Comment combattre le vagabondage et la mendicité ?

Pour résoudre la question du vagabondage et de la mendicité, disent Paul Leroy-Beaulieu, Arthur Raffalovich et quelques autres membres de la Société d’économie politique en 1889, il convient d’abord de déterminer précisément la nature du mal. Les individus sans travail, victimes d’accidents ou de maladies, et tombés ainsi dans le dénuement, forment en effet une catégorie bien différente des désœuvrés rétifs à tout travail, qu’on ne saurait sauver ou réhabiliter d’une quelconque manière. Ensuite, il est impératif de reconnaître que la solution tient tout entière dans l’initiative individuelle et la charité privée ; l’assistance publique généralisée, dont il a déjà été fait quelques essais, ne fait au contraire qu’envenimer le mal, le répandre, en proclamant d’avance une aide sans conditions et universelle.


Comment combattre le vagabondage et la mendicité ?

Société d’Économie Politique, réunion du 5 novembre 1889

(Journal des économistes, novembre 1889).

 

L’assistance choisit comme sujet de discussion une question proposée par M. A. Raffalovich, sous ce titre :

COMMENT COMBATTRE LE VAGABONDAGE ET LA MENDICITÉ ?

M. Raffalovich a été effrayé des tendances manifestées par plusieurs orateurs, au récent Congrès de l’Assistance publique, en matière de vagabondage et de mendicité. Il signale surtout un inspecteur général des services administratifs au Ministère de l’intérieur, proclamant le droit absolu à l’assistance et à la charité publique pour les hommes valides et capables de travailler comme pour les gens en état d’invalidité. 

Or, il est absolument déplorable de répandre parmi les indigents l’idée que l’État est fait pour secourir indistinctement toutes les formes de la misère.

M. Raffalovich fait appel, pour combattre le développement de la mendicité, à plusieurs moyens, dont le plus puissant est, selon lui, l’initiative individuelle.

Ainsi, dit-il, il faudrait que chacun de nous eût le courage d’imposer un refus impitoyable aux demandes des vagabonds urbains ou ruraux qui l’assaillent. On devrait se contenter de prendre le nom des quémandeurs et de les adresser à un bureau spécial qui aurait pour mission de centraliser les secours et d’en faire équitablement la distribution après s’être enquis avec soin des besoins et des antécédents des intéressés. Une organisation de ce genre existe en Amérique et elle fonctionne à la satisfaction générale, sous le titre de Charity Organization Association. On évite ainsi de donner à des individus non méritants et de gaspiller les ressources de la charité au profit de quelques-uns plus hardis ou plus habiles que les autres.

Les lois et la façon de les appliquer pourraient aussi venir efficacement au secours des situations les plus intéressantes. Il est certain que notre système actuel de répression du vagabondage, qui consiste à multiplier les courtes peines et à enfermer pendant quelques mois dans des prisons les misérables qui, une fois rendus à la liberté, se hâtent de retomber dans les mêmes fautes, est déplorable. En Allemagne, on a essayé d’un nouveau système qui paraît avoir donné de bons résultats. On a créé des colonies de travail, Arbeiter colonie. Au début, le vagabond est soumis à un travail très dur. S’il traverse à son avantage ce temps d’épreuve, alors on s’occupe de lui apprendre un métier qui, au sortir de la colonie, lui assure les moyens de gagner honorablement son existence. Des mesures ont été prises pour que les vagabonds ne puissent aller de colonie en colonie, comme ils le font en France de prison en prison. On sait, en effet, qu’une multitude de vagabonds se font arrêter pour un léger délit à l’entrée de l’hiver ; on les condamne à quelques mois de prison et, au printemps, on les rend à la liberté. C’est ainsi que l’on compte des récidivistes ayant à leur passif, trente, quarante, et même cinquante condamnations.

Il ne faut pas se dissimuler qu’il n’existe aucune panacée pour faire disparaître un fléau qui a toujours existé avec plus ou moins d’intensité et qui est, par sa nature même, réfractaire aux prescriptions légales. Mais on peut le restreindre, le contenir dans des limites tolérables. L’initiative privée peut beaucoup dans cet ordre d’idées. C’est aux sociétés de patronage, d’assistance, de secours mutuels, qu’il appartient de réduire au minimum un mal dont les progrès vont en s’accentuant tous les jours, et dont la guérison ne saurait être obtenue par aucun moyen radical.

M. Lallemand relève, lui aussi, les dangereuses doctrines soutenues au Congrès international de bienfaisance ; il montre la charité légale tendant à s’établir chez nous parce que la Direction de l’assistance en France ne sait pas se renfermer dans son rôle véritable. Elle devrait en effet seconder, diriger l’activité des commissions hospitalières sans chercher à faire tout absorber par l’État. Au point de vue de la mendicité qui, à la campagne surtout, impose des charges si lourdes aux cultivateurs, M. Lallemand demande la fusion des commissions locales (hospice et bureaux de bienfaisance), de manière à agrandir le champ de leur action et à leur permettre de venir plus efficacement en aide aux nécessiteux d’un vaste territoire. Cela réalisé, la charité privée travaillant de concert avec l’assistance officielle à secourir les infortunes véritables, on pourrait espérer diminuer le nombre des vagabonds et des mendiants de profession.

À l’heure actuelle, ils ne peuvent être condamnés que s’il existe dans le département un dépôt de mendicité. Or ces dépôts fonctionnent assez mal et l’individu enfermé sort au bout de quelques semaines ou de quelques mois sans amendement sensible. M. Lallemand voudrait, pour ces incorrigibles, la condamnation à une amende et l’envoi dans un asile spécial, l’internement devant durer autant de temps que le condamné n’aurait pas, par son travail, remboursé sa nourriture journalière, son amende, et acquis un petit pécule. On s’efforcerait ainsi de lui inspirer le goût, l’amour du travail, et il dépendrait de lui d’abréger sa détention par son habileté et son assiduité à l’ouvrage.

M. Thierry-Mieg est d’avis que si l’État, comme le soutiennent quelques personnes, a un devoir à remplir vis-à-vis des mendiants et des vagabonds parmi lesquels se recrutent si souvent les malfaiteurs, il a aussi un devoir à l’égard des honnêtes gens.

Il est partisan, pour son compte, d’une solution radicale, qui est en même temps la plus simple : elle consisterait à expédier au-delà des mers, aux colonies où, dit-on, les bras manquent, tous les vagabonds invétérés et récidivistes, qui veulent persister à vivre chez nous sans travailler. Là-bas peut-être, mis en possession de concessions de terres, considérés d’ailleurs comme des travailleurs libres, se décideraient-ils à une existence laborieuse et productive.

M. Paul Leroy-Beaulieu voudrait éviter de se laisser aller, a propos d’une question aussi délicate, à un excès de dureté ou à un excès de tendresse à l’égard des mendiants et vagabonds.

D’abord, il rappelle que le système indiqué par M. Thierry-Mieg n’est pas nouveau ; sous Louis XIII, du temps de Richelieu, on transportait en masse au-delà de l’Océan, pour peupler et coloniser le Canada et la Louisiane, des milliers de malheureux ramassés de force dans les grandes villes.

Ce système a duré jusqu’aux dernières années du XVIIIe siècle. La police faisait exécuter, à certaines époques de l’année, de grandes rafles sur les routes et dans les quartiers suspects des villes. Les individus qui ne pouvaient justifier de leurs moyens d’existence et dont le passé judiciaire ne laissait aucun doute sur leur moralité, étaient dirigés sur les ports et expédiés aux îles, comme on disait alors. L’abbé Prévost a tracé dans Manon Lescaut le tableau pittoresque d’une de ces scènes d’embarquement. L’expérience n’a pas réussi. En dépit des rafles répétées, la police n’est pas parvenue à débarrasser les campagnes des vagabonds qui les infestaient et le sol de nos colonies n’a pas été fécondé par l’envoi de vagabonds et de paresseux invétérés. Depuis lors, diverses tentatives ont été faites pour revenir à ce système.

La loi sur les récidivistes devait, au dire de ses auteurs, produire des résultats merveilleux au double point de vue de l’assainissement moral de nos campagnes et de l’amélioration de nos colonies. Il n’en a rien été : les statistiques officielles le prouvent. Cette loi n’est déjà plus appliquée, ou du moins n’est plus appliquée strictement. Deux motifs ont contribué à ce demi abandon : d’une part, on a reculé devant l’énormité des charges qu’elle impose au Trésor et, de l’autre, on a reconnu que les peines qu’elle édicte étaient hors de proportion avec les délits commis. Sans doute, M. Leroy-Beaulieu ne se sent pas la moindre tendresse pour les vagabonds qui, il le reconnaît, sont devenus la plaie des campagnes. Ainsi, dans un pays fort riche, en Normandie, il est à la connaissance de M. Leroy-Beaulieu qu’un domaine, situé sur une route fréquentée, reçoit tous les jours la visite de quarante, cinquante et même soixante vagabonds à chacun desquels on a l’habitude de donner un sou. On a dû, en outre, construire un hangar destiné à loger ces hôtes incommodes et parfois exigeants. De là une gêne, une dépense et même un danger, car parfois il arrive que les vagabonds se livrent à de véritables déprédations sur les moissons ou sur les animaux des fermes. Mais beaucoup de ces vagabonds sont inoffensifs ; ils se contentent de flâner sur les routes et de demander l’aumône plus ou moins ostensiblement. Traiter ces hommes en criminels, les appréhender au corps, le condamner à un exil perpétuel sous un ciel souvent inclément, n’est-ce pas contraire à l’humanité et à la justice ? Il faut cependant maintenir l’échelle des peines entre le crime et le délit. Parce qu’un homme n’a pas de domicile fixe et qu’il ne se sent que des dispositions modérées pour le travail, il ne s’ensuit pas qu’il faille le traiter comme un voleur ou un meurtrier. On lui reproche de n’avoir pas de foyer. Il pourrait répondre qu’il ne demanderait pas mieux que d’en avoir un, mais que ce n’est pas en le roulant de prisons en prisons qu’il arrivera à édifier un toit….

C’est un travers de notre époque, ajoute M. Paul Leroy-Beaulieu, de croire que l’on peut, d’un seul coup, automatiquement, faire disparaître d’un trait de plume des misères et des inconvénients sociaux qui sont inhérents à l’humanité. La croyance qu’une infirmité humaine va totalement disparaître et surtout que sa disparition va être l’effet d’une organisation en quelque sorte automatique est une des illusions de notre époque. De tous temps, sous toutes les latitudes, dans toutes les civilisations, on a reconnu des hommes que leurs vices ou leurs infirmités condamnaient à une vie précaire et misérable. Et on s’imagine que notre génération aura raison en un clin d’œil de toutes ces difficultés séculaires. À l’heure actuelle, la direction de l’Assistance publique est entre les mains d’un homme rempli de zèle et d’idées généreuses. On a, dans les Chambres ou ailleurs, entre autres projets, mis à l’étude un système d’assistance publique dans les campagnes, qui aurait, entre autres avantages, paraît-il, celui de couper court au vagabondage, puisque tous les malheureux seraient recueillis et hébergés. Mais, d’abord, il y a-t-il autant de misères qu’on veut bien le dire, dans les campagnes ? Sans doute, la vie y est pour beaucoup rude et pénible ; mais, en somme, le paupérisme y est inconnu. On s’aide entre soi. Les mendiants ne sont donc presque jamais des ruraux, mais bien des citadins qui, soit paresse, soit par impossibilité, ne trouvant plus à travailler dans les villes, s’en vont sur les routes en quête d’aventures.

Avant de vouloir guérir le mal, il importe d’en bien déterminer les causes. Or, la misère et le vagabondage, qui en est la conséquence, proviennent de trois causes : l° les accidents naturels ou professionnels ; 2° l’hérédité ; 3° les vices propres aux individus. On peut quelque chose en faveur des individus compris dans les deux premières catégories, mais ceux de la troisième paraissent réfractaires à toute méthode curative. En ce qui touche les accidents et les maladies, la société, en tant que milieu plastique et en dehors de tout organisme gouvernemental, a beaucoup fait. Dans toutes les grandes exploitations industrielles, il existe, ou l’on est en train de créer des caisses de secours pour parer aux frais d’accidents et de maladies ; les sociétés de secours mutuels, de prévoyance, etc., font aussi leur œuvre. Notre Exposition en a fourni plus d’une preuve.

La société a aussi beaucoup fait en faveur des petits malheureux que l’exemple de leurs parents semblait devoir condamner au vice. Les institutions en faveur de l’enfance pervertie ou abandonnée sont très nombreuses, et l’on ne peut que souhaiter leur développement. Tout cela peut être perfectionné, étendu, complété.

Reste la catégorie des malheureux que leurs vices ont conduits au dernier degré de la misère. Ceux-là, il faut avoir le courage de l’avouer, sont, pour la plupart, incurables. Ils se complaisent dans la paresse ou dans l’ivrognerie, et rien ne les fera sortir de cet état de décrépitude morale. Ils ne travaillent pas, tout simplement parce qu’ils ne veulent pas travailler.

L’orateur cite, à ce propos, les curieuses expériences faites par M. Mammoz ; il s’était entendu avec un certain nombre de commerçants et d’industriels, qui lui avaient promis d’embaucher à 2 francs par jour les individus valides qu’il leur enverrait. Un grand nombre d’individus se présentèrent chez M. Mammoz, qui les dirigea sur les maisons convenues. Or, la moitié de ces prétendus pauvres ne se rendit pas à ce travail ; sur l’autre moitié, beaucoup se contentèrent de faire une demi-journée pour empocher un franc et ne revinrent plus. En résumé, un à peine sur dix de ces malheureux à la recherche d’une occupation était encore à l’ouvrage trois jours après leur présentation.

Est-ce à dire, continue M. Leroy-Beaulieu, qu’il faille se décourager et renoncer à améliorer une situation qui paraît si rebelle aux efforts des hommes de bonne volonté ? Nullement. L’initiative privée peut beaucoup

Mais ce que redoute par-dessus tout M. Leroy-Beaulieu, c’est l’intervention de l’État, c’est une organisation bureaucratique et pour ainsi dire automatique, qui ne saurait qu’envenimer le mal.

Il montre alors comment les meilleures intentions du monde peuvent produire de déplorables résultats. Ainsi, des âmes charitables ont eu l’idée de créer des asiles de nuit. Rien de plus humain que cette combinaison, qui permet à de pauvres diables n’ayant plus de domicile de se réconforter, de reprendre pied, et de trouver aide et protection. Mais, au lieu d’un ou deux des asiles de ce genre, voilà qu’on les multiplie.

En même temps, on créait l’œuvre de la « Bouchée de pain », qui assure pour un jour ou deux la nourriture aux malheureux. Le Conseil municipal de Paris, pour faire concurrence à des institutions qu’il soupçonnait de cléricalisme, a, de son côté, fondé d’autres Asiles de nuit. Il en résulte que cette institution, si utile à ses débuts, a pour résultat de favoriser le vagabondage et la paresse. Pourquoi l’homme travaillerait-il pour se procurer le gite et la nourriture ? Il en sera toujours ainsi quand on voudra remédier à un mal social par une règlementation officielle et une organisation automatique.

En pareille matière, il faut se garder des utopies et ne pas viser trop haut. Espérer supprimer le mal est une utopie. À l’initiative privée, avec sa merveilleuse souplesse, aux sociétés de patronage, avec leur diversité de moyens et leurs combinaisons multiples qui se prêtent aux besoins les plus variés, appartient la mission d’atténuer le mal, de l’endiguer et d’empêcher qu’il ne devienne un véritable fléau pour la société.

Le patronage, dont le nom seul a effrayé et effraie encore quelques personnes, mérite d’être réhabilité. Il ne fournit pas la « solution », puisqu’il n’y en a pas ; mais il peut seul amoindrir cette misère et en restreindre l’étendue.

M. Adolphe Coste pense, comme M. Leroy-Beaulieu, que la question ne peut pas être résolue par des considérations purement économiques, et qu’il y aurait avantage à l’envisager aussi au point de vue de la pathologie mentale. Sans doute, il y a aujourd’hui une tendance exagérée à rapporter tous les crimes et tous les délits à des influences pathologiques, mais, sans tomber dans cet excès, on peut dire qu’un très grand nombre de vagabonds sont des infirmes du cerveau.

L’orateur croit qu’il y a une distinction très grande à faire entre les vagabonds des villes, les souteneurs ou autres misérables, et les vagabonds des campagnes. Les premiers sont actifs, violents, dangereux, ils ont des besoins exigeants et s’ingénient à les satisfaire par des moyens criminels ou inavouables ; entre eux et les malfaiteurs, la ligne de démarcation n’est pas tranchée ; ils méritent toute la sévérité des lois. Quant aux vagabonds des campagnes, ils semblent présenter en général un autre caractère : ils sont avant tout fainéants et réfractaires au travail ; leur incapacité pour une tâche soutenue est essentielle. Plutôt que de travailler, ils préfèrent vivre dans la misère la plus sordide, se contentant de quelques morceaux de pain qu’on leur donne, des mauvais fruits qu’ils cueillent le long des routes, des pommes de terre et des racines qu’ils glanent au bord des champs et qu’ils font cuire sur un foyer improvisé, dans quelques vieille boîte à conserves. Ces prétendus voyageurs ont quelquefois des allures assez effrayantes ; ils ne mendient pas, ils réclament un secours de route et répondent avec insolence à qui le leur refuse ; ils sont d’autant plus impérieux qu’ils ont affaire à des femmes seules dans des chaumières écartées : les femmes les redoutent beaucoup et tous les propriétaires s’en plaignent. Néanmoins, il faut bien le reconnaître, ces vagabonds sont rarement des malfaiteurs. M. Coste séjourne fréquemment dans une ferme du centre de la France, dans le département du Loiret : la ferme est en pleine campagne, elle est assaillie de quémandeurs nomades, le maître de la maison ne leur donne jamais rien, il réserve toutes ses charités pour les pauvres du pays ; eh bien, malgré les murmures et même les menaces révolutionnaires qui suivent les refus de secours, jamais un méfait ne s’en est suivi : ni vol, ni incendie, ni violences. La même observation s’applique à tout le canton.

D’une manière générale, il faut bien reconnaître, en étudiant les belles statistiques judiciaires de M. Yvernès, que, si le nombre des prévenus de vagabondage a triplé depuis trente ans, les vols avec ou sans violences sur les chemins publics et le maraudage ont diminué de plus de moitié durant la même période. Il semble qu’il y ait ici la démonstration que les vagabonds de campagnes sont plus effrayants que dangereux, et qu’ils n’ont pas plus le courage du crime qu’ils n’ont le courage du travail.

Dans de telles conditions, quelle serait l’efficacité des remèdes proposés par MM. Lallemand et Thierry-Mieg ? Bien faible, d’après M. Coste. Il est difficile de condamner sévèrement des hommes qui ne sont pas des malfaiteurs, il est improbable qu’on réussisse à leur inculquer l’aptitude au travail qui leur fait défaut. Quant à la relégation dans les colonies, il est bien évident que le travail des relégués serait beaucoup moins productif que la relégation ne serait coûteuse.

Le vagabondage, comme l’a fort bien dit M. Leroy-Beaulieu, a existé de tout temps et dans tous les pays. Il accuse un déchet social, et ce déchet paraît s’être accru notablement depuis trente ans, par suite peut-être de la dégénérescence des descendants de parents alcooliques. Quoique l’alcoolisme n’existât pas dans les siècles précédents, il y avait néanmoins de nombreuses dégénérescences dues à des causes diverses. L’Église était jadis venue à bout d’assister et d’enrégimenter la plupart de ces malheureux insuffisamment doués. Les ordres mendiants comptaient un certain nombre d’hommes intelligents et énergiques qui encadraient un grand nombre d’incapables. Peut-être faudrait-il s’inspirer d’un tel exemple pour chercher un remède au vagabondage.

Sans doute, il faut ramener au travail par les procédés les plus efficaces tous ceux qui n’en sont pas foncièrement incapables, mais il y a lieu de craindre qu’on ne finisse toujours par se trouver en face d’un caput mortuum irréductible, et alors il faudrait le soumettre, comme l’a dit aussi M. Leroy-Beaulieu, à une sorte de patronage et de tutelle. M. Coste, en tous cas, se rallie pleinement au système préconisé par M. Arthur Raffalovich concernant la coopération de charité. Il est d’avis qu’après avoir organisé la charité syndicale, nous devrions renoncer aux aumônes individuelles, toutes les fois du moins que nous n’exerçons pas sur les assistés une surveillance et un patronage personnel.

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