Oeuvres de Turgot – 177 – Les messageries

1775

177. — LES MESSAGERIES.

1. Arrêt du Conseil remettant provisoirement aux Intendants la connaissance des litiges relatifs aux messageries.

[D. P., VII, 344.]

(Ouverture d’une enquête sur les concessions des moyens de transport. — Renvoi des litiges au lieutenant de police et aux intendants.)

4 juin.

Sur le compte qui a été rendu au Roi, de plusieurs difficultés qui se sont élevées, concernant l’exercice des privilèges et concessions des messageries, diligences, carrosses, et autres voitures publiques, S. M. ayant reconnu qu’il serait important de pourvoir à différents inconvénients qui se sont introduits dans cette partie du service public, tant à l’égard de la manutention desdits établissements qu’au sujet des contestations qui y sont relatives ; S. M., dans le dessein d’y remédier plus efficacement, a résolu de prendre une connaissance particulière et approfondie de tout ce qui a rapport auxdits privilèges et à leur exercice, en se faisant représenter tous les titres qui en établissent la propriété et es droits, ainsi que tout ce qui en est la suite, et notamment es règlements particuliers à chacun d’eux. Et sur ce qui lui a été représenté que les contestations et procès qui s’élèvent journellement entre les Fermiers ou Entrepreneurs des carrosses et messageries concernant l’exécution de leurs baux, circonstances et dépendances, et les marchands, voituriers, voyageurs et autres, dans presque toutes les provinces de son royaume, sont portées indistinctement, soit par devant le Lieutenant civil au Châtelet de Paris, comme conservateur des privilèges de l’Université, soit en différents tribunaux de la justice ordinaire, soit enfin par devant les Intendants et Commissaires départis, en conséquence des attributions qui leur en ont été données ; ce qui occasionne des conflits de juridiction très fréquents et très à charge au commerce : S. M. s’étant fait rendre compte des Édits, Déclarations, Lettres Patentes, et Arrêts du Conseil à ce sujet, a reconnu qu’en attendant qu’elle eut pourvu en plus grande connaissance de cause par un Règlement général, tant sur l’exercice desdits privilèges que sur les conflits et contestations qui naissent à cet égard, il était instant de procurer à ses sujets, et au commerce du Royaume, une justice prompte et sommaire.

À ces causes… S. M. ordonne que tous les pourvus de concessions ou privilèges, propriétaires, aliénataires ou entrepreneurs de carrosses, de voitures, diligences, messageries et autres voitures publiques, leurs fermiers, sous-fermiers ou préposés, seront tenus d’envoyer, dans le délai de six mois, à compter de la date du présent, copie de leurs titres, baux, tarifs, pancartes et règlements particuliers, au secrétaire d’État ayant dans son département la police des carrosses, diligences et messageries pour, sur le compte qui en sera rendu au Roi en son Conseil, y être statué par S. M. ce qu’elle jugera convenable.

Et cependant, ordonne par provision, S. M., que toutes les contestations qui surviendront entre lesdits fermiers ou entrepreneurs, leurs procureurs, commis ou préposés, concernant l’exercice des droits résultants de leurs baux, circonstances et dépendances, et les marchands voituriers, voyageurs et tous autres seront portées par devant le Sr lieutenant général de la police de la Ville de Paris, et par devant les Srs Intendants et Commissaires départis, pour y être par eux statué, et leurs Jugements exécutés par provision, sauf l’appel au Conseil.

2. Arrêt du Conseil sur la Régie des messageries[1].

[D. P., VIII, 10.]

(Mise en régie des messageries distraites du bail des postes, moyennant indemnité. — Réunion au domaine des droits de carrosses. — Maintien provisoire du privilège exclusif. — Organisation d’un service de voitures sur les grandes routes.)

7 août.

(Le droit d’établir sur les grandes routes des voitures publiques était en France l’objet d’une foule de petits privilèges particuliers, concédés ou affermés par le gouvernement. On y avait joint presque partout, le droit exclusif de voiturer les paquets au-dessous de cinquante livres. Turgot aurait désiré pouvoir détruire ces privilèges, mais il aurait fallu sacrifier un revenu nécessaire, et il était à craindre que l’établissement des voitures publiques sans privilèges ne se fit qu’avec lenteur, dans un pays où l’habitude d’en obtenir et celle de n’avoir presque jamais vu de commerce libre, fait exagérer la crainte de la concurrence. Ainsi, la réunion de tous ces privilèges à une régie dépendante du gouvernement, semblait une première opération nécessaire et d’autant plus utile que le ministère, en conservant le privilège exclusif, pouvait l’exercer avec douceur, et supprimer du moins les vexations qui en étaient la suite. Le nouveau plan procurait plus de célérité dans la marche des voitures, en multipliait le nombre, en diminuait les prix ; utile ou commode aux particuliers, il offrait des avantages réels au commerce, et cependant, il apportait quelque augmentation au trésor public. (Condorcet, Vie de Turgot, p. 87)

« Les entrepreneurs des anciens établissements, dit méchamment l’abbé Proyart, étaient tenus de procurer aux voyageurs la faculté d’entendre la messe les jours où il est de précepte d’y assister : la réforme des voitures entraîna celle des chapelains ; et les voyageurs en Turgotines apprirent à se passer de messe, comme s’en passait Turgot. » (Louis XVI et ses vertus aux prises avec la perversité de son siècle.)

« On a estimé que l’établissement de la Régie avait augmenté les revenus de 1 800 000 fr. C’est encore un des objets sur lesquels on a crié à la violation de la propriété.

L’intention de Turgot n’était pas de conserver dans la suite au Roi aucun privilège exclusif… Il savait que l’avantage d’une entreprise faite en grand et combinée avec l’établissement des postes lui donnerait les moyens de rendre libre ce genre de commerce et d’industrie…

Turgot n’a pas dirigé tous les détails de cette entreprise… Il trouvait dans la réunion aux postes l’avantage d’épargner, lorsque les messageries seraient bien montées, la dépense des courriers de la malle, au moins jusqu’à 30 lieues à la ronde autour de Paris…

Il voyait dans les messageries l’avantage de conduire avec rapidité les fonds du trésor d’une province à l’autre ou des recettes particulières au chef-lieu. Il se proposait de mettre toutes les postes à 4 lieues, comme dans le reste de l’Europe, et de donner aux maîtres des postes l’inspection des routes… Les maîtres jouissant alors d’un petit traitement et recevant le prix de la course double, auraient suffisamment gagné sur les chevaux à 20 sols ; les diligences moins chères eussent été plus employées ; le peuple eut profité de la moitié des exemptions des maîtres de postes…

La régie des messageries paraissait à quelques amis de Turgot n’être pas une opération au niveau des grandes vues qu’on lui connaissait… Mais une fois l’établissement achevé, l’État en aurait tiré 4 000 000 l. en augmentation de revenu ou en diminution de dépenses.

Les droits des anciens concessionnaires, pour lesquels les ennemis de Turgot cherchaient à exciter la pitié publique, avaient été scrupuleusement respectés… Leurs chevaux, voitures… leur furent achetés à toute leur valeur, plutôt augmentée qu’affaiblie…

Si ce n’eut été alors une espèce de mode, personne n’eut murmuré contre Turgot… » (Du Pont, Mém., 234 et s.) )

Le Roi, s’étant fait rendre compte des différents arrêts et règlements rendus pour l’administration des messageries, ensemble des concessions faites par les Rois ses prédécesseurs, de différents droits de carrosse et de quelques messageries ; S. M. a reconnu que la forme de régie qui a été adoptée pour cette partie ne présente pas à ses sujets les avantages qu’ils devraient en tirer ; que la construction des voitures, et la loi imposée aux fermiers de ne les faire marcher qu’à journées réglées de 10 à 11 lieues, est très incommode aux voyageurs qui, par la modicité de leur fortune, sont obligés de s’en servir ; que le commerce ne peut que souffrir de la lenteur dans le transport de l’argent et des marchandises ; que, d’ailleurs, cette ferme soumet les peuples à un privilège exclusif qui ne peut que leur être onéreux et qu’il lui serait impossible de détruire s’il continuait d’être exploité par des fermiers ; que, quoiqu’au moyen dudit privilège, cette ferme dut donner un revenu considérable, cependant l’imperfection du service en rend le produit presque nul pour ses finances ; S. M. a pensé qu’il était également intéressant, pour elle et pour ses peuples, d’adopter un plan qui, en présentant au public un service plus prompt et plus commode, augmentât le revenu qu’elle tire de cette branche de ses finances, et préparât en même temps les moyens d’abroger un privilège exclusif onéreux au commerce.

Pour y parvenir, S. M. a jugé qu’il était indispensable de distraire du bail des Postes les messageries et diligences qui y sont comprises, de retirer des mains de ceux qui en sont en possession, les droits de carrosses concédés par les Rois, ses prédécesseurs, de résilier tous les baux qui ont été passés pour leur exploitation, en assurant, tant aux fermiers qu’aux concessionaires, l’indemnité qui se trouvera leur être due.

S. M. désirant faire jouir ses sujets de tous les avantages qu’ils doivent tirer des messageries bien administrées, et se mettre en état de leur en procurer de nouveaux par la suppression du privilège exclusif attaché auxdites messageries, aussitôt que les circonstances pourront le permettre, a résolu de faire rentrer dans sa main, tant lesdits droits de carrosse que les messageries, qui font partie du bail général des Postes pour former du tout une Administration royale, de substituer aux carrosses dont se servent les fermiers actuels, des voitures légères, commodes et bien suspendues, d’en faire faire le service à un prix modéré, également avantageux au commerce et aux voyageurs ; enfin, d’astreindre les maîtres de poste à fournir les chevaux nécessaires pour la conduite desdites voitures, sans aucun retard et avec la célérité que ce service exige.

I. Les privilèges concédés par les Rois prédécesseurs de S. M. pour les droits de carrosses et de quelques messageries seront et demeureront réunis au Domaine de S. M. pour être exploités à son profit par l’Administration des diligences et messageries; et ce, à compter des jours qui seront fixés successivement pour les différentes routes par des arrêts particuliers.

II. Les baux passés par l’adjudicataire des Postes aux différents fermiers des messageries et diligences, de même que ceux faits par les engagistes, concessionnaires et autres possesseurs des droits de carrosses et messageries particulières, seront et demeureront résiliés, à compter desdits jours fixés pour les routes que concernent leurs baux.

III. Les dites messageries seront et demeureront distraites du bail général des postes et il sera tenu compte à l’adjudicataire, en déduction du prix de son bail, de la somme à laquelle se trouvent monter les prix des baux des messageries et diligences qui y sont comprises.

IV. Entend S. M. que les possesseurs des droits de carrosses soient indemnisés de la perte résultant de la suppression des engagements et concessions à eux faits, suivant la liquidation qui en sera faite par les Commissaires du Conseil que S. M. nommera pour procéder à ladite liquidation.

V. Entend également S. M. qu’il soit incessamment pourvu à l’indemnité qui pourra être due aux fermiers des messageries, diligences et carrosses, pour raison de ladite résiliation et des bénéfices qu’ils auraient pu espérer pendant le temps qui reste à courir de leurs baux, et ce, suivant la liquidation qui en sera faite par lesdits Commissaires du Conseil.

VI. À compter du jour qui sera fixé pour chaque route en particulier, il sera établi sur toutes les grandes routes du Royaume, des voitures à huit, six ou quatre places, commodes, légères, bien suspendues, et tirées par des chevaux de poste, lesquelles partiront à jours et heures réglés et seront accompagnées d’un commis pour la sûreté des effets.

Quant aux routes de traverse et de communication, S. M. se réserve de pourvoir à y établir le service des messageries de la manière la plus avantageuse au public.

VII. Se réserve également S. M., de fixer par Arrêt de son Conseil, le prix qui sera payé aux diligences qui seront substituées, par la nouvelle administration, aux carrosses, diligences ou messageries actuelles, soit pour les voyageurs, soit pour le port des hardes, argent, bijoux et effets.

3. Résultat du Conseil nommant le régisseur et fixant la rémunération des administrateurs.

[D. P., VIII, 15.]

7 août.

L’article I commet Denis Bergault pour la Régie.

L’article III accorde à chacun des administrateurs et cautions de Bergaud 6 000 l. par an pour droits de présence, plus un droit de remise de 3 deniers pour livre sur les premiers produits nets de 500 000 l., de 6 deniers pour livre sur les produits nets de 500 000 l. à 1 000 000 l., de 9 deniers pour livre sur les produits nets de 1 000 000 à 1 500 000 l. et de 1 sol pour livre sur les produits nets excédant 1 500 000 l.

L’article VIII exempte les administrateurs du droit de marc d’or.

4. Arrêt du Conseil nommant les administrateurs et réglant leurs attributions.

[D. P., VIII, 16.]

7 août.

(Complément de la décision précédente.)

5. Arrêt du Conseil réunissant à la régie le privilège des voitures de la Cour et des voitures de Saint-Germain.

[D. P., VIII, 16.]

7 août.

… Le Roi, par Résultat de son Conseil de ce jour, ayant jugé à propos de changer l’Administration des diligences et messageries par tout le Royaume, S. M. a pensé qu’il pourrait être utile pour son service et pour l’amélioration de ladite Administration, d’y réunir les voitures établies à la suite de la Cour, celles de Saint-Germain et les messageries en dépendantes.

Articles I et II. Réunion au domaine des privilèges de ces voitures à compter du 1er septembre 1776.

III. Les engagistes, concessionnaires ou fermiers de ces voitures seront indemnisés de la perte résultant de la suppression des engagements et concessions à eux faits, suivant la liquidation qui en sera faite par les Commissaires du Conseil que S. M. nommera pour procéder à ladite liquidation.

IV. L’Administration des diligences et messageries prendra pour son compte, d’après les inventaires et estimations à dire d’experts, qui en seront faits, les voitures, chevaux et ustensiles servant à l’exploitation des dites voitures de la Cour et messageries et seront les fermiers… payés du prix desdits effets, suivant la liquidation qui en sera faite par les Commissaires qui seront nommés à cet effet.

V. Il sera incessamment pourvu à l’indemnité qui pourra être due aux fermiers des voitures de la Cour, de celles de Saint-Germain et messageries qui en dépendent, pour raison de ladite résiliation, et des bénéfices qu’ils auraient pu espérer pendant le temps qui reste à courir de leurs baux et ce, suivant la liquidation qui en sera faite par les Commissaires du Conseil.

6. Arrêt du Conseil nommant les commissaires pour la liquidation de l’entreprise des voitures de la Cour.

[D. P., VIII. 22.]

7 août.

Ces commissaires furent : De Boullongne et Boutin, intendants des finances ; Du Four de Villeneuve, conseiller d’État ; Meulan d’Ablois, Raymond de Saint-Sauveur, De Colonia, Feydeau de Brou, maîtres des requêtes.

7. Arrêt du Conseil sur les tarifs des diligences et messageries.

[D. P., VIII, 19.]

7 août.

S. M., en réunissant dans sa main les Messageries qui faisaient ci-devant partie du bail des postes, et les droits de carrosses et de quelques messageries, possédés par différents particuliers, à titre d’engagement, concession ou autrement, s’est réservé de prescrire les règles à suivre pour l’administration desdites diligences et messageries, de déterminer les obligations de ladite administration envers le public et celles du public envers elle ; de fixer le tarif des prix à payer, soit pour les places dans lesdites diligences, soit pour le port des hardes, argent et autres effets. Elle a vu avec satisfaction que ledit établissement présente à ses sujets des avantages multipliés ; que, si la nécessité de conserver dans toute son intégrité les revenus qu’elle tire des diligences et messageries, s’oppose au désir qu’elle aurait eu de supprimer dès à présent le privilège exclusif qui leur est accordé, les principes qui seront suivis par la nouvelle administration, les commodités qui en résulteront pour les voyageurs et négociants, la célérité et le bas prix des transports devant lui assurer bientôt une préférence décidée, elle pourra, dès que ledit service sera entièrement et solidement établi et sans diminuer les revenus qu’elle tire desdites diligences et messageries, et ceux qu’elle doit en attendre, se livrer aux mouvements de son affection paternelle pour ses peuples et les soustraire audit privilège exclusif.

En attendant qu’elle puisse leur procurer la totalité des avantages qui doivent en résulter, il est de sa bonté de prendre les mesures les plus promptes pour en régler le service et pour faire jouir ses sujets des commodités qu’il doit leur procurer dès les premiers temps de son établissement. À quoi voulant pourvoir…

Le premier article abaisse le tarif des diligences de Lyon et de Lille.

Le second ordonne que, sur le prix des places ainsi abaissé, une retenue d’un sixième sera destinée à former une masse pour donner des gratifications aux maîtres de poste qui feront le service des diligences.

Le troisième défend de visiter aux barrières les voitures des messageries ; ordonne qu’elles le soient aux bureaux mêmes des diligences, sauf à les faire accompagner depuis la barrière par des employés.

Le quatrième les exempte des droits de péage, passade, traites foraines et autres.

Le cinquième et le sixième contiennent des dispositions réglementaires relatives au service des postes et à celui des rouliers.

Le septième astreint la Régie aux règlements du roulage, et confirme la portion des anciens règlements de messageries à laquelle celui-ci ne déroge pas.

Le huitième ordonne aux maréchaussées d’escorter les voitures de messageries dans les forêts, et à toute réquisition.

Le neuvième attribue la connaissance des contestations qui pourraient s’élever au lieutenant de police à Paris et aux intendants dans les provinces.

Le tarif et quelques autres règlements sont annexés à l’Arrêt.

8. Ordonnance portant règlement.

[D. P., VIII, 26. — Foncin, p. 278. — Anciennes lois Françaises, XXIII, 227-229.]

(Établissement de diligences légères sur toutes les grandes routes.)

12 août.

S. M. ordonne qu’à compter du jour qui sera fixé pour chacune des grandes routes du Royaume, il sera établi une ou plusieurs diligences, lesquelles partiront chargées ou non chargées et seront conduites par des chevaux de poste en nombre suffisant ; et, attendu que le nouveau service qu’elle juge à propos de confier aux maîtres de Poste leur assure un produit considérable et constant, S. M. ordonne :

I. — À compter du jour qui sera fixé pour chacune des grandes routes du Royaume il y sera établi, au lieu des voitures publiques actuellement en usage, des diligences légères, commodes, bien suspendues, à huit places, pour lesquelles il sera fourni par chaque maître de poste, qu’elles soient remplies de voyageurs ou qu’elles ne le soient pas, et lorsque la charge n’excèdera pas 18 quintaux poids de marc, six chevaux ; lorsqu’elle montera à 21 quintaux, sept chevaux, et à 24 quintaux, huit chevaux, lesquels seront payés aux maîtres de poste à raison de 20 sols par poste…

II. — Chaque diligence sera accompagnée d’un commis conducteur lequel sera porteur d’un billet d’heure, qui lui sera remis par le directeur de la diligence au lieu de départ. Ce billet sera rempli, de poste en poste, par les maîtres de poste, qui écriront l’heure de l’arrivée et celle du départ de la diligence, et y mettront leur signature. Ces mêmes billets seront encore visés des directeurs ou receveurs des diligences dans les lieux où il y en aura d’établis; et ce, afin d’assurer l’exactitude du service, qui doit se faire avec assez de célérité, pour que, dans les chemins les plus difficiles, les diligences puissent parcourir une poste dans l’espace d’une heure[2].

III. — Les maîtres de poste auront soin de tenir leurs chevaux prêts pour l’heure de l’arrivée des diligences, afin que le service n’éprouve aucun retard ; ils auront soin de même d’avoir de bons chevaux et des postillons en état de conduire ces voitures : S. M. déclarant qu’ils seront responsables des retards et des accidents qui pourraient arriver par leur faute ou celle de leurs postillons…

IV. — Les inspecteurs généraux des diligences et messageries seront chargés de l’examen des chevaux qui seront employés à ce service, et ils pourront réformer ceux qui ne sont pas en état de le faire.

9. Arrêt du Conseil sur la liquidation de l’entreprise des voitures de la Cour.

[D. P., VIII, 41.]

(Conservation aux créanciers des billets au porteurs souscrits par les fermiers.)

6 septembre.

Le Roi, ayant jugé à propos par Arrêt de son Conseil du 7 août de faire régir et administrer pour son compte le privilège des voitures à la suite de la Cour et celles de Saint-Germain et messageries en dépendantes, et d’ordonner que la nouvelle administration… prendrait pour son compte, d’après les inventaires et estimations, établies à dire d’experts, les meubles et immeubles, les voitures, chevaux, ustensiles servant à l’exploitation, à l’occasion de quoi, S. M. ayant été informée que les créanciers des associés à l’entreprise et au bail desdites voitures de la Cour, à qui il est dû par billets au porteur, auraient été alarmés de voir passer dans les mains de la nouvelle administration, des effets qu’ils ont toujours regardés comme le gage de leur sûreté ; S. M. a pensé qu’il était de sa justice et de sa bonté, de calmer les inquiétudes de ces créanciers et de venir à leur secours en leur assurant le paiement de leurs créances…

I. — Tous les créanciers… seront tenus de représenter, dans un mois… au Sr Rouillé de Marigny, caissier général des diligences et messageries… les billets au porteur souscrits solidairement par lesdits fermiers pour être visés et payés à leur échéance par ledit caissier, après toutefois qu’ils auront été reconnus par lesdits fermiers ; et ce, en déduction et jusqu’à concurrence des sommes que l’administration des messageries se trouvera devoir auxdits fermiers.

II. — Fait S. M. défense auxdits créanciers… de faire aucunes poursuites contre lesdits associés.

10. Circulaire aux Intendants sur la nouvelle administration des messageries.

[A. Calvados, C. 3051.]

(Envoi des Arrêt et Ordonnance intervenus. — Enquête sur les transports. — Réductions de prix par abonnements. — Les facilités accordées précédemment seront maintenues.)

Paris, 9 septembre.

Le Roi, ayant adopté un nouveau plan d’administration pour les diligences et messageries de son royaume, a rendu le 7 du mois dernier quatre Arrêts à ce sujet.

Par le premier S. M., réunit à son domaine tous les privilèges concédés par les rois ses prédécesseurs pour les droits de Carrosses, diligences et messageries, et prescrit la manière dont ces voitures seront servies à l’avenir. Par le deuxième, elle fixe le prix qui sera payé pour les places dans les voitures et pour les marchandises. Par le troisième, elle commet Denis Bergault pour la régie et administration des diligences et messageries. Par le quatrième, elle nomme les administrateurs qu’elle charge de veiller aux opérations de cette régie et par une Ordonnance du 12 du même mois, elle prescrit aux maîtres de poste le service qu’ils auront à faire pour cette régie.

S M. m’a ordonné de vous marquer que son intention est que ces lois soient publiées et affichées dans votre généralité ; il est bon de vous observer pour l’Ordonnance intéressant particulièrement les maîtres de poste qu’il est nécessaire que vous donniez vos ordres pour qu’elle soit affichée à la porte de chacun d’eux.

Je connais trop votre zèle pour le service du Roi pour n’être pas assuré de votre exactitude à exécuter ses ordres et de votre empressement à concourir à tout ce qui pourra faciliter un établissement qui, en donnant une nouvelle branche de revenu à l’État procure plus de commodités aux voyageurs et plus de célérité aux opérations de commerce.

Pour porter cet établissement au degré de perfection dont il en est susceptible et le rendre aussi utile au public que S. M. le désire, il me paraît nécessaire, que vous veuillez bien préparer et remettre à l’administrateur de tournée qui se rendra incessamment dans votre généralité et qui aura l’honneur de vous voir, les renseignements les plus détaillés qu’il vous sera possible de vous procurer sur les communications que les villes de votre généralité ont entre elles et avec la capitale, le nombre par approximation des voyageurs qui se servaient des anciennes voitures, la quantité de marchandises qu’on faisait transporter par cette voie sur les nouvelles diligences que vous jugerez nécessaires d’établir d’une ville à une autre, sur les avantages que le commerce en tirerait, la grandeur que devront avoir les voitures à établir proportionnellement au nombre des voyageurs qui s’en serviront, enfin tous les renseignements que vous jugerez propres à faciliter, accélérer et perfectionner un établissement que S. M. a jugé pouvoir concourir au bien de son peuple et du commerce.

Vous verrez que le Roi a pris, pour base de cette opération, le tarif accordé aux messageries et carrosses de voitures ; je n’ignore pas que les principaux négociants, les banquiers, les receveurs des deniers royaux avaient fait, avec les fermiers, différents abonnements à des prix inférieurs ; il n’a pas été possible de prendre ces abonnements pour base du tarif annexé à l’arrêt du 7 août, mais je me suis proposé d’autoriser l’Administration à maintenir ces abonnements, d’après le rapport qu’elle doit me faire des circonstances qui peuvent les rendre nécessaires ou utiles ; je vous serai obligé d’en prévenir les personnes intéressées.

P. S. — La lecture de ces Arrêts vous convaincra que l’intention de S. M. n’a point été d’aggraver l’exercice du privilège, qu’elle n’a voulu que le laisser subsister dans son état actuel, parce qu’elle l’a jugé nécessaire pour faciliter l’établissement de la nouvelle administration ; on a copié dans l’Arrêt du conseil servant de Règlement, les expressions des anciens Règlements sur l’étendue des privilèges accordés aux messageries ; mais l’intention du Roi n’est pas que ces privilèges soient exercés plus rigoureusement que par le passé et l’Administration a ordre de laisser subsister les adoucissements que l’usage avait introduits en divers lieux en faveur du commerce et des voyageurs. Ainsi, les choses resteront, quant à l’exercice du privilège, exactement dans le même état qu’elles étaient jusqu’à ce que l’établissement complet du nouveau plan et les avantages qui lui assureront toute préférence de la part du public mettent le Roi en état d’adoucir ou de supprimer, s’il est possible, les privilèges qu’elle a cru devoir quant à présent laisser subsister.

11. Arrêt du Conseil pour la mise en adjudication des fournitures.

[Cité D. P., VIII, 52.]

11 septembre.

(L’arrêt commet les administrateurs nommés par Arrêt du Conseil du 7 août, à l’effet de procéder à l’adjudication au rabais des fournitures nécessaires.)

12. Circulaire aux intendants leur annonçant la prise de possession par la régie de l’exploitation des carrosses, etc.

[A. Calrados, C. 3051.]

19 septembre.

(Cette prise de possession fut fixée au premier octobre.)

13. Arrêt du Conseil relatif aux objets remis aux anciennes messageries et non réclamés.

[D. P., VIII, 70.]

30 septembre.

(Ces objets devront être remis à la nouvelle administration qui paiera à l’ancienne les frais dus pour le port. S’ils ne sont pas réclamés par les expéditeurs ou destinataires dans les deux ans, ils seront vendus à l’enchère au profit du Roi.)

14. Arrêt du Conseil ordonnant aux préposés de l’administration des messageries de prêter serment.

[Cité D. P, VIII. 71.]

5 octobre.

(Le serment doit être prêté devant le lieutenant de police ou les intendants.)

15. Arrêt du Conseil réunissant au Domaine les privilèges des coches et diligences d’eau.

[D. P., VIII, 103.]

(Réunion motivée par le morcellement des exploitations.)

11 décembre.

Le Roi, étant informé que, par concessions particulières des Rois prédécesseurs de S. M., il a été établi, sur la plus grande partie des rivières et sur quelques canaux navigables du Royaume, des coches et diligences qui partent et arrivent à jours et heures réglés ; que ces voitures sont de la plus grande commodité pour le public et pour le commerce, par la modicité des prix fixés pour le port des marchandises et les places des voyageurs, mais que ces établissements pourraient encore se perfectionner si S. M. faisait rentrer dans sa main les privilèges en vertu desquels lesdites voitures ont été établies, et n’en formait qu’une seule exploitation, attendu les obstacles inséparables d’exploitations d’entreprises de cette espèce, que des particuliers surmontent difficilement, et qui s’aplaniraient d’eux-mêmes si lesdites voitures étaient dans la main d’une administration royale ; S. M. a pensé qu’il ne pourrait qu’être avantageux à ses peuples et à elle-même de prononcer ladite réunion et de confier l’exercice de tous lesdits privilèges à l’Administration des diligences et messageries, établie par Arrêt du 7 août dernier, en pourvoyant à l’indemnité qui pourra être due aux concessionnaires desdits privilèges et aux fermiers qui les exploitent ; que ladite administration, réunissant les coches et diligences d’eau à la partie dont elle est chargée, pourra les combiner de la manière la plus avantageuse, et qu’il lui sera facile de faire concourir à l’utilité publique et au bien de sa manutention générale, ces différentes entreprises qui, par leur division, ne peuvent que se nuire réciproquement. À quoi voulant pourvoir…

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[1] D’après la Correspondance Métra (5 août) le projet passa au Conseil « malgré Bertin et les autres contradicteurs de Turgot ». La création de la régie, dit le même nouvelliste (30 août) « a excité quelques mécontentements parmi cette espèce d’hommes toujours prêts à médire des ministres. M. Turgot n’en est pas moins actif à poursuivre ses projets de réforme et il montre qu’un grand homme doit s’occuper de faire le bien, sans espérer la moindre reconnaissance ».

À la date du 9 septembre, Métra signale que le nouvel établissement a beaucoup d’ennemis. « Cela ne surprend pas quand on sait que les anciens fermiers tenaient le plus grand état, recevaient beaucoup de monde, donnaient fréquemment des fêtes magnifiques et conséquemment avaient acquis un grand nombre de partisans. Une infinité de gens craignent de perdre les bons dîners qu’ils trouvaient chez Mme Herbert, chez M. de Chanteclair, etc. Tous les gens sensés désiraient depuis longtemps qu’un établissement dont l’Allemagne offrait l’exemple, fit succéder ici la célérité que peuvent procurer des relais placés de deux en deux lieues à l’insupportable lenteur de nos coches. Le prix des places sera moindre sur plusieurs routes et n’éprouvera sur d’autres qu’une légère augmentation inférieure aux frais d’auberge que l’accélération de la course économisera aux voyageurs. Le surplus du tarif est conforme, ainsi que ce qui concerne le privilège exclusif, absolument conforme au règlement approuvé par arrêt du 5 septembre 1760…

« Il est vrai que les fermiers des messageries se relâchaient souvent des droits qu’ils étaient autorisés de percevoir, mais nous devons également attendre des modérations et des facilités de la part d’une administration royale, ce qui est maintenant synonyme de paternelle, dans les occasions où le bien du commerce s’y trouvera intéressé…

« … L’établissement fait autant d’honneur au ministre qu’à l’homme de mérite — Bernard, ci-devant intendant général des Postes du Roi de Prusse — qui est chargé de son exécution…

« Tel homme qui, par l’établissement actuel, pourra épargner une partie de son revenu, et ce qui est aussi précieux, aller faire au loin des affaires utiles sans perdre en route un temps qu’il emploiera avantageusement ; cet homme raille de ce que le Roi s’est fait messager et se charge lui-même de le voiturer. »

[2] La poste était de 4 lieues.

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