Oeuvres de Turgot – 172 – Les finances de 1775

1775

172. — LES FINANCES DE 1775.

I. — État des recettes et des dépenses pour 1774 dressé par l’abbé Terray. 

RECETTES

Reste à disposer sur les objets ci-après (en livres) :

  1. Fermes générales 51 000 000
  2. Nouveaux sols pour livre et régie de différents droits sur le papier, l’amidon, etc. 22 000 000, en tout les deux premiers articles :                          73 000 000
  3. Ferme des postes 5 189 000
  4. Recette générale des Finances 92 000 000
  5. Régie des droits réunis 6 224 000
  6. Régie des droits réservés 2 651 000
  7. Régie des hypothèques, y compris les droits de Bretagne 2 300 000
  8. Régie de la Flandre maritime 200 000
  9. Ferme de Sceaux et de Poissy 456 000
  10. Ferme des octrois 1 079 000
  11. Fermes et régies particulières 300 000
  12. Capitation de Paris 810 000
  13. Vingtièmes de Paris 3 000 000
  14. 1 Vingtièmes des princes du sang 144 000
  15. Capitation de la Cour 600 000
  16. Pays d’États 7 759 924
  17. Clergé des frontières 630 000
  18. Ordre de Malte 149 600
  19. Dixième d’amortissement. 2 000 000
  20. Domaines et bois du Roi 3 550 000
  21. Nouveau marc d’or 350 000
  22. Évaluation d’office 2 000 000
  23. Droits féodaux et seigneuriaux 2 600 000

Restant net 206 992 524[1]

DÉPENSES

(en livres)

  1. Extraordinaires des guerres 60 000 000
  2. Artillerie et génie 10 000 000
  3. Marine et colonies 30 000 000
  4. Affaires étrangères 8 000 000
  5. Maison militaire du Roi 8 000 000
  6. Gouvernements municipaux 680 000
  7. Mendicité 1 200 000
  8. Ponts et chaussées, turcies et ports maritimes
  9. Maréchaussée et taillon ; total articles 8 et 9 : 7 740 000
  10. Ligues suisses 800 000
  11. Remboursement des offices des Parlements et intérêts des liquidations 6 000 000
  12. Remboursement des rescriptions 3 000 000
  13. Intérêts desdites rescriptions 3 300 000
  14. Intérêts des augmentations de finance, dixième déduit ……
  15. Remboursement d’avances à la régie des cuirs 3 000 000
  16. Remboursement à la régie des hypothèques 500 000
  17. Maison du Roi, y compris celles de Provence et d’Artois 32 000 000
  18. Caisses des arrérages, y compris le versement des rentes sur la Compagnie des Indes et la Bretagne, et les intérêts des offices supprimés 18 000 000
  19. Actions et Compagnie des Indes 5 500 000
  20. Dépenses générales de la finance (y compris les frais d’établissement de la maison des Princes) 14 000 000
  21. Dépenses imprévues, y compris les approvisionnements 8 000 000
  22. Pensions 6 500 000
  23. Intérêts et frais de remises 8 000 000

Total 234 220 000[2]

Dépenses 234 220 000

Recettes 206 992 324

Déficit 27 227 476

II. — Tableau des revenus, charges et dépenses ordinaires de l’État pour l’année 1775, dressé par Turgot.

RECETTES PRODUIT DÉDUCTIONS NET porté au Trésor royal
1. Fermes générales 152 000 000 89 439 150 62 560 850
2. Sols pour livre réservés 1 800 000 » 1 800 000
3. Vingtième d’industrie des fermiers généraux 341 396 » 341 396
4. Capitation personnelle des fermiers généraux 144 000 » 144 000
5. Marc d’or sur les Commissions des fermes 150 000 » 150 000
6. Intérêt des billets des Fermes 162 000 » 162 000
7. Recettes générales des finances 140 152 590 37 375 520 102 777 070
8. Ferme des postes 7 700 000 » 7 700 000
9. Fermes de Sceaux et de Poissy 600 000 137 750 462 250
10. Ferme des droits réservés 4 500 000 1 314 375 3 185 625
11. Ferme des octrois municipaux et des hôpitaux 1 079 600 » 1 079 600
12. Ferme des devoirs du Port-Louis 32 000 32 000 »
13. Régie des droits réunis 8 100 000 3 905 381 4 294 419
14. Régie de la Flandre maritime 650 000 610 000 40 000
15. Régie des Hypothèques 5 000 000 [3] 880 000 4 120 000
16. Régie des domaines 4 000 000 633 855 3 366 145
17. Ferme particulière de quelques domaines réunis 104 000 104 000 »
18. Marc d’or 1 400 000 1 400 000 »
19. Principauté d’Orange 19 800 » 19 800
20. Impositions de Paris 5 800 000 (a) 1 417 514 4 382 487
21. Capitation de la cour 700 000 » 700 000
22. Vingtièmes abonnés 144 740 » 144 740
23. Bois du Roi 5 402 231 (a) 2 103 423 3 298 808
24. Marches du Poitou 22 000 » 22 000
25. Don gratuit du clergé Mémoire. (a) » »
26. Revenus casuels 2 500 000 (a) 1 200 000 1 300 000
27. Dixième d’amortissement 2 620 000 » 2 620 000
28. Dixième de diverses Capitations 1 163 746 » 1 163 746
29. Ordre de Malte :

Capitation : 39 600

Vingtièmes : 110 000

149 600 » 149 600
30. Languedoc 8 827 886 7 072 134 1 755 752
31. Bretagne 7 254 399 3 666 436 3 587 963
32. Bourgogne 3 061 604 2 850 366 211 238
33. Provence 1 926 425 (a) 1 245 700 680 725
34. Terres adjacentes de Provence 927 124 344 833 582 291
35. Bresse, Bugey et Gex 846 635 463 547 383 088
36. Roussillon et pays de Foix 506 782 216 419 290 363
37. Béarn, Navarre et anciens domaines de Navarre 478 840 (a) 390 750 88 090
370 167 398 156 703 352 213 464 046

DÉPENSES À PAYER PAR LE TRÉSOR ROYAL

  1. Extraordinaire des guerres 63 400 000
  2. Artillerie et Génie 10 000 000
  3. Taillon (comprenant les appointements des gendarmes, etc.) 1 186 756
  4. Maréchaussées 2 500 000
  5. Marine et colonies, y compris les dettes et lettres de change 33 000 000
  6. Affaires étrangères 10 500 000
  7. Maison militaire du Roi 8 000 000
  8. Gouvernements municipaux 700 000
  9. Dépenses des mendiants 1 200 000
  10. Ponts et chaussées 3 600 000
  11. Turcies et levées 480.000
  12. Ports maritimes 396 000
  13. Remboursements et intérêts des rescriptions et dépenses de la caisse des recettes générales 7 200 000
  14. Ligues suisses 800 000
  15. Caisse des arrérages 20 000 000
  16. Intérêts et remboursements des actions de la Compagnie des Indes et dépenses de la Compagnie 5 500 000
  17. Maison du Roi, y compris celle des princes 33 500 000
  18. Dépenses générales de la finance 14 000 000
  19. Dépenses imprévues 6 000 000
  20. Pensions des différents départements 7 000 000
  21. Intérêts et remises des différents services 6 000 000

Total des dépenses à faire par le Trésor royal en 1775 234 962 756

Revenus libres suivant l’état d’autre part 213 464 046

Déficit 21 498 710

La dette exigible arriérée montant 235 261 360 l., on ne peut payer sur cette dette, par année, moins de 15 000 000

Déficit total 36 498 710 [4]

III. — Mémoires au ministre de la Guerre (De Saint-Germain) sur les économies à faire dans le département de la Guerre.

Octobre.

(Ces Mémoires n’ont pas été retrouvés. Voici ce qu’en a dit Du Pont : « M. Turgot avait sévèrement discuté les projets de fonds des différents départements et, celui des affaires étrangères excepté, il avait trouvé dans tous la possibilité de faire des économies considérables, sans nuire à la dignité, ni à l’utilité du service du Roi.

« Il avait surtout apporté le plus grand soin à l’examen du fonds de la guerre ; il l’avait comparé avec celui des autres puissances militaires. Il avait consulté des officiers généraux. Et il en avait conclu, qu’en rendant les garnisons plus sédentaires, en améliorant l’administration et le plan des étapes ; en réformant ceux des châteaux forts qui n’étaient plus d’aucun usage et même, par la suite, des forteresses qu’un meilleur système pour la guerre rendrait inutiles ; en donnant à l’École militaire une constitution plus avantageuse, … en rendant les Invalides plus heureux et les Vétérans plus utiles ; en confirmant pour leur vie aux gouverneurs et commandants des provinces actuels, leurs places, purement honorables et lucratives, dont ils ne pouvaient remplir les fonctions sans une commission particulière — au point qu’un gouverneur de province n’osait exercer aucune autorité, ni même faire un voyage dans la province qui paraissait lui être confiée, sans un ordre exprès de la Cour — ; mais en réformant, pour l’avenir, ces titres qui n’occasionnaient pas de service, … ou en les chargeant, lors des vacances, d’une partie des pouvoirs militaires au soulagement du Trésor, de même que les gros bénéfices ecclésiastiques étaient chargés de pensions, … il avait conclu qu’on pouvait améliorer le sou du soldat, la force et les approvisionnements de l’armée, en rendant beaucoup de fonds libres pour les autres besoins de l’État[5].

« Il avait remis au comte de Saint-Germain deux Mémoires, dont l’un contenait les économies qui pouvaient être faites sur-le-champ ; elles passaient 2 000 000 l. L’autre exposait celles de ces économies qui demandaient un travail et des réformes pouvant cependant avoir lieu dans le cours d’une année ; elles se montaient à 15 000 000 l. et devaient s’accroître par le décès de ceux auxquels les réformes laisseraient des traitements viagers.

« M. Turgot finissait ce dernier travail lorsqu’il tomba malade à Fontainebleau, vers la fin d’octobre 1775. (Du Pont. Mém.) »

IV. — Projet de résiliation du bail des fermes.

(Opposition des financiers. — Difficultés de la suppression du bail des fermes. — Projet de suppression de la gabelle.)

Journal Historique, 16 janvier. — Le contrôleur général donne cette année 3 millions de plus pour le paiement des rentes de la Ville, ce qui fait 1 500 000 livres par semestre et rapproche de trois semaines ce paiement arriéré de plus de 6 mois, car il faudrait 28 millions de livres pour être au pair.

22 février. — Les financiers continuent à dire du mal de M. Turgot ; ils lui reprochent d’abandonner tous les jours, ou du moins de laisser se détériorer quelques branches de la recette, sous prétexte qu’il ne veut pas qu’on tourmente personne sous son administration, en sorte qu’il préfère donner des indemnités aux fermiers, etc. À ce grief, ils en joignent un second plus fondé, c’est que, tandis que la recette diminue d’un côté, il ne retranche pas la dépense et elle va toujours son train.

27 février. — On veut aujourd’hui que le projet de M. Turgot soit de mettre toutes les généralités en pays d’états ; les receveurs généraux sont dans de grandes transes ; leur comité composé des Srs Hardouin, Boutin, Bouchard et Meulan obsèdent continuellement le ministre des finances ; mais on est fort inquiet de la santé de celui-ci dont la goutte est remontée dans la poitrine. Sa perte réjouirait merveilleusement toute la finance.

Journal de Véri, novembre. — Le choix de Saint-Germain a causé une joie unanime dans les troupes et dans les provinces. J’ai vu pareille jubilation à l’arrivée de M. Turgot à la finance, et depuis six mois, on n’entend qu’un cri contre son administration ; à Paris, car les provinces louent ses opérations et lui reprochent sa lenteur. Les critiques de Paris tombent sur le vague de ses systèmes supposés.

La suppression des Messageries[6] sert de prétexte parce que les privilégiés qui en faisaient leur profit se plaignent.

Son projet encore secret de résilier le bail des fermes m’effraie. Il compte rembourser les fonds d’avance qu’ils ont fait au Roi pour 93 millions et mettre en régie les droits royaux dont la ferme monte à 150 millions. J’ai trouvé Maurepas, Malesherbes et Trudaine effrayés de ce projet.

La difficulté de trouver 93 millions, la foi d’un contrat blessé par la résiliation d’un bail qui doit durer encore 5 ans, le discrédit qu’un emprunt si fort peut opérer dans les effets royaux, le danger d’altérer la confiance lorsqu’on est dans le doute d’une guerre, les non valeurs d’une régie, dont les préposés sont moins vigilants que les fermiers, tous ces motifs ne détourneraient pas Turgot parce qu’il a une réponse plausible à tous.

Je lui ai fait voir que dans les provinces le produit des droits de contrôle, des aides, de la gabelle, de la douane n’était pas l’effet seul des tarifs, mais aussi que les extensions, la frayeur que les commis des fermes inspire, étaient les sources du grand accroissement des produits. Les financiers irrités ne manqueront pas de déclarer impraticables tous les changements utiles qu’il projette, d’en faire échouer quelques-uns par leurs manœuvres, d’effrayer les imaginations faibles du Roi et de Maurepas. Les gens de la Cour intéressés dans les produits de la finance devinent déjà que la confiance de ces deux personnages en Turgot est diminuée. Ils en répandent les critiques que Maurepas se permet trop publiquement. J’espère que les réflexions que je lui fais arrêteront la résiliation du bail, malgré sa ténacité dans ses plans.

Le luxe des financiers et de leurs alliés à la Cour perd une partie de son aliment par des opérations qui ne sont pas susceptibles d’improbation ; par exemple, le profit par les avances qu’ils faisaient au Trésor Royal et par les voyages supposés à l’argent ; le trésor a dépensé 5 à 6 millions de moins en frais de banque. J’ai proposé à Turgot de publier la liste de ces économies. « Ce serait se faire valoir, dit-il, et je n’aime pas cette manière. »

Malesherbes trouve une bienveillance assez générale ; le Roi le lui dit. Il répondit : « C’est une preuve que je fais mal la place que vous m’avez donnée ; si je la faisais bien, je formerais une foule de plaignants. — C’est donc, dit le Roi, comme le contrôleur général qui ne peut jamais être aimé. »

Décembre. — J’ai cru un moment qu’il allait reprendre son plan de mettre la ferme en régie. À mon observation sur la diminution du produit, il m’a répondu : « N’est-ce pas une chose avilissante que de laisser subsister une ferme parce qu’en la détruisant on ferait cesser les irrégularités et les exactions ? »

En réalité, c’est ce motif seul qui le retient. Il renvoie l’exécution de son projet au temps où il pourra supprimer la gabelle et la remplacer par une imposition.

Au sujet de l’équité, Turgot ne méconnaît pas que résilier un bail sans rendre en écus sonnants les fonds avancés au Roi ne soit une injustice apparente, mais il me dit : « Faisons une supposition : le Roi juge utile de supprimer l’esclavage des nègres dans les colonies en remboursant leur valeur aux propriétaires ; il ne peut faire ce remboursement que dans 10 ans, faut-il attendre ces 10 ans pour produire un bien si considérable ? Si je rompais le bail des fermes, sans le motif légal de la lésion excessive dans le prix, pour en tirer quelques revenus de plus, pour en gratifier d’autres gens plus favorisés, je ferais une injustice réelle, mais, si la machine est montée sur un plan de vexation qui tourmente tous les citoyens, dois-je être arrêté par la difficulté de rembourser les fonds sur-le-champ ? Et l’injustice qu’il y a de faire attendre le remboursement est-elle comparable au mal qu’éprouve le peuple ? Quant à la perte sur le produit, je crois qu’avec de la vigilance et de l’économie, on pourra l’empêcher sans s’écarter des tarifs légaux, et s’il y a une perte parce qu’on cessera d’être illégal, il faut la supporter et chercher un moyen légal de la réparer. » [7]

Décembre. — Le ton général dans Paris depuis 6 mois est de crier contre Turgot et, comme on ne peut rien spécifier de positif, on crie contre les projets qu’on lui suppose et on en fait courir des listes. On trouve, dans ces listes, des plans qui sont contradictoires à ses idées, mais le peuple croit tout et les financiers augmentent la circulation des faux bruits.

Un financier honnête m’a prié d’offrir à de Vaines un million par mois pour les avances du Trésor à un intérêt qui eût été regardé, il y a 18 mois, comme une perte énorme pour lui. De Vaines a refusé, parce qu’il trouve à emprunter à 4 p. 100 et qu’il espère bientôt se passer d’avances.

Le financier me disait : « Turgot nous écrase, mais on ne peut se plaindre jusqu’à présent ; il ne nous a été fait aucune injustice qui donne le droit de crier. »

V. — Lettres de change des Colonies.

Arrêt du Conseil sur la liquidation des lettres de change tirées des Iles de France et de Bourbon.

[D. P., VII, 156.]

15 janvier.

Sur le compte rendu au Roi, étant en son Conseil, que la situation dans laquelle les Administrateurs des Iles de France et de Bourbon se sont trouvés dans les années 1770, 1771, 1772, 1773 et 1774, ne leur ont pas permis de se renfermer dans les limites fixées pour les dépenses de ces colonies ; qu’obligés de pourvoir à des objets indispensables et imprévus, les différents moyens auxquels ils ont eu recours les ont mis dans la nécessité de tirer successivement des lettres de Change pour des sommes considérables sur les Trésoriers généraux des Colonies, que les sommes auxquelles ces lettres se trouvaient portées ayant fait soupçonner des abus, l’enregistrement en a été suspendu jusqu’à ce qu’un examen approfondi eut mis à portée de connaître leur véritable origine, et que le résultat de cet examen ayant été mis sous les yeux de S. M., elle a reconnu que, si une partie de ces lettres de change provenait de causes infiniment légitimes, une grande partie avait été produite par un papier-monnaie agioté sans mesure, ou avait été livré à des négociations abusives que les circonstances n’avaient que trop favorisées. S. M. a cru devoir ordonner le paiement de celles de ces lettres qui, ayant été délivrées à des étrangers, se trouvaient exemptes du soupçon d’agiotage, et méritaient à ce titre une préférence particulière. Et à l’égard du surplus des dites lettres, malgré le peu de faveur que semblent mériter leur plus grande partie, les recherches nécessaires pour parvenir à en faire la distinction étant de nature à entraîner des lenteurs dont les créanciers les plus légitimes auraient considérablement à souffrir par l’incertitude où ils seraient de leur sort ; S. M., par cette considération, a bien voulu prendre la résolution de les acquitter successivement en espèces effectives et sur le pied de leur capital. Mais, comme les fonds destinés à l’administration des Iles de France et de Bourbon pour les exercices auxquels ces lettres ont rapport, se trouvent absorbés, et bien au delà, par les dépenses faites pour ces colonies pendant ces mêmes exercices, S. M. a jugé à propos de nommer un Commissaire, auquel les originaux desdites lettres seront représentés, afin de parvenir ensuite à établir l’ordre dans lequel elles seront payées. À quoi voulant pourvoir… le Roi…. ordonne ce qui suit :

I. (L’article premier nomme M. de Mory, Commissaire pour viser les copies figurées de ces traites, qui montaient en total environ à dix millions).

II. D’après ces copies, il sera, par le dit Sr de Mory, dressé un état de toutes lesdites Lettres, qui sera arrêté au Conseil, et qui contiendra l’ordre des dates auxquelles elles ont été tirées et suivant lesquelles elles seront payées par lesdits trésoriers de la Marine et des colonies, ainsi qu’il sera dit ci-après.

III. Il sera fait, dans les six premiers mois de la présente année, entre les mains desdits trésoriers de la Marine et des colonies, les fonds nécessaires pour payer les 996 197 livres, à quoi montent les traites délivrées aux négociants hollandais du cap de Bonne-Espérance, en paiement des vivres qu’ils ont fournis pour la subsistance des habitants desdites Iles de France et de Bourbon ; celles qui ont été délivrées à la Compagnie des Indes du Danemark, pour même cause, montant à 70 352 livres et celles données en échange des fonds qui se trouvaient dans la Caisse du Régiment Royal Comtois à son départ de l’Ile de France, montant à 135 543 livres.

IV. Le surplus desdites Lettres de Change sera ensuite payé dans l’ordre qui sera établi en exécution de l’article II ci-dessus, à raison, savoir de 300 000 livres dans les six derniers mois de la présente année, qui seront employées à l’acquit de celles desdites lettres qui se trouveront de la somme de 500 livres et au-dessous, et d’un million dans chacune des années 1776 et suivantes jusqu’au parfait paiement desdites lettres ; se proposant au surplus S. M. de destiner par la suite, à mesure que la situation de ses finances le permettra, de plus fortes sommes pour accélérer le plus qu’il sera possible le dit paiement.

V. Les propriétaires et porteurs desdites lettres qui ne voudront pas attendre le temps dans lequel elles se trouveront payables, d’après l’état qui sera dressé en exécution de l’art. II ci-dessus, auront la faculté de demander en paiement desdites lettres des Contrats à 4 p. 100 sur les revenus du Roi, faisant partie de ceux créés par l’Édit de février 1770, dont ils auront la jouissance à compter du premier jour du quartier dans lequel ils remettront leurs soumissions et leurs effets entre les mains du dit Sr de Mory[8].

VI. — Compagnie des Indes.

Arrêt du Conseil sur la suppression du revenu des sommes dues à l’ancienne Compagnie des Indes. 

[D. P, VII, 196.]

13 février.

(La liquidation de la Compagnie des Indes aux Iles de France et de Bourbon se trouvait consommée par l’effet du zèle des Commissaires qui en étaient chargés ; elle n’avait plus pour objet que des créances non susceptibles de contestation. Dès lors, pour l’achever, il suffisait d’un seul agent recevant, au lieu d’appointements fixes, une commission ou prime graduelle sur les sommes à recouvrer. (Du Pont, Mém.)

Broutin fut désigné à cet effet)[9].

—————

[1] L’abbé Terray dressa successivement trois états de recettes :

Le premier comportant une recette nette de 200 031 000

Le second                                                                                                       196 901 557

Le troisième                                                                                 206 992 524

[2] L’abbé Terray avait dressé trois états de dépenses :

Le premier montant à 225 130 000 livres conduisant à un déficit de 25 099 000

Le deuxième — 224 720 000 — 27 818 443

Le troisième — 234 220 000 — 27 227 476

[3] Les Bureaux avaient évalué la recette de divers chapitres aux chiffres ci-après :

En plus.                  En moins.

  1. Régie des hypothèques 7 433 302 2 433 302                »
  2. Impositions de Paris 5 919 176 119 176 »
  3. Bois du Roi 5 399 972 »                                 2 259
  4. Don gratuit du clergé 3 000 000 3 000 000                »
  5. 2 Revenus casuels 4 000 000 1 500 000                »
  6. Provence 1 996 000 70 000    »
  7. Béarn, etc. 478 860 20 »

7 122 498              2 259

Total                                                                    7 110 239

[4] Les bureaux accusaient un déficit total de 37 157 126 livres, y compris 6 millions pour imprévus.

[5] Voir ci-dessus la lettre au comte Du Muy, p. 137.

[6] Voir ci-dessous.

[7] D’après un Mémoire sur la comptabilité générale active et passive des finances (A. N. K 883, n° 6), Turgot aurait ramené son projet à la réduction de soixante à vingt du nombre des fermiers. Il avait, en ce cas, à prévoir le remboursement des parts de quarante fermiers, soit 63 400 000 livres ou 12 480 000 livres pour chacune des cinq années de bail. Ce remboursement devait être obtenu par les économies résultant de la réforme. La suppression d’un grand nombre de caisses devenues inutiles donnait un premier bénéfice de 1 million de livres ; celle de quarante fermiers assurait un gain de 11 880 000 livres ; enfin la réduction de l’intérêt des cautionnements procurait 2 736 000 livres. Au total, l’économie réalisée chaque année devait monter à 15 616 000 livres, alors que le remboursement des charges des quarante fermiers exigeait seulement 12 480 000 livres. Restait un bénéfice annuel de 3 136 000 livres ou d’un peu plus de quinze millions en cinq ans.

Il devait permettre de payer une partie des 31 millions de livres dus pour cautionnements aux vingt fermiers restants. Le surplus aurait été fourni par des économies sur les frais de régie.

« Je tiens de M. Turgot, écrit l’auteur du Mémoire, que toutes ces suppressions produiraient plus de quatre millions d’épargne par an ; ce serait plus de vingt millions dans les cinq ans. »

[8] Ancien caissier de la Compagnie des Indes. — Les lettres de change des Iles de France et de Bourbon étaient arriérées depuis cinq ans. Turgot affecta à leur remboursement en 1775 un fonds extraordinaire de 1 million 500 000 livres.

Après ce remboursement, il restait encore 8 500 000 livres à solder. Turgot assigna à l’extinction de cette dette une somme de un million de livres par an. (Du Pont, Mémoires, 240).

[9] Réorganisée en 1764, d’après un plan présenté aux actionnaires par Necker, la Compagnie des Indes portait le nom de Compagnie Commerciale et devait se régir elle-même. Le contrôleur général L’Averdy la replaça sous la tutelle de l’État ; elle était dans une situation très précaire en 1769. Mainon d’Invau chargea l’abbé Morellet de rédiger un mémoire à ce sujet. Morellet établit, comme Vincent de Gournay l’avait fait antérieurement que le gouvernement dépensait chaque année plus de 10 millions pour obtenir des marchandises d’une valeur moindre, que la compagnie était incapable de se soutenir par ses propres forces et qu’une compagnie privilégiée n’était ni bonne, ni nécessaire, pour faire le commerce de l’Inde. Le privilège de la compagnie fut suspendu par Arrêt du 30 août 1769 ; le 7 avril 1770, l’abbé Terray mit fin au monopole ; c’était de la part de l’abbé une mesure fiscale. À son arrivée au contrôle général, Turgot maintint dans le tableau de prévisions des dépenses, 5 500 000 francs pour les paiements aux actionnaires de la Compagnie.

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