Rapport sur l’administration de la justice civile et commerciale en Sardaigne 

Porté par la conviction que les institutions des peuples étrangers sont utiles à connaître et que d’une saine comparaison on peut fonder des améliorations satisfaisantes, Gustave de Beaumont examine dans ce rapport à l’Institut les statistiques judiciaires de la Sardaigne. La rapidité ou la lenteur de la justice, le recours à un avocat des pauvres, sont des aspects qu’il met particulièrement en valeur. En tout, il reste fidèle à son tempérament de libéral social.


 

Gustave de Beaumont, « Rapport sur l’administration de la justice civile et commerciale en Sardaigne », Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, volume XI, 1847.

Institut de France (Paris)

RAPPORT

SUR

L’ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

CIVILE ET COMMERCIALE

EN SARDAIGNE,

PAR M. G. DE BEAUMONT

SUIVI D’OBSERVATIONS

PAR MM. CHARLES LUCAS, G. DE BEAUMONT ET COUSIN.

J’ai à rendre compte à l’Académie d’un document important dont elle a reçu la communication. Ce document officiel a été publié par le gouvernement sarde, et est intitulé : Compte général de l’administration de la justice civile et commerciale dans les États de terre ferme de S. M. le roi de Sardaigne pendant l’année 1842.

Une telle publication mérite à plus d’un titre de fixer l’attention de cette classe de l’Institut qui représente plus particulièrement les sciences morales et politiques.

S’il est vrai qu’il n’y ait point de société sans justice, et point de justice sans des tribunaux institués régulièrement pour la distribuer, il n’existe rien de plus varié que le mode suivant lequel la justice se rend dans les différents États dont les institutions politiques très diverses appellent pour chacun une organisation judiciaire qui lui soit propre.

Ce n’est point ici le lieu de montrer quelles institutions judiciaires appartiennent aux gouvernements libres, quelles autres sont d’ordinaire afférentes aux gouvernements absolus ; mais ce qu’il convient de constater ici, c’est que, jusqu’à ces derniers temps, dans aucun pays, soit de liberté, soit de despotisme, d’aristocratie ou de démocratie, d’institutions judiciaires libérales ou illibérales, on n’avait présenté au public la statistique des décisions rendues par les corps judiciaires.

Sans doute la valeur des jugements émanés des tribunaux n’est pas uniforme et absolue, et l’on ne saurait mettre sur le même niveau la décision du juge indépendant, c’est-à-dire inamovible, et celle du juge révocable à volonté. Cependant, sauf les nuances dont il faut tenir compte, on peut dire, dans des termes généraux, que la statistique de la justice criminelle et civile dans un pays donne la mesure la plus exacte de la somme de protection qui y est offerte à la liberté des personnes et à la sûreté des propriétés. N’est-il pas permis de s’étonner que cette sorte de thermomètre officiel n’ait pas été placé plus tôt sous les yeux de ceux qui sont si intéressés à le voir chaque jour pour y puiser ce sentiment de sécurité qui, comme l’a si bien dit Montesquieu, est en quelque sorte la liberté même ? L’étonnement diminue si l’on songe que rien n’est plus difficile que de trouver réunies toutes les conditions nécessaires pour produire cette publication. Il faut d’abord un pouvoir central bien organisé, assez puissant pour rassembler tous les actes épars et disséminés çà et là des divers corps judiciaires, et puis il faut que ce pouvoir central se croie intéressé à publier ce qu’il a la puissance de recueillir. Il peut y avoir très bonne justice rendue dans un pays dont le gouvernement central soit tout à la fois intéressé à en publier les résultats et impuissant à le bien faire : témoin l’Angleterre, où le pouvoir judiciaire fonctionne admirablement, et où une bonne statistique de la justice est impossible, faute d’un pouvoir central capable de rassembler ses décisions. Tel autre pays, la Russie par exemple, aurait bien le pouvoir de publier la statistique des jugements prononcés par ses cours de justice ; mais il ne le fait pas parce qu’il n’en a ni l’intérêt ni la volonté.

La France a, la première, pris l’initiative d’une telle publicité, que l’excellence de son administration judiciaire l’intéressait à faire, tandis que la supériorité de son gouvernement central lui en donnait le pouvoir.

Chacun sait comment, depuis 1825 jusqu’à ce jour, notre gouvernement a, chaque année, livré au public la statistique de toutes les décisions rendues en France par les diverses cours de justice, depuis les arrêts prononcés en matière criminelle, correctionnelle et de simple police, jusqu’aux jugements intervenus sur les procès civils et commerciaux. En France, notre gouvernement a commencé cette statistique par la justice criminelle, qui intéresse surtout la sûreté des personnes et la liberté des citoyens. En Sardaigne, le gouvernement piémontais commence sa publication par la justice civile et commerciale, qui touche surtout aux intérêts de la propriété.

Le gouvernement sarde étendra-t-il plus tard ses publications aux matières criminelles, qui touchent de si près aux questions politiques, ou se restreindra-t-il à la statistique de la justice commerciale et civile, dont il nous présente aujourd’hui le tableau ? Nous l’ignorons. Il nous semble bien difficile qu’entré dans la voie où il s’engage à notre exemple, il s’y arrête à moitié chemin, et que, dans le moment où il montre à tous les citoyens comment leurs biens sont protégés, il leur cache de quelle manière il est pourvu à la défense de leurs personnes.

Quoi qu’il en soit, nous n’avons quant à présent, sous les yeux, que le compte rendu de la justice civile et commerciale dans les États de Piémont; c’est donc de ce seul document que nous avons à rendre compte.

Dans la statistique de la justice civile, cinq choses sont surtout à considérer :

1° Le nombre des procès ;

2° Leur nature, soit purement civile, soit commerciale, etc., etc. ;

3° Les diverses juridictions devant lesquelles ils sont portés ;

4° La nature des jugements rendus, contradictoires ou par défaut, interlocutoires ou définitifs, avec ou sans faculté d’appel ;

5° Enfin, la durée des procès devant chaque juridiction.

Le compte rendu sarde se divise, comme celui de notre justice civile, en deux parties principales, les affaires civiles proprement dites et les affaires commerciales.

Et d’abord, de même que le rapport du roi sur notre justice civile commence par faire connaître les travaux de la cour de cassation, qui est le tribunal suprême, le rapport sarde donne la statistique des décisions rendues en Sardaigne par la haute cour appelée Commission supérieure de révision, commission créée par édit du 13 avril 1841, et qui, au milieu de bien des différences inhérentes à la diversité même des institutions et des lois dans les deux pays, présente cependant avec notre cour supérieure un assez grand nombre d’analogies.

Sur 66 recours en révision, la commission supérieure en a rejeté 46 et n’en a admis que 7, c’est-à-dire seulement à peu près 10 sur 100. Si nous comparons ce chiffre à celui des pourvois admis par la cour de cassation en matière civile pendant l’année 1844, nous voyons que la commission supérieur de révision en Sardaigne a prononcé moins d’annulations que la cour de cassation de France qui, sur 505 pourvois, en a admis 131, c’est-à-dire 26 sur 100.

Il est à remarquer que le nombre de pourvois formés auprès de la commission supérieure de Piémont est, proportionnellement à la population de ce pays, le même que celui des pourvois en cassation en France. Il est dans les deux pays de 1,5 sur 100 000 habitants ; mais il est moindre comparativement au nombre des procès jugés en appel, et contre lesquels il peut y avoir lieu de se pourvoir : ainsi, en France, nous avons 29 procès en cassation sur 1 000 procès jugés en cour royale ; en Piémont, 7 seulement sur 1 000.

Je demande pardon à l’Académie si je lui présente la comparaison des travaux rendus par des cours de justice dont, je le sais, l’institution est différente sous une foule de rapports, dont la compétence ne repose pas sur des bases pareilles et qui ne procède pas suivant les mêmes règles et avec les mêmes attributions. Mais ces comparaisons, dont je reconnais et signale le vice, sont cependant peut-être le meilleur moyen de rendre intéressant pour nous l’examen auquel je me livre en ce moment.

Au-dessous de la commission supérieure de révision et dans l’ordre des juridictions viennent immédiatement les sénats, qui, en Sardaigne, correspondent à ce que sont chez nous les cours royales. Ces sénats, qui sont au nombre de cinq, le sénat de Savoie, de Piémont, de Nice, de Gênes et de Casal, avaient à juger pendant l’année 1842, 9 417 affaires, dont 5 319 figurent sur les tableaux comme inscrits au rôle, et 4 098 comme non inscrits, quoique introduits auprès des sénats. C’est une règle de procédure propre aux sénats piémontais, que l’inscription au rôle n’a lieu qu’après l’appointement des causes qui, jusque-là, sont seulement à l’état d’introduction. Quoi qu’il en soit, sur ces 9 417 affaires, les sénats en ont, pendant le cours de l’année, terminé seulement 2 599, c’est-à-dire seulement 27%. En supposant qu’on ne compte comme causes à juger que les causes inscrites, c’est-à-dire celles qui sont au nombre de 5 319, les affaires jugées par eux seraient avec ce chiffre dans la proportion de 48%. Ils ont ainsi laissé un arriéré de 6 818 ; c’est-à-dire que les affaires restant à juger sont dans la proportion de 72% sur celles qu’ils ont expédiées. En France, les cours royales, pendant l’année 1844, ont jugé 11 376 affaires sur 17 444, c’est-à-dire 60%, laissant un arriéré seulement de 40%. On voit que l’arriéré des cours d’appel en Piémont est presque le double.

Les sénats sardes sont non seulement tribunaux d’appel, ils connaissent aussi directement de certaines affaires ; c’est de la réunion de procès portés devant eux, soit directement, soit en appel, que se forment les chiffres que nous venons de présenter. Si nous nous bornons à examiner le chiffre des affaires jugées par eux comme cours d’appel, ce qui convient mieux pour la comparaison que nous voudrions faire, nous voyons tout d’abord que c’est en cette qualité de tribunaux d’appel qu’ils ont eu à juger les quatre cinquièmes de procès déférés à leur juridiction. Sur 7 870 affaires d’appel inscrites ou introduites en 1842, devant les sénats, il y en a 2 088 de terminées pendant la même année, c’est-à-dire seulement 26,5%. Sur ces 2 088 affaires terminées, 736 l’ont été, soit par transactions ou radiations du rôle, soit par déclaration d’incompétence des sénats, etc. ; 1 352 seulement ont amené des arrêts au fond. Sur ces 1 352, il y en a 815 confirmatifs et 542 qui ont infirmé le jugement de première instance. Ce sont 40 infirmations, sur 100 arrêts au fond, c’est 7% de plus que les infirmations prononcées en 1844 par nos cours royales, qui ont été en moyenne de 33%. Ainsi, à la différence de la commission supérieure de révision, qui admet beaucoup moins de pourvois que notre cour suprême, les sénats sardes réforment un peu plus d’arrêts que ne le font nos cours d’appel. Du reste, la fréquence des appels et leur succès attestent moins le mérite du tribunal supérieur que le vice du tribunal qui a jugé en première instance.

Jusqu’ici, et malgré bien des dissemblances, nous avons pu poursuivre la comparaison entre le compte rendu sarde et celui des tribunaux de France. Mais ici se rencontre, dans le rapport sur la justice civile en Sardaigne, une lacune qui interrompt forcément cette comparaison ; le compte rendu sarde omet entièrement la mention de la durée plus ou moins grande de chaque procès jugé par les sénats ; nulle part, ni dans le texte, ni dans les tableaux, on ne trouve l’indication des procès qui ont été jugés, soit dans les trois mois, soit dans les six mois, soit dans l’année de leur inscription sur le rôle du tribunal d’appel, ainsi que cela est constaté dans le rapport sur la justice civile de France. On conçoit combien est grave une pareille omission qui rend impossible de juger, soit le principal vice, soit le principal mérite de la justice sarde, c’est-à-dire sa promptitude ou sa lenteur. Peut-être y a-t-il chez nous nécessité plus absolue qu’en Sardaigne de faire la constatation du délai dans lequel le procès est jugé, parce que le décret du 30 mars 1808 (art. 80) prescrit le jugement des affaires civiles dans les trois mois de leur inscription au rôle, et que tout retard excédant ce terme est une contravention à la loi qui doit être mentionné ; nous ignorons s’il existe dans la législation sarde aucune prescription aussi impérieuse sur ce sujet. Néanmoins il est aisé de comprendre que, même en l’absence d’une loi spéciale et précise à cet égard, la mention du délai dans lequel les procès sont jugés est une partie essentielle et capitale de tout compte rendu de la justice civile. Il ne faut pourtant pas trop s’étonner de cette lacune quand on songe que ce travail, dont nous rendons compte, est le premier de ce genre qu’ait fait le gouvernement piémontais. C’est, comme le dit lui-même l’auteur du rapport, un point de départ qui sera suivi, sans doute, de perfectionnements progressifs.

Après les sénats, cours d’appel du droit commun, viennent ensuite, dans l’ordre des juridictions, les tribunaux de judicature mage, qui sont, en Sardaigne, l’analogue de nos tribunaux de première instance: de même que nos tribunaux de première instance, ils connaissent en premier ressort d’un certain nombre d’affaires, et en jugent d’autres en dernier ressort sur appel des juges de mandements, que l’on peut comparer à nos juges de paix. On compte 40 tribunaux de judicature mage, 8 dans le ressort du sénat de Savoie, 12 dans celui du Piémont ; le ressort du sénat de Nice en renferme 3 ; celui de Gênes, 7 ; enfin le ressort du sénat de Casal en contient 10. Ces 40 tribunaux pour une population de 4 125 000 âmes sont, à une fraction près, dans la même proportion numérique que nos 361 tribunaux civils de première instance pour 34 230 000 habitants.

Ces 40 tribunaux ont été, en 1842, saisis de 70 498 affaires, les unes, au nombre de 32 746, survenues pendant l’année, le reste légué par l’arriéré. Le nombre total des affaires terminées, soit par jugement ou transaction ou radiation du rôle, se montait à la fin de l’année à 28 718 ; en conséquence il en restait, au 1erjanvier 1843, 41 480 sur les rôles, ce qui donne un arriéré de 59%. Sur 26 917 jugements prononcés par ces tribunaux, 14 863 étaient définitifs et 12 154 interlocutoires.

Nous voyons qu’en France, en 1842, sur 175 000 affaires civiles, nos tribunaux de première instance en ont, dans l’année, jugé 128 000, c’est-à-dire 72% ; la proportion des jugements rendus par les tribunaux sardes avec les affaires à juger est seulement de 40%, ce qui accuse dans cette partie importante de la justice un arriéré grave. Nous sommes d’ailleurs ici placés dans la même impossibilité de vérifier le plus ou moins de promptitude avec laquelle ont été jugées les affaires qui ont obtenu la faveur d’un jugement : car ici, comme au chapitre des sénats, nous ne trouvons aucune indication de délai dans lequel les tribunaux de judicature mage ont prononcé.

Mais, en donnant la proportion des jugements définitifs et des interlocutoires, le rapport signale un autre vice de la justice sarde ; car il résulte des chiffres produits que les jugements définitifs ne sont plus nombreux que les interlocutoires que dans la proportion de 6 à 5 ; en d’autres termes, les jugements définitifs sont dans la proportion de 55% et les interlocutoires de 45%. En France, sur 128 000 jugements, il n’y en a que 32 772 d’interlocutoires, c’est-à-dire 25% ; c’est presque moitié moins qu’en Sardaigne. La multiplicité des jugements interlocutoires est un vice incontestable dans la justice dont le mérite est d’être prompte, et à l’expédition de laquelle s’opposent de nombreux avant-faire-droit.

Les tribunaux de judicature mage, ainsi que nous l’avons dit, ne rendent pas seulement en première instance des décisions susceptibles d’être portées en appel devant les sénats ; ils sont eux-mêmes aussi tribunaux d’appel et connaissent des sentences rendues par les juges de mandement lorsque celles-ci leur sont déférées. Ils ont en cette qualité prononcé 1 709 jugements, dont 1 446 au fond ; sur ces 1 446, 829 étaient confirmatifs et 817 annulaient la sentence des premiers juges ; en d’autres termes, ils infirmaient les décisions des juges de mandement dans la proportion de 43%.

Nous voyons dans le compte rendu de la justice civile de France que, sur 3 826 jugements prononcés par les tribunaux civils sur appel des juges de paix, 2 312, c’est-à-dire 60%, ont été confirmés, et 40%infirmés, ce qui est à 3% près la proportion des infirmations prononcées par les tribunaux de judicature mage jugeant sur appel des juges de mandement.

Les juges de mandement sont, dans la hiérarchie judiciaire sarde, l’analogue de nos juges de paix. Nous avons en France 2 847 juges de paix pour 34 230 000 habitants ; en Sardaigne il y a 417 juges de mandement pour une population de 4 125 765. En France nous avons un juge de paix pour 12 020 habitants ; en Sardaigne, un juge de mandement pour 9 894 habitants, c’est-à-dire à peu près 1 pour 10 000, ce qui est presque la même proportion qu’en France.

Les juges de mandement du royaume de Sardaigne ont eu à juger pendant l’année 1842, 244 434 affaires dont 11 497 leur avaient été léguées par l’année précédente. Sur ces 244 434 affaires, 200 179 ont été terminées dans le courant de l’année :

64 165 par désistement;

1 639 par jugements d’incompétence ;

64 130 par jugements contradictoires ou par défaut, définitifs ou interlocutoires ;

70 249 par conciliation.

On voit que les juges de mandement remplissent, comme nos juges de paix, l’office de conciliateurs ; ils ont ainsi concilié 70 249 causes, c’est-à-dire plus du quart de la totalité des affaires portées devant eux.

Ici nous ne pouvons établir aucune comparaison entre le chiffre des conciliations obtenues par les juges de mandement et celles qui sont en France l’œuvre de nos juges de paix. Chez nous, les juges de paix sont conciliateurs à deux titres principaux, l’un officieux et facultatif, l’autre légal et obligatoire. On sait que, d’après la loi du 25 mai 1838, aucune assignation ne peut être donnée par un huissier sans l’autorisation des juges de paix. Avant d’accorder cette autorisation, le juge de paix appelle presque toujours devant lui les parties à l’aide de billets d’avertissement délivrés sans frais, pour tâcher de les concilier en dehors de l’audience. En 1844, les convocations en conciliation ainsi adressées par les juges de paix de France ont été de 1 921 235, lesquels ont amené devant les juges de paix 884 209 affaires dont ils en ont arrangé 620 223, c’est-à-dire 73%, près des trois quarts.

Mais, outre les convocations qu’on peut appeler doublement facultatives, puisque le juge de paix est libre de ne pas les faire, et que les parties n’encourent aucune peine faute d’y obtempérer, il y a, d’après nos lois, les cas obligés de citation en conciliation devant le juge de paix, citation qui doit nécessairement précéder le procès, et sans laquelle l’instance ne serait pas régulièrement engagée. Le compte-rendu de notre justice civile en 1844 constate qu’il y a eu en France 66 916 citations en conciliation de cette nature. Dans 56 761, les parties ayant comparu, la conciliation a pu être tentée par les juges de paix qui ont amené des conciliations dans 27 112 (48%), près de la moitié ; dans 29 649, ou 52%, leurs efforts ont été infructueux.

Ce n’est pas tout : outre ces conciliations, obtenues soit au moyen d’avertissements spontanés, soit par suite du préliminaire légal de conciliation, nous voyons que, sur 669 821 affaires portées à l’audience des juges de paix, 251 821 ont été arrangées à l’amiable à l’audience même, ce qui est encore une conciliation nouvelle.

Si l’on additionnait tous ces résultats de conciliations obtenues par les juges de paix de France à des titres divers, on verrait qu’ils ont concilié les parties dans 899 156 cas, c’est-à-dire qu’ils ont concilié près d’un tiers de plus de procès qu’ils n’en ont jugé.

Ce qui rend toute comparaison impossible entre les chiffres français et ceux du compte rendu piémontais, c’est qu’en donnant le chiffre de 70 249 affaires conciliées en Piémont sur 244 000 affaires, le rapport n’explique pas bien de quelle espèce de conciliation il entend parler. Si ce chiffre de 70 000 forme le chiffre total des conciliations obtenues soit avant, soit pendant l’instance, c’est un résultat bien faible, surtout mis en regard des 899 000 conciliations accomplies par nos juges de paix.

Des éléments plus sûrs nous sont offerts pour la comparaison de l’arriéré des travaux des juges de paix de France et des juges de mandement sardes.

En France, nos juges de paix, sur 679 437 affaires portées devant eux, en ont terminé 669 821, c’est-à-dire qu’après avoir concilié 73% des affaires venues sur avertissement, et 48% de celles venues sur citation légale, ils ont expédié 99% des affaires parvenues à l’état de procès ; ils n’en ont laissé en arrière qu’une sur 100.

En Piémont, sur 244 434 affaires, les juges de mandement en ont terminé dans l’année 200 255, laissant 44 255 affaires arriérées, soit 18%, c’est-à-dire un nombre 17 fois plus considérable que l’arriéré des justices de paix de France !

Nous avons dit que le rapport dont nous rendons compte se divisait en deux parties distinctes : la justice civile proprement dite, et la justice commerciale. Il nous reste à parler de celle-ci ; nous le ferons en peu de mots, comme le fait le rapport lui-même, que nous analysons, et qui ne contient sur ce sujet que des documents incomplets.

En Piémont, la justice commerciale est rendue en première instance par les tribunaux spéciaux de commerce, et dans les villes où il n’y a pas de tribunaux spéciaux de commerce, par les tribunaux de judicature mage, par les juges de mandements et par les consulats.

Les tribunaux d’appel en matière commerciale sont au nombre de quatre seulement : les sénats de Gênes et de Savoie, les consulats de Turin et de Nice. Il paraît que, dans quelques cas, les tribunaux de judicature mage ont aussi à juger des causes de cette nature sur appel des juges de mandement ; ce sont des exceptions rares, dont il convient de ne pas nous préoccuper.

Il résulte du compte rendu qu’en 1842, 171 appels de commerce ont été déférés aux quatre tribunaux supérieurs dont nous venons de parler.

Ici la statistique du rapport piémontais manque d’un élément important. Ce n’est pas seulement le nombre des appels interjetés qu’il est utile de connaître ; c’est surtout le nombre de ceux qui pouvaient l’être, c’est-à-dire le chiffre des jugements qui étaient susceptibles d’être attaqués par la voie de l’appel, mis en regard de ceux qui l’ont été réellement. En France, sur 27 194 jugements rendus en matière commerciale, et qui étaient susceptibles d’appels, il n’y a eu que 2 230 appels interjetés devant la juridiction supérieure, c’est-à-dire 8 seulement sur 100, moitié moins qu’en matière civile, ce qui est un signe de confiance des justiciables dans la juridiction commerciale. Quelle est, en Piémont, la proportion des jugements de commerce dont on peut appeler, et des appels interjetés ? Le rapport sarde ne le dit pas et ne présente aucun des chiffres desquels on pourrait l’induire.

Sur les 171 appels portés devant les sénats et les consulats, le rapport constate qu’il en a été expédié 113, dont 50, c’est-à-dire 44%, ont amené des arrêts infirmatifs.

En France, sur 2 330 affaires commerciales déférées en appel aux cours royales, celles-ci en ont infirmé seulement 541, c’est-à-dire 30% au lieu de 44%en Piémont.

Sur 171 affaires, les tribunaux d’appel sardes en ont laissé 58 en arriéré, c’est-à-dire 34%. En France, sur 3 316 appels, nos cours royales en ont expédié 2 272, et en ont laissé en arrière 1 044, c’est-à-dire 31% ; c’est un peu moins, mais presque autant d’arriéré qu’en Piémont.

En première instance, les tribunaux de commerce sardes avaient à juger, en 1842, 5 317 affaires ; ils en ont expédié 3 864, 73% ; environ les trois quarts du nombre total. 1 453, c’est-à-dire 27%, restaient à juger au 1erjanvier 1843.

En France, nous avons eu, en 1844, 186 437 affaires commerciales à juger en première instance, dont 179 758, c’est-à-dire 96% ont été expédiées dans l’année ; 4% seulement restaient en arrière, au lieu de 27%en Piémont.

Ce qui frappe le plus dans la comparaison des chiffres français et sardes relatifs à la justice commerciale, c’est la singulière disproportion du nombre des affaires de commerce dans les deux pays.

En France, sur une population de 34 230 000 habitants, nous avons 186 000 procès commerciaux, c’est-à-dire 1 procès pour 183 habitants, ou 5,5 procès sur 1 000. En Piémont, 5 317 procès commerciaux pour une population de 4 125 765 personnes, ne donne qu’une proportion de 1 affaire sur 738 individus, soit un peu plus de 1 sur 1 000, c’est-à-dire de 4 à 5 moins qu’en France.

En France, où il y a 175 000 procès civils, le nombre des procès commerciaux dépasse celui des procès civils de 11 230. En Piémont, où le nombre des procès civils est de 70 198, ce sont les procès civils qui sont le plus nombreux; et, comme on le voit, dans une extraordinaire proportion ; car ils excèdent de 64 881 le nombre des affaires commerciales, c’est-à-dire qu’il y a en Piémont 13 fois plus de procès civils que de commerce, tandis qu’en France, le nombre des affaires commerciales, presque égal à celui des affaires civiles, ne cesse de l’être que pour les dépasser. Ce chiffre seul suffirait pour montrer l’immense différence du mouvement commercial qui existe en France et en Piémont.

Cette différence ne se voit pas seulement par la comparaison du nombre de procès dans les deux pays ; elle se manifeste encore non moins évidemment par les chiffres relatifs aux faillites. Le nombre régulièrement constaté de faillites en France a été, dans une seule année (1844), de 5 146, dont 2 109 liquidées, présentent un passif de 121 202 000 fr. En Piémont, il n’y a eu en 1842 que 57 faillites judiciairement établies. Ce nombre minime de faillites, comparé à celui de France, peut être invoqué, sans doute comme un signe de supériorité morale du commerce piémontais ; mais ce qu’il prouve surtout, c’est qu’en Piémont il se fait beaucoup moins de commerce qu’en France. Il y a de certaines misères sociales qui sont presque des signes de la richesse publique. Telles sont les faillites :en général on ne hasarde et l’on ne perd des millions dans le commerce que là où l’on trouve la chance d’en gagner plus encore. Les pays où les faillites abondent ne sont pas toujours les plus riches ; mais ce sont certainement ceux où l’on s’enrichit le plus.

De ce que la constatation judiciaire d’un grand nombre de faillites est l’indice d’un grand mouvement commercial, il ne faudrait pas conclure que partout où l’on ne voit point de faillites ainsi constatées, il n’y a point de commerce. Nous savons qu’aux États-Unis, le peuple le plus commerçant du monde, c’est à peine si l’on tient note des faillites qui arrivent. Il y a deux cas où les faillites n’apparaissent point dans un pays, c’est lorsqu’il y a peu de commerce, comme en Piémont, et lorsqu’il y en a beaucoup, comme dans l’Amérique du nord ; ceci prouve encore une fois avec quelles précautions il faut faire parler la statistique.

Dans le cours de l’examen auquel nous nous livrons en ce moment, il nous a paru plus d’une fois que la comparaison établie entre la justice civile sarde et la nôtre était à l’avantage de la France, et nous avons aussi montré quelquefois en quoi le rapport piémontais présentait, dans sa forme et dans son texte des lacunes, que n’offre pas le compte-rendu de la justice française. Il ne serait ni juste ni sage de passer ici sous silence les côtés par lesquelles la justice civile en Piémont est peut-être supérieure à la nôtre, et les circonstances dans lesquelles le rapport sarde est plus complet que le compte-rendu français. Et d’abord, nous trouvons dans le rapport sur la justice civile en Piémont un document important qui ne se rencontre pas dans le rapport français, c’est la statistique des travaux des membres du ministère public établi auprès des tribunaux piémontais, en première instance et en appel, civils ou commerciaux ; car on sait qu’en Piémont le ministère public a ses organes auprès des juges de commerce comme auprès des juges civils.

Il est tout à la fois intéressant et utile de connaître, par cette statistique, le nombre des affaires qui, auprès de chaque tribunal, étaient de nature à être communiquées au ministère public ; celui des affaires dans lesquelles le ministère public avait donné ses conclusions ; le délai dans lequel ils avaient rempli ce devoir de leur office ; et enfin le nombre des jugements rendus conformément ou contrairement à leurs conclusions. Le ministère public forme auprès des tribunaux une partie intégrante de l’institution judiciaire ; la loi, dans certains cas, lui prescrit même, en matière civile, une intervention qui ne saurait être indifférente. Il importe de savoir, il est utile de constater comment, en général, ce devoir est rempli et quelle est son influence sur l’accomplissement de la justice. Ainsi, nous voyons au tableau de la justice civile rendue par les tribunaux de judicature mage, qu’au commencement de 1842, sur 70 198 affaires civiles, 7 397 ont été communiquées aux membres du ministère public. Sur ces 7 397 affaires, les parties en ont retiré 651 avant leur expédition ; il a été fourni 5 775 conclusions ; 2 058 sur procès, 3 717 sur requête. 5 165, environ 89% ont été suivies par les tribunaux, en tout ou en partie ; 303 ne l’ont pas été ; il restait par conséquent 307 conclusions sur lesquelles les juges n’avaient pas encore statué. Le nombre des affaires non expédiées par le ministère public était de 971, un peu plus du huitième de la totalité. On voit par ce qui précède que le ministère public a son arriéré d’affaires civiles comme les juges eux-mêmes. En Piémont cependant, comme chez nous, le rôle du ministère public est exclusivement de conclure. C’est là, il faut le reconnaître, l’un des inconvénients de la communication obligatoire au ministère public, et c’est ce qui rend si délicat l’établissement de l’institution auprès des tribunaux de commerce dont la première condition, pour être salutaire, est de rendre une justice prompte. Quoi qu’il en soit, que les attributions du ministère public soient étendues ou restreintes, qu’il y ait lieu de critiquer ou de louer les travaux de ses membres, il nous semble que c’est une chose utile que de faire bien connaître sa part d’intervention dans l’exécution de la justice.

Mais le tableau de la justice civile en Piémont nous offre le spectacle d’une autre institution imitée du ministère public, dont elle est une heureuse extension, et que nous ne pouvons trouver établie et bienfaisante chez un peuple voisin sans l’envier pour notre propre pays. Nous voulons parler de l’avocat des pauvres, institué en Piémont auprès des principales juridictions civiles.

C’est assurément une belle et sainte institution que celle qui donne à tout indigent un défenseur légal et gratuit auprès de tous les tribunaux civils, et l’affranchit des frais énormes qui, partout, sont inhérents à la justice civile.

Quand on réfléchit à ce qu’il y a de nécessaire pour le pauvre dans une pareille institution, on est tout surpris de ne la point rencontrer dans les pays où la condition des pauvres est depuis des siècles l’objet de la sollicitude publique, et où il semble qu’on dépasse parfois les prescriptions mêmes de la charité.

N’est-ce pas un contraste choquant que chez les peuples les plus renommés pour leur civilisation avancée, à mesure que les lois civiles protègent mieux la propriété des citoyens en général, il y ait toute une classe de citoyens pour laquelle la justice, qui est la loi en action, devienne chaque jour plus inabordable ? Quel est en France le pauvre qui pût mener à bien un procès civil ? Quel est en Angleterre l’indigent qui put seulement l’entreprendre ? Étrange progrès qui perfectionne incessamment la protection pour les forts, et rend de plus en plus impossible l’appui que réclame le faible !

Dans tous les pays où quelque civilisation a pénétré, il a été reconnu qu’on doit un défenseur d’office à l’indigentqu’une accusation criminelle menace dans sa vie ou dans sa liberté, et l’on n’y donne pas au malheureux dont la misère fut l’effet d’une spoliation, le moyen d’obtenir justice. L’on ne voit pas que cet homme deviendra peut-être criminel envers ses semblables parce que ceux-ci n’auront pas d’abord été justes envers lui.

Àvoir les souffrances sociales auxquelles il est porté remède et celles, quelquefois plus grandes, qui ne reçoivent aucun adoucissement, il semble qu’une sorte de hasard inspire la bienfaisance publique et dirige tous ses actes ! Il est sans doute beau et humain de faire la charité au pauvre ; mais il faudrait d’abord pratiquer envers lui la justice. C’est une faiblesse de notre nature qui nous porte à ne mesurer le mal d’autrui que sur son excès. Cependant ce qui donne à une misère sociale le vrai droit d’être secourue, ce n’est pas d’être extrême, c’est d’être injuste et imméritée. Il est meilleur aussi pour la dignité des hommes de ne point leur donner à titre de compassion : mieux vaut leur donner à titre de justice. Mais, en général, ceci ne fait pas le compte de nos passions. La justice nous est moins douce que la bienfaisance ; nous accordons à la compassion ce que nous refusons à l’équité, et nous aimons mieux pratiquer une vertu que remplir un devoir ; tant il est vrai que l’égoïsme se retrouve jusque dans le dévouement !

Voici comment, en Piémont, est organisée l’institution de l’avocat des pauvres, et comment elle a fonctionné durant l’année 1842.

Il y a un bureau d’avocat des pauvres auprès de tous les tribunaux de judicature mage, c’est-à-dire auprès des tribunaux civils de première instance et auprès des tribunaux d’appel, les sénats. Ce bureau est occupé dans les principaux tribunaux par un magistrat institué à cet effet, et dont la fonction unique et exclusive consiste à instruire et à plaider la cause des pauvres. Telle est l’institution auprès des tribunaux de Turin, Gênes, Chambéry, Nice, Casal, Coni, Alexandrie et Novarre ; telle elle est aussi auprès des sénats de Savoie, de Piémont, de Gênes, de Nice et de Casal. Dans quelques tribunaux, la défense des intérêts du pauvre ne pourrait pas être l’œuvre d’un seul avocat ; c’est pourquoi plusieurs sont institués pour remplir le même office, et leur réunion forme, auprès du tribunal auquel ils sont attachés, le bureau de l’avocat des pauvres ; c’est un véritable ministère public des pauvres, qui a son chef et ses substituts. L’un des tableaux du compte rendu piémontais, nous donne le nombre exact des membres du bureau de l’avocat des pauvres auprès des sénats. Ils sont au nombre de 7 près du sénat de Savoie, 9 près du sénat de Piémont, 6 près de celui de Nice, et 5 auprès de chacun des sénats de Gênes et de Casal ; en tout, 32. Le ministère public, auprès de ces mêmes sénats, ne compte que 33 membres, c’est-à-dire 1 de plus seulement que les bureaux des avocats des pauvres ; ainsi la cause du pauvre y a autant d’organes que la société tout entière. Le rapport que nous analysons ne dit point quel est le nombre des avocats des pauvres auprès des tribunaux de judicature mage qui possèdent un bureau. Dans les tribunaux de moindre importance, il n’existe pas de titulaire investi en permanence de l’office d’avocat des pauvres ; mais la cause de ceux-ci n’y est cependant pas abandonnée ; elle est remise, selon le besoin des circonstances, à des avocats du barreau désignés accidentellement par les juges mages.

Le bénéfice de plaider sans frais devant les tribunaux de première instance et d’appel ne saurait appartenir à quiconque voudrait s’en prévaloir ; pour y avoir droit, il faut la réunion de deux conditions : 1° il faut être indigent ; 2° il faut avoir une juste cause de plaider. La faveur réservée aux pauvres est demandée au président de chaque juridiction, qui l’accorde sur l’avis préalable de l’avocat des pauvres, dont le bon droit et l’état de pauvreté ont été légalement vérifiés.

Toute procédure intéressant les pauvres doit donc, dans ce système, être précédée d’un examen préalable.

En Piémont, pendant l’année 1842, 3 084 requêtes à fin d’admission ont été présentées aux juges mages. Sur ces 3 084 demandes communiquées à l’avocat des pauvres, celui-ci a donné 1 795 conclusions favorables, soit 58 sur 100 ; 628 de rejet, ou 20%, et 661 préparatoires, ou 22%. À la fin de l’année, l’examen préalable de toutes ces demandes avait eu lieu. Mais restait à juger le procès même dans tous les cas où, sur cet aperçu, la requête n’avait pas été repoussée.

Les tribunaux de judicature mage ont été, pendant l’année 1842, saisis de 4 638 affaires intéressant les pauvres, dont 2 738 arriérées et 1 900 affaires nouvelles. Sur ces 4 638 affaires, 1 445 ont été terminées à la fin de l’année, 460 par transactions, 985 par jugements définitifs ; 977 ont en outre été l’objet de jugements interlocutoires. Il restait par conséquent à expédier, à la fin de l’année 1842, 3 193 affaires concernant les pauvres, c’est-à-dire 68%. Sur les 985 jugements définitifs, 756, ou 76%, ont été en faveur des pauvres ; 229, ou 24% seulement, ont été contre eux. Sur 977 jugements interlocutoires, 777, ou 80%, leur ont été favorables ; 200 seulement, ou 20%, leur ont été contraires. Voilà donc 756 d’une part et 777 de l’autre, en tout 1 533 procès dans lesquels le bon droit du pauvre est reconnu par le bienfait d’une institution sans laquelle le pauvre n’eût point trouvé de justice. Ces 1 533 procès en voie d’être gagnés par les pauvres représentent peut-être 1 533 familles sauvées de la misère ; supposez la même institution en France, produisant les mêmes effets accrus dans la proportion de nos 34 230 000 habitants comparés aux 4 125 000 Piémontais, et nous aurions le chiffre de 12 721 procès gagnés ou sur le point d’être gagnés par des indigents passant peut-être ainsi de la misère à l’aisance.

Devant les sénats, cours d’appel du Piémont, le nombre des requêtes adressées pendant l’année 1842, à l’effet d’être admis au bénéfice des pauvres, a été de 903. Toutes ont subi dans l’année l’examen préparatoire. 647, ou 72%, ont été expédiées sur conclusions d’admission, mais toutes n’ont pas été jugées si vite.

Le nombre total des affaires du bureau des pauvres dont les sénats étaient saisis en 1842 s’élevait à 876. 218 seulement, c’est-à-dire 25%, ont été terminées dans l’année : 62 par transactions, 20 par désistement, et 136 par arrêts définitifs ; il restait ainsi, à la fin de l’année, un arriéré de 75%.

Sur les 136 arrêts prononcés, 85, c’est-à-dire 62%, près des deux tiers, ont été entièrement favorables aux pauvres ; 27, ou 20%, ne l’ont été qu’en partie, et 24, ou 18%, leur ont été contraires.

Il faut ajouter qu’outre les 136 arrêts définitifs, il en a été rendu 91 interlocutoires, dont 38, soit 42%, entièrement favorables aux pauvres, 43 favorables en partie seulement, c’est-à-dire 47%, et 10 contraires, soit 11%. Le rapprochement des arrêts, tant définitifs qu’interlocutoires, rendus pour ou contre les pauvres, montre que, sur 100 arrêts, 54 sont entièrement en leur faveur, 31 ne le sont qu’en partie, et 15 seulement leur sont contraires. Il est impossible de constater de pareils résultats, qui attestent à un si haut degré le libéralisme de l’institution et la généreuse équité du juge, sans consigner en même temps l’admiration et la sympathie qu’ils inspirent.

Tout, dans le tableau qui vient d’être présenté, serait une source de satisfaction, si la statistique qui nous fait connaître les jugements et arrêts rendus au sujet des pauvres ne nous apprenait en même temps les retards considérables qu’éprouvent, soit en première instance, soit en appel, un très grand nombre d’affaires de cette nature. On voit, en effet, par les chiffres qui précèdent que l’arriéré des procès qui, devant les tribunaux de judicature mage, est en général, pour les affaires civiles, de 59%, s’élèvent à 68% devant les mêmes tribunaux pour les affaires du bureau des pauvres, et que cet arriéré, qui pour les procès civils en général devant les sénats est de 72%, s’accroît encore et s’élève au chiffre de 75% pour les affaires du bureau des pauvres. Lorsque l’on mesure toute l’étendue de cet immense et incroyable arriéré, lorsque l’on songe que la première condition de toute justice, pour être bonne, c’est d’être prompte, et que l’on considère que, pour le pauvre qui ne saurait attendre, cette promptitude du jugement, c’est la justice même, on est obligé de reconnaître une de ces deux choses, ou qu’il y a dans une institution, d’ailleurs admirable, un mode défectueux d’exécution, ou que cette institution d’un ordre supérieur est confié à des agents qui ne sont pas à son niveau. La cause des pauvres devrait être expédiée plus vite que toutes les autres, par deux raisons indépendantes même du privilègede l’indigence :

1° Parce que l’examen préalable dont elles sont l’objet de la part d’un arbitre impartial élève en leur faveur un préjudice de bon droit qui provoque la justice ;

2° Parce que, les frais du procès étant à la charge de la société, il faut au moins que ces frais ne soient pas perdus, et ils courent toujours risque de l’être lorsque la justice a été tardive, et que le justiciable était pauvre.

Quoi qu’il en soit, et quelles que puissent être les imperfections d’exécution, le bureau des pauvres, établi près des tribunaux du Piémont, n’en est pas moins une institution excellente. Elle est du nombre de celles qu’on est heureux de rencontrer parmi les peuples, et dont notre siècle semble destiné à voir le développement.

Ces institutions, qui s’attaquent à toutes les grandes injustices sociales, sont les véritables institutions de notre époque. Elles naissent tous les jours dans tous les climats, sous tous les gouvernements, républicains ou monarchiques, absolus ou constitutionnels ; elles germent partout où elles ne sont pas encore nées ; elles sont en possession du monde, ou plutôt l’humanité est en possession d’elles ; toutes les sociétés quelles qu’elles soient, sont en travail de les produire.

Au lieu de chercher le remède des misères sociales dans des théories très effrayantes et très vagues, beaucoup de novateurs, aussi impuissants que bien intentionnés, feraient beaucoup mieux d’étudier ce qui existe chez tous les peuples, en cherchant ce qui déjà pourrait leur être emprunté de salutaire. Il n’y a peut-être pas de pays, si arriéré qu’on le suppose, dans lequel on ne rencontrât quelque institution utile aux classes laborieuses, fonctionnant bien, inconnue ailleurs, et d’où l’on pût en rapporter le modèle, nonseulement fondé sur un principe abstrait, mais sur des observations pratiques, qui, pour le succès de toute institution, sont l’institution même. Voyez le Piémont : outre l’avocat des pauvres, établi près ses tribunaux, ne vous offre-t-il pas encore l’institution, non moins belle, du médecin des pauvres, établi, dans presque toutes les communes de ce royaume ?

C’est une très vieille opinion que dans toute société il existe une certaine somme de misère extrême, juste ou injuste, méritée ou imméritée, qu’il n’est au pouvoir de personne de détruire, et contre laquelle toute institution publique est impuissante. Dans un tel système, à quoi bon combattre le mal ? on le déplace, mais on ne le détruit pas. Il n’est pas dans ce monde de préjugé plus triste et plus faux. Ce préjugé, Dieu merci ! tombe chaque jour devant l’évidence des faits ; chaque jour on reconnaît qu’il n’existe pas de grande misère sociale dont quelque sage institution ne puisse offrir le remède.

Si, il y a un siècle et demi, on eût annoncé qu’un jour viendrait où la population tout entière serait arrachée à la grossière ignorance, et recevrait au moins le bienfait de l’instruction élémentaire, on eût traité d’utopie généreuse une pareille prophétie qui, dans ce moment même, s’accomplit sous nos yeux.

Si, il y a seulement un demi-siècle, on eût prédit qu’une institution communale s’établirait, au moyen de laquelle l’enfant de l’ouvrier trouverait presque gratuitement, pendant le jour, un abri salutaire, des soins éclairés, des éléments d’instruction et d’éducation, et serait ainsi préservé de tous les périls de l’abandon et de tous les vices d’une enfance oisive, pendant que ses parents se livreraient au travail nécessaire à la vie de la famille entière, on eût encore vu là le rêve d’une philanthropie pleine d’illusions, et l’on eût traité de chimérique l’établissement de ces salles d’asiles qui prospèrent aujourd’hui sous nos yeux, et sont destinées, partout où elles existent, à tarir l’une des sources les plus abondantes de la misère des classes laborieuses.

Et si, il y a seulement vingt ans, alors que les salles d’asile ont paru sur la scène, quelqu’un eût annoncé que cette institution bienfaisante, établie pour les enfants sevrés et non adultes, serait un jour étendue aux enfants nouveau-nés, aux enfants à la mamelle; que chacun de ces enfants trouverait dans la maison commune un berceau et une nourrice, sans que le lien de la famille, laissé et repris deux fois chaque jour, fût un seul instant rompu ni relâché, on eût bien certainement déclaré immoral et chimérique l’établissement des crèches que nous voyons déjà fonctionner, au grand bienfait matériel et moral de la population ouvrière.

Bien d’autres institutions du même genre s’élèveront parmi les peuples, précédées des mêmes incrédulités ; il s’en établira beaucoup d’autres, parce qu’il y a encore à combattre beaucoup de misères sociales, qui sont aussi grandes et aussi injustes que celles auxquelles on a déjà appliqué un remède efficace. Les institutions de cette nature doivent prendre l’homme à son berceau, et, le suivant à travers toutes les phases de sa vie, l’accompagner jusqu’à la tombe. Que ceux qui doutent de l’avenir réfléchissent à ce qu’ont déjà d’efficace des institutions crues longtemps impossibles, et à toutes celles qui sont encore à fonder, et ils comprendront toute l’étendue du bien qui sera accompli, quand on aura ainsi tari les grands courants auxquels s’alimente la misère des classes laborieuses. C’est une opinion fausse et injurieuse à l’humanité, que de croire qu’il y a sur cette terre toute une classe d’êtres fatalement destinés, par les institutions mêmes, à être malheureux. Il existe des hommes qui, quoi qu’on fasse, seront malheureux par leurs vices ; nul ne doit l’être par le vice des institutions, qui ne sont justes que si chacun a le pouvoir d’être heureux sous leur empire. Sans doute, quelles que soient les lois, il y aura toujours des misères, mais même dans les conditions d’une inévitable inégalité, il y a une somme de bien-être à laquelle tous doivent pouvoir atteindre, et de certaines misères dont tous doivent pouvoir s’affranchir.

Ce sont là des vérités élémentaires, et cependant ce sont des vérités auxquelles on ne croit que lorsqu’elles se traduisent en faits. Assurément, rien n’est plus naturel que l’institution d’une justice civile gratuite pour le pauvre. Cependant en France, où elle n’existe pas, nous croyons possible de l’établir, bien moins parce que c’est une chose juste que parce que nous la voyons fonctionner en Piémont. Maintenant, si en Piémont on voulait établir l’institution des conseils de prud’hommes, qui chez nous sont la justice gratuite de l’ouvrier, mieux vaudrait peut-être, pour le succès de l’entreprise, invoquer l’exemple de la France que la sagesse de l’institution. Les peuples peuvent ainsi, dans cette voie, se donner les uns aux autres de salutaires enseignements, plus puissants que la logique, d’ailleurs très utile, des philosophes. La plus grande science des sages, c’est peut-être de savoir prendre la sagesse partout où elle se montre sous une forme pratique. Rarement ils parviennent à l’inventer en la prenant toute dans leur cerveau. La France à laquelle tous les peuples de l’Europe doivent tant de progrès, à laquelle le Piémonta tant emprunté, notamment pour sa législation civile, peut, comme nous venons de le voir, faire aussi plus d’un emprunt utile à la législation sarde. C’est seulement en se faisant mutuellement de pareils emprunts, que les peuples pourront avancer rapidement dans la voie de ces améliorations sociales qui caractérisent et honorent le temps où nous vivons. Des moyens de communication chaque jour plus faciles rendent désormais inévitables ces emprunts réciproques. Les peuples sont comme les individus, ils n’ont besoin que de se voir pour s’imiter.

À la suite de la lecture du mémoire de M. de Beaumont, M. CHARLES LUCAS présente quelques observations. Il s’applaudit de voir les États les plus éclairés de l’Europe imiter successivement les beaux travaux statistiques publiés en France sur l’administration de la justice criminelle, civile et commerciale, et il pense qu’assurément lorsque ces divers travaux auront acquis les perfectionnements qu’ils ne sauraient avoir à leur début, ils pourront sur certains points et à certaines conditions, servir à l’étude des résultats comparés que la science a intérêt à rechercher et à recueillir. Mais il pense qu’en raison des profondes différences qui existent généralement entre les institutions civiles, administratives et politiques d’un pays et les institutions d’un autre pays, il faut agir à cet égard avec beaucoup de sobriété, et que la principale valeur de ces divers documents consiste surtout à faire connaître et apprécier l’administration de la justice civile, commerciale et criminelle du pays qui en publie les comptes rendus. C’est donc au point de vue local et spécial de chaque pays qu’il faut surtout en envisager et faire ressortir la principale utilité.

M. Lucas étend même cette observation à l’administration de la justice criminelle, sur laquelle le gouvernement sarde n’a encore publié aucun compte rendu, lacune qu’assurément l’esprit progressif et éclairé de ce gouvernement saura bientôt remplir. Il semblerait au premier abord qu’en matière de justice criminelle les comptes rendus doivent facilement servir à des résultats comparés propres à établir la moralité relative des divers pays, prise au point de vue du mouvement de la criminalité. Il n’y a rien pourtant de plus difficile et de plus délicat que d’aspirer à une pareille conclusion. Sans sortir de l’Italie, qu’on prenne par exemple le royaume de Naples, qui publie depuis plusieurs années des comptes rendus de la justice criminelle ; ce royaume est incontestablement le pays de l’Italie où les institutions de la justice civile et criminelle ont le plus d’analogie avec les institutions françaises. Eh bien, en comparant les comptes rendus de la justice criminelle dans les royaumes de Naples et de France, on arriverait, sur plusieurs points, à un chiffre proportionnellement plus élevé de criminalité en France, et on serait conduit ainsi à en tirer les conséquences les plus fausses, parce que ce résultat tient uniquement à la vigilance plus active qu’apporte l’administration en France dans la recherche et la poursuite des délits et des crimes. Pour apprécier sainement la situation morale de deux pays, toujours au point de vue du mouvement de la criminalité, il faudrait un premier chapitre qui ne se rencontre pas dans ces comptes rendus, celui de tous les délits et les crimes qui ont été commis, tandis qu’on ne donne que l’indication de ceux dont les auteurs ont été reconnus et jugés, soit contradictoirement, soit par contumace. Il suit de là que le pays dont le gouvernement est le plus habile à saisir et atteindre les malfaiteurs, est exposé à présenter les plus gros chiffres dans les comptes rendus de l’administration de la justice criminelle.

Pour en revenir au compte rendu de la justice civile et commerciale dans le royaume de Sardaigne, M. Lucas craint que les nombreux rapprochements établis par le mémoire de M. de Beaumont, entre la situation de la France et de la Sardaigne, ne fassent trop ressortir les similitudes, et pas assez les profondes différences que présentent l’organisation et la distribution de la justice dans ces deux pays. Ces différences sont telles, qu’elles rendent très difficile l’étude et l’appréciation surtout des résultats comparés, et lorsque M. de Beaumont, par exemple, a dit que la cour de cassation du royaume sarde avait prononcé plus de rejets, et s’était montrée plus sobre de cassation que celle de France, il constatait un résultat qui tient à des circonstances particulières et à des différences qui repoussent, à cet égard, tout rapprochement sérieux entre les deux pays.

Quant à la justice commerciale, M. de Beaumont a eu raison de dire qu’on devait naturellement s’attendre à trouver en France un chiffre de faillite proportionnellement plus élevé que dans le royaume sarde, mais on ne saurait admettre l’exemple des États-Unis au nombre de ceux qu’on puisse citer, pour expliquer, dans une limite juste et raisonnée, le mouvement des faillites par l’extension même du mouvement commercial. Les Américains ont un esprit aventureux qui amène fréquemment les plus désastreuses conséquences. La loi ne les oblige pas même à faire inventaire. En France, on peut contrôler la gestion des commerçants. En Amérique, il y a sous ce rapport une prime continuelle d’encouragement au désordre des affaires commerciales. La faillite est la lèpre du commerce américain.

M. Ch. Lucas termine en s’occupant de l’institution de l’avocat des pauvres ; il s’associe aux éloges qui lui ont été donnés par M. de Beaumont, mais toutefois il ne faudrait importer cette institution en France que sous bénéfice d’inventaire. Les meilleures institutions ont leurs abus : l’institution de l’avocat des pauvres a eu les siens. Sans doute on ne saurait aspirer à la rendre parfaite ; mais au moins faudrait-il s’attacher à en écarter les imperfections que la prudence permet de prévoir et de prévenir. Le défaut de cette institution en Sardaigne, c’est que l’avocat des pauvres, qui tient à la fois du gouvernement sa nomination et son traitement, n’a plus l’indépendance de sa noble profession. En laissant le traitement à la charge de l’État, il faudrait que le titre d’avocat des pauvres fût une fonction conférée chaque année par l’élection du barreau, aux plus dignes qui ambitionneraient successivement l’honneur de la remplir. On concilierait ainsi l’intérêt de la libre défense du pauvre avec celui de l’indépendance de l’avocat.

M. GUSTAVE DE BEAUMONT combat les différentes observations présentées par M. Charles Lucas. En énonçant des faits, il ne perd pas de vue les différences qui existent entre les institutions des deux pays, du Piémont et de la France. Pour ce qui concerne l’institution de l’avocat des pauvres, M. Gustave de Beaumont pense que si le gouvernement français l’adoptait, ce ne serait qu’après un examen sérieux et avec les modifications propres à mettre cette sage institution en harmonie avec nos mœurs et nos lois.

M. COUSIN, répondant aux observations présentées par M. Charles Lucas au sujet de l’institution du bureau des pauvres, dit qu’il ignore s’il y a eu des faits fâcheux, et si M. Lucas a des renseignements particuliers à cet égard ; mais il déclare que, pour lui, en voyageant en Piémont, il a toujours vu fonctionner admirablement cette populaire institution. Nulle part M. Cousin n’en a entendu faire la critique ; cette législation est au contraire un sujet d’orgueil pour les Piémontais.

En général, M. Cousin pense que les divers États de l’Europe ont des ressemblances assez profondes pour que des statistiques comparées, faites d’après les principes de la critique, puissent être fort utiles. « Je crois, dit M. Cousin, à une future unité politique de l’Europe, et cette unité politique de l’Europe sera fondée sur l’unité morale qui partout se fait sentir. Les États différents de l’Europe sont des membres d’une même famille qui peuvent se faire d’utiles emprunts. Ainsi, pour l’instruction primaire, quels progrès aurions-nous accomplis, si on s’était arrêté devant cette considération, que les institutions diffèrent ; il faut à la fois prendre garde aux différences et s’appuyer sur les ressemblances. Je citerai pour exemple l’Allemagne, la Hollande, l’Écosse ; ces pays diffèrent de la France ; mais quand il s’agit de méthodes pour écrire, lire et compter, elles sont applicables partout. Sans doute, il ne faut pas importer brusquement, mais il faut faire connaître ce qu’il y a intérêt à faire connaître et imiter ce qui peut être imité. Il faut demander aux statistiques d’être exactes, si cela se peut. Pour l’instruction primaire en Hollande et en Prusse, il y a des moyens certains de vérification ; je m’y suis fié. J’approuve M. Charles Lucas quant à la nécessité de la circonspection et de la prudence ; mais il ne faut pas dire que les statistiques comparées soient inutiles. M. Charles Lucas lui-même n’a-t-il pas fait connaître avec avantage et profit les statistiques des prisons de tous les pays ? Son exemple doit donc encourager, et non sa critique intimider. Pour ce qui est relatif au bureau de l’avocat des pauvres, je répète que je ne puis qu’approuver cette institution, et je fais des vœux pour que la question soit l’objet d’études spéciales de la part de notre gouvernement, et qu’une commission soit chargée de rechercher les moyens de la faire entrer dans notre organisation civile et judiciaire. Il faut donner cette marque d’intérêt aux classes inférieures, au peuple, qu’il importe d’aider et de relever. Mais j’entends, dit M. Cousin, que les fonctions de l’avocat des pauvres ne soient pas une charge privée, confiée à tel ou tel membre du barreau ; non, je veux que, comme en Piémont, ce soit une charge publique, un ministère public ; à ce titre seul, il honore la société tout entière ; il est une institution patriotique, noble, sérieuse, efficace. »

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