Œuvres de Turgot – 241 – Lettres à Du Pont de Nemours

Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 5

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1776

241. — LETTRES À DU PONT DE NEMOURS

CXLIII. (Séjour à la Roche-Guyon. — Situation de Du Pont.)

La Roche-Guyon, 30 mai.

Vous me trouvez à présent exilé, mon cher Du Pont, parce que vous ne me verrez pas ; il ne tient cependant qu’à vous de venir ici et vous ferez sûrement plaisir à Mme d’Enville ; vous m’en ferez aussi beaucoup à moi, car je voudrais que mon amitié servît à dissiper votre tristesse, et surtout je voudrais que vous ne prissiez aucun parti sans que nous eussions causé à fond. Celui de l’Amérique ne pourrait être bon qu’autant qu’il se ferait par M. de Vergennes, mais je soupçonne qu’on ne voudra pas montrer confiance à un homme qui m’est aussi attaché que vous. Le plus sûr est de vous attacher à votre place[1] et de la bien faire ; et, pour cela, il vous faut aider de M. Trudaine, vous faire présenter par lui à M. de Clugny et voir ensuite d’où viendra le vent.

Je vous envoie ma réponse à M. de Mirabeau[2], que vous cacheterez et que vous enverrez. Je répondrai à Poivre. Je suis encore en reste avec tout le monde parce que je ne fais que végéter.

Adieu, mon pauvre ami, je vous embrasse. Est-ce que vous ne voyez pas de temps en temps Mme Blondel C’est elle qui sait verser le baume sur toutes sortes de plaies.

CXLIV. (Maurepas.)

La Roche-Guyon, 31 mai.

Je me hâte de vous écrire, mon cher Du Pont, pour vous bien gronder. Mme d’Enville m’a dit que vous lui aviez parlé d’un Mémoire que vous vouliez donner à M. de Maurepas pour obtenir cette indemnité dont j’ai déjà parlé et fait parler à M. de Clugny pour les assurances que vous aviez en Pologne. Vous vous êtes bien gardé de me parler de ce mémoire pour lequel apparemment vous craigniez le jugement de mon sang froid et vous aviez bien raison. En effet, quelle folie de vous adresser à M. de Maurepas. Comment ne voyez-vous pas que cet homme animé du désir de la vengeance ne s’occupe qu’à jeter sur moi, sur les miens, toute espèce de tache d’inconsidération. S’il y a une tournure pour rendre votre demande défavorable, pour vous inculper ou de légèreté, ou d’avidité, soyez sûr qu’il la saisira, sans égard ni à justice, ni à considération de quelque espèce qu’elle soit. Son but est de me représenter au Roi comme un fou, entouré de fous, d’adopter tous les propos des cabales, que je j’étais un économiste, un homme à systèmes. Dans cette circonstance, peut être ira-t-il jusqu’à vouloir revenir sur les édits ? Vous n’avez autre chose à faire, sinon de tâcher que cet homme ne songe point à vous, et d’engager si vous pouvez M. Trudaine à faciliter à M. de Clugny les moyens de vous indemniser peu à peu sur la caisse du commerce.

De grâce, mon ami, craignez votre vivacité et ne faites rien sans m’en parler auparavant. Croyez que je suis occupé de votre intérêt autant que vous-même. Je vous embrasse et me dépêche de finir parce que M. de Chabot part dans le moment.

CXLV. (Du Pont. — Le colonel de Crénis.)

La Roche-Guyon, 1 juin.

J’ai reçu à la fois, mon cher Du Pont, vos deux lettres du 28 et du 30. La première m’a vivement affligé par l’espèce de désespoir qu’elle annonce et par le projet d’aller en Amérique. La lettre du 30 est plus raisonnable en ce qu’elle n’envisage ce parti comme possible qu’autant que M. de Vergennes vous en donnerait les moyens, ce dont je doute fort, malgré votre lettre qui est à présent fort bien. À propos de cela, vous citiez Grand[3] de Hollande ; est-ce qu’il est à présent à Paris ?

Hors le cas où l’on admettrait votre proposition, je trouve que vous devez à votre femme et à vos enfants de rester ici ; voilà votre premier devoir. Votre place y suffira en vous gênant un peu et je crois qu’il faut vous y attacher ; nous verrons, M. Trudaine et moi, ce que nous pourrons faire pour réaliser les espérances un peu vagues que vous a données M. de Clugny et pour vous faire travailler utilement pour le public et pour vous. Vos agitations me font vivement désirer de vous voir. Ne pourriez-vous pas vous arranger avec M. de Condorcet ou avec Mme de Seguins[4], ou avec l’abbé de Véri, ou avec M. Trudaine, pour venir ici passer quelques jours ? L’abbé de Véri part d’ici demain et sera le porteur de ma lettre. Il sera trois jours vraisemblablement à Paris. Mme de Seguins partira probablement de demain dimanche en huit de Versailles, et viendra droit ici. Pour M. de Condorcet, peut-être que l’ambassadeur[5] l’amènera. Avez-vous pensé à M. de Crénis, que je voudrais faire colonel dans les troupes américaines ?

CXLVI. (La bibliothèque de Turgot. — Du Pont. — Mme Blondel. — L’emprunt de Hollande. — Le colonel de Crénis. — Franklin.)

La Roche-Guyon, 5 juin.

Je commence, mon cher Du Pont, par l’article de mes deux livres, et d’abord, je dois vraiment beaucoup de reconnaissance à M. d’Hérouville[6] pour l’honnêteté de son procédé. Voici ma lettre de remerciement pour lui.

Quant aux livres, si on les portait dans la maison de la rue de l’Université, il faudrait les mettre en bas, dans ce qui fait l’office de M. d’Hérouville ; il faudrait bien se garder de les placer dans la bibliothèque avant d’y avoir rangé les armoires, ce qui demande ma présence. Les placer à terre chargerait les planchers et nuirait à l’arrangement des armoires. Il ne faut jamais s’encombrer. S’il est temps encore, je serais fort d’avis qu’on plaçât les livres dans cet appartement bas, par provision, en cas que M. d’Hérouville voulût le céder. Cela suppose que les livres ne sont pas déjà portés chez ma sœur. Ce qui est important, c’est de presser la décision de M. de Brou[7]. Voyez je vous prie sur cela M. Arnaud et M. d’Ailli. Surtout, je recommande la plus grande attention pour que les livres ne soient ni mouillés, ni ballottés dans le transport, ni écorchés en les étalant sur les tables ou sur le plancher.

Il faut absolument que j’aille à Paris pour décider l’arrangement de mes armoires.

Je vous renvoie les lettres pour l’abbé Rozier qui me font saigner le cœur ; la pauvre Corse ira bien mal ; mais la pauvre France n’ira pas mieux.

Je viens à présent à vous. J’augure toujours peu de votre démarche auprès de M. de Maurepas, et je compte davantage sur ce que l’on pourra faire avec M. Trudaine. Mais je ne pense pas qu’il faille vous borner à faire le métier de paresseux à Chevannes. Vous ne pourrez pas vous passer de votre place et dès lors il faut, et pour vous et pour le public, mériter votre salaire. C’est à M. Trudaine et à M. de Fourqueux à vous procurer de l’occupation, des mémoires à faire, etc. Il vous restera encore du temps pour étudier : 1° la mécanique et la chimie nécessaires pour votre métier d’inspecteur ; 2° les sciences que je ne crois pas aussi frivoles que vous le pensez. Il n’y a pas une vérité inutile, et tout homme qui en trouve une a bien mérité de l’espèce humaine. Un jour, elle se liera avec les autres et deviendra fructueuse, si elle ne l’est pas dans le premier moment.

Comment, quand on a fait des vers, ne fussent-ils que rimés, dédaignerait-on quelque chose ? À propos de dédain, je serais fâché que vous en soupçonnassiez Mme Blondel pour vous ; ce serait blasphémer la bonté par essence. Il fallait lui écrire et sûrement elle vous aurait vu. C’est par pure inattention et peut-être parce qu’elle vous a cru à la campagne que vous avez trouvé sa porte fermée. Elle est maintenant à Mousseaux[8], aussi près de chez vous que dans la rue de Varennes ; écrivez-lui pour la prier de vous excepter et allez la voir. Je suis sûr que vous lui ferez plaisir.

L’aventure de Grand[9] me donne plus d’humeur contre M. de Malesherbes[10]. Voyez ce que nous aurions fait avec 50 millions effectifs et ce que sa précipitation a fait perdre.

J’ai bien impatience que vous ayez réponse de M. de Vergennes et aussi que vous me donniez les résultats de votre travail. Je vous demanderai aussi une copie de vos travaux militaires.

Voici l’état des services de l’officier pour qui je demande aux Américains le rang de colonel[11] ; il est très en état de discipliner un corps ; recommandez-le fortement à votre député que j’aurais bien voulu voir. C’est à Libourne qu’il faut lui écrire ; son régiment ou plutôt sa légion y est. Il a quelques dettes, et il faudrait lui donner quelque argent avant de partir. Vraisemblablement, on en fera autant pour les autres qu’on engagera.

Voici, à propos de l’Amérique, les inscriptions latine et française pour le portrait de Franklin par un anonyme[12]. Copiez-les de votre main et brûlez l’original.

Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse de tout mon cœur et désire bien vous voir.

CXLVII. (Du Pont à la Roche-Guyon.)

La Roche-Guyon, jeudi 6 juin.

Je vous avertis, mon cher Du Pont, que l’abbé de Véri viendra vraisemblablement ici dimanche matin avec Mme de Seguins et qu’il pourra vous mener. De plus, mardi prochain, un cabriolet parti aujourd’hui, doit revenir à vide. Cette occasion pourrait encore vous convenir. Je veux toujours à tout hasard vous en avertir…

CXLVIII. (Du Pont. — L’abbé Rozier. — Albert. — De Lacroix. — Le colonel de Crénis.)

La Roche-Guyon, 9 juin.

Je suis impatient, mon cher Du Pont, de savoir la réponse que vous a fait faire M. de Maurepas. J’ai toujours peur que cette démarche ne vous nuise plus qu’elle ne vous sera utile. M. Trudaine m’a promis de vous faire toucher bientôt 6 000 livres.

Le pauvre abbé Rozier me fait regretter ma place. Faites-lui mille compliments de ma part. Je me charge de tout ce qu’il a à faire pour ses gratifications.

J’écris à Lacroix[13] de lui envoyer directement tous les papiers que cet abbé réclame.

Aurez-vous réponse de M. de Vergennes ? J’ai peur que non, à moins que vous ne lui alliez demander vous-même. J’attends de vos nouvelles par l’abbé de Véri. Peut-être m’en donnerez vous de ma maison.

Mme d’Enville vous fait mille compliments. Vous ne me parlez pas de M. Albert ; comment se porte-t-il et quelle mine lui fait-on ? Dites-lui mille choses de ma part.

CXLIX. (La bibliothèque de Turgot. — Du Pont.)

La Roche-Guyon, 11 juin.

L’abbé de Véri m’a apporté hier, mon cher Du Pont, votre lettre du 7.

Puisque j’ai la maison, l’on a bien fait d’y porter les livres et puisque M. d’Hérouville y reste on a bien fait de les mettre dans les lieux qu’il lui convenait de céder. Il ne faudra pas moins que j’aille voir le local avant qu’on fasse rien ; quoi qu’en dise l’abbé des Aulnaies, il faut à tout l’œil du maître, et il faut que cet œil se porte sur les murailles nues ; il n’en sera pas moins despotique après pour l’arrangement des livres.

Je ne serai pas assez longtemps à Paris pour cela et je n’y verrai pas assez de monde pour donner plus de matière aux bavardages.

Je suis aussi affligé qu’étonné de la publicité de ma lettre dont je ne croyais pas que personne pût avoir de copies.

Avez-vous vu Mme Blondel ? Elle m’a écrit ne vous avoir vu qu’une fois sur sa liste et ce jour-là elle était sortie.

Je viens de signer le bail, je le renvoie à M. Arnaud.

Je vois par votre conversation avec M. de Niv.[14] que vous auriez pu vous épargner toutes ces démarches, puisque tout cela ne vous conduit qu’à un arrangement sur la caisse de M. Trudaine, que vous auriez eu tout aussi bien sans cela, et sans qu’on vous l’eût autant fait valoir. Puisque vous avez fait faire une seconde démarche, il faut bien que vous attendiez la réponse.

La conversation de M. d’Angiv.[15] ne prouve que la mauvaise foi d’un des interlocuteurs, que je persiste à croire avoir tout fait, sauf à s’être fait aider ou s’être aidé d’Oigny et de Sartine.

Je ne sais pas s’il est vrai que Lacroix ait dit à M. Maurepas que vous l’aviez perdu ; il aurait dit une sottise, mais je suis fâché qu’à votre tour vous lui imputiez d’avoir dit à M. de Maurepas que vous aviez tenu de mauvais propos sur lui. Vous devriez laisser ce malheureux homme en paix d’autant qu’il est dix fois plus à plaindre que vous.

Quant à M. de Vergennes, je ne crois pas qu’il faille faire le moindre fond sur ce qu’il vous a dit, et en conséquence, il n’y faut pas penser, sauf à y revenir s’il pensait à vous.

À propos d’Amérique, vous ne m’avez point répondu sur M. de Crénis qui m’intéresse véritablement.

M. de Condorcet s’en va avec un cabriolet qui reviendra ici dans une huitaine de jours à vide, à moins que vous ne veuillez vous en servir. Vous pourriez, en dînant en chemin, vous servir aussi de mes chevaux.

Mme d’Enville vous fait mille compliments.

CL. (Remplacement d’Albert.)

La Roche-Guyon, 17 juin.

J’ai reçu votre lettre hier au soir, mon cher Du Pont, j’avais reçu le matin celle de M. Albert, et quoique nous eussions prévu cet événement, j’en ai été profondément affecté. Le choix de M. Le Noir annonce le projet de tout défaire, et je ne sais pas où vous trouvez là du pour le mieux. Vous êtes plus Pangloss que Pangloss lui-même.

J’ai écrit à M. de Clugny sur la lettre de M. Albert. L’abbé de Véri a écrit à M. de Maurepas, mais je crois qu’il a appuyé sur le traitement en général et peut-être moins sur la demande particulière du bon de Conseiller d’État.

Je vous avoue que, dans ma façon de penser, je ne mets pas tant de prix à cette place que vous me paraissez en mettre. Quant à l’honneur, celui de M. Albert ne dépend pas des gens assez absurdes pour lui ôter sa place, afin de la rendre à M. Le Noir ; ceci est une affaire de passion. La loi de cette espèce de guerre est væ victis. On avait, au contraire, outré les égards pour M. Le Noir parce que ces égards étaient pour une portion du ministère, qui répugnait à son changement. Il était sacrifié à la nécessité. M. Albert l’est à la haine et à la haine du ministère réuni. Il ne peut être question ici de parité, ni de décence, ni de justice. L’honneur de M. Albert est dans la cause de son renvoi et non dans le plus ou moins de ménagements qu’auront pour lui ceux qui le renvoient.

L’essentiel est qu’il soit à son aise et qu’il ait un état heureux.

Les appointements d’intendant remplissent le premier objet, et peut-être mieux que le traitement de M. Le Noir. Quant au bonheur personnel, je crois qu’à moins que Mme Albert n’ait exclusivement le goût de demeurer à Paris, ils seront l’un et l’autre plus heureux dans une Intendance. Ils y seront aimés, respectés, y porteront une réputation faite. M. Albert y peut faire des biens infinis.

On dit que M. de Saint-Germain veut donner Strasbourg à M. de Flesselles. Croyez-vous que M. Albert ne fût pas très utile à Lyon et qu’il n’y fût pas plus agréablement qu’au Conseil où son occupation se réduirait à juger des procès, où sa considération serait équivoque parce qu’il serait mal vu des ministres en général et du garde des sceaux en particulier ?

Je pense donc que, dès qu’on offre à M. Albert les appointements d’Intendant, en attendant qu’il vaque une Intendance, ce qui l’assure de la première, cela est préférable à un bon de Conseiller d’État avec le même traitement qu’a eu M. Le Noir. Cela est encore préférable en ce que c’est une moindre grâce et une moindre obligation à des gens qu’on méprise.

Au surplus, comme il faut désirer aux gens ce qu’ils désirent, je souhaite fort que la demande de M. Albert soit accordée, et que la lettre de l’abbé de Véri fasse plus d’effet qu’il ne l’espère lui-même.

Adieu, mon cher Du Pont ; je me suis arrangé pour être à Paris vers la fin du mois, afin de préparer mon établissement dans ma nouvelle maison.

Je vous embrasse. Tous les habitants de La Roche-Guyon vous disent mille choses. Embrassez pour moi M. Albert.

CLI. (Remplacement d’Albert. — Vers de Saurin.)

La Roche-Guyon, 19 juin.

Voici, mon cher Du Pont, une lettre que j’ai reçue à votre adresse. M. Albert me mande que son sort est décidé. Je suis fâché qu’il ait donné au Garde des Sceaux le plaisir de le refuser. Je lui conseille d’accepter l’assurance d’une intendance avec le traitement. Qui sait si tout ceci ne changera pas ? Si le parti Choiseul l’emporte, l’esprit de contradiction ramènera peut-être des principes qu’on combat aujourd’hui par l’esprit de contradiction.

Je compte retourner à Paris dans les derniers jours du mois, pour y passer le temps qu’exigeront mes arrangements dans ma nouvelle maison.

Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse. Voilà des vers qu’on m’a envoyés. Je les soupçonne de Saurin. Envoyez-les à M. de Condorcet, s’il ne les a pas vus.

Tout le monde ici vous fait mille compliments.

CLII. (Installation de Turgot.)

Paris, 2 juillet.

Je trouve, en arrivant, votre lettre du 25, mon cher Du Pont ; je suis venu pour mon déménagement ou plutôt pour savoir quand je pourrai déménager. Mais je ferai en tout peu de séjour à Paris. J’espère pourtant que vous aurez le temps de revenir. J’avais pensé à ce que vous me dîtes pour votre logement[16] ; mais je ne puis rien vous dire de positif, que je n’aie tout vu et tout examiné.

Vous pouvez bien imaginer que je ferai l’impossible, pour rendre service à l’abbé R…[17], dont la situation me touche infiniment. M. Trudaine est à Paris pour deux jours, et je comte le voir avant son départ. Ma santé est telle que vous l’avez vue, c’est-à-dire très bonne. Je souhaite qu’il en soit de même de la vôtre et que vous ne vous plaigniez plus de ces démangeaisons dont vous me parlez, si pourtant elles ne sont pas l’effet des cousins, car il en est mangé à la campagne.

Je ne sais rien de nouveau. J’ai trouvé Mme Blondel mieux que je ne l’espérais.

Mme d’Enville va à Liancourt.

Je m’acquitterai de vos commissions pour l’une et pour l’autre.

CLIII. (Installation de Turgot. — La guerre d’Amérique.)

Paris, 12 juillet.

Voici, mon cher Du Pont, une lettre que Mme de Sommeri[18] m’adresse pour vous, ne sachant point votre demeure.

Il y a quelque temps que je vous ai écrit ; vous ne m’avez point répondu. J’imagine pourtant que vous avez reçu ma lettre et que votre silence ne vient que de paresse. Je voudrais pourtant savoir à peu près le moment de votre retour à Paris.

Je compte entrer la semaine prochaine en possession de ma nouvelle maison, et mon projet n’est pas de rester ensuite longtemps à Paris, mais d’aller dans différentes campagnes. Il me sera facile de m’arranger pour être à Paris à peu près dans le temps où vous y serez, et il est nécessaire que je cause un peu avec vous sur vos projets d’établissement et de logement.

Il n’y a rien de nouveau, sinon un avantage des Portugais sur les Espagnols à la rive gauche de la Plata. On dit qu’ils ont surpris Montevideo. Il paraît que les Américains auront peine à défendre le Canada[19] contre les troupes anglaises…

Je suis moins mécontent de la santé de Mme Blondel.

On dit qu’il n’est pas vrai que Montevideo soit pris.

CLIV. (Installation de Turgot. — Du Pont. — Mme Blondel. — Les jurandes et les corvées. — L’abbé Baudeau. — Le marquis de Mirabeau.)

Paris, 20 juillet.

J’apprends, mon cher Du Pont, votre maladie, et je suis fort aise d’apprendre en même temps votre convalescence.

D’après votre exposé, c’est une fièvre rouge que vous avez eue et vous l’avez très bien traitée avec de l’eau de groseille à défaut de citron. Quant à la purgation, je crois qu’on y peut suppléer par le lavage, l’exercice et la transpiration.

Je viens d’avoir une vive inquiétude. Mme Blondel vient d’avoir un mal de gorge très violent. Bouvart[20] l’a fait saigner quatre fois du pied malgré son état. Elle a pris ensuite de l’eau émétisée qui l’a beaucoup fatiguée. Elle a encore de la fièvre et la gorge douloureuse, surtout pour avaler, mais il n’y a plus d’inquiétude si ce n’est la durée de la convalescence. Sans cette maladie, j’aurais été passer la fin du mois à Liancourt et au Tremblay, car on ne me promet ma maison qu’au commencement du mois prochain.

Voilà le résultat de l’examen que j’ai fait de ma maison. C’est qu’étant obligé de loger le ménage de M. Desnaux avec une cuisine, il me serait impossible de vous loger avec votre femme, vos enfants et votre cuisine. Si votre projet est de ne point former d’établissement à Paris, mais d’y venir seulement de votre personne, il me sera très aise de vous donner un logement.

On veut toujours revenir, dit-on, sur les jurandes et les corvées. Il y a trois jours qu’on a publié une ordonnance de police pour les serruriers, et on a eu soin de dire dans le réquisitoire du Procureur du Roi que, depuis quelques mois, les vols sont multipliés par la facilité de faire des fausses clefs.

L’abbé Baudeau a eu les plus grands succès[21]. M. de Mirabeau[22] m’a écrit une lettre dont il n’a tenu qu’à moi d’être grièvement offensé, mais il faut le regarder comme un malade. Je vous ferai lire sa lettre qui est très propre à guérir de rage des sectes.

CLV. (Mme Blondel. — Installation de Turgot. — Exil de Baudeau et de Roubaud.)

Paris, 10 août.

J’étais allé passer quelques jours à Liancourt, mon cher Du Pont, j’y ai reçu une lettre de vous par laquelle vous me demandez des nouvelles de Mme Blondel. Vous pouvez penser que je ne me serais pas absenté si j’avais eu la moindre inquiétude sur son état. Elle n’a plus que de la faiblesse, mais le retour des forces sera lent car les saignées l’ont furieusement épuisée.

Je suis revenu avant-hier ; je comptais coucher hier dans ma nouvelle maison mais je n’y serai que dans un jour ou deux. J’avais espéré que vous viendriez ces jours-ci à Paris. Je l’aurais désiré pour vous et pour moi, d’autant plus que M. Trudaine, y étant à présent, vous le verriez et il est important que vous le voyiez.

Vous serez aussi surpris que moi de l’exil de l’abbé Baudeau et de l’abbé Roubaud. J’imagine qu’on punit le premier de l’éclat qu’a fait son procès, et qu’on veut peut-être prévenir un semblable éclat au Parlement où l’on compte que les fermiers appelleront. À l’égard de l’abbé Roubaud, j’imagine qu’on l’exile pour ne pas avouer le motif de l’exil de l’abbé Baudeau. On aura supposé que l’un et que l’autre travaillent à échauffer les esprits contre le gouvernement.

CLVI. (Du Pont. — Combat de New-York.)

Paris, 17 août.

Je suis inquiet, mon cher Du Pont, de ne point avoir de vos nouvelles, quoique je vous aie écrit depuis mon retour de Liancourt. Quelqu’un m’a dit que vous étiez retombé malade et je crains que la chose ne soit vraie.

Je vous prie de me donner de vos nouvelles, ou si vous ne pouvez pas écrire vous-même, de prier Mme Du Pont de m’en donner. M. Trudaine va repartir pour sa campagne et je suis fâché qu’il n’y ait encore aucun arrangement de pris pour vous donner du travail d’ici à longtemps, ce qui deviendra pour vous matière de reproche.

Pour moi, lassé de ne pouvoir venir à bout de me loger dans ma nouvelle maison, grâce à la lenteur des ouvriers, je vais encore, en attendant, faire un petit voyage de huit jours avant de me transplanter. C’est chez ma sœur que je vais au Tremblay. J’irai ensuite sur la fin du mois à Montigny[23].

Il y a dans les papiers anglais une lettre suivant laquelle le général Howe aurait été battu à la Nouvelle York et obligé de réembarquer, mais cela n’est pas encore certain…

CLVII. (Du Pont. — Roubaud. — Mme Blondel.)

Paris, samedi 29 août.

Vous gronder dans ce moment, mon cher Du Pont, ce serait un peu jouer le rôle du pédant de La Fontaine ; je vous veux pourtant du mal d’être resté si longtemps malade sans faire venir un médecin et sans m’en donner avis. Je n’ai reçu qu’hier, au Tremblay, où j’étais allé voir ma sœur, vos deux lettres du 9 et du 15. Je suis parti, espérant trouver ici des nouvelles récentes. Je n’en ai point trouvé. Heureusement que M. de Châteauneuf, qui était chez M. de La Salle, m’a envoyé un bulletin. Je vois que votre médecin ne trouve pas de danger. Je ne puis cependant m’empêcher d’être inquiet jusqu’à ce que j’apprenne l’entière cessation de la fièvre. Je partirais sur-le-champ pour vous voir si j’étais sûr de ne pas gêner beaucoup Mme Du Pont et je ne dis pas encore que je ne parte ; cela dépendra de ce que me dira M. de Châteauneuf. Il arrive dans l’instant. Ce qu’il me dit diminue mes inquiétudes et, du moins pour le moment, me détermine à ne point partir.

M. de La Salle qui va vous voir demain vous portera ma lettre et vous l’aurez par ce moyen plus promptement que par la poste.

Ne songez qu’à votre convalescence et ne vous inquiétez point de l’abbé Roubaud. Il a la permission de différer son départ pendant quelque temps, et je crois qu’on lui permettra d’aller en Normandie, dans la terre d’une femme de ses amis qui y passera l’hiver. M. Trudaine m’a promis une gratification, et en attendant je lui ai avancé cent louis.

Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse en attendant le plaisir de vous revoir. Tâchez de n’être plus malade, mais si vous l’étiez encore et que vous fussiez loin de moi, ne manquez pas de me faire donner exactement de vos nouvelles, et cela dès le premier moment de la maladie.

Mme Blondel qui est toujours bien faible vous dit mille choses. Je vous écris de ma maison, mais je n’y ai point encore couché.

Je ne réponds point aux objets de votre lettre du 9 ; grâce à Dieu, il n’en doit plus être question ; vous savez bien qu’au reste mon amitié vous est acquise à la vie et à la mort.

Je charge M. de La Salle de quatre bouteilles de vin de Narbonne, d’une de Pacaret et d’une de Malaga pour votre convalescence. Je suis bien fâché de n’avoir pas de vin de Bourgogne vieux.

CLVIII. (Du Pont.)

Brienne, 7 septembre.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, votre lettre du 30 à Montigny, et je vois avec peine l’abattement où vous étiez encore. J’attends avec impatience des nouvelles de votre vingt-huitième jour auquel la fièvre devait cesser, suivant le pronostic de M. Rose. Ne vous fatiguez point à m’écrire, mais donnez-moi de vos nouvelles par Mme Du Pont.

Je retournerai vendredi à Paris. Mme d’Enville y est retournée hier. J’irai dans peu la rejoindre à La Roche-Guyon, où je voudrais bien que vous fussiez en état de venir aussi. Je passerai quelques jours à Paris, et je verrai M. Albert qu’il y a des siècles que je n’ai vu.

CLIX. (Du Pont. — Albert. — De Montbarrey. — Le Contrôleur général. — Beaumarchais et Pesay.)

Paris, le 15 septembre 1776.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, vos deux lettres, l’une à mon retour de Brienne et l’autre avant-hier. Je vois avec peine la lenteur avec laquelle vos forces reviennent et encore plus cette goutte volage qui vous inquiète sans se fixer. Il n’y a rien à faire que de tâcher de déterminer l’humeur au pied par tous les moyens possibles, bains tièdes des pieds, mais à des heures où l’estomac ne soit plus du tout chargé, chaussons de laine le jour, couvertures épaisses la nuit, sur les pieds seulement, cordiaux légers quand le malaise général annonce la diffusion de l’humeur goutteuse dans tout le corps. Je suis bien fâché que votre santé éloigne encore votre retour à Paris, car quoique vous n’y trouviez que des objets peu agréables, faut-il y venir. J’ai vu M. Albert qui est gras comme un moine et qui travaille sur la chronologie comme un bénédictin. J’ai fait vos compliments à Mme Albert qui m’a paru aussi se très bien porter.

Mme Blondel reprend ses forces peu ; à peu elle vous dit mille choses. Mme d’Enville est à La Roche-Guyon. J’irai la rejoindre à la fin de la semaine. Si vous pouvez venir à Paris, peut-être pourrez-vous venir aussi à La Roche-Guyon, nous examinerons plus à notre aise le travail que vous avez fait sur les papiers que je vous avais remis.

M. de Montbarey[24] est entré hier au Conseil des Dépêches pour rapporter et soulager M. De Saint-Germain ; c’est pour l’avérer par degrés, en attendant que M. de Saint-Germain lui fasse place.

Les pensions, les croupes, les intérêts se multiplient de tous les côtés. Quâ data porta ruunt.

Beaumarchais et Pesay sont les deux bras du ministère, qui, en cela, pourrait ressembler à la relique de saint Ovide, laquelle comme vous savez, avait les deux bras gauches. Beaumarchais surtout est sur le pinacle. Le Roi fait son bel éloge dans les lettres patentes qu’on lui a données pour le relever du laps de temps qui l’empêchait de se pourvoir contre son blâme ; le préambule annonce qu’il n’a pu se pourvoir plus tôt parce qu’il était employé dans des affaires de confiance de la plus grande importance pour l’État. Il y a des gens qui disent qu’on lui donne le privilège des piastres comme l’avait Laborde, mais je ne le croirai que quand je le verrai. Malheureusement, on est forcé à croire beaucoup de choses incroyables.

En attendant, de grandes nouvelles d’Amérique du côté de la Nouvelle-York. Dieu veuille qu’elles nous consolent de ce qui se passe dans notre continent. J’envoie cette lettre par M. de Mirabeau ; elle n’est pas de nature à être confiée à M. d’Oigny…

CLX. (Installation de Turgot.)

La Roche-Guyon, 25 septembre.

…Je voudrais que vous fussiez à Paris. Malheureusement l’appartement que je vous destine n’est point encore prêt et je n’ai pas même pu placer vos meubles, mais je les ai fait mettre à l’hôtel de la Rochefoucauld, dans la pièce où l’on avait mis les miens, avant que j’eusse une maison. Mme la Duchesse d’Enville, à qui j’en ai demandé la permission après coup, a été fort aise de vous rendre ce petit service. Elle vous dit bien des choses.

Adieu, mon cher Du Pont, vous savez combien vous devez compter sur mon amitié, employez-la à tout ce quoi elle pourra vous être bonne.

CLXI. (Succès des Américains.)

La Roche-Guyon, 27 septembre.

Je vous envoie, mon cher Du Pont, la relation d’un avantage qu’on dit avoir été remporté par les Américains. Si la chose est vraie, comme il y a apparence qu’elle l’est pour le fond, la séparation des colonies est décidée. Cela peut nous conserver la paix, ou si nos ministres ont, comme on le prétend dans le public, l’extravagance de vouloir la guerre, cela du moins la rendra peut-être moins funeste…

CLXII. (Du Pont. — Mort de Mme Trudaine de Montigny.)

La Roche-Guyon, 8 octobre.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, votre lettre du 28, assez tard après sa date. Je vois que vous devez être à présent à Paris.

Si vous y étiez longtemps, je pourrais vous y aller voir, mais vous m’annoncez un voyage à Rouen. Si vous le faites, comme vous devez passer par Rolleboise, j’espère que vous séjournerez ici et je vous le demande en grâce. Si vous voulez venir par les batelets et me le mander la veille, je vous enverrai une voiture à Rolleboise qui vous amènera ici. Je ne sais si vous verrez M. Trudaine et M. de Fourqueux qui sont l’un et l’autre vivement affligés de la mort de Mme Trudaine. Quisque suos patimur manes ; et l’amitié, la plus douce des consolations, devient quelquefois la source des afflictions les plus amères. Il n’y faut pas cependant renoncer. Vous savez combien vous devez compter sur la mienne. Je vous embrasse de tout mon cœur.

Vous verrez sans doute M. Albert ; je lui écris aujourd’hui.

CLXIII. (Mort du Contrôleur général, de Clugny.)

La Roche-Guyon, 12 octobre.

Je m’impatiente, mon cher Du Pont, de n’avoir point de vos nouvelles et je crains toujours que ce retard n’annonce une continuation de douleurs. Ma santé est bonne, je vais passer huit à dix jours chez Mme de Sommeri et chez ma sœur, d’où je reviendrai ici. Là, on ne pourra m’écrire que par la poste. Donnez-moi de vos nouvelles à Neuchâtel en Normandie.

La mort de M. de Clugny m’inquiète sur votre sort qui va dépendre de la manière de penser de son successeur. J’écris à De Vaines. Je ne sais si lui-même restera. Vous imaginez bien que je ferai tout ce qu’il faudra et qui sera en mon pouvoir…

CLXIV. (Succession de Clugny. — Cromot.)

La Roche-Guyon, samedi matin, 12 octobre.

J’ai impatience de vous savoir à Paris. Je vous prie de m’instruire sur-le-champ et de me mander si vous pouvez venir ici, ou si vous voulez que j’aille vous trouver…

Mme d’Enville vous fait ses compliments.

Vous rirez bien à Paris quand vous saurez qu’on parle sérieusement de Cromot pour succéder à M. De Clugny. Cela vaut encore mieux que l’abbé Terray, du moins pour vous et pour moi, dont tous les amis seront persécutés.

CLXV. (Succession de Clugny. — Abandon de Long-Island par les Américains.)

Aux Boves, 23 octobre.

Je vous écris, mon cher Du Pont, de chez Mme de Chambors, chez laquelle je m’arrête en allant à Sommery passer huit jours pour revenir ensuite à La Roche-Guyon. J’aurais été fort aise de faire ce voyage avec vous, mais je me suis lassé de vous attendre, sans perdre l’espérance de vous voir à mon retour. Je crains cependant que vous ne soyez encore languissant et souffrant. Dans la confiance que vous viendrez à Paris, je vous ai écrit trois lettres, qui vraisemblablement sont restées chez moi puisque je n’ai point eu de réponse. Je prends le parti de vous adresser celle-ci par la poste ou plutôt de l’adresser à Mme Du Pont pour tromper la vigilance de M. d’Oigny, en la faisant partir d’ici sans contre-seing.

La mort de M. de Clugny n’est pas vraisemblablement une nouvelle pour vous. Je m’abstiendrai, malgré mes précautions, de toute réflexion sur le choix de ses deux successeurs, car il faut deux hommes ou plutôt trois pour porter le fardeau des finances. Les deux athlètes choisis sont M. de Taboureau et M. Nekre ; oui, M. Nekre. On dit qu’il aura la partie des finances ; j’imagine que cela veut dire la partie du trésor royal, et que l’administration du commerce restera à M. de Taboureau et à M. Trudaine, sous lui. En ce cas, je suis tranquille sur votre sort, mais je regrette que vous ne soyez pas à Paris pour y veiller. Je ne pense pas que vous ayez d’autre démarche à faire que vis-à-vis de M. Trudaine, qu’il faudra prier de vous présenter à M. Taboureau ; à son défaut, M. de Fourqueux vous présenterait. M. de Trudaine était à Montigny depuis la mort de sa femme dont il a été fort affligé. Je ne sais où il est à présent et peut-être y est-il encore ainsi que M. de Fourqueux. Si j’apprends quelque chose sur le partage des fonctions, je vous le manderai de Sommery. Vous pouvez m’écrire, mais par la poste, à Neuchâtel en Normandie ; pour peu que vous m’écriviez, à six jours de date de celle-ci, c’est à Paris et à l’ordinaire qu’il faut m’écrire ; si c’est par une occasion, et si c’est par la poste, tout droit à La Roche-Guyon.

Adieu, mon cher Du Pont, ne perdez par tout à fait courage et comptez sur mon amitié.

Vous savez que les pauvres Américains ont abandonné l’île Longue avec pertes ; ce qui me fâche, ce n’est pas leur défaite, mais le peu d’intelligence qu’ils paraissent avoir montré dans leurs dispositions militaires.

CLXVI. (Du Pont. — Necker.)

Saint-Germain-sur-Eaulne, 28 octobre.

Vous êtes un étrange homme, mon cher Du Pont ; je vous ai écrit il y a quatre jours par la poste vous croyant à Chevannes. Point du tout ; vous avez passé à Paris et vous n’avez pas répondu aux trois lettres que je vous ai écrites successivement. On dit même que vous êtes parti pour un voyage ; est-ce pour Rouen ? Quoi qu’il en soit, je passerai lundi matin 4 novembre pour aller dîner à une lieue chez Mme de Belbeuf, de chez qui j’irai dîner mardi à La Roche-Guyon. Je vous instruis de ma marche sans espérer que cela serve à nous rencontrer. D’ailleurs, M. Desnaux étant avec moi, je ne pourrais pas vous ramener. Je crois que vous n’aurez affaire qu’à M. Taboureau et à M. Trudaine, et tant mieux.

Que dites-vous de l’exaltation du grand Neker ? C’est pour le coup qu’il aura beaucoup d’or, de l’esprit davantage. Les financiers et tout ce qui tient de près ou de loin à l’argent, doivent être dans la jubilation. Tout l’argent du globe doit avoir tressailli jusque dans les plus profondes cavités du Potose.

Adieu, qu’au moins je trouve donc de vos nouvelles à mon arrivée à La Roche Guyon.

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[1] D’Inspecteur général.

[2] Le marquis de Mirabeau (l’Ami des Hommes).

[3] Banquier.

[4] Seguins, d’une maison du Comtat Venaissin.

[5] Caraccioli, ambassadeur à Naples.

[6] Ricouart d’Hérouville de Claye, lieutenant général et écrivain militaire, dont Turgot devenait le locataire.

[7] Feydeau de Brou.

[8] Ou Monceau, alors en dehors de Paris.

[9] Au sujet de l’emprunt de Hollande.

[10] Au sujet de sa démission.

[11] M. de Crénis.

[12] Turgot.

[13] De Lacroix, ancien secrétaire de Turgot, dont Du Pont avait découvert les indélicatesses.

[14] Nivernois.

[15] D’Angivillers.

[16] Chez Turgot.

[17] Rozier.

[18] Femme auteur, morte en 1790.

[19] Ils en avaient été chassés, au printemps.

[20] Célèbre médecin, de l’Académie des Sciences (1743).

[21] Dans un procès qui lui avait été intenté par les fermiers de la Caisse de Poissy.

[22] Le marquis de Mirabeau.

[23] Chez Trudaine.

[24] De Saint-Mauris, comte, puis prince de Montbarey, directeur de la guerre (1776), secrétaire d’État adjoint (avril 1777), ministre de la la guerre (27 septembre 1777 au 17 décembre 1780).

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