Conférence sur le capital (1895)

Tandis que dans les publications socialistes et les discours politiques de ceux qui font commerce d’une opposition bien sensible entre exploiteurs et exploités, le capital est présenté comme un vampire, s’engraissant par les efforts non-payés des salariés, Yves Guyot expose, dans une conférence populaire, ce qu’est le capital, et ce qu’il peut faire pour la prospérité nationale lorsqu’on ne lui fait pas la guerre.

 

LE CAPITAL

CONFÉRENCE FAITE À ANGERS

PAR

M. YVES GUYOT

Au Cercle du PROGRÈS, le 14 décembre 1895

 

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ALLOCUTION DE M. VIELLE

Président du « Cercle du Progrès »

Messieurs,

J’ai l’honneur de présenter M. Yves Guyot aux membres du Cercle du Progrès. Cette présentation est un plaisir pour nous ; M. Yves Guyot n’est pas un inconnu pour nous. Nous savons tous le rôle important que vous avez rempli à la Chambre, les services que vous avez rendus à la République, comme député, comme ministre. Nous savons avec quelle énergie vous combattez l’anarchie sous quelque forme qu’elle se présente dans la société, aussi l’auditoire qui vous entoure vous est des plus sympathiques et je m’empresse de vous accorder la parole. (Applaudissements.)

M. Yves Guyot prend la parole :

Monsieur le président,

Je vous remercie de la bienveillance par laquelle vous avez bien voulu m’accueillir : en venant au Cercle du Progrès sur votre invitation, j’étais sûr d’un bon accueil ; cependant, je ne croyais pas que la cérémonie de ce soir fût aussi imposante qu’elle l’est. Vous m’aviez parlé d’un punch, je croyais que c’était une conversation inter-pocula que nous allions avoir ; je me trouve tout d’un coup devant un grand auditoire, avec une tribune, et obligé de faire un discours dans des proportions que comporte la solennité dont vous m’entourez. Par conséquent, Messieurs, si je suis un peu long, c’est de votre faute ; je croyais n’avoir qu’un toast à porter, je vois que j’ai une véritable conférence à faire. Somme toute, Messieurs, comme le sujet est intéressant et comme je considère qu’on peut, qu’on doit entrer dans les détails pour préciser un certain nombre d’opinions qui, actuellement, flottent dans le vague, et un certain nombre de mots qui sont détournés de leur véritable acception, je n’hésiterai pas à abuser de votre patience.

L’école dure

Lorsque vous êtes venu me voir, monsieur le président, nous avons parlé des questions que je pouvais traiter, et vous m’avez dit : « Prenez un sujet économique, la politique est interdite dans notre Cercle, et parlez-nous du capital ». J’ai admiré votre courage de venir demander actuellement une conférence économique à un économiste reconnu ; c’est évidemment braver un préjugé, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Les économistes sont très mal vus ; ils sont très mal vus pour toute espèce de motifs ; on leur attribue une foule de projets pervers et d’idées qui les rendent impopulaires. Dernièrement encore, au Sénat, M. le président du conseil parlait de l’économie politique comme de l’« école dure ». Les gens qui la pratiquent, l’enseignent, la défendent, sont présentés ainsi comme des cœurs de pierre, sans aucune espèce de sentiment, insensibles aux misères humaines : il n’y a de là qu’une nuance à vous appeler ennemis du peuple.

Eh bien ! le mot n’est pas exact ; les économistes ne font partie ni de « l’école dure », ni de « l’école tendre », pas plus qu’un arithméticien ne fait partie d’une école tendre ou dure. Quand il dit que 2 et 2 font 4, cela peut être désagréable à certaines personnes, cela peut être agréableà d’autres, il n’a pas à s’en occuper. Quand un arithméticien dit 2 et 2 font 4, c’est très désagréable pour le débiteur qui ne voudrait pas payer ses dettes, mais, d’un autre côté, le créancier exige que 2 et 2 fassent 4 ; et le débiteur honnête dit : j’ai pris l’engagement de m’acquitter, je m’acquitterai. (Rires.)

Le physicien ne fait pas partie non plus d’une école dure ou d’une école tendre : la loi de la pesanteur existe, et si des gens se jettent par la fenêtre, ils tomberont ; il n’est pas en son pouvoir de conjurer ces chutes, ni les accidents qui peuvent en provenir par des paroles magiques ou par des phrases sentimentales ; il n’appartient pas à l’école dure parce qu’il constate tout simplement la loi de la pesanteur et ses effets.

Rôle de la science économique

Rendre l’économie politique responsable des misères humaines qu’elle prévoit, qu’elle indique, qu’elle détermine, c’est exactement comme si on rendait le phare responsable des écueils qu’il signale aux navigateurs.

Il éclaire, il signale des récifs, il indique des périls. Je sais qu’il y a beaucoup de personnes qui préfèrent rester dans une espèce d’obscurité vague, qui veulent se masquer le danger, ne pas s’apercevoir des courants et des difficultés, et croient qu’ils conjureront la mauvaise chance et la mauvaise fortune en évitant de les prévoir. L’économie politique a pour but de déterminer les conditions des échanges, comment ils se font et de dire : quand telle chose se présentera de telle ou de telle manière, il en résultera telle ou telle conséquence. Je dois ajouter que depuis à peu près un siècle et demi, époque où la scienceéconomique a commencé à se fonder, on n’a pas toujours serré d’assez près les faits ni la vérité. Mais toute science est en progrès constant, et ce qui fait son propre, c’est de rejeter les erreurs passées et de découvrir des vérités nouvelles.

J’appartiens comme économiste, à cette école dure, puisque dure il y a, mais je prétends que cette école dure est beaucoup plus utile que les écoles tendres. Sans doute, les saint Vincent de Paul doivent avoir toutes nos sympathies, mais ce sont des exceptions dans l’humanité ; ils soulagent des misères, nous devons être pleins de reconnaissance et de gratitude pour eux, mais si on compare leur œuvre à celle qu’ont faite des utilitaires, des savants, des inventeurs qui ne se piquaient pas de tendresse ni de charité, il est évident que l’œuvre de ces hommes a été beaucoup plus considérable au point de vue du développement de la civilisation que celle des autres.

Je considère que Galilée et Newton ; je considère que des hommes comme les grands physiologistes de ce siècle, pour ne parler que de deux d’entre eux, Claude Bernard et Pasteur ; je considère que les gens qui ont inventé la comptabilité en partie double qui, actuellement, régit toutes les affaires commerciales du monde ; je considère que les gens qui ont mis les moyens de transport à la disposition des plus pauvres ; je considère que les inventeurs de la machine à vapeur, des chemins de fer, tous ceux qui ont perfectionné les métiers, ces financiers tant calomniés, ces banquiers dont on médit aujourd’hui, qui ont organisé des sociétés et fourni les capitaux pour transformer le monde moderne, tous ceux-là ont été les agents les plus actifs du progrès, ont rendu les plus grands services aux plus pauvres. (Applaudissements prolongés.)

Ils n’ont pas fait de sentiment, ils n’ont pas fait de phrases élégiaques. Est-ce que vous croyez que quand Mathieu de Dombasle a trouvé le soc de la charrue, il n’a pas fait œuvre plus utile que ceux qui se lamentent sur les misères humaines ? Ce n’est pas avec des phrases, avec des mots qu’on a supprimé les famines, ce sont là des cataplasmes, permettez-moi de le dire, des cataplasmes émolients qui peuvent avoir leur utilité ; ce ne sont pas des facteurs de progrès. Eh ! sans doute les ambulanciers sur le champ de bataille rendent des services, mais ce ne sont pas des combattants. Le général qui garde son sang-froid, qui risque sa vie et risque celle des autres, les soldats, ce sont ceux-là qui représentent la défense nationale, de même que les économistes représentent la défense sociale. (Applaudissements.)

Lorsqu’il y a des préjugés qui viennent obscurcir la voie, lorsqu’il y a des erreurs, il ne faut pas en tenir compte, il faut marcher, lutter, et même, quand on vous qualifie d’homme sans entrailles, appartenant à une école dure, vous devez persister dans cette voie parce que vous avez la conscience que vous êtes utile.

Les capitalistes

Je vous ai dit que nous allions parler du capital. Si les économistes sont calomniés, méconnus, injuriés, à coup sûr les capitalistes sont encore plus maltraités.

D’abord, qu’est-ce qu’un capitaliste ?

C’est un possesseur de capital.

Permettez-moi tout de suite de résumer en trois définitions, des mots dont on se sert plus ou moins vaguement.

Je crois qu’il est important de définir la propriété, le droit qu’a une personne ou un groupe de personnes sur un certain nombre d’utilités ; la richesse, c’est la propriété de ces utilités au point de vue de la quotité — tel a plus ou moins ; le capital, c’est la fonction économique de ces utilités.

C’est à ce point de vue que je vais me placer.

L’école socialiste, actuellement, considère qu’il y a d’un côté une société capitaliste et propriétaire, d’un autre des déshérités — on ne dit pas de quoi — et que tous ces déshérités doivent aller à l’assaut de cette société capitaliste et propriétaire.

Permettez-moi de vous répéter une démonstration statistique que j’ai faite souvent, mais qu’on ne saurait trop redire. Si on prend comme déshérités tous les salariés qui existent en France, ils sont moins nombreux que les salariants. Cela paraît surprenant, mais il en est ainsi. Vous avez en France, d’après le dernier recensement de 1891, 7 800 000 personnes considérés comme patrons, y compris les professions libérales, et les rentiers. Vous avez, au contraire, considérés comme ouvriers, 7 100 000 personnes, par conséquent, il y a une différence de 700 000 du côté des personnes considérées comme salariantes ; si vous ajoutez aux salariés 800 000 employés, vous arrivez à l’égalité à 100 000 près.

Par conséquent, lorsque les socialises vous disent : — Nous sommes le nombre parce que nous représentons les salariés, etc., ils se trompent. Vous voyez qu’au point de vue du nombre, il y a tout au moins égalité en comprenant le nombre des employés. Mais peut-être pourrait-on renverser la proportion dans une certaine mesure. Parmi les 7 800 000 personnes considérées comme patrons, il y a beaucoup de salariés ; les professions libérales par exemple, les médecins, les avocats, sont en réalité des salariés, et puis, parmi les personnes désignées comme salariées, il y en a qui peuvent être propriétaire d’un côté et qui peuvent être salariées de l’autre.

Au point de vue de la propriété, nous arrivons à un résultat encore plus étonnant. D’après les statistiques des contributions directes, qui sont établies d’après des documents fiscaux, vous avez en France 8 500 000 propriétaires, et je ne compte pas les 6 500 000 propriétaires de propriétés bâties, parce que je considère qu’il y a double emploi et qu’il faut les faire refluer vers les autres 8 500 000 propriétaires ; en France, chaque famille représente, au minimum, quatre personnes ; par conséquent, si vous multipliez 8 500 000 par 4, vous arrivez au chiffre de  34 000 000 de personnes sur 38 000 000 qui sont directement ou par indivision propriétaires. Vous voyez, qu’au point de vue de la propriété foncière, tout le monde est propriétaire en France et lorsque les socialistes prétendent que la majorité des Français se compose de non-propriétaires et de déshérités, ils se trompent complètement ; car, s’il y a une majorité, c’est une majorité de propriétaires.

Mais on parle des capitalistes et on parle des actionnaires, comme si les actionnaires ne représentaient pas la division des capitaux et l’accessibilité des petits capitaux aux grandes affaires. Comme ministre des travaux publics, j’ai souvent entendu des reproches formulés contre les actionnaires des compagnies de chemins de fer.

Mais, on connaît très bien la quotité et le nombre des actions qui sont possédées par titres nominatifs, des actions et des obligations, des compagnies de chemins de fer, et on trouve pour les compagnies les plus riches que les titres nominatifs représentent, en moyenne, de 10 000 à 15 000 fr. Voilà les formidables actionnaires des compagnies de chemins de fer. Ce sont de petits propriétaires. Il est vrai qu’ils peuvent être propriétaires fonciers d’un autre côté. Mais ce chiffre indique, par cela même, combien la propriété mobilière, comme la propriété foncière, est divisée en France et se répartit entre un grand nombre de mains.

On parle volontiers des mines — on a l’idée de croire qu’il suffit d’acheter une action de mines pour devenir riche. Eh bien, il y a 1 392 concessions minières en France, 500 seulement sont exploitées.

À la suite d’une interpellation en 1891, on me dit : « Mais il faut donner la mine aux mineurs, etc. » Je répondis que j’acceptais très volontiers. Je publiai dans le Journal officiel le catalogue des concessions abandonnées et les mis à la disposition des personnes qui voudront bien les prendre ; je ne demandais pas mieux que de les leur donner. Personne ne se présenta comme preneur.

Il ne suffit pas d’avoir droit au titre de capitaliste pour être riche. Vous tous qui m’écoutez ici, vous le savez très bien, vous êtes capitalistes, dans une certaine mesure, les uns plus, les autres moins : et ce titre de capitaliste — avoir quelques obligations, avoir une propriété petite ou même grande, avoir des intérêts dans telle ou telle industrie — ne suffit pas pour constituer la richesse.

Rôle économique du capital

Je vous ai dit tout à l’heure que j’allais considérer le capital au point de vue de son rôle de production, comme facteur du développement de la richesse publique. On dit volontiers que le capital est un vampire : c’est la théorie de Karl Marx et cette théorie montre l’absence de toute espèce de notions scientifiques. Les théoriciens de cette école personnifient le capital. Ils en font une espèce de diable : c’est du Moyen-âge.

Je prends comme exemple du capital un chemin de fer. Quand il s’agit de construire un chemin de fer, il faut tout d’abord des études qui sont assez longues, il y a des avances à faire pendant ce temps-là ; il faut ensuite payer les salaires pour remuer de la terre, pour faire des tranchées, des déblais, des remblais, des trous dans les montagnes, des ponts sur les rivières, et tout cela demande une certaine somme plus ou moins considérable qui représente la vie des ouvriers, des achats de matières premières, ensuite des achats de matériel et, au bout de trois, quatre ou cinq ans, selon les travaux qu’il y a à faire, vous avez une voie qui a coûté 200 000, 300 000, 400 000 ou 500 000 fr. par kilomètre.

Vous faites passer un premier train sur cette voie : ce premier train ne suffit pas pour payer les dépenses qui ont été accumulées pendant ces années. Il faudra que pendant des années et des années il y ait beaucoup de trains qui continuent de passer pour que, peu à peu, on rentre dans ces dépenses, et c’est là un point sur lequel j’appelle toute votre attention et qu’oublient toujours ceux qui parlent du capital et des profits du capitaliste.

Nous voyons souvent dans les discussions qui ont lieu, dans les articles des journaux socialistes, prendre deux chiffres, mettre d’un côté tant de salaires, d’un autre côté tant pour le capital, et alors ils disent : vous voyez, le capital prend tout ; le capital prend une part considérable, tandis que le salarié n’a que très peu de chose. Ils comparent le prix des matières premières, ils comparent le prix de vente du produit, et alors ils font le calcul, sans tenir compte des commissions, des escomptes, des multiples combinaisons de la vente, et ce qu’ils oublient toujours, c’est précisément la question d’amortissement ; ils oublient que ce capital, qui a été avancé tout d’abord, doit être remboursé le plus rapidement possible, alors que l’industrie se transforme tous les jours. Ils n’en tiennent pas compte, et de là vient une des grossières erreurs de leur calcul.

Je viens de vous citer l’action de chemin de fer parce que le phénomène de l’amortissement est extrêmement sensible pour elle : elle est amortie en 99 ans. Mais, actuellement, quelle industrie amortit aussi lentement ? Cela vous indique très nettement le rôle du capital dans la production. Des avances considérables de sommes sont immobilisées ; elles ont perdu leur pouvoir d’achat pour le moment, elles sont enfouies dans les travaux du sol, dans les travaux nécessaires pour établir cette ligne, dans le matériel nécessaire pour l’exploiter ; ensuite ces sommes sont remboursées peu à peu par l’exploitation de la ligne.

Eh bien ! un industriel fait exactement la même chose : il a une usine à construire ; le plus souvent, ce n’est pas avec ses propres capitaux qu’il construit cette usine ; il peut y contribuer pour une partie ; il est obligé d’emprunter à des amis, à des personnes qui ont confiance en lui, il se grève d’hypothèques ; il émet des actions et des obligations ; l’établissement industriel est constitué en société. Et puis, il doit acheter des matières premières, et il doit fabriquer. Alors viennent les ouvriers.

L’industriel et l’ouvrier

Quel est le contrat qui existe entre le fabricant et l’ouvrier ? On a dit que le travail était une marchandise, cela n’est pas exact ; ce n’est pas le travail qui est une marchandise ; ce qui est une marchandise, c’est le produit du travail. Ce qu’achète l’industriel, ce n’est pas le travail. Dans le travail aux pièces, par exemple, qui est tout à faire caractéristique, ce n’est pas le travail de l’ouvrier que le manufacturier achète, ce qu’il achète, c’est le produit du travail de l’ouvrier. Il est exactement dans le même rôle, par rapport à l’ouvrier, que le client qui lui achète le produit qu’il lui livre.

Dans beaucoup d’industries, il fournit à l’ouvrier son outillage, il lui fournit la matière première, il donne à l’ouvrier les moyens de mettre en œuvre, avec l’outillage qu’il lui confie, les matières premières qu’il lui livre ; et il achète le résultat de cette combinaison : le prix qu’il la paie, c’est le salaire.

Ce qu’on appelle le contrat de travail n’est exactement qu’un contrat d’échange, exactement comme la vente du manufacturier au client n’est qu’un contrat d’échange : ces actes sont une série de contrats d’échange. Et alors si nous arrivons à bien rendre au contrat de travail son véritable caractère, vous verrez immédiatement combien nous simplifierons ce qu’on appelle la question sociale, la lutte sociale, parce qu’il n’y a jamais que des combinaisons d’échange entre l’ouvrier qui livre ses services ou le produit de son travail moyennant un prix débattu, et le manufacturier qui paye ces services ou ces produits pour les livrer à ses clients.

J’appelle votre attention sur ce troisième terme : le client. On parle volontiers des rapports du capital et du travail. Eh bien, en réalité, il n’y a pas de rapport du travail et du capital, le capital ne fait qu’une avance.

Le capital fait l’avance de l’outillage, le capital fait l’avance des matières première, le capital contracte ensuite avec l’ouvrier un marché à forfait, et il le paie lorsque l’ouvrier lui a livré son produit. Que le fabricant puisse vendre ce produit à tel ou tel prix, cela ne regarde pas l’ouvrier ; qu’il achète les matières premières à un cours plus haut ou plus bas, cela ne regarde pas l’ouvrier ; qu’il garde en magasin le produit qu’il a acheté, cela ne regarde pas l’ouvrier ; le manufacturier a dû faire quand même l’avance du salaire et le payer. Mais il y a une troisième personne, cette troisième personne qui règle, c’est le consommateur. On aura beau prendre toutes les mesures que l’on voudra, on peut limiter les heures de travail, on peut établir dans la loi des minima de salaire, on peut rendre plus cher le prix du travail de l’ouvrier ; il y a quelqu’un que le législateur ne peut jamais atteindre, ce quelqu’un c’est le consommateur.

Je l’ai déjà dit bien des fois, je le répète encore, il est insaisissable par la législation ; il achète ou il n’achète pas, selon son gré, personne ne peut l’obliger à acheter. Eh bien ! quand le consommateur n’achète pas, il n’y a pas de capital qui tienne, une usine ne peut vivre sur son capital. Le jour où l’usinier est obligé de payer ses salaires sur son capital, tôt ou tard, dans un délai plus ou moins grand, il est obligé de fermer son usine, il est acculé à la ruine.

Par conséquent, lorsqu’on parle des rapports du capital et du travail, on oublie toujours ce coefficient, c’est que le capital dans les combinaisons industrielles n’est qu’une avance et que cette avance doit être remboursée par les acheteurs. Ce qui fait la fortune d’un industriel, c’est la richesse de sa clientèle. Le jour où ses débouchés se ferment, l’usine est condamnée à fermer tôt ou tard : donc la première chose, si vous voulez que les salaires soient élevés, c’est que l’industriel trouve toujours des consommateurs. Et, il ne peut trouver des consommateurs qu’à la condition de livrer ses produits à un aussi bas prix que ses concurrents et de meilleure qualité. (Applaudissement).

Les salaires et les grèves

On peut, par des combinaisons factices, entendons-nous bien, produire l’élévation des salaires ; on peut, par exemple, grâce à une grève, augmenter le taux des salaires, soit : vous avez augmenté ce taux des salaires, vous avez renchéri le produit ; mais la clientèle va se détourner de ce produit ; alors c’est le chômage ; cette augmentation des salaires n’aura été que momentanée, et ensuite, si l’usine ferme, c’est la ruine pour tous, fabricant et ouvriers. Cette élévation momentanée des salaires aura paru un avantage, pendant cinquante, soixante, cent jours peut-être, mais que devient cet avantage, si le reste de l’année est condamné au chômage ?

Les exemples sont fréquents. Voilà la grève actuelle de Belfast et sur la Clyde. Immédiatement des commandes de bateaux sont allées en Allemagne. Lorsque les chantiers de Milwall sur la Tamise se mirent en grève, la construction des navires alla sur la Clyde. Tout le monde connaît des industries qui ont été déplacées par une grève. Au lendemain de la grève, si les industriels ont cédé pour un motif ou pour un autre, on dit que la grève a réussi : oui, elle a réussi pour ce jour-là, mais si l’usine ne se ferme pas de suite et doit se fermer plus tard, on n’est arrivé qu’à ruiner l’industrie, et qu’à supprimer les salaires.

 La grève des capitaux

Non seulement cela se produit en France, mais cela se produit dans tous les pays. J’étais à Verviers, il y a quelques mois, et les fabricants de draps, ennuyés par les grèves qui avaient lieu, par les exigences de leurs ouvriers, transportaient leurs capitaux en Russie où ils établissaient de nouvelles manufactures.

Lord Salisbury disait, il y a quelques jours, en Angleterre, que les menaces qui avaient lieu contre des industriels, les programmes des « Trade-Unions » aux Congrès de Belfast et de Norwich, éloignaient les capitaux et les personnes de l’industrie et condamnaient l’industrie à la stagnation. En France, je n’ai pas besoin de citer des exemples ; tout le monde connaît les résultats de cette politique et l’état d’affaissement qui en résulte pour un grand nombre d’industries.

Ce phénomène est ce que ne voient pas non seulement les socialistes, mais beaucoup de législateurs, et le plus souvent, dans toutes les discussions qui ont lieu à propos de ce qu’on appelle les rapports du capital et du travail, on l’oublie. Nous, économiste de l’école dure, qu’est-ce que nous représentons en définitive ? Qu’est-ce que nous cherchons ? Mais c’est la politique des hauts salaires : nous la recherchons parce que nous considérons qu’elle est avantageuse pour tout le monde.

Lorsque nous disons aux capitaux : « Nous vous garantissons la sécurité, nous considérons que la propriété est un droit, nous ne voulons pas l’atteindre, nous sommes hostiles à l’impôt progressif, nous ne voulons pas que l’impôt soit jamais un instrument de spoliation », nous défendons la liberté du travail contre les réglementations qu’on prétend établir dans l’intérêt des salariés, nous appelons, en leur inspirant confiance, une plus grande quantité de capitaux vers l’industrie ; nous faisons, par conséquent, des avances d’outillage et de matières premières au travail ; nous provoquons des hommes à chercher de nouvelles clientèles ; et il n’y a pas trente-six manières d’augmenter les salaires. Il n’y en a qu’une que Cobden a résumée par une image aussi pittoresque que frappante.

— Quand deux patrons courent après un ouvrier, le salaire monte, et quand deux ouvriers courent après un patron, le salaire baisse.

Lorsque nous sollicitons les capitaux par la confiance que nous leur inspirons, à se lancer dans les voies industrielles, nous réalisons ceci : — Deux patrons courant après un ouvrier.

Au contraire, la politique socialiste qui considère que tout industriel qui ne se ruine pas est un coupable tenu en suspicion ; qui déclare qu’elle n’a pour but que de les piller un jour ou l’autre ; qui prend comme base de son programme la ruine de tout capitaliste par des moyens légaux ou violents, que fait-elle ? Elle détourne les capitaux de l’industrie, elle fait la grève des capitaux à l’égard du travail. De plus, est-ce que toutes ces menaces n’arrivent pas à détourner une foule d’activités et d’intelligences de l’industrie ? Des hommes poursuivant une carrière, déjà arrivés à un certain âge, se retirent devant ces menaces, devant ces ennuis. Tel homme, au lieu de s’engager dans une carrière industrielle, dégoûté par les suspicions, le mauvais vouloir qui peuvent régner entre un certain nombre d’ouvriers et lui, par les menaces, par les procédés de chantage que l’on fait à sonégard, se retire de l’industrie, cherche une fonction, entre dans l’armée, dans la magistrature, et cela au détriment de la prospérité du pays, car, au lieu de contribuer à augmenter la richesse nationale, il de vient partie prenante au budget. (Applaudissement).

Eh bien, nous, représentants de « l’école dure », que voulons-nous ? Voir les salaires hausser par le libre jeu des forces économiques, c’est la disparition des chômages ; voir industriels et ouvriers garantis contre les risques qui peuvent résulter de la disparition de certaines industries. Ce que nous considérons comme l’intérêt de tous, c’est de voir à la tête de l’industrie, des hommes actifs, énergiques, ayant la tradition et l’expérience des affaires.

Et les socialistes, qu’est ce qu’ils apportent d’un autre côté ? Des mots, des phrases, par lesquels ils inspirent de mauvais sentiments, soufflent des passions de haine et d’envie ; est-ce qu’ils ont fait quelque chose, en réalité, pour augmenter les conditions du bien-être des salariés ?

La part du capital

Un des grands arguments des socialistes, c’est que la part du capital est trop grosse.

Si nous examinons l’histoire économique des cinquante dernières années, nous voyons que des études très sérieuses sur la part du capital ont été faites en Angleterre et aux États-Unis. En France, d’une manière moins complète, mais elles ont été faites également. Eh bien, nous pouvons considérer que les salaires aux États-Unis ont augmenté, d’après un travail de M. Caroll Wright, le chef du département du travail aux États-Unis [1], de 1860 à 1891, pour l’ensemble des industries, de 68%.

Le prix des principales denrées, de celles qui sont d’un usage le plus commun dans la proportion où elles sont généralement employées, a diminué de 6%. Voilà donc, par conséquent, une augmentation au point de vue du salaire et au point de vue des nécessités de la vie, voilà une différence à l’avantage des salariés de 74%.

M. Giffen, le secrétaire du « Board of trade » anglais, a fait un travail sur les salaires anglais ; il a comparé l’augmentation des salaires anglais avec le prix des objets. Il considère que les salaires anglais ont augmenté depuis un demi-siècle à peu près d’environ 50%, que les objets nécessaires en Angleterre, où les droits de douane n’existent pas, ont diminué dans une proportion de 25% ; vous voyez, par conséquent, que nous arrivons encore ici à 75%.

Parmi les dépenses, il y a une chose, toutefois, qui a augmenté dans une forte proportion, c’est le loyer.

M. Giffen a calculé que l’ouvrier qui, il y a cinquante ans, son loyer étant payé, gardait 18 fr. par semaine, peut maintenant garder 33 fr. par semaine pour ses autres besoins. Il y a donc une augmentation de près de 100% relativement à l’emploi que peut faire l’ouvrier anglais de son salaire en dehors de son loyer, et il peut avoir des objets d’alimentation et objets manufacturés à beaucoup plus bas prix.

Dans l’industrie des mines, l’administration, à un point de vue fiscal, connaît les pertes et les gains. Elle a une tendance à augmenter ceux-ci, puisque plus ils sont grands, plus elle peut percevoir.

En Belgique, en 1892, nous trouvons 271 sièges en activité ; ils tombent à 268 en 1893 ; 65 mines sont en gain de 11 millions ; 54 en perte de 5 millions ; restent 6 millions en chiffres rond alors que les journaux socialistes parlent de plusieurs centaines de millions de bénéfices.

En France, sur 1 394 concessions de mines de toute nature, il y en a 502 d’exploitées ; sur 636 concessions houillères, il y en a 298, soit 47%, moins de la moitié qui soient exploitées.

En Belgique, tandis que le salaire de 1892 à 1893 n’a baissé que de 0,10%, la part de l’exploitant a baissé de 65%.

En 1893, le bénéfice de l’exploitant, par tonne, en Belgique, a été de 33 centimes. Le salaire a été de 5 fr. 34. Le prix de la tonne a été inférieur de 66 centimes à celui de l’année précédente. C’est donc l’exploitant qui a subi tout le poids de la baisse.

Dans la province de Liège, en 1888, le gain par tonne de l’ouvrier était de 4,84 fr., celui de l’exploitant de 0,80 fr.

En 1893, le premier a atteint 5 fr. 63, le second a été réduit à 0,37 fr. Le gain de l’ouvrier a donc augmenté de 16%, celui de l’exploitant a été réduit de 66%.

La part du capital ne cesse pas de diminuer, tandis qu’au contraire la part du travail ne cesse pas d’augmenter.

Dans une étude entreprise par le bureau du travail de l’État de l’Illinois, sur vingt-six industrie représentant les deux tiers des capitaux et des ouvriers employés dans cet État, on a établi le rapport du salaire des ouvriers et des produits.

On trouve, pour 54 établissement de salaisons représentant 53 millions de capital et employant 10 212 ouvriers, un produit brut de 46 060 fr. pour un salaire de 1 930 fr.

En entendant ces chiffres, les socialistes ne manqueront pas de s’écrier que cette différence entre le produit brut et le salaire de l’ouvrier montre toute la plus-value de travail dont profite le patron.

Il n’y a qu’un malheur, à ce beau raisonnement, et le voici :

Matières premières 406 900 000
Salaires 19 700 000
Autres frais 50 000 000
476 600 000
Produit brut 470 300 000
Différence en moins 6 300 000

Ces fabriques de salaisons représentent non un gain, mais une perte de plus de 6 millions qui, par ouvrier, se répartit de la manière suivante :

Produit brut 46 060 fr.
Salaires   1 930
Pertes      635

La fameuse plus-value est une moins-value ; et dans combien d’industrie n’en est-il pas de même ?

Pour 97 minoteries, même phénomène. Salaire 2 655 fr., produit brut 64 250, mais déduction faite des matières premières, des salaires et autres frais, la perte est de 3 400 000 francs qui divisés par 1 838 ouvriers, représente une moins value, pour chacun d’eux, de plus de 2 000 fr.

En France, je connais une mine de Saint-Étienne qui, depuis 1836, a dépensé des millions sans que ses actionnaires aient jamais touché un sou de dividende ni même d’intérêt.

M. Lalande a fait, en 1892, une monographie de la fabrique de porcelaine et de faïence de Bacalan, fondée en 1872. Il a montré que la part du capital avait été de 1 100 000 francs et la part du travail de 37 700 000 francs.

Je ne cite que ces quelques faits. Ils suffisent à démontrer l’illusion de ceux qui croient que le capital prend tout. Sa part se réduit, et elle se réduit de jour en jour, de plus en plus, parce que la valeur de l’ouvrier augmente, et non pas à la suite des moyens factices préconisés par les meneurs de syndicats.

En voici la preuve :

En Angleterre, le professeur Levi a comparé l’augmentation du salaire des hommes avec l’augmentation du salaire des femmes, de 1866 à 1878 ; celui des hommes, pendant cette période, avait augmenté de 6% ; celui des femmes de 24%. Cependant les hommes avaient des « Trade-Unions » et les femmes n’en avaient pas. D’où vient cette augmentation beaucoup plus considérable chez les femmes que chez les hommes, alors que les femmes n’avaient pas fait de grève, ne s’étaient pas agitées comme les hommes ?

D’une raison extrêmement simple, c’est qu’un des premiers signes du bien-être d’une population est une augmentation dans la domesticité féminine ; un petit ménage qui arrive à l’aisance prend une bonne : par conséquent, quand la propriété d’un pays se développe, il y a un appel perpétuel aux domestiques femmes.

C’est cette augmentation dans la demande qui a augmenté dans une pareille proportion le salaire des femmes, alors que les hommes qui avaient employé des moyens de pression n’étaient pas parvenus à obtenir une augmentation pareille.

La politique des hauts salaires

Cet exemple vous prouve qu’il n’y a qu’un moyen d’augmenter les salaires, c’est celui de provoquer des demandes de travail ; mais la politique des hauts salaires, c’est la politique du bien-être pour tous, c’est une politique, au point de vue moral, de confiance réciproque, une politique d’entente, qui montre que les intérêts du capital, du travail et du consommateur sont solidaires l’un de l’autre. On peut placer l’industriel d’un côté et le travail de l’autre, mais il faut qu’ils soient réunis à un moment donné. Deux personnes se rencontrent pour acheter et pour vendre ; il y a toujours un commencement de conflit : l’une veut vendre le plus cher possible, l’autre veut acheter le meilleur marché possible, mais elles finissent par s’entendre, elles font une transaction et elles arrivent à un contrat, lequel est plus ou moins avantageux pour telle ou telle partie.

Il en est exactement le même au point de vue des rapports du salariant et du salarié. Le salarié a absolument le droit de vouloir être payé le plus cher possible, le salariant dit qu’il ne peut pas aller au-delà d’un certain prix.

Autrement, le fabricant ne pourrait pas continuer d’acheter le produit du travail de l’ouvrier, vu que le débouché se fermerait, mais en réalité, dans la discussion de la quotité, il doit forcément y avoir accord, et s’il n’y a pas accord, c’est la ruine pour le salarié et pour le salariant.

Voilà, Messieurs, en quelques mots, ce que je voulais vous exposer au point de vue des rapports du capital et du travail. Je considère que nous devons essayer de fonder la paix sociale, non pas sur des mots, mais sur des faits ; que nous devons essayer de faire saisir par chacun les vérités économiques tangibles et palpables. Nous devons ramener l’attention de toutes les personnes vers un certain nombre de principes, difficiles peut-être à formuler, mais qui, une fois bien expliqués, doivent saisir l’imagination.

Je considère qu’il faut dire très nettement aux ouvriers, non pas qu’on veut les aider, non pas qu’on veut leur rendre des services ; non, il faut leur dire : Nous sommes deux contractants, acheteur et vendeur. Je puis vous acheter à tel prix, je ne puis pas vous acheter à tel prix ; il y a derrière nous une troisième personne, le consommateur, qui nous domine tous les deux. Il faut très nettement leur indiquer ensuite que si leurs prétentions sont excessives, à certains moments, elles ne peuvent aboutir qu’au chômage, et par conséquent, à la ruine réciproque.

Il n’y a d’autres manières d’augmenter le salaire que d’appeler le plus de capitaux possible vers l’industrie en leur assurant la sécurité, et une double sécurité, la sécurité dans la production et, en même temps, la sécurité dans les débouchés.

Mais il y a encore une autre manière d’augmenter le salaire, car dans le salaire, il n’y a pas seulement ce qui se compte en monnaie, il y a encore les objets que l’on peut se procurer avec le salaire.

Eh bien, plus la circulation devient active, plus la production devient abondante, plus les objets baissent de prix, et, par conséquent, tel ouvrier qui, avec un salaire nominal égal, pouvait se procurer certaines utilités il y a cinquante ans, peut se procurer le double aujourd’hui avec le même salaire nominal ; en même temps, plus il peut consommer, plus il crée des débouchés à la production. Par conséquent, de cet échange de production et de consommation résulte non seulement le bien-être pour lui, mais encore une activité générale pour tout le monde.

Les résultats du socialisme

Telles sont les vérités que l’économiste peut dégager de l’observation des faits. Il peut constater que dans les pays aux époques où la législation s’est conformée dans une certaine mesure aux principes économiques, la prospérité a augmenté, les salaires se sont élevés, le bien-être s’est développé ; chaque fois, au contraire, que les pouvoirs publics ont violé les principes économiques, il y a eu recul dans l’évolution économique : et ce sont les salariés qui en ont le plus durement souffert.

Les doctrines socialistes qu’ont-elles produit ?

Vers 1840, il y avait les socialistes français, à qui les Allemands n’ont fait que prendre leurs idées pour les déformer. Ils avaient les aspirations les plus hautes et les plus généreuses qui les emportaient dans la région des utopies. La Révolution de 1848 survient : ils n’aboutissent qu’aux Ateliers nationaux, dont l’expérience se termine par les terribles journée de Juin.

Le lendemain de la guerre, il y a eu un essai de gouvernement socialiste qui s’est appelé la Commune, dont le souvenir reste une épouvante pour notre histoire.

Voilà ce qu’ont produit les chimères et les erreurs du socialisme, au point de vue du progrès ! Nous ne voyons derrière lui que des désastres, des misères, des haines. Il n’a que des ruines pour piédestal. Nous qui sommes de l’école dure, si nous comparons au contraire les effets qu’a produits l’application plus ou moins mitigée, plus ou moins mal comprise des vérités économiques qui ont été dégagées depuis un siècle, à coup sûr nous pouvons être fiers du progrès qu’elles ont contribué à généraliser dans le monde. (Applaudissement).

M. Leroy, conseiller général, adresse des remerciements au nom du cercle à M. Yves Guyot.

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[1] Industrial evolution of the United States, 1895.

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