Oeuvres de Turgot – 167 – La mendicité

1774

167. — MENDICITÉ

Lettre à l’évêque de Fréjus (De Beausset de Roquefort). 

[Bibliothèque d’Aix, ms 834.]

(Demande d’une statistique des biens destinés à la subsistance des pauvres).

Versailles, 18 novembre.

Sur le compte qui a été rendu au Roi, M., des inconvénients qu’occasionne la mendicité et des différents moyens qui ont été employés pour la détruire, S. M. a jugé qu’elle ne pouvait être proscrite avec justice et succès, qu’autant qu’il serait en même temps pourvu à la subsistance des mendiants, soit par des salaires offerts à ceux qui sont en état de travailler, soit par des fonds assurés, à ceux dont l’âge ou les infirmités ne leur permettent pas de subsister du travail de leurs mains.

Pour remplir des vues aussi dignes de la religion et de la bonté de S. M., elle a premièrement ordonné qu’il fût ouvert des ateliers de Charité dans les différentes provinces du Royaume, et elle a désiré en même temps de connaître tous les fonds qui étaient destinés à la subsistance des pauvres, afin de les consacrer entièrement à leur destination et de suppléer en cas de besoin à leur insuffisance.

J’ai écrit, en conséquence, par l’ordre du Roi, à MM. les Intendants. Je les ai priés de m’envoyer des états des biens des hôpitaux, hôtels Dieu, maladreries, et celui des fonds de charité de chaque Paroisse, soit qu’il y ait des hôpitaux, soit qu’il n’y en ait pas ; et je leur ai recommandé de distinguer avec soin, dans ces états, les biens qui auraient été unis à des hôpitaux voisins ou éloignés, et ceux qui en seraient restés séparés. Ces diverses connaissances sont absolument nécessaires pour retirer les hôpitaux de l’état de détresse auquel le plus grand nombre est réduit, pour consacrer au soulagement des pauvres de chaque Paroisse les biens que la piété des fidèles y a destinés, et enfin, pour empêcher que les grands établissements qui peuvent être autrement secourus, n’absorbent tous les secours particuliers qui ne sont jamais mieux employés, que lorsqu’ils sont plus divisés, et distribués sur les lieux mêmes où la misère se fait sentir.

S. M. m’a ordonné en même temps, M., de vous écrire, et elle compte que vous voudrez bien procurer à MM. les Intendants, et à leurs subdélégués, toutes les instructions dont ils peuvent avoir besoin et que vous donnerez à cet effet les ordres nécessaires à ceux qui dépendent de vous ; vous voudrez bien surtout, M., faire sentir aux administrateurs des hôpitaux et aux curés qu’ils doivent se porter avec zèle et confiance à donner les éclaircissements qu’on leur demande, puisqu’ils tendent au soulagement des pauvres dont les intérêts leur sont confiés, et dont les malheurs intéressent également la religion et l’humanité.

Le Roi se fait un devoir de ne rien omettre de ce qui peut dépendre de lui pour prévenir ou abolir la mendicité dans ses états. S. M. compte aussi que vous ne négligerez rien pour concourir à ses vues. Je serai encore plus à portée de les remplir si vous voulez bien me faire part incessamment de vos réflexions tant sur l’état actuel de la mendicité, et les remèdes qu’il convient d’y apporter, que sur les différents établissements faits en faveur des pauvres dans votre diocèse, leurs avantages, leurs défauts, et les moyens de les conduire à leur perfection.

J’aurai l’honneur de remettre vos observations sous les yeux de S. M. dès que je les aurai reçues, et je vous prie d’être persuadé de mon empressement à profiter de vos lumières.

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