Œuvres de Turgot – 221 – Les travaux publics

Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 5

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1776

221. — LES TRAVAUX PUBLICS

I. Arrêt du Conseil sur la largeur des routes.

[D. P., VIII, 369.]

6 février.

Le Roi s’étant fait représenter l’Arrêt du Conseil du 3 mai 1720 qui fixe à 60 pieds la largeur des chemins royaux, S. M. a reconnu que si la vue de procurer un accès facile aux denrées nécessaires pour la consommation de la capitale et d’ouvrir des débouchés suffisants aux villes d’un grand commerce avait pu engager à prescrire une largeur aussi considérable aux grandes routes, cette largeur, nécessaire seulement auprès de ces villes, ne faisait, dans le reste du Royaume, qu’ôter des terrains à l’agriculture, sans qu’il en résultât aucun avantage pour le commerce ; elle a cru qu’après avoir, par la suppression des corvées et celle des convois militaires, rendu aux hommes qui s’occupent de la culture des terres la libre disposition de leurs bras et de leur temps sans qu’aucune contrainte puisse désormais les enlever à leurs travaux, il était de sa justice et de sa bonté pour les peuples de laisser à l’industrie des cultivateurs, devenue libre, et à la reproduction des denrées tout ce qu’il ne serait pas absolument nécessaire de destiner aux chemins pour faciliter le commerce. Elle s’est déterminée, en conséquence, à fixer aux grandes routes une largeur moindre que celle qui leur était précédemment assignée, en réglant celle des différentes routes suivant l’ordre de leur importance pour le commerce général du Royaume, pour le commerce particulier des provinces entre elles, enfin, pour la simple communication d’une ville à une autre ville.

I. Toutes les routes construites à l’avenir, par ordre du Roi, pour servir de communication entre les provinces et les villes ou bourgs, seront distinguées en quatre classes ou ordres différents :

La première classe comprendra les grandes routes qui traversent la totalité du Royaume, ou qui conduisent de la capitale dans les autres villes, ports ou entrepôts de commerce ;

La deuxième, les routes par lesquelles les provinces et les principales villes du Royaume communiquent entre elles, ou qui conduisent de Paris à des villes considérables, mais moins importantes que celles désignées ci-dessus ;

La troisième, celles qui ont pour objet la communication entre les villes principales d’une même province ou de provinces voisines ;

Enfin, les chemins particuliers destinés à la communication des petites villes ou bourgs seront rangés dans la quatrième.

II. Les grandes routes du premier ordre seront désormais ouvertes sur la largeur de 42 pieds ; les routes du deuxième ordre seront fixées à la largeur de 36 pieds ; celles du troisième ordre, à 30 pieds ; et à l’égard des chemins particuliers, leur largeur sera de 24 pieds.

III. Ne seront compris, dans les largeurs ci-dessus spécifiées, les fossés, ni les empatements des talus ou glacis.

IV. Entend pareillement S. M. que, dans les pays de montagnes et dans les endroits où la construction des chemins présente des difficultés extraordinaires et entraîne des dépenses très fortes, la largeur des chemins puisse être moindre que celle ci-dessus prescrite, en prenant d’ailleurs les précautions nécessaires pour prévenir tous les accidents et sera, dans ce cas, ladite largeur fixée d’après le compte rendu au Conseil par les Srs Intendants, de ce que les circonstances locales pourront exiger.

VII. La grande affluence des voitures aux abords de la capitale et de quelques autres villes d’un grand commerce pouvant occasionner divers embarras ou accidents qu’il serait difficile de prévenir si l’on ne donnait aux routes que la largeur fixée ci-dessus de 42 pieds, S. M. se réserve d’augmenter cette largeur aux abords des dites villes par des arrêts particuliers, après en avoir fait constater la nécessité, sans néanmoins que la dite largeur puisse être, en aucun cas, portée au delà de 60 pieds.

IX. Les bords des routes seront plantés d’arbres propres au terrain dans les cas où la dite plantation sera jugée convenable, eu égard à la situation et disposition des dites routes[1].

Arrêt du Conseil sur les plantations le long des routes.

[D. P., VIII, 532.]

17 avril.

À l’avenir… les seigneurs voyers ne pourront planter les chemins dans l’étendue de leurs seigneuries, qu’à défaut par les propriétaires d’avoir fait lesdites plantations dans un an, à compter du jour où les chemins auront été entièrement tracés et les fossés ouverts. L’année expirée, les seigneurs voyers pourront planter conformément à l’Arrêt de 1720.

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[1] Après le renvoi de Turgot, la loi qui diminua la largueur des routes ne fut pas révoquée, mais elle tomba en désuétude. Les tribunaux des Trésoriers de France, qu’on appelait Bureaux des finances, et qui étaient chargés de la juridiction des routes, continuèrent d’appliquer l’Arrêt de 1720, s’abstenant de faire aucune mention de celui de 1776. (D. P., Mém., 370.)

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