Études sur les traités de commerce

Études sur les traités de commerce, par Théodore Fix (Journal des économistes, novembre 1843)


ÉTUDES SUR LES TRAITÉS DE COMMERCE.

Le droit des gens a été fondé en Europe principalement par les traités de paix de Westphalie, des Pyrénées, de Nimègue, de Ryswick, d’Utrecht, de Vienne, d’Aix-la-Chapelle, etc. Les traités antérieurs à ceux d’Osnabrück et de Münster n’ont plus aujourd’hui d’importance sérieuse pour l’étude du droit des gens et des rapports internationaux, à moins qu’on ne se place au point de vue historique, pour les considérer dans leurs relations avec les événements dont ils ont été la conséquence et le dénouement. Dans le droit des gens qui s’est ainsi successivement développé, quoique basé sur des faits, il faut néanmoins admettre l’infiltration des idées théoriques, qui elles-mêmes prennent leur source dans les principes généraux du droit naturel.

Dans un temps où l’on n’avait que des notions incomplètes sur l’accroissement des richesses publiques, où certains éléments de la prospérité étaient totalement ignorés, et où enfin on croyait que la puissance d’un État ne se développait que par les armes et la conquête, on ne s’occupait que médiocrement, dans les traités de paix, des relations commerciales de peuple à peuple. Ces intérêts-là étaient généralement relégués sur le second plan ; souvent ils étaient méconnus et même abandonnés. Comment en effet, après de longues et sanglantes luttes, stipuler pour le commerce, quand ce commerce n’existait plus, et quand des rapports naissants étaient étouffés dans leur germe ? Aussi, dans les traités de paix que nous avons cités, les intérêts commerciaux n’occupent qu’un rang subordonné, et celui d’Utrecht est le seul qui porte le titre de traité de paix et de commerce. Ce n’est cependant pas à dire que, durant la période où le droit des gens s’est laborieusement dégagé des empreintes et des traditions féodales, le commerce n’ait donné lieu à aucune transaction diplomatique spéciale ; on trouve un certain nombre de traités qui règlent les intérêts mercantiles de plusieurs peuples de l’Europe. Mais ces stipulations sont toujours restées dans les limites étroites des convenances du moment ; elles n’étaient fondées sur aucun principe généralement reconnu, sur aucune théorie qui eût de l’affinité avec celle que le droit des gens commençait à revêtir. Ces traités ne faisaient ordinairement qu’atténuer les effets désastreux des mesures fiscales, des monopoles et des privilèges, ou ils créaient à leur tour des monopoles et des privilèges, et donnaient peut-être une sécurité que, sans eux, on n’aurait pas pu obtenir. Mais, encore une fois, il n’y avait rien dans tout cela qui aurait pu offrir les bases d’un droit public commercial ; ce n’est que beaucoup plus tard que des traités de cette nature ont conduit à la fixation de quelques principes en matière de commerce extérieur et de navigation, principes qui ont été admis par la plupart des peuples civilisés. Mais cet assentiment universel a eu beaucoup de peine à s’introduire et à prendre rang parmi les préceptes du droit public, et aujourd’hui encore, plusieurs questions fort importantes se rattachant au commerce international sont indécises, ou diversement interprétées dans la pratique.

Le droit commercial proprement dit existait déjà chez certains peuples de l’antiquité, mais il était plus particulièrement destiné à régler les rapports intérieurs. Pour le commerce extérieur, les mesures étaient arbitraires ; chaque État créait, dans son intérêt bien ou mal entendu, des usages, s’en référait aux traditions, et les précédents même n’avaient pas toujours une grande autorité dans les transactions mercantiles ou dans les décisions à intervenir dans les questions litigieuses. La lex Rhodia de jactu paraît avoir reçu quelques applications chez les Romains ; cependant la loi civile leur suffisait dans la plupart des cas pour résoudre les difficultés. Cette loi, d’ailleurs, comme celles qui se produisirent plus tard en Italie, avait un but spécial et déterminé. Elle ne recevait son application que dans l’intérêt des nations qui l’avaient mise en vigueur. À une époque où le droit des gens n’était point encore déduit de la loi naturelle, on ne devait même pas songer à donner à de semblables institutions un caractère d’universalité en les fondant sur autre chose que sur un intérêt local et souvent passager. Le recueil intitulé Consolato del mare, les Tables amalfitaines, le Legisterium Sueciœ, la Collection de Wisby, les Coutumes d’Oléron, la Justitia lubecensis, et beaucoup d’autres monuments postérieurs sur le droit maritime et commercial, avaient un but analogue, tout en contenant des règles assez nombreuses relatives au commerce international et au mouvement maritime des peuples. Ces règles marquent l’origine d’une sorte de droit commercial en Europe ; elles favorisèrent aussi la conclusion de quelques traités de commerce, qui devinrent à leur tour un moyen de corroborer et de développer ce droit. Il est vrai que dans ces transactions le fait dominait invariablement, et les stipulations de cette nature n’avaient ni une base fixe, ni des principes généralement admis. Les traités de commerce ont de tout temps été des actes d’exclusion ; en concédant des avantages à une nation, il fallait frustrer les autres peuples de ces mêmes avantages, restreindre les relations avec plusieurs pour les cimenter avec un seul, créer des monopoles et des privilèges au détriment de la masse, et se soumettre enfin très fréquemment aux circonstances du moment. L’organisation économique de chaque pays excluait d’ailleurs l’uniformité dans la rédaction des traités de commerce, et ce n’est guère que sur les points qui tenaient essentiellement à la sûreté des transactions qu’on est parvenu peu à peu à établir des règles communes. Cette même organisation fera que pour longtemps encore les traités de commerce seront une nécessité. Ils marquent la transition entre une situation arbitraire et souvent violente, et le règne d’un droit public commercial où il y aura unité de principes dans presque toutes les questions qui se rattachent à la navigation maritime et au négoce étranger. On a fait, dans le siècle dernier, des pas rapides vers un pareil état de choses, et l’époque actuelle, qui consacre pour ainsi dire l’empire du commerce et de l’industrie, contribuera à cet heureux dénouement.

Il est à la fois curieux et instructif de passer en revue les nombreuses vicissitudes avec lesquelles le commerce extérieur des nations actives et entreprenantes a eu à lutter, de voir combien il a dû surmonter d’obstacles pour conquérir une existence stable dans le monde, et arriver enfin à cette puissance et à ce prodigieux développement que nous lui voyons aujourd’hui. L’étude des traités nous révèle jusqu’à un certain point les phases laborieuses traversées par le commerce, ses luttes incessantes, et cette indestructible vitalité qui lui est définitivement acquise.

Les traités de commerce ont été précédés par l’octroi de privilèges, par des immunités et des avantages accordés à des individus ou à des corporations. On trouve des traces de ces privilèges même dans l’époque barbare antérieure aux croisades, et naturellement dans le temps où le contrat synallagmatique entre les souverains, pour de semblables objets, n’était point encore connu. Mais dans ces temps la rançon était presque toujours le corollaire du privilège. Le commerce extérieur n’existait qu’à l’état d’exception ; on n’en connaissait ni les ressorts ni les résultats, et il ne se faisait en général que par quelques hardis aventuriers.

Longtemps avant les croisades, le commerce avec l’Orient avait à lutter contre les tendances, et souvent aussi contre l’avidité des papes et de l’Eglise. En 820, Léon V força les Vénitiens de renoncer à toute relation avec les infidèles, et il était défendu aux habitants de la Cité de passer en Égypte ou en Syrie. Cette défense sans doute ne fut pas rigoureusement observée, pas plus que l’ordre émané de Don Jean ler en 972, et confirmé par le pape qui défendait aux Vénitiens, sous peine d’une amende de cent livres d’or, de vendre aux Sarrasins des bois de construction, des armes, des planches, etc. Le troisième concile de Saint-Jean de Latran renouvela inutilement la défense en 1179. Les marchands de Barcelone surtout ne tinrent aucun compte de ces divers décrets, et le roi Jacques Ier fit, en 1250, publiquement un traité de commerce avec le soudan d’Égypte par l’intermédiaire de ses envoyés Ramon Ricart et Bernardo Porter. L’histoire des infractions continuelles et des défenses aussi continuellement renouvelées présente une lutte curieuse entre les papes et les peuples qui alors trafiquaient avec l’Égypte et la Syrie. Les pontifes Clément V et Jean XXII furent plus rigoureux que leurs prédécesseurs ; mais ils se réservèrent de vendre des licences, et le dernier envoya même des ambassadeurs avec de riches présents à Alexandrie, à l’effet d’obtenir certains privilèges pour les chrétiens établis dans cette ville, et avec l’offre d’accorder aux musulmans qui se trouveraient dans les pays francs les mêmes prérogatives. Les Vénitiens et les Génois profitèrent particulièrement des licences ou pour mieux dire des indulgences que les papes vendirent à des sommes souvent exorbitantes. Lorsque Nicolas Zeno, envoyé de Venise, conclut un traité de commerce avec le soudan, Clément VI ne refusa pas de le ratifier, en en limitant les effets à cinq ans, et moyennant une somme fort élevée. Son successeur, Innocent VI, consentit à une prolongation en exigeant 9 000 ducats, que les Vénitiens payèrent sans difficulté. Pierre IV, roi d’Aragon, fut moins soumis ; il se moqua du pape, et vendit les licences pour son propre compte, après avoir conclu, en 1386, un traité avec le soudan Barkouk Daher[1].

Les souverains musulmans facilitèrent au contraire souvent le commerce avec les Francs. Il y avait en Égypte, pendant tout le Moyen âge, trois ports qui étaient spécialement fréquentés par les Européens : Alexandrie, Damiette, et le Caire dans l’intérieur. Alexandrie servait d’entrepôt aux marchandises de l’Inde ; Aden était un second point intermédiaire que les navires indiens ne dépassaient jamais. Immédiatement après la première croisade, Constantinople acquit une grande importance commerciale. Les Vénitiens obtinrent dans cette capitale un quartier pour y établir leurs magasins, et une corporation avec des agents consulaires. Les Pisans, les Amalfitains, les Génois et les Barcelonais, ne tardèrent pas à se placer dans des conditions analogues. En Syrie, les Vénitiens occupaient le tiers de la ville de Ptolémaïde, le second tiers appartenait aux Génois, et le troisième tiers était habité par d’autres Italiens et par les indigènes. En raison des interdits dont les papes frappaient le commerce avec les Ottomans, on avait aussi cherché, dans les relations avec l’Orient, à éviter leur territoire, et cela donna lieu à des traités et à des établissements consulaires. Depuis longtemps des caravanes remontaient l’Indus et allaient dans la grande Boukharie ; de là elles se rendaient sur la mer Caspienne pour atteindre ensuite le Volga et Astrakan. Lorsqu’on abandonna cette route commerciale, les Vénitiens et les Génois conclurent, en 1333 et 1347, des traités avec les khans mogols de Kaptchak et les Usbecks. En vertu du premier, ils payèrent un droit de transit de 3% de la valeur, et par le second de 5%. Ils avaient ensuite à l’embouchure du Don, à Tana (Azow), des entrepôts pour la sécurité desquels ils avaient obtenu, dès la fin du douzième siècle, plusieurs privilèges. Cependant cette route ne fut pas la seule ; on établit aussi la navigation sur le golfe Persique ; on remonta le Tigre, et l’on transporta ensuite les marchandises sur des bêtes de somme jusqu’à Tauris, où les Vénitiens avaient de grands entrepôts sous la protection des souverains mogols ; de Tauris les marchandises se dirigeaient vers l’Asie Mineure, dans les ports de la mer Noire, et particulièrement à Trébizonde et à Erzeroum. Une autre ligne, qui avait pour point de départ Tauris, se dirigeait vers Lajazzo, dans l’Arménie occidentale, sur la frontière de la Cilicie. Outre les Vénitiens, les Génois, les Siciliens et la maison florentine Bardi, qui avaient dans cette ville des entrepôts, les Pisans, les Marseillais et les Barcelonais y firent aussi des affaires considérables. Dans la Caramanie, quoique ce pays appartînt aux Turcs, les Génois obtinrent, en 1201 et en 1215, un quartier spécial avec une église et une juridiction propre. En 1219, Venise fit un traité de commerce et de navigation avec le sultan Saladin ; et douze ans plus tard elle fit une semblable transaction avec le sultan d’Alep, moyennant un droit de 10% sur toutes les marchandises qui passeraient par cette ville. Il y eut, surtout dans les ports de la Méditerranée, de nombreux exemples de comptoirs dont les possesseurs avaient une juridiction propre. Les Génois jouissaient même, dans la plupart des ports de la Provence, d’une prépondérance marquée. D’un autre côté, ils avaient obtenu, pour l’appui donné aux Gibelins, un très grand privilège de l’empereur Frédéric Ier : ils se servaient, dans tous les ports de mer où ils avaient des comptoirs, des poids et mesures de leur ville natale. À Naples, leurs magasins étaient désignés par le nom d’apothicaireries, et les marchands en gros eux-mêmes, par celui d’apothicaires. Toutes ces immunités et ces titres ne s’obtenaient que par des transactions qui variaient dans les termes et dans les conditions[2].

Pendant que le commerce cherchait ainsi à s’organiser dans la partie méridionale de l’Europe, un mouvement analogue se manifesta dans les ports de mer du Nord ; il prit naissance entre le Weser et la Duna. Ici encore le christianisme fraya le chemin au commerce et à l’industrie, et sous son égide s’élevèrent une foule de villes florissantes qui devinrent plus tard le principal élément de la Hanse germanique. On vit alors Lubeck, Dantzick (Gedaniz), Brême, Cologne, Dordrecht, Anvers, Bruges, prospérer rapidement. Ces deux dernières villes devinrent les entrepôts et les points d’échange du commerce hanséatique et de celui du Midi. Cologne était le pivot entre la Hanse et l’Angleterre, et eut de fréquentes relations avec Londres, Exeter, Winchester, Durham, Worcester et Glocester. Les marchands de Cologne avaient leurs magasins principaux à Londres, où on leur conféra, dans le treizième siècle, de nombreux privilèges : leur quartier fut appelé Hanse-de-Cologne. Vers la même époque, il s’établit également une Hanse de Lubeck à Londres ; elle fit principalement les affaires du littoral de la Baltique, pendant que celle de Cologne s’emparait de la mer Germanique. Plus tard il y eut une fusion entre ces deux Hanses. Ce genre d’associations se trouve au reste dans plusieurs contrées. Il y avait déjà à la fin du douzième siècle, en Angleterre, les Hanses de Hereford, Dunwich et York, auxquelles on avait conféré de notables privilèges. On trouve aussi dans ce temps la Hanse de Paris, et par suite les Burgenses Hansati. Dans plusieurs villes d’Allemagne, telles que Middelburg, Regensburg (Ratisbonne), Vienne, etc., on trouve même la dignité de comte de la Hanse. Ces comtes de la Hanse accompagnaient souvent les marchands aux grandes foires annuelles pour y défendre leurs droits, et leurs attributions avaient beaucoup d’affinité avec celles des Telonarii établis à Barcelone sous la domination des Visigoths en Espagne. Le comte de la Hanse, le Telonarius et le consul avaient probablement les mêmes attributions, et se confondaient souvent dans la même personne. C’était une institution cosmopolite qui donnait déjà, à cette époque, au commerce international un certain caractère d’universalité, et qui devint aussi la base de ces puissantes associations commerciales parmi lesquelles la ligue hanséatique occupe le premier rang. Celle-ci obtint dans plusieurs pays des privilèges, c’est-à-dire la faculté de vendre et d’acheter, la liberté d’exporter les produits indigènes et d’importer des marchandises étrangères sous des droits modérés et quelquefois en pleine franchise ; la permission d’établir des magasins, des églises, des hôpitaux, et d’avoir une juridiction particulière. Le pavillon de la ligue hanséatique avait sa sphère d’activité sur toute la côte septentrionale et occidentale de l’Europe, depuis Wisby et Nowgorod jusqu’à Londres et à Lisbonne.

À une époque où les voyages et le transport des marchandises étaient entourés de nombreux périls, où la confiance n’existait pas, le commerce ne pouvait être organisé comme de nos jours. Les ventes et les achats par commission n’existaient pas, et le marchand était forcé d’accompagner lui-même ses produits ou de donner cette mission à un homme de confiance. En France, en Allemagne et dans les Pays-Bas la multiplicité des territoires du Moyen âge devenait un obstacle incessant pour le marchand voyageur ; il était accablé par terre et par eau de péages et de droits qu’on appelait muta, mota, mauth. Indépendamment de cela, il avait à se défendre des brigandages qui s’exerçaient sur les routes, et des exactions que les seigneurs lui faisaient subir. Car ceux-ci, sous prétexte de le protéger contre les voleurs de grand chemin, lui imposaient des escortes qui se livraient elles-mêmes à des rapines et au pillage. C’est vers le milieu du treizième siècle surtout que le brigandage devint intolérable. Quand enfin le marchand arrivait au lieu de sa destination, il subissait de nouvelles vexations par le régime des cautions forcées, et l’Allemagne du Moyen âge fournit sous ce rapport des exemples d’un déplorable désordre. Tous les habitants d’une ville devenaient forcément solidaires lorsqu’un de leurs concitoyens n’acquittait pas ses dettes, et leurs marchandises étaient saisies en traversant la cité du créancier. Pour détruire ces abus, plusieurs villes d’Allemagne prirent des mesures réciproques et conclurent des traités : Strasbourg et Spire, Cologne et Utrecht, Cologne et Brême, Hanovre et Brême entre autres. Les associations des Pays-Bas obtinrent des garanties des princes indigènes d’abord, et ensuite des souverains étrangers. Ces garanties coûtaient des sommes considérables, et souvent elles étaient insuffisantes. Ainsi, par exemple, on enleva en 1377, à Calais, les marchandises des trafiquants de Stafford, Hereford, Bristol, Glocester, sous prétexte que d’autres Anglais avaient laissé des dettes. De semblables abus eurent également lieu en Angleterre, dans le midi de la France, en Catalogne, dans le centre de l’Allemagne, et ce n’est que peu à peu qu’une législation sévère parvint à les détruire[3].

Une des industries qui ont le plus contribué à développer le commerce pendant le treizième et le quatorzième siècle, est celle des tissus de laine. On les fabriquait dans les Pays-Bas, à Bruges, Bruxelles et Gand ; ils s’exportaient en Angleterre, dans le nord de l’Allemagne principalement pour l’ordre Teutonique, en France, en Italie, dans le Levant. De là cette industrie se porta aussi en Saxe, sur le Rhin, sur le Danube, dans le nord de la France, en Angleterre, pays qui fournissaient les plus grandes masses de laine aux tisserands des Pays-Bas, et enfin en Espagne, en Suisse et en Italie. À cette industrie qui alimentait le commerce international se rangeait naturellement le négoce des laines et des matières tinctoriales. La fabrication des toiles de lin, considérée du point de vue d’un commerce étendu, prend également son origine dans les Flandres et dans les Pays-Bas. Plus tard, on trouve cette fabrication perfectionnée dans les villes anglaises de Londres, d’Oxford, de Nottingham, d’York, de Winchester, etc. ; puis en France, à Arras, à Valenciennes, d’où elle se propagea vers les bords de la Vistule, et ensuite vers la Saxe, la Bohême et la Silésie. Enfin le travail des métaux donna aussi lieu à un commerce et à des transports considérables.

Ce mouvement provoqua nécessairement de nouvelles institutions, des traités, et ceux-ci amenèrent une plus grande sécurité dans le transport des marchandises sur les principales voies commerciales de l’Europe. Mais les garanties accordées successivement au négoce n’étaient que très rarement le résultat de traités conclus entre des souverains. Le plus ordinairement des associations ou de puissantes maisons de commerce obtenaient des privilèges dans les pays où elles trafiquaient. On n’établissait aucune réciprocité, et ces faveurs étaient toujours compensées par l’acquittement de certains droits et par des sacrifices pécuniaires. Le morcellement du territoire et les formes féodales du Moyen âge multipliaient ces sacrifices à l’infini ; et quand une denrée ou une marchandise avait traversé une des principales routes commerciales de terre ferme, elle avait, après avoir échappé à mille dangers, décuplé de valeur. Les rivalités existaient alors comme aujourd’hui, et souvent elles devenaient dangereuses pour l’un ou l’autre des compétiteurs. Les princes, pour se procurer de l’argent, prenaient les décisions les plus contraires, et favorisaient presque toujours l’association ou le marchand qui consentait aux plus grands sacrifices.

Pendant le douzième et le treizième siècle, la foire de la Saint-Rémi de Troyes était une des plus célèbres du monde, et là venaient se concentrer les produits de l’Italie supérieure, d’une partie des Pays-Bas, et ceux du nord et du midi de la France. On y vendait particulièrement les draps de Provins, de Sens, de Vitry, de Rouen, de Louviers, de Saint-Quentin, d’Amiens, d’Abbeville, d’Arras, de Lille, de Bruges, de Malines, de Louvain, etc. L’Allemagne et la Lombardie y amenaient des chevaux, et le midi de la France de grandes quantités de cuirs maroquinés. Mais lorsque les marchandises qui arrivaient à ce centre d’immenses transactions furent frappées en 1315[4] de taxes onéreuses et vexatoires, la place de commerce fut rapidement ruinée. Il est vrai qu’à la même époque les marchandises de l’Inde vinrent de nouveau par la voie d’Égypte, et furent transportées, ainsi que les laines de la Sardaigne, de Tunis et de Ceuta, sur les navires des Vénitiens et des Pisans, par le détroit de Gibraltar, dans les Pays-Bas et en Angleterre. Anvers retira particulièrement de grands avantages de ce changement de la voie commerciale de l’Orient. En 1318, les premiers navires vénitiens y arrivèrent avec des produits du Levant ; l’année suivante, les vaisseaux des ports du Nord ; et, à partir du commencement du quinzième siècle, les relations de la ligue hanséatique avec Anvers prirent une prodigieuse activité. Elles avaient été préparées par trois traités différents conclus en 1400, 1407 et 1430. Tant de circonstances contraires devinrent funestes au commerce français, et spécialement à la ville de Troyes, qui avait été frappée au cœur par l’édit de 1315. Pour raviver le commerce de la Champagne, les comtes avaient conclu avec plusieurs villes voisines des traités en vertu desquels leurs draps ne pouvaient être vendus qu’aux foires de la Champagne. Lorsque cette province tomba sous la souveraineté immédiate des rois de France (1336), la même obligation fut étendue à dix-sept villes françaises. Il y a plus, toutes les marchandises qui transitaient par la France devaient être mises en vente sur un de ces marchés, d’après une ordonnance de Philippe VI. Toutefois on renonça bientôt à ces mesures, et l’on permit même, en 1392, aux Lombards de s’établir à Troyes. Il était trop tard ; le coup était porté ; et lorsque Charles VII établit, en 1445, trois foires annuelles à Lyon, l’activité de Troyes reçut une atteinte mortelle. Lyon prit une très grande importance, qui s’accrut encore par la suppression des foires de Genève. Cette suppression eut lieu d’une manière fort singulière : on décréta, en 1463, que les foires de Genève étaient transportées à Bourges ; les citoyens de Genève, fort émus, se plaignirent au duc de Savoie, leur souverain, en se référant au titre de fondation, afin qu’il défendît leurs droits auprès du roi de France ; mais lorsqu’on alla aux archives, le titre avait disparu : leur propre évêque, fils du duc, l’avait enlevé et remis à son père, qui, à son tour, le fit passer dans les mains de Louis XI. Cependant, comme les foires de Bourges n’eurent aucun succès, elles furent réunies à celles de Lyon, et Genève se trouva définitivement frustrée. On pourrait multiplier ces exemples à l’infini. Il est, du reste, difficile de se faire une idée de toutes les vexations que subissait le commerce, malgré les traités et les privilèges qu’on faisait toujours payer chèrement à ceux qui les obtenaient. La navigation sur presque tous les fleuves de l’Europe était hérissée d’obstacles sans fin, et les traités ne duraient jamais au delà du premier conflit. La mauvaise foi était si grande, que Grotius a examiné sérieusement la question de savoir si les traités faits avec les ennemis de la foi étaient valides. Cette discussion était malheureusement nécessaire autrefois. Il y a plus : au temps dont nous parlons, on ne se croyait quelquefois pas plus obligé de tenir ses engagements envers les chrétiens qu’envers les infidèles.

Après la découverte de la route de l’Inde par le cap de Bonne-Espérance, et celle du continent Américain, le commerce prit une importance et des formes tout à fait nouvelles, en même temps qu’il changea de mains. L’ancienne route de l’Inde fut abandonnée, et le nouvel hémisphère fournit un autre aliment aux aventureuses expéditions commerciales. Déjà les villes hanséatiques avaient une large part dans le commerce d’outre-mer ; les nouvelles découvertes ne changèrent pas sensiblement leur situation, quoiqu’elles trouvassent dans les Portugais, les Espagnols et les Hollandais de formidables concurrents.

Cependant le respect des traités était mieux établi dans le Nord que dans le Midi, et les villes hanséatiques durent à ces traités une grande partie de leur prospérité. Les privilèges que le Danemark et la Norvège leur accordèrent remontent au treizième siècle, et il en existe qui portent les dates de 1278, 1282, 1288, etc. En 1307, un traité conclu avec la ville de Lubeck avait accordé à ses habitants la liberté du commerce, même avec les ennemis du Danemark[5]. Le traité signé à Stralsund, le 24 mai 1370, assura aux villes hanséatiques la restitution des navires et marchandises échoués ; l’entière et libre disposition des successions des Hanséates morts dans les États du roi de Danemark ; enfin l’établissement en Scanie de consuls chargés de surveiller les intérêts du commerce des villes hanséatiques et l’application des avantages accordés en douane. Le traité d’alliance conclu à Copenhague, le 15 juin 1423, maintint ces divers privilèges en leur entier. Celui qui fut signé à Malmoë, le 23 avril 1512, porte que, lors même que les villes hanséatiques seraient en guerre entre elles, on recevrait leurs vaisseaux indistinctement pour commercer dans les ports danois. Enfin le traité de Hambourg, du 14 février 1536, renouvela et confirma tous les privilèges accordés antérieurement ; mais ces divers privilèges furent réunis en un seul instrument, à Odensée, le 25 juillet 1560. Quelque ancien que soit ce traité, et bien que des conventions ou règlements postérieurs en aient, selon les temps, étendu ou modifié les clauses, il forme encore la base de la jurisprudence commerciale conventionnelle des Hanséates, dans leurs rapports avec le Danemark et la Norvège.

Le Danemark s’est du reste constamment montré favorable au commerce étranger. Le droit de naufrage a été aboli de bonne heure, et celui d’aubaine n’y a jamais existé que par représailles. Les villes hanséatiques avaient aussi en général des lois favorables aux étrangers, et elles ont les premières conclu régulièrement des traités de commerce dont les principes sont encore en partie en vigueur aujourd’hui. Leurs lois maritimes, connues sous le nom de Jus anseaticum maritimum, publié à Lubeck en 1591, et refondu en 1614, ont aussi puissamment contribué à fonder en Europe le droit maritime. Plus de vingt ans avant le traité d’Odensée, il y eut un accord entre les villes de Hambourg et de Magdebourg, relativement à la navigation sur l’Elbe. Les traités de 1672, de 1700 et de 1769 eurent le même objet.

Le traité d’Odensée de 1560 établit la réciprocité entre les Danois et les villes hanséatiques ; mais il renferme certaines restrictions, et entre dans de grands détails pour prévenir la fraude et les vexations[6]. Ainsi, par exemple, il est dit que « les marchands allemands n’achèteront pas plus de victuailles que ce dont ils auront besoin ; ils le pourront pourtant faire dedans et dehors les jours de marché, mais non pas vendre leur provision sur le bateau ; cependant si quelqu’un envoyait à son maître un tonneau de beurre pour son ménage, il n’y aura pas de danger ; et ne pourra aussi, le marchand, vendre sa marchandise en d’autres lieux, sinon à ceux qui sont autorisés pour cela, et ne pourra vendre non plus de l’argent et mercerie dans les maisons, et ne pourra non plus étaler en boutique sur le pont. Et comme, par le bailleur qui pèse le poisson en quantité, il pourrait être fait tromperie, ledit bailleur ne pourra dorénavant peser davantage de poisson qu’un peu moins que le poids ; mais quand il s’agira d’un jour entier ou plus, tout sera pesé à la roue, dans Bergen, et marqué de plomb, et ces plombs demeureront à l’ancien poids ; et ainsi le poids appelé de punder sera mis en garde dans le conseil de Bergen, et dans une place commune, où chacun puisse avoir recours ; et les officiers, bourgmestres et conseil de Bergen feront tous les ans, et aussi souvent que la nécessité le demandera et qu’il sera trouvé à propos, ou que requis en seront, la visite desdits plombs et poids, et justifieront iceux par leur devoir, comme ils sont obligés par leur serment envers Sa Royale Majesté, et afin d’accomplir leurdit serment. » En ce qui concerne les Danois, il est dit que « les sujets du royaume de Danemark pourront librement trafiquer chez les Vandales et villes hanséatiques, et aller et venir dans leurs rivières et ports, et y vendre leurs marchandises, sans être obligés à aucun prix particulier ; et, s’ils ne vendent pas leurs marchandises, ils feront voile et s’en retourneront avec où ils voudront, et ne seront chargés d’aucun nouveau droit de péage, suivant le contenu des privilèges. Quand les Danois transporteront aussi du vin à Lubeck, s’ils ne l’y veulent pas vendre, on ne les retiendra pas ; mais on les laissera sortir en payant le droit de péage ordinaire, soit que ce soit de gros tonneaux ou de petits ; mais si les Danois les y veulent vendre, ils les transporteront dans le lieu dit Lohe-Huys, pour en trafiquer suivant la coutume. » Ailleurs on lit : « Quand aussi les sujets du royaume de Danemark apportent du hareng à Lubeck sans l’y vendre, et qu’ils veulent le rapporter, ledit hareng ne sera pas ghezirkelt contre leur volonté, mais on le leur laissera remporter au même état où il aura été amené. On ne prendra point le dixième denier sur les biens des Allemands qui seront morts aux lieux dits Ansée, Valsterbo et Schoner ; et cela ne sera aussi pas observé autrement au royaume de Danemark. Quand quelqu’un des villes hanséatiques se sera établi dans le royaume comme bourgeois, et qu’il meure, et ait ses biens dans les villes hanséatiques, ceux qui voudront tirer du royaume les marchandises y délaissées, on pourra prendre le dixième denier desdites marchandises sur eux, et pas autrement. »

On voit que les formalités dont on accable le commerce ne datent pas d’aujourd’hui : l’on était aussi ingénieux à lui créer des difficultés et des entraves il y a trois cents ans qu’à des époques beaucoup plus rapprochées de nous. Et cependant le traité d’Odensée reposait sur des bases larges et alors réputées libérales ; il était une exception aux habitudes généralement admises, et il eut une telle consistance, qu’on y trouve encore aujourd’hui les rudiments de la jurisprudence commerciale conventionnelle des Hanséates dans leurs rapports avec le Danemark et la Norvège.

Les rois de France accordèrent, dès 1483, des privilèges aux villes hanséatiques. Louis XI fit un Traité de commerce, de navigation et de marine avec elles. Les députés plénipotentiaires des villes hanséatiques, assemblés à Lubeck, accordèrent, par un traité solennel du 4 avril 1484, aux sujets du roi de France, tous les mêmes droits, libertés, franchises et immunités dont jouissaient leurs propres sujets. Les privilèges accordés à ces villes ont été confirmés par lettres-patentes de Charles VIII, en l’année 1489, de François Ier, en 1536, de Henri II, en 1552, de Henri IV, en 1604, et de Louis XIV, en 1655. Non seulement ce dernier roi leur accorda la confirmation de leurs privilèges, mais encore, dans le dessein d’augmenter le commerce du royaume, il crut qu’il était important de renouveler le traité fait par Louis XI en 1483[7].

Les facilités commerciales que les villes hanséatiques obtinrent en Espagne et en Portugal dès le quinzième siècle furent d’autant plus étendues, que plusieurs villes de l’Aragon faisaient alors partie de la Hanse. Ces privilèges, accordés en premier lieu par les rois de Portugal, furent étendus en 1607 à l’Andalousie. Le traité du 28 septembre de cette année porte, en substance, que les villes hanséatiques jouiront en Espagne des privilèges et immunités que la France et l’Angleterre ont obtenus. Les actes joints à ce traité, et contenant extension de privilèges en faveur des Hanséates, reçurent, au moment de la ratification par le roi d’Espagne, une nouvelle teneur. La guerre de trente ans vint en interrompre la jouissance ; mais par le traité conclu à Munster le 11 septembre 1647, la liberté du commerce fut rétablie, et l’édit signé à Madrid le 26 janvier 1648 confirma et renouvela les anciens privilèges des Hanséates, et devint, en quelque sorte, une norme nouvelle. Ces deux actes forment encore la base des droits des Hanséates en Espagne ; les villes hanséatiques furent comprises d’ailleurs dans divers traités conclus depuis, en 1659, entre la France et l’Espagne ; en 1725, entre l’Autriche et l’Espagne, etc. La réciprocité est établie, par le traité de 1647, en faveur des Espagnols.

Passons maintenant aux traités de commerce que firent les puissances européennes au commencement du seizième siècle avec la Porte-Ottomane. La France figure en première ligne dans l’histoire de ces transactions ; et encore l’établissement de nos consuls dans le Levant précède de plusieurs siècles la signature du premier traité de commerce. François Ier conclut en 1535, par l’intermédiaire de Jean de La Forest, un traité avec le sultan Soliman. Ce traité avait été précédé, en 1507, par un commandement accordé par Bajazet II à Jean et Pierre Benette, consuls des nations française et catalane à Alexandrie ; il leur garantit, en faveur de leurs nationaux, une pleine et entière liberté et sûreté de commerce. On peut regarder les vingt-six articles dont il se compose comme la base de tous les privilèges accordés dans la suite à la France par la Porte-Ottomane[8]. Le préambule du traité de 1535 est curieux par les précautions qu’on y prend : « Le roi François Ier, y est-il dit, travaillé de continuelles guerres par l’empereur Charles V, lequel bien souvent lui suscitait encore le roi d’Angleterre pour ennemi, étant recherché sous main par le sultan Soliman, empereur des Turcs, fut contraint de se défendre de tels ennemis, qui tenaient du côté d’Espagne, de Flandre, d’Italie et d’Angleterre, le royaume de France comme assiégé et environné, d’entendre à quelque amitié et intelligence avec Soliman, envoya pour cet effet, en 1535, le sieur de La Forest, etc. » On n’osait point encore à cette époque se lier ouvertement, et sans une nécessité absolue, avec les infidèles, et le traité avec Soliman était devenu, pour les ennemis de François Ier, une source d’accusations contre lui. C’était cependant, avant tout, un traité commercial, et les stipulations relatives aux établissements consulaires, au libre exercice de la religion, à la juridiction à laquelle les Français seraient soumis, aux successions, n’étaient faites que dans un intérêt de négoce, car elles se rapportent toutes implicitement aux marchands et aux trafiquants. Dans l’article 18, on voit que « le roi de France a nommé le pape, le roi d’Angleterre, son frère et perpétuel confédéré, et le roi d’Ecosse, auxquels se laisse à eux d’entrer audit traité de paix, si bon leur semble, à condition qu’y voulant entrer ils soient tenus, d’ici à huit mois, de mander audit grand-seigneur leurs ratifications et prendre la sienne. » Aucun des souverains cités ne mit alors à profit cette faculté, assez singulière pour le temps. Dans le traité de 1559, on trouve seulement que les Génois, les Siciliens, les Anconitains sont admis à jouir, dans les États de la Porte-Ottomane, des mêmes avantages commerciaux que les Français.

Nous avons dit que la France était la première puissance qui ait conclu régulièrement des traités de commerce avec la Turquie. On trouve cependant, dès le dixième siècle, des traces de quelques transactions de cette nature entre la Moscovie et l’empire d’Orient pour assurer liberté et protection au commerce. Toutefois ce n’est que depuis le règne de Pierre le Grand que les relations commerciales avec le Levant ont pris quelque importance. À la paix de 1739, le commerce de la mer Noire ne pouvait encore avoir lieu que sous le pavillon turc. Le traité de 1774, signé à Kaynardgi, assura des privilèges plus étendus aux Russes : les traités postérieurs les ont accrus encore. Celui de 1783 accorde au pavillon russe le commerce de la mer Noire, la liberté et la franchise du détroit des Dardanelles, et a pour base les capitulations de la Porte avec la France et la Grande-Bretagne. Ce traité a été confirmé et renouvelé par les traités de Yassy, en 1792, d’Akermann, en 1826, et d’Andrinople, en 1829. Ce dernier assure (article 7) au commerce russe de nouveaux avantages. Par le traité d’Andrinople, la Russie a obtenu que les bâtiments marchands des nations qui ne seraient point en guerre déclarée avec la Porte pourraient, comme les bâtiments russes, et aux mêmes conditions, passer par le canal de Constantinople et le détroit des Dardanelles pour se rendre dans la mer Noire ou dans la Méditerranée[9].

Après les Français, ce furent les Anglais qui obtinrent, en 1579, de la Porte leurs premiers privilèges et purent commercer dans les États du grand-seigneur avec la même liberté que nous. Une capitulation fut signée en 1606, renouvelée en 1641, et insérée avec diverses augmentations dans la capitulation de 1675, qui est encore en vigueur. Le traité de 1838 a définitivement réglé entre l’Angleterre et la Porte les droits d’importation et d’exportation. La France a signé, le 25 octobre de la même année, une semblable convention avec la Turquie[10].

Les privilèges obtenus par les Hollandais dans l’empire ottoman remontent à l’année 1598. Ils furent suivis, dans l’année 1612, de capitulations qui leur assuraient le traitement qu’avaient déjà obtenu les Français et les Anglais, ainsi que la faculté d’établir des consuls dans tout l’empire ottoman, en Égypte, en Syrie, en Chypre, à Smyrne, etc. Les droits de douane furent fixés à 3%, même pour les marchandises importées à Alep ou à Alexandrie. Ces capitulations, renouvelées en 1634, ont été refondues et augmentées dans l’année 1680. Les clauses insérées dans cet instrument régulateur des relations commerciales de la Hollande avec l’empire ottoman, ont reçu plus de fixité encore par les réclamations que la Hollande a été dans le cas d’élever, à différentes reprises, au sujet des passeports et des douanes.

La plupart des autres nations chrétiennes ont conclu des traités avec la Porte-Ottomane. De ce nombre sont l’Autriche, le Danemark, les Deux-Siciles, l’Espagne, les États-Unis de l’Amérique du Nord, la Prusse, la Sardaigne, la Suède et la Toscane. Le séjour et le commerce dans les États ottomans est permis aux autres nations, mais seulement sous le pavillon et la protection des puissances avec lesquelles la Porte a des traités. L’article 38 des capitulations consenties par la France, en 1740, porte en effet que les Portugais, Siciliens, Catalans, Messinois, Anconitains, et les autres nations qui n’ont ni ambassadeurs, ni consuls, ni agents accrédités à la Porte, et qui viendraient dans les États ottomans sous la bannière de la France, payeront la douane comme les Français, sans que personne puisse les inquiéter. Le traité d’Andrinople a d’ailleurs assuré le libre passage des Dardanelles et du canal de Constantinople à tous les bâtiments marchands, soit sur lest, soit avec chargement, appartenant à toute nation avec laquelle l’empire ottoman ne serait pas en état de guerre déclarée[11].

Dans les traités de commerce avec la Porte-Ottomane, de même que dans ceux avec les régences barbaresques, il s’agissait non seulement d’obtenir des conditions favorables pour le commerce, mais il fallait encore assurer les droits civils des étrangers, tant pour leurs personnes que pour leurs biens. C’était une première nécessité dans un pays où le droit public de l’Europe n’était point admis, et où la religion ordonnait pour ainsi dire de faire la guerre aux chrétiens. Aussi un grand nombre d’articles des traités se rapportent-ils à l’action des tribunaux du pays à l’égard des étrangers, au naufrage, à l’esclavage, à l’exercice de la religion, etc. Voici au reste, en substance, le sens des traités faits par la Porte-Ottomane avec les puissances européennes : liberté de commerce, droits d’entrée et de sortie de 3% ; inviolabilité des consuls et des ministres ; les consuls jugent les différends entre les sujets qui appartiennent aux souverains qu’ils représentent, et assistent aux jugements prononcés par les tribunaux de l’empire dans les conflits qui s’élèvent entre ces sujets et les Ottomans. Si un étranger commet un délit, ceux de sa nation ne sont point inquiétés. Un étranger ne sera point contraint à payer l’amende voulue par la loi, si l’on trouve un cadavre dans le voisinage de sa maison, à moins qu’il ne soit prouvé que l’étranger est le meurtrier. La captivité est abolie ; la succession d’un étranger décédé dans l’empire ottoman est remise à ses héritiers ; les effets et vaisseaux étrangers échoués sur les côtes de l’empire sont restitués aux propriétaires. Dans toutes les accusations contre les étrangers, la présence de l’interprète est nécessaire. Les consuls, ambassadeurs, interprètes, sont exempts de certains impôts, etc.[12]. Les traités de 1838 sont surtout destinés à régler d’une manière plus précise les droits d’entrée et de sortie, et, quoiqu’ils ne regardent, quant à présent, que la France et la Grande-Bretagne, leurs stipulations sont appliquées à d’autres puissances encore. Ils ont ceci de remarquable, que la Porte s’engage formellement à abolir tous les monopoles des produits agricoles, ou de tous autres articles quelconques, ainsi que toute licence des gouverneurs locaux, soit pour l’achat d’un article quelconque, soit pour son transport d’un endroit à un autre après son achat, etc. (article 2). Cette stipulation, comme on le pense bien, est loin d’être rigoureusement observée ; car on ne détruit pas les abus séculaires d’un pays par de simples ordonnances. La corruption, la violence et les envahissements arbitraires ont jeté de trop profondes racines en Turquie, pour qu’il soit possible d’arriver à un changement instantané. Le temps et les réclamations incessantes des puissances européennes feront peut-être autant pour ces réformes économiques que l’autorité turque même, et elles ne seront réelles que lorsque l’administration chargée d’appliquer les lois sera régulière et intègre.

Il y a dans les traités de paix que la Porte-Ottomane a conclus avec les puissances européennes, une circonstance digne de remarque : c’est l’uniformité des principes d’après lesquels ils ont été rédigés. Ce sont généralement les mêmes stipulations pour toutes les puissances qui ont traité avec elle. On ne trouve pas, dans les transactions qu’elle a consenties, ces exceptions et ces variations qui se rencontrent ordinairement dans les traités que les puissances européennes font entre elles. La Porte a pensé que ce qui était bon à concéder à une nation devait avoir les mêmes conséquences, concédé à une autre nation, et elle est ainsi arrivée à une certaine règle fixe qui a donné de l’homogénéité à ses rapports internationaux, et qui a constitué chez elle une espèce de droit commercial vis-à-vis des puissances étrangères. Comme ce gouvernement n’attachait aucune importance au commerce extérieur, il ne devait pas non plus demander de grandes concessions en retour de celles qu’il accordait, et il tâchait de donner à celles-ci le caractère d’un octroi plutôt que celui d’une condition d’un contrat synallagmatique. Il ne croyait point pour cela négliger les intérêts de l’empire. Et, en effet, ce qu’on jugeait utile d’accorder à une nation ne pouvait pas produire, nous le répétons, des effets pernicieux, étendu à d’autres peuples.

Le Saint-Siège n’a jamais traité directement avec la Porte-Ottomane ; cependant il a été obligé de renoncer à la rigueur des principes professés par les pontifes pendant les deux ou trois siècles qui ont suivi les croisades, et il faisait stipuler pour ses intérêts dans les capitulations que la France concluait avec la Porte. Il s’agissait le plus ordinairement des ordres religieux établis en Terre-Sainte, et de la sécurité des pèlerins qui allaient visiter le saint-sépulcre. Cependant il n’oubliait point les intérêts de ses sujets adonnés au négoce, et il se faisait ordinairement comprendre dans la formule suivante : « Nous permettons que ceux qui n’ont point leurs ambassadeurs ou résidents à notre Porte de félicité, comme Portugal, Sicile, Castillans, Messinois et autres nations ennemies, puissent venir sous la bannière de l’empereur de France, et qu’ils payent la douane comme les autres Français, etc. »

Presque toutes les transactions dont nous avons parlé jusqu’à présent sont plutôt des titres de privilèges accordés que des traités de commerce. Ils avaient pour objet de favoriser certaines corporations, de leur donner de la sécurité, de leur procurer des exemptions d’impôts, de régler les conditions du marché, etc. Mais, comme nous l’avons déjà fait observer, elles n’impliquaient que rarement la réciprocité, et ne favorisaient très souvent que des intérêts particuliers distincts des intérêts de la nation dont le souverain ou le gouvernement avait stipulé. Lorsqu’on accorda au commerce et aux échanges une attention plus grande, chaque nation voulut profiter des avantages que lui donnait sa position, et l’on commença à faire concession pour concession. Dans ce nouveau système, les exceptions demeurèrent tout aussi fréquentes que dans l’ancien. On ne pouvait faire un avantage à une nation qu’en privant une autre nation de ce même avantage, et les traités commerciaux, en donnant, à certains égards, des facilités aux trafiquants, restreignaient d’un autre côté le marché et les débouchés. Ils furent cependant un acheminement pour fixer plusieurs principes du droit des gens et du droit commercial ; c’est ainsi qu’on a successivement cherché à déterminer les règles sur le blocus ; la contrebande de guerre ; les convois ; les délais accordés pour se retirer en cas de rupture ; l’état des étrangers en temps de paix et de guerre ; le naufrage des bâtiments et le sauvetage ; la neutralité, ou les droits du pavillon neutre ; les prises et le terme où elles cessent d’être valables, eu égard à la date et à la signature de la paix ; la quarantaine ; les relâches forcées ; les saluts ; les visites de mer, etc. Toutes les puissances ne sont pas d’accord sur ces divers points, et, à commencer par le blocus, la Grande-Bretagne a presque toujours soutenu le principe, que des côtes et des provinces entières pouvaient être mises par elle en état de blocus par une simple déclaration, et qu’il devait suffire qu’elle donnât une notification publique quelconque, ou envoyât croiser sur les côtes des navires armés en guerre. Les autres nations, au contraire, ont établi, par une série de traités conclus entre elles, que le blocus devait être réel, et fait par un certain nombre de vaisseaux suffisant pour surveiller les côtes et couper les communications. Pour la contrebande de guerre, l’Angleterre a également ajouté aux articles qui sont reconnus pour tels, c’est-à-dire les armes, la poudre, les boulets, etc., plusieurs autres objets, et particulièrement les munitions et fournitures navales (planches, cordes, poutres, lin, poix, goudron, etc.). Le droit de jus littoris est généralement aboli par les lois des pays chrétiens ou par les traités. Cependant, par une loi de 1813, il est maintenu au Portugal contre les infidèles, les nations ennemies et les pirates. La question des neutres est une des plus difficiles du droit maritime. Néanmoins, elle semble à peu près résolue aujourd’hui, et la Grande-Bretagne est la seule puissance qui n’admet pas que le pavillon couvre la marchandise, quoiqu’elle ait stipulé plusieurs fois dans un sens favorable aux nations non belligérantes. La durée des quarantaines est naturellement variable selon les pays de provenance, et elle l’est encore suivant les lois que chaque pays a adoptées dans un intérêt sanitaire. Dans ces derniers temps, de vives et intéressantes controverses se sont établies à ce sujet, et l’opinion sur la nécessité des lois sanitaires s’est singulièrement modifiée. Les quarantaines sont une des plus sérieuses entraves que le commerce puisse rencontrer, et si les observations récentes des savants, du docteur Chervin entre autres, venaient à se confirmer, il n’y aurait plus aucune raison pour les conserver. Les usages sur les relâches forcées, les saluts de mer, les visites de mer, sont généralement les mêmes chez toutes les puissances. Les lois sur ces différents points sont assez uniformes ; toutefois il y a des exceptions encore, et plusieurs gouvernements n’ont point admis certaines règles qui ont été adoptées par la plupart des nations civilisées.

Dans l’introduction au Recueil de traités de commerce et de navigation, MM. d’Hauterive et de Cussy ont résumé les principes généraux que renferment les traités de commerce de la manière suivante. En temps de paix : liberté de porter réciproquement les uns chez les autres toutes les marchandises qui ne sont pas prohibées par les lois de l’État ; obligation de se soumettre aux tarifs régulateurs des droits de douane ; liberté, pour tous étrangers, de se servir des hommes de loi du pays, dans les diflérends qui peuvent leur survenir dans leur trafic ; liberté de tenir leurs livres de compte et de commerce dans la langue qu’ils jugent à propos d’adopter ; privilège assuré au bâtiment marchand forcé de relâcher dans un port, d’y radouber et de ne payer de droits de douane que pour les marchandises mises à terre ; liberté, d’ailleurs, de ne débarquer que la quantité de marchandises qui convient au capitaine ; sûreté complète pour les marchandises et pour les bâtiments, qui ne peuvent être saisis qu’à la suite d’un arrêt de justice obtenu par les intéressés, et selon les voies ordinaires, etc. En temps de guerre : liberté aux neutres de naviguer de port en port, et sur les côtes des nations en guerre, avec toute nature de marchandises, à l’exception de celles dites de contrebande de guerre ; confiscation des marchandises de toute espèce chargées sur un navire qui aurait tenté de violer un blocus régulièrement établi ; défense aux capteurs de vendre les marchandises saisies par eux avant qu’il y ait eu jugement qui les déclare de bonne prise ; restitution des prises, entre alliés, si elles ne sont pas depuis vingt-quatre heures entre les mains du capteur ; obligation pour les bâtiments marchands de se soumettre à la visite des vaisseaux armés en guerre ; confiscation des effets d’une nation neutre à bord d’un navire ennemi, etc.

Tous ces principes ont pénétré ou pénétreront successivement dans le droit public, et formeront la base d’un droit public commercial ; ils sont le résultat d’une suite de traités de commerce, comme les principes généraux du droit des gens sont une conséquence des traités de Westphalie, des Pyrénées, de Nimègue, de Ryswick, etc. Il a fallu une série d’actes de cette nature pour arriver à un corps complet de doctrine, et quels que puissent être les inconvénients des traités de commerce, ils forment la transition nécessaire d’un état arbitraire et anarchique à un état où des règles uniformes généralement admises faciliteront et protégeront les échanges de produits entre toutes les nations civilisées du globe.

Cependant, tout en voulant consacrer ces divers principes, les parties contractantes procèdent presque toujours encore par exclusion. Elles se concèdent mutuellement des avantages qu’elles refusent à certaines autres nations. Il y a plus : chacune de ces parties cherche à obtenir des avantages supérieurs à ceux qu’elle accorde, et souvent les bénéfices qu’on retire d’un traité de commerce ne s’obtiennent que par les pertes qu’éprouve une des parties contractantes. Mais il est juste de faire remarquer qu’aujourd’hui les stipulations ne portent plus guère que, 1° sur les droits de tonnage, pilotage, balisage, quarantaine, courtage, etc., et 2° sur la fixation réciproque des tarifs de douanes. Ceux-ci forment à l’époque actuelle, dans toutes les négociations commerciales, le principal objet des débats, et jouent un rôle immense dans le système économique des peuples. Les divers principes et règles que nous avons énumérés plus haut donnent certainement aussi lieu à des stipulations dans les traités de commerce et de navigation ; mais comme ils sont à peu près incontestés et généralement admis, on remplit plutôt à cet égard une formalité d’enregistrement qu’un acte résultant d’une discussion préliminaire.

La plupart des traités de commerce faits par l’Angleterre pendant que son acte de navigation était en pleine vigueur portent un caractère d’exclusion fort tranché, et ont été rédigés dans les conditions dont nous venons de parler. Prenons pour exemple les transactions qui sont intervenues entre la Grande-Bretagne et le Portugal. Le traité de 1642, conclu neuf années avant la promulgation de l’acte de navigation, contient une série de stipulations en faveur des Anglais dans les territoires et ports du roi de Portugal, sans qu’on ait établi la réciprocité de fait. Bien longtemps avant ce traité, la couronne du Portugal avait accordé de nombreux avantages au commerce anglais, entre autres en 1382 et en 1450. Enfin, le traité de Méthuen, de 1703, et divers alcaras, lois ou ordonnances, avaient successivement maintenu et augmenté les privilèges et avantages du commerce anglais et des sujets de la Grande-Bretagne dans les domaines du roi du Portugal. Le traité de 1703 ne contient que trois articles. Par le premier, Sa Sacrée Majesté Royale portugaise promet, tant en son nom qu’en celui de ses successeurs, d’admettre à l’avenir pour toujours, au Portugal, les draps et les autres produits des manufactures de laine des Bretons, à condition cependant, dit l’article 2, que le roi d’Angleterre sera obligé d’admettre à l’avenir, et pour toujours, les vins du crû du Portugal en Bretagne, et qu’il ne sera exigé, sous le nom de douane ou droit, ou sous un autre titre quelconque, que ce qui sera exigé pour la même quantité ou mesure des vins français, en déduisant ou rabattant un tiers de cette douane ou droit. Les conséquences de ce traité sont connues. L’Angleterre, à la faveur de droits différentiels sur ses objets manufacturés, s’est emparée du marché portugais ; aucune fabrique n’a pu s’élever dans ce pays, parce que la concurrence anglaise venait la détruire aussitôt, et les mêmes droits différentiels empêchaient les produits étrangers de rivaliser au Portugal avec les marchandises anglaises. Le Portugal était par conséquent entièrement placé dans la dépendance de l’Angleterre pour tout ce qui tenait à la consommation des produits manufacturés ; il était également dans la dépendance de ce pays pour toutes ses exportations, attendu qu’il ne pouvait vendre ses produits qu’à ceux qui lui achetaient les siens. Il y a donc eu pour le Portugal dommage réel, permanent, pendant toute la durée du traité de 1703. Le traité de 1810 n’a fait que corroborer les principes de celui de Méthuen, et ce n’est que dans ces derniers temps que le Portugal a rompu les chaînes commerciales qui l’attachaient à la Grande-Bretagne. Maintenant, le traité de 1703 a-t-il été favorable et utile à celle-ci ? Voilà la question intéressante. Il importait moins à l’Angleterre d’avoir les vins du Portugal que d’exporter ses produits manufacturés dans ce pays à l’abri d’un privilège. Mais en s’approvisionnant presque exclusivement de vins du Portugal dont le commerce était entre les mains de compagnies également privilégiées, l’Angleterre renonçait, en partie au moins, au marché de la France. Ne pouvant acheter nos vins à cause de la surélévation des droits, elle ne pouvait non plus nous apporter ses produits, et ce qu’elle gagnait du côté du Portugal, elle le perdait, et au-delà, du côté de la France. Nous disons au-delà, parce que, pour avoir dans sa dépendance 2 ou 3 millions de consommateurs, elle renonçait à un marché qui en renfermait plus de 25 millions. Il est vrai que la Grande-Bretagne n’aurait pas eu le monopole de ce marché. Mais, lors même que ses produits ne seraient entrés chez nous qu’en concurrence avec ceux des autres nations, elle aurait encore eu de l’avantage à nous les offrir, car il est à remarquer qu’elle n’eût point perdu pour cela ses débouchés au Portugal. On peut faire la même observation pour les métaux précieux que la Grande-Bretagne tirait du Portugal pour solde de ses marchandises manufacturées. Ces métaux, elle les eût trouvés ailleurs, et sur des marchés qui lui auraient offert des débouchés plus considérables.

Nous savons bien qu’il est assez d’usage d’attribuer la fortune commerciale de l’Angleterre à ses traités de commerce, à son acte de navigation, à son système de douanes et à quelques autres institutions permanentes ou passagères. Il nous semble qu’il faudrait plutôt attribuer sa prépondérance commerciale et industrielle à la liberté politique qui s’est établie de bonne heure en Angleterre, à l’activité et à l’intelligence de ses habitants, aux richesses minérales et végétales que renferme le pays, à sa position maritime et à l’esprit aventureux et ferme qui est le propre des navigateurs et des émigrants britanniques. Voilà, ce nous semble, les causes premières et fondamentales du développement de son commerce et de ses manufactures. L’idée que l’acte de navigation ait été utile à l’agrandissement de la marine anglaise est aujourd’hui fort contestée, même dans la Grande-Bretagne. Cet acte a certainement porté un très grand préjudice aux Pays-Bas, contre lesquels il a été dirigé, non pas à l’instigation de Cromwell, comme on le croit communément, mais par une motion faite par quelques membres du Parlement. Il ne s’ensuit pas de là qu’il ait été utile à l’Angleterre, et quoique, à l’exception de la Suède, aucune puissance n’ait exercé de représailles contre cette mesure, il est permis de croire que, dans plus d’une circonstance, elle a entravé les relations commerciales de l’Angleterre avec les autres États. Les Hollandais, qui n’ont jamais mis en pratique des restrictions de cette nature, sont arrivés, sous un régime libre et dégagé d’entraves, à la plus haute prospérité commerciale, et cela peut-être parce qu’ils avaient peu de traités de commerce, point d’acte de navigation, et des douanes excessivement faciles. Ils avaient d’ailleurs quelques-uns des avantages possédés par les Anglais[13]. Persévérants, laborieux et hardis, ils traversaient les mers et venaient enrichir l’Europe avec leurs cargaisons. Assez bons politiques pour juger une mesure politique, ils auraient pu user de représailles envers l’Angleterre et opposer à l’acte de navigation un autre acte de navigation. Mais une pareille mesure eût été complétement inutile à l’existence de leur marine. L’Angleterre elle-même, en portant une atteinte grave à la navigation des Provinces-Unies, a-t-elle recueilli commercialement les fruits de cet acte hostile ? La Hollande, en subsistant parallèlement comme puissance mercantile à la Grande-Bretagne, et faisant avec celle-ci des affaires sur une vaste échelle, aurait sans doute été plus utile aux Anglais que la Hollande affaiblie et enveloppée dans des guerres continuelles. En affirmant le contraire, il faudrait admettre ce principe erroné, qu’une nation ne peut s’enrichir que par les pertes qu’elle fait subir à une autre nation. Cette opinion, qui a été pendant longtemps le sens caché d’une foule de traités de commerce, n’a plus besoin d’être combattue aujourd’hui. On comprend que la réciprocité vaut mieux à la longue que l’exploitation, et qu’un peuple qui est toujours en perte finit, même pour celui qui profite de ces pertes, par devenir un consommateur insolvable.

Les traités de commerce que la Hollande a conclus avec les nations étrangères ont une certaine uniformité qui les distingue en quelque sorte des autres actes de cette nature. Les relations anciennes et multipliées que la Hollande a entretenues avec les divers peuples du globe ont depuis longtemps donné à ses lois un caractère d’hospitalité favorable aux étrangers. La liberté du commerce existe en principe dans ce pays pour toutes les nations, et il était par conséquent facile d’y donner aux traités de commerce à peu près la même contexture, et d’écarter les exceptions qu’on croit généralement devoir introduire dans ce genre de transactions.

En examinant les traités conclus entre la Hollande et l’Angleterre, on y remarque en général le maintien de la réciprocité. La paix de 1667 exempta même la navigation hollandaise des restrictions apportées à l’importation par l’acte de navigation à l’égard des marchandises venant d’Allemagne. Ces conventions subsistèrent, si nous ne nous trompons, jusqu’en 1780. Une exception avait été aussi accordée aux villes hanséatiques de Lubeck, Hambourg et Brême. Les deux dernières en eurent le bénéfice jusqu’au moment de la Révolution française. Les traités de commerce entre la Hollande et la Grande-Bretagne sont au reste peu nombreux, et un des plus importants est celui de 1667, dont les stipulations s’étendent à la France, et qui ont pour but de régler les dispositions particulières au commerce en temps de guerre. Les traités postérieurs à 1815 portent l’empreinte de la dépendance dans laquelle se trouvait la Hollande vis-à-vis de l’Angleterre, et celle-ci a tiré parti de cette situation pour assurer certains avantages à ses possessions des Indes Orientales.

L’Angleterre n’a jamais été difficile sur le choix des moyens dans sa politique commerciale, et si ses colonies ont contribué à développer sa puissance maritime, on ne peut pas se dissimuler qu’elles n’ont été fondées que par une suite de violences et d’exactions. Les autres États de l’Europe hésitent aujourd’hui à asseoir leur puissance politique et commerciale sur de semblables bases. La Compagnie des Indes s’est-elle soutenue par le négoce avec ses possessions orientales ? Nullement. Depuis longtemps les intérêts des actions sont payés avec les revenus territoriaux que les vainqueurs extorquent aux misérables populations de l’Indoustan. Pour faire prospérer l’industrie britannique, on a ruiné tous les fileurs et tisseurs de l’Inde ; on a dévasté le pays à la fois par des impôts exorbitants et par des famines périodiques. Le pillage y a été organisé systématiquement, et l’Angleterre s’est enrichie, non pas du négoce de l’Inde, mais des dépouilles de l’Inde, tant il est vrai qu’on peut aussi s’enrichir par la spoliation. Ce n’est point ici le lieu de traiter cette grave question, et nous n’y faisons allusion que pour qu’on ne se méprenne pas sur certaines causes de l’accroissement du commerce et de l’industrie britanniques ; pour qu’on ne s’appuie pas sur l’exemple des colonies anglaises, sur l’exemple des transactions diplomatiques anglaises pour demander la fondation de colonies et la conclusion de traités de commerce. L’Angleterre a profité de la détresse de tous les peuples pour les rançonner et pour leur imposer ses produits ; elle a toujours érigé le fait en principe quand son intérêt se trouvait en jeu ; les désastres de ses voisins et les défaites des Indiens lui ont ouvert plus de débouchés que les échanges réguliers avec les nations qui échappaient à sa politique commerciale. La longue période de paix que nous venons de traverser a opposé un singulier obstacle à ces tendances. L’acte de navigation est en ruine, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, résistent à l’invasion des marchandises anglaises ; sur tous les marchés du globe les produits anglais trouvent de redoutables concurrences, et il devient de plus en plus évident que la réciprocité seule donne de la durée et de la consistance au commerce international.

Est-ce à dire pour cela que l’Angleterre soit dans de mauvaises conditions industrielles et commerciales ? Nous ne le pensons pas. Seulement elle sera forcée de changer sa politique mercantile, et de traiter sur un autre pied avec la plupart des nations auxquelles elle voudra désormais faire consommer ses produits ; elle sera obligée de modifier son tarif de douane, et de déblayer définitivement les vestiges qui restent encore de l’acte de navigation. Son régime colonial, qui a déjà éprouvé de grandes réformes, devra nécessairement subir encore des remaniements ultérieurs, et ce n’est qu’en se conformant au principe de réciprocité dans ses rapports avec les autres nations, qu’elle pourra consolider son commerce et son industrie. Elle a du reste depuis longtemps compris cette nécessité, et Huskisson est le premier homme d’État anglais qui l’ait entrevue sérieusement. Il est le premier aussi qui ait introduit de sensibles changements dans le régime économique de sa patrie. Nous ne voulons point examiner si Huskisson était pénétré des principes économiques d’Adam Smith, ou si les mesures qu’il faisait adopter par le parlement n’étaient autre chose qu’une suite d’efforts calculés pour ressaisir une partie du commerce d’échelle ou d’entrepôt qui avait rendu Londres si florissante pendant la guerre. Toujours est-il qu’elles sont une dérogation à l’ancien système, quoiqu’elles aient encore été conçues dans l’intérêt des colons et des agriculteurs. Cette dérogation a été le point de départ d’une suite de mesures nouvelles auxquelles le parti tory lui-même a été forcé de s’associer.

Quant aux rapports commerciaux entre la France et l’Angleterre, ils sont fort anciens. Le traité conclu en 1606 entre Henri IV et Jacques Ier pour la sûreté et liberté de commerce de leurs sujets, peut cependant être considéré, par l’ensemble de ses dispositions, comme l’origine des rapports réguliers entre la France et l’Angleterre. Il stipule que les sujets des deux rois pourraient librement trafiquer les uns avec les autres dans tout leur royaume ; qu’on dresserait une pancarte des impôts qu’on payerait aux deux rois, et que les villes de France qui devaient quelques impôts à leur profit, en rapporteraient les titres ; que les Français trafiquant en Angleterre ne seraient point contraints de donner caution de leur vente, si ce n’était la juratoire ; que les navires français pourraient aller jusqu’aux quais de Londres et dans les autres ports et havres de la Grande-Bretagne, et y charger et fréter avec la même liberté que les navires anglais faisaient en France ; qu’à Rouen, à Bordeaux, et à Caen en France, à Londres et dans d’autres villes d’Angleterre, on nommerait pour conservateurs deux marchands français et deux anglais de même qualité, qui, avec un cinquième dont ils conviendraient, jugeraient les plaintes des marchands français ou anglais, et les abus qu’ils commettraient, etc. Les mêmes commissaires étaient aussi investis du droit de renvoyer en Angleterre les draps mal façonnés et vicieux. Cette disposition atténuait celle par laquelle on confisquait autrefois les draps de mauvaise qualité. Les traités de 1655 et de 1677 contiennent aussi de nombreuses stipulations relatives au commerce : la réciprocité y est généralement observée. Le traité de paix de Ryswick assure, dans son article 5, la liberté de la navigation et du commerce entre les deux pays. Enfin, le traité d’Utrecht règle d’une manière spéciale les rapports commerciaux entre les deux pays ; on y stipule une mutuelle liberté de navigation et de commerce. Dans les négociations d’Utrecht, les plénipotentiaires traitaient non seulement de la paix, mais ils renouvelaient encore les anciens traités de commerce que la guerre avait rompus. Le traité d’Utrecht renferme plusieurs articles importants pour le droit public commercial : les droits des neutres, les marchandises de contrebande, les relâches, les visites, les prises, etc., y occupent une large place. Outre cela, il y a plusieurs conditions qui touchent plus spécialement au trafic entre les deux nations. D’après l’article 6, les sujets, de part et d’autre, payeront les douanes, impôts, et les droits d’entrée et de sortie, dus et accoutumés dans tous les états et provinces de part et d’autre. Dans l’article 8, il a été établi pour règle générale que tous les sujets des deux souverains useront et jouiront respectivement, dans toutes les terres et lieux de leur obéissance, des mêmes privilèges, libertés, immunités, sans aucune exception, dont jouit et use, ou pourra jouir et user, et être en possession à l’avenir la nation la plus amie, par rapport aux droits, douanes et impositions quels qu’ils soient, à l’égard des marchandises, effets, navires, fret, matelots, enfin en tout ce qui regarde la navigation et le commerce. Dans l’article 9, le tarif de 1664 est derechef mis en vigueur en faveur des marchandises venant de la Grande-Bretagne ; on ne fait exception que pour les laines, le sucre, le poisson salé et l’huile de baleine.

Ce tarif de 1664, qu’on regarde généralement comme point de départ du système prohibitif en France, est jugé beaucoup trop sévèrement. Dans ses principaux termes, il est plus modéré que celui d’aujourd’hui, et son adoption était un progrès évident sur ce qui existait ; il donnait une certaine homogénéité à une branche importante du revenu public, et mettait à la place de taxes multiples, et par cela même souvent arbitraires, un droit unique et d’une perception beaucoup plus facile. Le système, sans doute, était incomplet, et surtout faussé par les barrières qui existaient de province à province. Mais, à tout prendre, il y avait dans le tarif de 1664 une grande pensée, celle d’affranchir le commerce des vexations inouïes qu’on lui faisait subir par des droits aussi variés qu’exorbitants, et d’encourager ainsi l’industrie naissante en France. On a reproché à Colbert d’avoir créé le système mercantile, et préparé à l’avenir commercial du monde des entraves sans nombre. Ce reproche n’est point fondé. Colbert a réduit dans son tarif les droits sur une foule d’articles, et il a certainement moins consulté les intérêts du fisc que ceux du commerce et de l’industrie. Il était utile pour la circonstance et approprié aux besoins de l’époque où il a été publié ; seulement il n’aurait pas fallu l’aggraver successivement. On y fit de continuels changements dans le but de protéger le travail national et de mettre nos manufactures à l’abri de la concurrence étrangère. Ces changements ne furent pas heureux, et la plupart du temps ils ne vinrent en aide qu’au privilège et au monopole, qui dès lors n’avaient plus besoin d’obtenir des perfectionnements que la libre concurrence eût inévitablement provoqués. On arriva ainsi, par une série d’édits et d’arrêts du Conseil, jusqu’à l’année 1786, époque où fut conclu avec l’Angleterre un traité de commerce qui changea le tarif dans ses bases principales pour les marchandises venant de la Grande-Bretagne. Mais avant de nous occuper de ce traité, revenons à celui d’Utrecht.

Après avoir assimilé la France aux nations les plus favorisées, on a supprimé, par l’article 11, les droits différentiels. Le tribut de 50 sous tournois par tonneau, y est-il dit, mis en France sur les navires de la Grande-Bretagne, cesse et est abrogé à l’avenir, et l’on supprimera, par exemple, le droit de 5 sous sterling par tonneau, imposé dans la Grande-Bretagne sur les navires français. Ces levées et d’autres charges semblables ne seront plus imposées dans la suite sur les vaisseaux de part et d’autre. Les traités de 1744, de 1748, de 1783, ne sont que le renouvellement des traités de Westphalie, de Nimègue, de Ryswick, etc. ; celui de 1783 a principalement pour objet de régler la pêche à l’île de Terre-Neuve et aux îles adjacentes. Il ne faut pas oublier que ces divers traités laissèrent toujours l’acte de navigation parfaitement intact à notre égard, et que le monopole, malgré une certaine apparence de réciprocité, continuait à subsister au profit de la Grande-Bretagne.

THÉODORE FIX.

(La fin prochainement.)

 

 

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[1] Hüllmann, Staedtewesen der Mittelalters, volume I, page 103.

[2] Hüllmann, Staedtewesen der Mittelalters, volume I, page 126.

[3] Hüllmann, Staedtewesen der Mittelalters, volume I, pages 141 et suiv.

[4] Grosley, Mémoires pour l’histoire de Troyes, page 489.

[5] Recueil de traités de commerce et de navigation, par MM. d’Hauterive et de Cussy, tome II, IIe partie, page 170.

[6] Voyez Recueil de traités de commerce et de navigation, volume II, IIe partie, page 172.

[7] Toutes ces pièces se trouvent dans le Corps diplomatique, de Dumont, tomes III, IV, V et VI, IIes parties.

[8] Recueil de traités de commerce e de navigation, par MM. d’Hauterive et de Cussy, tome II, Ire partie, page 425.

[9] Recueil de traités de commerce et de navigation, volume V, IIe partie, page 135.

[10] Voyez Martens, tome XV du Nouveau Recueil des traités de paix, pages 695 et 761.

[11] Traités de commerce et de navigation, par MM. d’Hauterive et de Cussy, tome V, IIe partie, page 118.

[12] Voir à ce sujet le traité de 1740, renfermant 85 articles.

[13] On lit dans les Mémoires de Jean de Wit, chapitre v :

« Premièrement, la Hollande est bien située pour le commerce, au milieu de l’Europe, comptant depuis Archangel en Moscovie, et Revel, jusqu’en Espagne ; il est vrai que nous sommes plus éloignés du Levant et de l’Italie que de l’Orient ; mais la proximité de l’Orient nous est très commode, d’autant que nous tirons toutes nos grosses marchandises de là, comme le blé, le goudron, la poix, les cendres à savon, le lin, le bois pour la charpente des vaisseaux, et les laines de Prusse et de Poméranie, que nous allons prendre dans ce pays, dont nous consommons la plus grande partie dans le nôtre, et dont nous débitons le reste ailleurs, les pouvant mener facilement par les rivières du Rhin et de la Meuse ; et il est certain que les Hollandais envoient une fois plus de vaisseaux vers l’Orient que vers l’Occident. Secondement, les pays conquis de la Compagnie des Indes Orientales attachent beaucoup de commerce à notre pays, puisqu’ils ont par là toutes les épiceries et marchandises des Indes ; et ce dernier commerce serait bien plus considérable si ces commerçants, en vertu de leur octroi, n’empêchaient pas tous les autres habitants de commercer dans ces pays aussi bien que dans d’autres riches pays, où ces commerçants, soit par raison d’État ou autres raisons, ne peuvent ni ne veulent trafiquer, etc. Troisièmement, c’est un grand avantage dans ce pays, que l’on y peut avoir l’argent à 3%, et que l’on prête à un marchand bien accrédité sans gage. Comme les autres pays n’ont pas la même facilité, que les marchands sont obligés de vendre ou d’engager des terres, en payant de gros intérêts, cela fait que les Hollandais vont partout avec de l’argent comptant, avançant quelquefois les deniers toute une saison d’avance, débitant les marchandises à crédit avant que la récolte en soit faite : c’est ce que les autres nations, quoique bien situées pour le commerce, ne peuvent faire ; et c’est par là que les Hollandais ont usurpé le commerce de beaucoup d’autres. »

Jean de Wit examine quelles alliances pourraient être, politiquement et commercialement, utiles à sa patrie, et il conclut que la Hollande doit rester libre de tout engagement, qu’elle ne doit se lier ni avec la France, ni avec l’Espagne, ni avec l’Angleterre, puissances qu’il plaçait alors au premier rang, et à l’égard desquelles ce jugement n’est aujourd’hui en défaut que pour l’Espagne. Cet illustre homme d’État, pour prouver que la France, par exemple, n’a nul intérêt à se mettre en état d’hostilité avec la Hollande, dit que « ses compatriotes consomment et débitent presque tous les vins et les sels qui sortent de France, et qu’ils pourraient fort bien prendre le sel dans d’autres pays, comme au Portugal, en Espagne, et à Punto del Rey ; et il est certain que nous pourrions mieux nous passer des vins de France, que la noblesse et le clergé, à qui la plupart des vignes appartiennent, ne pourraient se passer de notre argent ; et ayant la paix avec l’Allemagne, nous pourrions établir notre commerce avec les vins du Rhin, quoiqu’il ne fût pas si profitable à la Hollande que le commerce des vins de France par mer. » On voit par ce passage que Jean de Wit fonde les relations commerciales sur des intérêts et des besoins réciproques, indépendants des conventions diplomatiques, et qui offrent des liens bien plus solides que celles-ci. Ces Mémoires sont, du reste, remplis de maximes saines et de principes qui pourraient encore de nos jours trouver une application utile.

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