Rapport sur “Les conséquences de l’antisémitisme en Russie”

Préfacé par Gustave de Molinari, l’ouvrage de Chmerkine sur les conséquences de l’antisémitisme en Russie (1897) est présenté la même année à l’Académie des sciences morales et politiques par Frédéric Passy. Celui-ci salue la consciencieuse enquête dressée sur les conséquences économiques des pogroms, généralement moins étudiées, et souligne que ce cas montre une nouvelle fois que les mesures arbitraires et compressives appauvrissent même ceux qui les prennent.


Frédéric Passy, Rapport sur Les conséquences de l’antisémitisme en Russie, par M. Chmerkine, Paris. Guillaumin, 1897, Séances et Travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, t. 148, 1897, p. 277.

Les conséquences de l’antisémitismeen Russie Par M. Chmerkine,

Avec une préface de M. G. de Molinari.

M. Frédéric Passy : — Ce sont les conséquences économiques, dont en général on se préoccupe moins que des conséquences morales, que M. Chmerkine a cherché à étudier dans ce livre.

Dépouillant les statistiques, analysant les documents officiels, comparant le mouvement des affaires, les chiffres de la production et les prix, avant et après les mesures de rigueur appliquées aux Juifs, il est arrivé à cette conclusion, à laquelle souscrit à son tour M. G. de Molinari, que la proscription des Juifs, loin de réduire la misère et de décharger, comme on se l’était peut-être promis, les paysans du poids de l’usure, avait, au contraire, rendu le crédit plus rare et plus onéreux, les affaires plus difficiles, paralysé le commerce, et, finalement, en ralentissant la production et en entravant la circulation des céréales, considérablement accru, sinon même provoqué, la cruellefamine de 1891. Assurément ce n’était pas le seul, ni peut-être le principal côté de cette redoutable question juive, rendue si aiguë et si menaçante par la violence des passions et la persistance des préventions ; mais c’est un côté qui ne doit pas être négligé. L’étude de M. Chmerkine démontre, une fois de plus, que les mesures d’exception tournent toujours, sous une forme ou sous une autre, contre ceux qui les prennent et, pour demeurer sur le terrain économique, que tout ce que l’on entreprend contre ce que l’on appelle les abus de la concurrence ne fait qu’aggraver ces abus en les transformant en monopoles et en privilèges sans contre poids.

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