand réformateur. Calvin est arrivé à Genève en 1536, tandis que la ville se révoltait avec succès contre le duc de Savoie et l’Église catholique, et a été nommé pasteur et gouverneur de la ville, poste qu’il a occupé jusqu’en 1564. À Genève, Calvin a établi un certain nombre d’écoles publiques, dont la fréquentation était obligatoire. Quel était l’esprit qui animait l’établissement d’un système scolaire étatique ? Il s’agissait d’inculquer le message du calvinisme, et l’obéissance au despotisme théocratique qu’il établissait. Calvin combinait en lui-même la double fonction de dictateur politique et de professeur de religion. Pour Calvin, rien ne comptait, ni la liberté ni le droit n’étaient importants, à l’exception de sa doctrine et de sa suprématie. Selon la doctrine de Calvin le soutien au calvinisme était la finalité et l’objet de l’État, et cela impliquait de maintenir la pureté de la doctrine et l’austérité stricte dans le comportement des gens. Seule une petite minorité sur terre formait la classe des « élus » (Calvin en étant le chef), et le reste était une masse de pécheurs qui devaient être contraints par l’épée, et à qui les conquérants imposeraient la foi calviniste. Calvin ne se prononçait pas en faveur de l’extermination de tous les hérétiques. Les catholiques et les juifs seraient autorisés à vivre, mais tous les protestants autres que les calvinistes devaient être tués. Dans certains cas, toutefois, il a fait évoluer sa position et a préconisé également une plus sévère punition pour les catholiques.

Calvin était tout aussi catégorique en affirmant le devoir d’obéissance aux dirigeants, indépendamment de leur forme de gouvernement. L’État est touché par la grâce divine, et du moment qu’il obéit aux principes calvinistes, il peut se fixer n’importe quel objectif sans mériter de contestations. Non seulement tous les hérétiques doivent être tués, mais la même peine doit être infligée à ceux qui nieraient la justice d’une telle punition. Les disciples de Calvin, comme Bèze, étaient au moins aussi ardents dans la promotion de l’extermination des hérétiques.

L’influence de Calvin sur le monde occidental a été plus considérable que celle de Luther. Grâce à ses efforts assidus de propagande, il a fait de Genève le centre européen pour la diffusion de ses principes à grande échelle. Des hommes de toute l’Europe sont venus étudier dans les écoles de Calvin et lire ses brochures ; le résultat a été l’influence de Calvin sur toute l’Europe.

À mesure que les calvinistes ont gagné en importance à travers l’Europe, ils ont défendu la création d’écoles publiques obligatoires. 16 En 1560, les calvinistes français, les huguenots, ont envoyé un mémorandum au roi, demandant l’établissement d’une éducation universelle et obligatoire, mais cela leur a été refusé.
En 1571, cependant, la reine Jeanne d’Albret, des États de Navarre, sous l’influence calviniste, a rendu obligatoire l’enseignement primaire dans cette partie de la France. La Hollande calviniste a établi des écoles publiques obligatoires en 1609. John Knox, qui a conquis l’Écosse avec son Église presbytérienne, était un calviniste, bien qu’il soit arrivé à bon nombre de principes calvinistes en autodidacte. Il a établi son Église sur des bases calvinistes, et a proclamé la peine de mort pour les catholiques. Knox a tenté d’établir l’éducation universelle et obligatoire en Écosse dans les années 1560, mais a échoué dans sa tentative. Il le préconisait dans son Livre de discipline, qui défendait l’instauration d’écoles publiques dans chaque ville écossaise.

L’un des effets les plus profonds de la tradition calviniste a été son influence sur l’histoire de l’éducation en Amérique. L’influence calviniste était forte parmi les puritains anglais, et c’était sous l’influence puritaine qu’on a inauguré les premières écoles publiques et la scolarisation obligatoire en Nouvelle-Angleterre, avant qu’elle se diffuse finalement à l’ensemble des États-Unis. L’histoire de l’enseignement obligatoire en Amérique sera traitée dans la prochaine section.

La Prusse

Ce n’est certainement pas une coïncidence que l’État le plus notoirement despotique en Europe — la Prusse — ait été le premier à instaurer un système national d’éducation obligatoire, ni que l’inspiration originale soit venue, ainsi que nous l’avons vu, de Luther et de sa doctrine de l’obéissance à l’absolutisme de l’État. Comme M. Twentyman l’a dit : « L’ingérence de l’État dans l’éducation coïncidait presque exactement avec l’instauration de l’État prussien. »

L’éducation allemande, ainsi que la plupart de ses autres institutions et de sa civilisation, a été complètement perturbée par la guerre de Trente ans, dans la première moitié du XVIIe siècle. À la fin du conflit, toutefois, les différents gouvernements ont rendu obligatoire la présence des enfants à l’école, sous peine d’amende et d’emprisonnement. La première étape a été réalisée par Gotha en 1643, et a été suivie par des États comme Heildesheim en 1663, la Prusse en 1669, et Calemberg en 1681. 17

L’État de Prusse a commencé à accroître sa puissance et sa domination au début du XVIIIe siècle, sous les ordres de son premier roi, Frédéric-Guillaume Ier. Frédéric-Guillaume croyait fermement dans le despotisme paternel et dans les vertus de l’absolutisme monarchique. Une de ses premières mesures a été d’augmenter de manière sensible la taille de l’armée prussienne, fondée sur une discipline de fer qui est devenue célèbre dans toute l’Europe. Dans l’administration civile, le roi Frédéric-Guillaume a forgé le moteur de la centralisation de la fonction publique, qui est devenue la célèbre bureaucratie prussienne autocratique. Dans le domaine économique, le roi a imposé des restrictions, des règlementations et des subventions sur le commerce et la production.

C’était le roi Frédéric-Guillaume Ier qui a inauguré le système scolaire obligatoire prussien, le premier système national en Europe. En 1717, il a ordonné la présence obligatoire de tous les enfants dans les écoles d’État. Il a continué plus tard avec la mise à disposition de fonds publics pour la construction de nouvelles écoles de ce type. Il était certainement approprié pour le roi de mettre son attitude personnelle en harmonie avec sa promotion ardente du despotisme et du militarisme. Comme Cailfon Hayes l’affirme : « Il traitait son royaume comme une salle de classe, et, à la manière d’un instituteur plein d’ardeur, fouettait ses méchants sujets sans pitié. »

Ces débuts ont été poursuivis par son fils Frédéric le Grand, qui a réaffirmé vigoureusement le principe de la scolarité obligatoire dans les écoles publiques, et a établi la pérennité du système national, en particulier dans son Landschulreglement de 1763. Quels étaient les objectifs qui animaient Frédéric le Grand ? Encore une fois, une fervente croyance dans le despotisme absolu, bien qu’on le disait « éclairé ». « Le prince », déclara-t-il, « est à la nation qu’il gouverne ce que la tête est à l’homme ; il est de son devoir de voir, de penser et d’agir pour toute la communauté ». Il était particulièrement friand de l’armée, la dotant généreusement avec les fonds publics, et y inculquant surtout une préparation constante et une discipline stricte.

Le despotisme moderne en Prusse a émergé comme un résultat direct de la désastreuse défaite infligée par Napoléon. En 1807, la nation prussienne a commencé à se réorganiser et à se préparer pour ses victoires futures. Sous le roi Frédéric-Guillaume III, l’État absolu a été considérablement renforcé. Son célèbre ministre, von Stein, a commencé par abolir les écoles privées semi-religieuses, et par placer tout enseignement directement sous le contrôle du ministre de l’Intérieur. En 1810, le ministère a décrété la nécessité d’un examen d’État et de la certification de tous les enseignants. En 1812, l’examen de fin d’études a été réinstauré comme condition nécessaire à la fin de la scolarité à l’école publique, et un système bureaucratique élaboré de supervision des écoles a été mis en place dans les campagnes et les villes. Il est également intéressant de noter que c’était ce système réorganisé qui a le premier commencé à promouvoir la nouvelle philosophie de l’enseignement de Pestalozzi, qui était l’un des premiers partisans de « l’éducation progressiste ».

Parallèlement à l’instauration d’un système scolaire obligatoire, l’armée a été renouvelée et grandement étendue, et en particulier un service militaire obligatoire et universel a été créé.

Frédéric-Guillaume III a poursuivi la réorganisation après les guerres, et a renforcé le système scolaire obligatoire public en 1834 en obligeant les jeunes entrants dans les professions libérales, ainsi que pour tous les candidats à la fonction publique et pour les étudiants universitaires à passer les examens de fin d’études. De cette manière, l’État prussien avait un contrôle effectif sur toutes les générations montantes de chercheurs et d’autres professionnels.

Nous allons voir en détail plus loin que ce système prussien despotique a constitué un modèle et une source d’inspiration pour les principaux éducateurs professionnels aux États-Unis, qui ont géré le système scolaire public et sont largement responsables de leur extension. Par exemple, Calvin E. Stowe, un éducateur américain éminent à son époque, a rédigé un rapport sur le système prussien et l’a salué comme digne d’imitation.18 Stowe a encensé la Prusse ; bien que subissant la monarchie absolue de Frédéric-Guillaume III, c’était le pays « le mieux instruit » du monde. Non seulement il y avait des écoles publiques pour les niveaux élémentaires et supérieurs, pour les étudiants entrant à l’université ou dans la vie active, mais on comptait aussi 1700 séminaires pour la formation des futurs enseignants de l’État. En outre, il existait des lois strictes qui obligeaient les parents à envoyer leurs enfants à l’école. Les enfants devaient fréquenter les écoles entre 7 et 14 ans, et aucune excuse n’était admise, sauf l’incapacité physique ou l’imbécillité absolue. Les parents d’élèves absentéistes étaient avertis, puis punis par des amendes, ou par des incapacités civiles, et en dernier recours, l’enfant était retiré de ses parents pour être éduqué et élevé par les autorités locales. L’instruction religieuse était donnée dans les écoles, conformément à la religion de la localité, mais les enfants n’étaient pas obligés d’y participer. Cependant, dans ce dernier cas, il leur fallait obligatoirement recevoir une instruction religieuse à la maison ou à l’église. En outre, le ministre de l’éducation devait être protestant.

Les écoles privées ont commencé par être autorisées, mais elles étaient obligées d’avoir les mêmes normes d’instruction que les écoles publiques, et à travers celles-ci, soumises aux exigences de l’examen de fin d’études, l’État pouvait imposer son contrôle sur l’ensemble des écoles du pays.

Stowe estimait que les méthodes prussiennes pour garantir l’universalité et l’uniformité étaient admirables. Un autre principe qu’il admirait était que l’État prussien imposait l’uniformité du langage. Stowe affirmait que les parents n’avaient pas le droit de priver leurs enfants de l’influence unificatrice de la langue nationale, « les privant ainsi de la possibilité de rendre à l’État les services qu’ils seraient capables d’accomplir ».

Le système de l’enseignement public obligatoire a été utilisé comme une arme terrible entre les mains des États pour imposer certaines langues et détruire les langues des différents groupes nationaux et linguistiques au sein de leurs frontières. C’était un problème particulier en Europe centrale et orientale. L’État au pouvoir imposait la langue et la culture officielle sur des peuples soumis ayant leur propre langue et culture, le résultat étant une amertume incalculable. Si l’éducation était volontaire, un tel problème ne serait pas advenu. L’importance de cet aspect de l’enseignement obligatoire a été soulignée par l’économiste Ludwig von Mises :

« Le principal outil de dénationalisation et d’assimilation par la force est l’éducation …. Dans les territoires linguistiquement mixtes elle s’est transformée en arme redoutable, placée entre les mains de gouvernements déterminés à changer l’allégeance linguistique de leurs sujets. Les philanthropes et des pédagogues … qui prônaient l’éducation publique ne prévoyaient pas que des vagues de haine et de ressentiment sortiraient de cette institution. » 19

Le système éducatif prussien a été étendu au reste de l’Allemagne lors de la formation de l’État national allemand. Par la suite, un décret de 1872 a renforcé le contrôle absolu de l’État sur les écoles, le prémunissant des incursions possibles de l’Église catholique. L’esprit qui animait l’État obligatoire allemand était bien exprimé dans cette appréciation élogieuse :

« Le premier principe de l’éducation allemande est qu’elle est basée sur un principe national. La culture est le grand capital de la nation allemande …. La caractéristique fondamentale de l’éducation allemande est : l’éducation à l’État, l’éducation pour l’État, l’éducation par l’État. La Volkschule est une conséquence directe d’un principe national visant à l’unité nationale. L’État en est la fin suprême. » 20

Une autre indication sur la voie qui était suivie dans le premier et le plus éminent des systèmes scolaires obligatoires, la Prusse et l’Allemagne, se trouve dans une collection d’essais composés par d’éminents professeurs allemands, énonçant la position officielle allemande sur la Première Guerre mondiale.21 Dans cet ouvrage, Ernst Troeltsch dépeignait l’Allemagne comme une nation essentiellement militariste, principalement consacrée à l’armée et à la monarchie. Quant à l’éducation :

« L’organisation de l’école est similaire à celle de l’armée, l’école publique correspondant à l’armée populaire. Cette dernière, ainsi que la première, a été mise en place au cours de la première montée en puissance de l’État Allemand face à Napoléon. Lorsque Fichte a examiné les voies et les moyens de ressusciter l’État Allemand, alors que le pays gémissait sous le joug napoléonien, il a conseillé l’infusion de la culture allemande dans la masse du peuple, à travers la création d’écoles primaires nationales suivant les modalités fixées par Pestalozzi. Le programme a été effectivement adopté par les différents États allemands, et a été développé au cours du siècle dernier sous la forme d’un système scolaire complet… Cela est devenu le facteur formatif véritable de l’esprit allemand. Il y a dans ce système scolaire un élément de l’État socialiste-démocratique tel que Fichte le concevait. »22

France

L’éducation universelle obligatoire, comme le service militaire obligatoire, a été inaugurée en France par la Révolution française. La Constitution révolutionnaire de 1791 a décrété l’instruction primaire obligatoire pour tous. Dans un premier temps, l’État n’était pas vraiment en capacité de mettre ces principes en application, mais il a fait de son mieux. En 1793, la Convention prescrivait que la langue française serait la seule langue de la « République une et indivisible ». Peu de choses ont ensuite été réalisées jusqu’à l’avènement de Napoléon, qui a établi une éducation publique totale. Toutes les écoles, publiques ou nominalement privées, étaient soumises au contrôle strict de l’État national. Dominant l’ensemble du système, « l’Université de France » a été instaurée pour assurer l’uniformité et le contrôle de l’ensemble du système éducatif français. Ses principaux fonctionnaires ont été nommés par Napoléon, et personne ne pouvait ouvrir une nouvelle école ou enseigner en public à moins d’avoir été autorisé officiellement par l’université. Ainsi, dans cette loi de 1806, Napoléon agissait pour assurer un monopole de l’enseignement à l’État. Le personnel enseignant des écoles publiques devait être formé au sein d’une école normale contrôlée par l’État. Toutes ces écoles étaient invitées à prendre comme base de leur enseignement les principes de loyauté envers le chef de l’État et l’obéissance aux statuts de l’université. En raison du manque de fonds, le système des écoles publiques ne pouvait alors pas être imposé à tous. À la fin de l’ère napoléonienne, un peu moins de la moitié des enfants français fréquentaient des écoles publiques, le reste se retrouvant en grande partie dans les écoles catholiques. Les écoles privées, cependant, étaient sous l’emprise de l’État et étaient obligées d’enseigner le patriotisme au nom des dirigeants.

Avec la Restauration, le système napoléonien a été largement démantelé et l’éducation est principalement devenue en France l’affaire de l’Église catholique. Après la Révolution de 1830, cependant, le ministre Guizot a commencé à renouveler la puissance de l’État dans sa loi de 1833. La fréquentation n’était pas rendue obligatoire, et les écoles privées ont été laissées intactes, à l’exception de cette exigence que tous les établissements scolaires devraient enseigner « la paix intérieure et sociale ». La liberté complète pour les écoles privées a été restaurée par la loi Falloux, adoptée en 1850 par Louis-Napoléon.

À l’exception des périodes révolutionnaire et napoléonienne, l’éducation est restée libre en France jusqu’à la dernière partie du XIXe siècle. De la même façon que la contrainte et l’absolutisme prussiens ont reçu une grande impulsion de la défaite face à Napoléon, la contrainte et l’autorité ont reçu leur inspiration en France de la victoire de la Prusse en 1871. Les victoires prussiennes étaient considérées comme les victoires de l’armée prussienne et de l’instituteur prussien, et la France, animée par une soif de vengeance et de revanche, s’est mise à transformer ses propres institutions pour les rapprocher du modèle prussien. Avec les lois de 1882 et de 1889, elle inaugurait la conscription universelle sur le modèle prussien.

Le chef de cette nouvelle politique était le ministre Jules Ferry. Ferry était le principal défenseur d’une nouvelle politique faite d’impérialisme agressif et de conquête coloniale. Des agressions étaient perpétrées en Afrique du Nord, en Afrique centrale et en Indochine.

La défense de l’éducation obligatoire survenait de la volonté d’une revanche militaire. Comme l’affirmait l’homme politique influent de l’époque, Léon Gambetta, affirmait : « l’instituteur prussien a gagné la dernière guerre, c’est à l’instituteur français de gagner la prochaine ». À cette fin, une demande a surgi pour étendre le système scolaire à tous les enfants français, afin de les former à la citoyenneté. En outre, l’enseignement obligatoire a été défendu dans l’idée que chaque enfant français soit imprégné des idées du républicanisme et immunisé des faux espoirs d’une restauration monarchique. En conséquence, Fey, dans une série de lois de 1881 et 1882, a rendu l’éducation obligatoire en France. Les écoles privées ont été nominalement laissées libres, mais en vérité, leur liberté était fortement limitée par la dissolution forcée de l’ordre des jésuites et son expulsion de France. Beaucoup d’écoles privées en France avaient été dirigées par les jésuites. En outre, les lois ont aboli de nombreux ordres monastiques qui n’avaient pas été formellement « autorisés » par l’État, et ont interdit à leurs membres de diriger des écoles. La présence à l’école était rendue obligatoire pour tous les enfants entre 6 et 13 ans.

L’effet du nouveau régime a été de dominer complètement les écoles privées, puisque celles qui n’étaient pas affectées par les lois anti-catholiques devaient se soumettre au décret selon lequel « les écoles privées ne peuvent être établies sans permis du ministre, et peuvent être fermées par un simple arrêté ministériel ». 23 Les écoles privées du niveau secondaire ont été gravement mutilées par les lois Waldeck-Rousseau et Combes de 1901 et 1904, qui ont supprimé toutes les écoles privées religieuses du niveau secondaire de France.

Autres pays

L’histoire de l’enseignement obligatoire dans les autres pays de l’Europe est assez similaire, quoique s’y ajoute dans la plupart d’entre eux un élément supplémentaire : les langues obligatoires. L’Empire austro-hongrois aspirait à une monarchie absolue centralisée, uniforme, avec pour langue exclusive l’allemand, tandis que la partie hongroise de l’empire cherchait à « magyariser » ses minorités nationales et à abolir toutes les langues sauf le hongrois à l’intérieur de ses frontières. L’Espagne a utilisé ses lois de scolarisation obligatoire pour supprimer la langue catalane et imposer le castillan. La Suisse dispose d’un système de scolarité obligatoire enraciné dans sa Constitution. En général, tous les pays européens avaient mis en place l’enseignement obligatoire avant 1900, à l’exception de la Belgique, qui a suivi le mouvement en 1920. 24

Selon Herbert Spencer, la Chine a poussé la réalisation de l’idée de l’enseignement obligatoire jusqu’à sa conclusion logique :

« Là-bas le gouvernement publie une liste des travaux qui peuvent être lus ; et considérant l’obéissance comme la vertu suprême, n’autorise que les publications amicales envers le despotisme. Craignant les effets perturbateurs de l’innovation, il n’autorise à enseigner que ce qu’il fournit lui-même. Dans le but de produire des citoyens modèles, il exerce une discipline rigoureuse dans tous les domaines. Il existe « des règles pour s’asseoir, se tenir debout, marcher, parler, et se courber, et elles sont détaillées avec la plus grande précision. » 25

Le système impérial japonais d’enseignement obligatoire public doit être exposé soigneusement, en raison des nombreuses similitudes qu’il présente avec l’éducation moderne « progressiste ». Comme Lafcadio Hearn l’observait :

« Le but n’a jamais été de former l’individu pour l’action indépendante, mais de le former pour une action concertée …. La contrainte parmi nous commence avec l’enfance, et peu à peu se détend [ce qui serait le mieux, afin que les facultés de raisonnement de l’enfant se développent et qu’il puisse évoluer plus librement et sans être constamment dirigé] ; dans la formation en Extrême-Orient, la contrainte commence plus tard, et par la suite se resserre progressivement… Non seulement jusqu’à l’âge de la vie scolaire, mais nettement au-delà, un enfant japonais bénéficie d’un degré de liberté beaucoup plus important que celui dont jouissent les enfants occidentaux… L’enfant est autorisé à faire ce qu’il veut … À l’école, la discipline commence … mais il n’y a pas de punition autre que l’avertissement public. Quelque soit le type de contrôle instauré, il est principalement exercé sur l’enfant par l’opinion commune de sa classe ; et un enseignant habile est capable de diriger cette opinion … Le pouvoir est toujours dans le sentiment de la classe … C’est toujours la règle de la majorité s’imposant aux individus ; et cette puissance est impressionnante.

La morale inculquée est toujours celle du sacrifice de l’individu à la communauté, et de l’écrasement de toute autonomie individuelle. Dans la vie adulte, tout écart par rapport à la minutie de la réglementation de l’État était immédiatement et sévèrement puni. » 26

Angleterre

C’est en Angleterre que la tradition du volontarisme était la plus vigoureuse. Elle y était si forte que, non seulement il n’y a pas eu d’enseignement obligatoire en Angleterre avant fin du XIXe siècle, mais il n’y a même pas eu de système scolaire public.

Avant les années 1830, l’État n’intervenait pas du tout dans l’éducation. Après 1833, l’État a commencé à accorder des subventions croissantes pour promouvoir indirectement l’éducation des pauvres dans les écoles privées. C’était une action strictement philanthropique, et il n’y avait aucune trace de contrainte. Finalement, la contrainte a été introduite dans l’éducation anglaise par la fameuse « loi sur l’éducation » de 1870. Cette loi a permis aux conseils de comté de rendre la scolarité obligatoire. Le comté de Londres l’a fait immédiatement pour les enfants entre 5 et 13 ans, et d’autres grandes villes ont suivi. Les comtés ruraux, cependant, étaient réticents à imposer la fréquentation obligatoire. En 1876, 50% des enfants fréquentant les écoles de Grande-Bretagne le faisaient sous la contrainte, chiffre qui grimpe à 84% pour les enfants des villes. 27 La loi de 1876 a mis en place des conseils chargés de la fréquentation scolaire dans les zones où il n’y avait pas de conseils scolaires, et la fréquentation a été rendue obligatoire dans toutes ces zones reculées, sauf pour les enfants qui vivaient à plus de 2 miles de l’école. Enfin, la loi de 1880 a contraint tous les conseils scolaires départementaux à décréter et à appliquer la fréquentation obligatoire. Ainsi, en une décennie, l’enseignement obligatoire avait conquis l’Angleterre.

Le grand historien du droit, A.V. Dicey, analysait ce développement dans des termes très clairs, le présentant comme un pas réalisé dans la marche vers le collectivisme :

« Ce système signifie, en premier lieu, que A, qui éduque ses enfants à ses frais, ou n’a pas d’enfants à éduquer, est obligé de payer pour l’éducation des enfants de S, qui, quoiqu’il ait peut-être les moyens de payer, préfère que le paiement provienne de la poche de ses voisins. Il tend, en second lieu, du moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire, à placer les enfants du riche et du pauvre, du prévoyant et de l’imprévoyant, sur une sorte de pied d’égalité. Il vise, en bref à l’égalisation des intérêts. » 28

Le principe collectiviste de l’obligation s’opposait assez frontalement à la tradition individualiste anglaise. La notable commission de Newcastle de 1861 a rejeté l’idée de l’enseignement obligatoire sur les bases du principe individualiste. Une critique acerbe du plan pour l’éducation obligatoire publique, considérée comme une pierre angulaire de la tyrannie grandissante de l’État, a été formulée par Herbert Spencer 29 et par l’historien et juriste éminent, Sir Henry Maine.30 Plus récemment, Arnold Toynbee a souligné combien l’éducation publique obligatoire étouffait la pensée indépendante .31

Le mouvement en faveur de l’enseignement obligatoire en Angleterre et en Europe à la fin du XIXe siècle a été soutenu par les syndicalistes, qui voulaient davatange d’éducation populaire, ainsi que par les classes supérieures, qui souhaitaient instruire les masses afin qu’elles exercent correctement leur droit de vote. Comme d’habitude, chaque groupe de la société voulait ajouter à la puissance de l’État, dans l’idée que ses propres conceptions politiques particulières prévalent dans l’utilisation de ce pouvoir.

L’évolution de l’opinion anglaise a été particulièrement rapide sur cette question. Lorsque Dicey écrivait en 1905, il déclarait qu’on ne pouvait trouver presque personne pour attaquer l’enseignement obligatoire. Pourtant, quand John Stuart Mill rédigeait son ouvrage De la liberté en 1859, il déclarait qu’on ne pouvait trouver presque personne qui ne s’opposait pas vigoureusement à l’enseignement obligatoire. Mill, assez curieusement, soutenait l’enseignement obligatoire, mais s’opposait à l’instauration d’écoles publiques, et, en vérité, il s’est avéré que dans de nombreux territoires de l’Angleterre la contrainte était venue avant les écoles publiques. Mill, cependant, reconnaissait au moins que la scolarité obligatoire publique abolirait l’individualité au nom de l’uniformité de l’État, et qu’elle cultiverait l’obéissance à l’État.

L’argument de Mill en faveur de l’éducation obligatoire était réfuté avec succès par Spencer dans Statistique Sociale. Mill avait affirmé que dans l’éducation le consommateur ne sait pas ce qui est le mieux pour lui, et que par conséquent l’intervention de l’État était justifiée. Pourtant, comme le souligne Spencer, c’était l’excuse fournie pour presque tous les exercices de la tyrannie d’État. Le seul critère de la valeur des choses est le jugement du consommateur qui utilise effectivement le produit. Et le jugement de l’État est nécessairement régi par ses propres intérêts despotiques.

Un autre argument courant en Angleterre en faveur de l’enseignement obligatoire était également commun aux États-Unis. C’était l’argument de Macauley — que l’éducation permettrait d’éliminer la criminalité, et que, puisqu’il est du devoir de l’État de réprimer le crime, l’État devrait instituer l’enseignement obligatoire. Spencer a montré le caractère spécieux de son argumentation, en démontrant que la criminalité avait peu de rapport avec l’éducation. Ce fait n’est devenu que trop évident de nos jours, comme un simple coup d’œil au taux croissant de la délinquance juvénile « obligatoirement instruite » en Amérique suffirait à le prouver. Spencer étudiait les statistiques de son époque, et démontrait qu’il n’y avait pas de corrélation entre les zones mal instruites et les zones criminelles ; en effet, dans de nombreux cas, la corrélation était inverse — plus il y avait d’éducation, plus il y avait de criminalité.

 

 

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NOTES :

11. Cité dans John William Perrin, The History of Compulsory Education in New England, 1896.

12. Par exemple, cf. Lawrence A. Cremin, The American Common School: An Historic Conception (New York, Teachers College, Columbia University, 1951), p. 84.

13. John, Lord Acton, “The Protestant Theory of Persecution” dans his Essays on Freedom and Power (Glencoe, Ill., The Free Press, 1948), pp. 88 – 127.

14. Ibid., p. 94.

15. A.E. Twentyman, “Education; Germany,” Encyclopedia Britannica, 14th ed., vol. 7, pp. 999 — 1000.

16. Cf. Perrin, The History of Compulsory Education in New England.

17. Cf. Howard C. Barnard, National Education in Europe (New York, 1854).

18. Calvin E. Stowe, The Prussian System of Public Instruction and Its Applicability to the United States (Cincinnati, 1836).

19. Ludwig von Mises, Omnipotent Government: The Rise of the Total State and Total War (Spring Hills, Penn., [1944] Libertarian Press, 1985), pp. 82 – 83.

20. Franz de Hovre, German and English Education, A Comparative Study (Londres, Constable, 1917).

21. Modern Germany, In Relation to the Great War, W. W. Whitlock, trad. (New York, 1916).

22.Ernest Troeltsch, “The Spirit of German Kultur,” Modern Gemzany, pp. 72 – 73. Voir aussi Alexander H. Clay, Compulsory Continuation Schools in Germany (Londres, 1910).

23. Herbert Spencer, Social Statics (New York, Robert Schalkenbach Foundation, 1970), p. 297.

24. Pour un tableau détaillé des lois sur l’enseignement obligatoire dans chaque pays de l’Europe au tournant du siècle, voir London Board of Education, Déclaration relative à l’âge auquel l’enseignement obligatoire commence dans certains pays étrangers (Londres, 1906). Dans la grande majorité, la scolarité était obligatoire dès l’âge de 6 ou 7 ans et jusqu’à 14 ans.

25. Spencer, op. cit., pp. 297 — 98.

26. Citations tirées de Lafcadio Hearn, Japan: An Interprétation, (New York, Macmillan, 1894), dans Isabel Paterson, The God of the Machine, (Caldwell, Idaho, Caxton Printers, 1964).

27. Howard C. Barnard, A Short History of English Education, 1760-1944 (Londres, University of London Press, 1947). À strictement parler, le premier élément de contrainte a été introduit en 1844, puisque certains règlements d’usine avaient exigé que les enfants soient instruits avant de commencer à travailler.

28. A.V. Dicey, Lectures on the Relation between Law and Public Opinion in England During the Nineteenth Century (New York, Macmillan, 1948), pp 276-278..

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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